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La protection de l'enfance dans les pays africains sortant d'une crise armée : cas de la Côte d'Ivoire

( Télécharger le fichier original )
par Sedjro Leonard SOSSOUKPE
Universite de Nantes - Master 2 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE NANTES

FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES DE NANTES

ET UNIVERSITES ASSOCIEES

AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2009-2010

THEME :

LA PROTECTION DE L'ENFANCE DANS LES PAYS AFRICAINS SORTANT D'UNE CRISE ARMEE : CAS DE LA CÔTE D'IVOIRE

MEMOIRE DE RECHERCHE POUR L'OBTENTION DU

MASTER 2 SPECIALITE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN

DES DROITS FONDAMENTAUX

Présenté par : Tuteur :

Sèdjro Léonard SOSSOUKPE M. Jérôme Benzimra-Hazan

Ingénieur d'études en droit public à

l'Université Paris II,

Secrétaire général du Centre de

recherches sur les droits de l'homme

Dédicaces

Ce mémoire est dédié :

A tous les enfants du monde et particulièrement ceux des pays victimes de conflits armés ;

A feu mon père Sèdjro pour ses oeuvres en faveur du droit l'éducation et de l'instruction pour tous les enfants ;

A ma mère Mêdénoukou pour ses sacrifices ;

A mon épouse Pascaline pour ses sacrifices, sa compréhension et l'acceptation de cette vocation que je me suis donnée pour la défense des droits humains et la paix dans le monde;

A mes enfants Gracia, Olivia, Christopher et Frédy, et à mes neveux et nièces Annick, Ostwald et Morel pour qui ce travail est un exemple à suivre et à dépasser.

Remerciements

Je remercie tout le personnel de Faculté de droit et de sciences politiques de l'université de Nantes, le collège pédagogique et tout le corps professoral pour toutes les diligences faites en vue de l'aboutissement de cette formation.

J'exprime toute ma gratitude vis-à-vis de monsieur Jérôme Benzimra-Hazan pour le suivi et l'encadrement de ce travail.

Mes remerciements s'adressent également à :

Ø Monsieur Touré Mamadou respectivement président de la section de tribunal de Bondoukou et Procureur de la république près la section de tribunal de Bondoukou ;

Ø Monsieur Bamadou Coulibali, vice-président de la section de tribunal et juge des enfants ;

Ø Monsieur Noël Désiré Gnéka, Chef du service de la liberté surveillée de Bondoukou ;

Ø A Monsieur Aimé Kouadio, Chef d'antenne de l'ONG Save the Children Suède de Bondonkou ;

Ø A Mademoiselle Massouga Timité pour son soutien et ses encouragements.

Avertissement

Les opinions émises dans ce document sont personnelles à l'auteur et ne doivent nullement être considérées comme celles de l'organisation dont l'auteur est fonctionnaire ou employé.

Définition des sigles et abréviations

CDE : Convention relative aux droits de l'Enfant

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CPI : Cour Pénale Internationale

FANCI : Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire

FAFN : Forces Armées des forces Nouvelles

FIDH : Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme

HCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les Refugiés

ONUCI : Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire

ONU : Organisation des Nations Unies

PAM : Programme Alimentaire Mondiale

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

SOMMAIRE

Avertissement 6

Définition des sigles et abréviations 7

SOMMAIRE 8

INTRODUCTION 9

PARTIE I : APERÇU DES VIOLATIONS GRAVES DES DROITS DE L'ENFANCE ET LES FACTEURS EN CAUSE 13

CHAPITRE I. LES FORMES GRAVES ET COURANTES DE VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANCE 14

Section I.  Les violations étroitement liées à la crise et impliquant directement les forces en présence 14

Paragraphe 1. Le recrutement d'enfants-soldats et ses motivations 15

Paragraphe 2. Le recrutement dans les milices 19

Section II. Les autres violations graves des droits de l'enfance liées à la crise 26

Paragraphe 1. Les violations énumérées par le Bureau du Représentant spécial des Nations. 26

Paragraphe 2. Les autres préjudices graves à causes conjoncturelles 31

CHAPITRE II : LES FACTEURS EN CAUSE 35

Section I. Les facteurs conjoncturels 35

Paragraphe 1. Les facteurs militaires et politiques 35

Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil étatique 42

Section II. Les facteurs structurels 43

Paragraphe 1. Les facteurs historiques et économico-socio-culturels 44

Paragraphe 2. Le cadre normatif interne et le faible engagement de l'Etat dans les instruments internationaux 50

DEUXIEME PARTIE: LA PROTECTION DES ENFANTS DANS LE CONTEXTE IVOIRIEN 62

CHAPITRE I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION 63

Section I. La protection juridictionnelle et quasi juridictionnelle 63

Paragraphe 1. La protection de l'enfance par le juge pénal 63

Paragraphe 2. La protection par le juge civil et la protection quasi juridictionnelle 73

Section 2. La protection extra juridictionnelle 78

Paragraphe 1. La protection par le plaidoyer 79

Paragraphe 2. La protection par la réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en charge 84

CHAPITRE I. LES CONSTATS ET LES ENSEIGNEMENTS SUR LA PROTECTION 87

Section I. L'inefficacité partielle de la protection 87

Paragraphe 1. L'inefficacité liée aux organes étatiques et organismes internationaux 87

Paragraphe 2. Les faiblesses de la protection par les ONG 95

Section 2 : La responsabilité des violations et les enseignements liés à la protection 100

Paragraphe 1.La responsabilité partagée de l'Etat et de la rébellion 100

Paragraphe 2 : Les enseignements liés à la protection 102

Conclusion générale 107

Bibliographie 109

Table des matières 115

INTRODUCTION

La protection de l'enfant s'entend de la prévention et de la lutte contre toute forme d'abus, de négligence, d'exploitation et de violence infligés aux enfants. Le mot enfant vient du latin "infans" qui signifie "celui qui ne parle pas."1(*) Cette origine du mot enfant exprime l'idée de faiblesse ou de vulnérabilité.

« La définition d'un mineur ou d'un enfant peut varier d'un pays à l'autre. De manière analogue, la loi n'établit pas toujours une distinction parfaitement claire entre enfant et mineur »2(*) Dans son effort pour protéger et promouvoir les droits de l'enfant, l'ONU à travers la résolution 44/25 du 20 novembre 1989 de l'Assemblée Générale portant la Convention relative aux droits de l'enfant a définit l'enfant comme  : «... tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ».3(*) La Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant est plus large sur cette définition que la convention onusienne. Son article 2 stipule en effet « Aux termes de la présente Charte, on entend par "Enfant" tout être humain âgé de moins de 18 ans ».

La protection des enfants est un sujet auquel la communauté internationale a consacré une attention significative et est une question thématique à l'ordre du jour du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Dans sa Résolution révolutionnaire 1612, celui-ci a demandé l'établissement d'un mécanisme de surveillance et de reportage (MSR) destiné à améliorer notablement la protection des enfants dans les conflits armés par la collection et la disposition "de l'information opportune, objective, précise et fiable," pour que soit renforcée la capacité du Conseil de sécurité pour prendre l'action concrète sensible.

Malgré cette attention et ce souci de préserver l'enfance, la vulnérabilité et les besoins spécifiques des enfants sont souvent rendus plus cruciaux par les situations de conflit armé qui éclatent et perdurent de par le monde et surtout en Afrique noire, fragilisant davantage le sort des enfants notamment en République Démocratique du Congo, en Somalie, au Tchad et en Côte d'Ivoire.4(*)

S'agissant de la Côte d'Ivoire, depuis septembre 2002, le pays est confronté à une crise politique et militaire. Les affrontements militaires ont cessé en octobre 2004 mais, malgré différents accords, la réunification définitive du pays tarde à se réaliser, en dépit du déploiement de forces onusiennes et françaises sous mandat onusien dont l'un des objectifs est d'aider à la réalisation de cette unification. Pendant ce temps, les forces rebelles aujourd'hui appelées Forces Nouvelles, disposant d'une force militaire, continuent de contrôler la moitié nord du pays. Cette situation de "ni paix, ni guerre" et de division du pays en deux zones séparées par une ligne verte qui a remplacé la Zone de Confiance5(*) ne favorise pas la situation des droits de l'homme, et néglige singulièrement l'enfance.

Or l'Etat de Côte d'Ivoire a souvent manifesté peu d'engouement à se lier par des accords internationaux relatifs aux droits de l'homme en général et ceux des enfants en particulier. A cet égard il parait utile de s'intéresser à la situation de l'enfance, non pas relativement au moment de la guerre, puisque celui-ci s'éloigne déjà dans le temps, mais en relation avec le contexte actuel de "ni paix ni guerre", étant donné que les rebelles sont toujours en arme.

C'est dans ce contexte que nous envisageons de mener cette étude dont l'intitulé est "La protection de l'enfance dans les pays africains sortant d'une crise armée : cas de la Côte d'Ivoire"

Afin de circonscrire le sujet, nous ne l'avons pas étendu à la question des rebelles individuellement considérés, ce qui aurait pour conséquence de nous astreindre à des développements sur des thématiques qui ont déjà fait l'objet d'amples études dans le cadre de cette même formation. Nous le situons dans le contexte de partition du pays dont une portion est contrôlée par des rebelles. Ainsi nous ne nous intéresserons pas à la question de la responsabilité des enfants soldats, sachant que cette responsabilité fait partie de celle des dirigeants rebelles. Cependant nous y inclurons la question du recrutement d'enfants dans les milices et dans la rébellion qui constitue l'une des violations les plus graves des droits des enfants retenues par le Bureau du Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés.

Nous avons fondé cette étude, prioritairement bien entendu, sur les instruments nationaux, régionaux et internationaux ayant vocation à protéger l'enfance en particulier, mais aussi sur ceux relatifs aux droits de l'homme en général. Les instruments nationaux ont donc été exploités. Il s'agit essentiellement de la Constitution, et des codes de Côte d'Ivoire.

Au plan régional, l'étude s'est intéressée à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de juillet 1990.

Au plan international, notre étude s'est référée en priorité à la Charte des Nations Unies, à la Déclaration Universelle des droits de l'Homme, à la Convention relative aux droits de l'enfant et à certains instruments internationaux adoptés dans le cadre de l'OIT.

Dans le même souci de documentation, ce travail s'est inspiré des ouvrages généraux et spécifiques ainsi que des rapports, des productions du système des Nations Unies, d'articles de revues et autres articles de presse qui se sont intéressés à la question.

La présente étude s'organise autour de deux parties : aperçu des graves violations des droits de l'enfance et des facteurs en cause (Partie I), la protection de l'enfance dans le contexte ivoirien (partie II).

PARTIE I : APERÇU DES VIOLATIONS GRAVES DES DROITS DE L'ENFANCE ET LES FACTEURS EN CAUSE

Une étude réalisée par l'UNICEF6(*) montre que la violation des droits de l'enfance en Côte d'Ivoire est une donnée réelle, même si ce pays n'est pas dans le peloton de tête. Elle se rencontre dans différentes régions du pays. Elle se manifeste sous différentes formes (chapitre 1). Le phénomène est d'un type particulier car il est sous-tendu par un concours de facteurs qui le favorisent (chapitre 2).

CHAPITRE I. LES FORMES GRAVES ET COURANTES DE VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANCE

Les conflits armés sont des occasions de graves violations des droits de l'enfant. Nous nous intéresserons en particulier aux formes incluses dans les six graves énumérées par le Bureau du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés 7(*). Il s'agit de :

· Assassinat ou mutilation d'enfants;

· Recrutement ou emploi d'enfants soldats;

· Attaques dirigées contre des écoles ou des hôpitaux;

· Refus d'autoriser l'accès des organismes humanitaires aux enfants ;

· Enlèvement d'enfants;

· Viol d'enfant ou autres actes graves de violence sexuelle à leur égard.

Certaines de ces formes impliquent directement la responsabilité des autorités tant régulières que de fait et sont liées au contexte de crise. Ces formes se retrouvent aussi bien dans la partie du territoire administrée par le gouvernement régulier que celle contrôlée par les forces rebelles. Ce sont notamment le recrutement d'enfants dans les forces armées et les milices, les attaques contre des hôpitaux ou des écoles, le refus d'autoriser l'accès des organismes humanitaires aux enfants.

Section I.  Les violations étroitement liées à la crise et impliquant directement les forces en présence

«En Côte d'Ivoire, les enfants sont exposés à un certain nombre de violations graves, notamment meurtres ou mutilations, recrutement et utilisation d'enfants soldats, viols et autres sévices sexuels (en particulier s'agissant des filles), enlèvements et attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux»8(*). Ces violations présentent des aspects qui les identifient par rapport aux particularités des régions où elles sont perpétrées. Elles impliquent les forces ex-belligérantes. Il s'agit du recrutement d'enfants et, de façon nuancée par rapport à l'énumération, de l'utilisation d'enfants dans des manifestations violentes ou à risque. Quant aux autres formes (assassinat ou mutilation, enlèvements, viol ou autres actes graves de violence sexuelle à l'égard des enfants), nous y reviendrons en détails dans la suite du développement.

Paragraphe 1. Le recrutement d'enfants-soldats et ses motivations

Le protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés stipule en son article 2 que « Les Etats partie prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de 18 ans ne participent pas directement aux hostilités ». Cette stipulation combinée avec l'article 8 al. 2 e vii du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI), qui élève le recrutement d'enfants au rang de crime de guerre, devraient permettre de mettre les enfants hors de cause dans les conflits armés. Malheureusement, tel n'a pas été le cas dans le conflit armé en Côte d'Ivoire. Pour les différentes forces armées, plusieurs raisons expliquent les manquements graves au respect de ces instruments internationaux.

A. L'ampleur du recrutement d'enfants dans les différentes forces armées 

Deux armées sont présentes sur le territoire de la Côte d'Ivoire depuis le déclenchement du conflit jusqu'à ce jour. Il s'agit, d'une part, des Forces armées de Côte d'Ivoire (FANCI) auxquelles s'ajoutent les forces de sécurité pour faire Forces de défense et de sécurité (FDS) et, d'autre part, des Forces armées des Forces Nouvelles (FAFN). Ces deux armées contrôlent chacune une portion du territoire et violent à divers degrés les droits de l'enfance. En témoigne le rapport du Secrétaire général de l'ONU : «Toutes les parties ont enrôlé ou utilisé des enfants lors du conflit armé».9(*)Ces violations ont en commun qu'elles consistent en des recrutements d'enfants tels que la notion est définie dans les instruments internationaux et régionaux.

Dans un rapport publie en 200510(*), Amnesty International écrit que « dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, depuis le début du conflit interne en septembre 2002, plusieurs organisations non gouvernementales de défense des droits humains ainsi que l'ONU ont signalé à de nombreuses reprises des cas de recrutement et d'utilisation d'enfants-soldats par toutes les parties au conflit ». Les parties au conflit sont notamment les forces gouvernementales et les milices qui les soutiennent d'une part, les forces rebelles regroupées au sein des Forces Nouvelles, d'autre part. Ces recrutements se font selon divers procédés.

Dans une situation de conflit, le recrutement de soldats peut se faire selon les procédés suivants : la conscription, le mercenariat et le recrutement forcé et violent.

La conscription consiste à enrôler « des jeunes gens qui ont l'âge légal pour le service militaire ».11(*) La conscription ou l'engagement d'enfants de moins de 15 ans ou leur utilisation pour participer activement aux hostilités tant dans des conflits armés internationaux que ne présentant pas de caractère international est catégorisée comme crime de guerre par le Traité de Rome instituant la Cour Pénale Internationale. Dans les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève, l'article 4(3) (c) du Protocole II, qui gouverne les conflits armés n'ayant pas de caractère international, stipule que « les enfants qui n'ont pas atteint l'âge de quinze ans ne doivent jamais être recrutés dans les forces armées ou groupes armés ni être autorisés à prendre part aux hostilités».

Les responsables militaires dans la crise ivoirienne, au mépris de ces instruments ont eu recours à la conscription. En 2006, le HCR avait signalé qu'une vingtaine d'enfants membres de la force supplétive du LIMA12(*) opérant aux côtés des FANCI, avaient été recrutés dans le camp de réfugiés libériens de Nicla, à l'ouest de la Côte d'Ivoire.13(*)

En effet, le conflit militaire qui avait ensanglanté le Liberia voisin à partir de décembre 1989, avait forcé des milliers de Libériens dont des enfants à fuir les combats et les exactions des factions en conflit. Ils se sont alors réfugiés, pour la plupart, dans les pays voisins avec qui ils partagent d'ailleurs une communauté de langues. Aussi la faiblesse de l'autorité et le manque d'agents pour faire appliquer les lois dans ce pays éprouvé par un long conflit constituent-ils des facteurs qui favorisent la traversée des frontières perméables vers la Côte d'Ivoire. Au plus fort du conflit ivoirien, les camps de réfugiés abritant les Libériens ont servi de viviers pour les différentes forces en conflit et les FANCI se sont particulièrement illustrées dans cette pratique.

Le recrutement forcé et violent consiste à enrôler, sous la menace, les nouvelles recrues ou soldats. « Un grand nombre d'enfants sont embrigadés après avoir été menacés. Les groupes armés les enlèvent dans les rues, dans les villages qu'ils attaquent ou dans leurs écoles».14(*)Ce procédé est particulièrement celui des groupes rebelles, catégorie à laquelle appartiennent les FAFN15(*) . Dans un rapport publié en 2002 sur la Côte d'Ivoire, Amnesty International révélait que « des centaines de jeunes gens y compris des enfants âgés d'à peu près quatorze ans avaient été enrôlés dans les forces armées du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) qui contrôle le nord de la Côte d'Ivoire depuis le soulèvement armé de septembre 2002 ».16(*) Cette allégation a été confirmée par l'ONG Human Rights Watch : « Dans chaque unité libérienne de cinq ou six combattants liée au MPIGO, il y avait habituellement au moins un enfant soldat, souvent de dix à douze ans seulement, armé d'une mitraillette ». Et cette ONG d'ajouter : «En Côte d'Ivoire, les rebelles se sont livrés à des exactions généralisées à l'encontre des civils dans certaines zones sous leur contrôle. Exécutions extrajudiciaires, massacres, torture, cannibalisme, mutilation, recrutement et utilisation d'enfants soldats».17(*)

B. Les raisons du recrutement d'enfants-soldats

Plusieurs raisons peuvent expliquer le recrutement d'enfants. Il s'agit de renforcer les effectifs, de minimiser les pertes de soldats réguliers et même de réduire les coûts financiers de la guerre.

Remplacer les soldats tués ou blessés et renfoncer les effectifs est un impératif pour les forces belligérantes: «...plus un conflit dure, plus la probabilité qu'on fasse appel à des enfants est grande. Il faut bien remplacer, à un moment donné, les soldats adultes tués ou blessés. La plupart du temps ces « remplaçants » sont des enfants parfois très jeunes... »18(*) Au début du conflit, les FANCI, ont essuyé plusieurs défaites sur les fronts. Cette situation a conduit les responsables militaires à engager des recrutements de masse pour remplacer les soldats tués ou blessés aux fronts. Pour les FAFN, l'occupation de territoires leur offre l'opportunité de recruter d'autres combattants pour renfoncer leurs effectifs afin de contenir les contre-offensives éventuelles.

La réduction des pertes de soldats et des coûts financiers des combats est aussi un défi majeur dans tout conflit armé pour chaque belligérant. Pour y parvenir il est fait recours au recrutement des enfants et cette pratique, quoique contraire aux règles du droit international humanitaire et au droit des conflits armés, présente des avantages militaires pour les belligérants. « Les enfants constituent de la chair à canon bon marché. On les paye moins cher que des adultes ...Un officier rebelle en République Démocratique du Congo, opposé au président Kabila, n'hésite pas à dire : "Les kadogos-[enfants-soldats] font de très bons soldats. Ils ne pensent à rien. Ils obéissent, ne songent pas à retrouver leur femme ou leurs enfants. Ils n'ont pas peur !...Ils pensent que se battre l'arme à la main est un jeu, alors ils n'ont pas peur."»19(*)

A ces atouts que représente le recrutement d'enfants-soldats pour les belligérants, l'on doit ajouter qu'ils sont obéissants et dociles aux consignes et à la discipline imposée par les adultes. « Ils sont souvent inconscients face au danger, ils désertent rarement et ne se plaignent pas ».20(*)

Le témoignage de cet officier rebelle congolais exprime bien, s'il en est encore besoin, les "avantages" pour les forces belligérantes de faire recours au recrutement des enfants, peu importe les procédés. Ces enfants insouciants sont utilisés comme des espions qui traversent les lignes de front pour recueillir de l'information sans grande difficulté parce la trop grande jeunesse de leur âge ne laisse soupçonner la mission suicidaire qui leur est confiée. Et lorsque leurs bras sont assez forts pour soutenir une arme, «ils se retrouvent en première ligne ou sur des champs de mines, souvent sacrifiés»13 et, plus ils sont nombreux, mieux ils constituent une sorte de sentinelles contre les attaques, parce que leur réplique aux attaques ennemies alerte les soldats adultes dont l'on veut préserver la vie parce que ces derniers coûtent cher.

Pour ces "avantages", les forces belligérantes en Côte d'Ivoire ont cédé à cet appât et l'ont saisi avec intensités diverses aussi bien au plus fort des combats qu'après les différents accords de cessez-les feu puisque chacun des camps de son côté manifeste la volonté de ménager un plan "B" qui consiste à miser sur une victoire militaire.

Paragraphe 2. Le recrutement dans les milices

L'une des caractéristiques du conflit ivoirien réside aussi dans la création et l'implication de groupes de milices aux côtés des forces régulières. Revendiquant toutes le soutien aux institutions de la République, ces milices présentent des caractéristiques différentes.

A. La typologie des milices et leurs caractéristiques en Côte d'Ivoire

Nous pouvons isoler à travers leur composition et leurs modes opératoires deux types de milices dans le conflit : il s'agit des milices militaires et des milices politiques.

I. Les milices militaires

Pour faire face aux victoires remportées par les forces rebelles sur les différents fronts, le gouvernement a suscité, encouragé ou financé la création de plusieurs milices qui se sont identifiées par rapport à différentes régions. Ces milices ont dû recourir aux recrutements d'enfants dans leurs rangs pour étoffer leurs effectifs. Il s'agit de :

- Front de libération du Grand Ouest (FLGO),

- Mouvement ivoirien de libération de l'Ouest de la Côte d'Ivoire (MILOCI),

- Alliance patriotique de l'ethnie Wé (APWé)

- Union patriotique de résistance du Grand Ouest (UPRGO). .

En 2005 « le FLGO, le MILOCI, l'APWé et l'UPRGO dans l'ouest (Guiglo) à l'ouest du pays ont libéré 400 enfants. Toutefois, selon une tendance inquiétante observée dans la région, les partenaires de la protection de l'enfance au Libéria et en Côte d'Ivoire ont signalé que des enfants avaient été recrutés ou ré-recrutés, de l'autre côté de la frontière qui sépare le Libéria et la Côte d'Ivoire, par des groupes armés qui opèrent en Côte d'Ivoire.»21(*).

La caractéristique de ces milices est qu'elles portent visiblement des armes et ont même revendiqué leur prise en charge dans le processus de désarment de démobilisation et de réinsertion (DDR). Cette caractéristique les distingue fondamentalement des milices politiques. Mais toutes ces milices opèrent dans la zone gouvernementale, parfois sous l'encadrement des forces FDS.

II. Les milices politiques

Il s'agit de groupes de jeunes proches des tendances politiques. Ils constituent des groupes de pression qui opèrent de manière souvent violente en faveur des ensembles politiques auxquels ils appartiennent.

Ces milices sont caractérisées par le fait qu'elles ne portent pas des armes de façon visible. Elles se distinguent toutefois des groupes de manifestation spontanés du fait de leur mode opératoire et de leur composition. Elles comportent des professionnels c'est-à-dire des agents recrutés, formés qui en constituent le noyau dur. Le rôle de ce noyau consiste à engager les actions violentes ou susciter des répliques violentes susceptibles de mobiliser plus de monde autour d'eux et de conduire les foules déchainées vers les cibles identifiées. Il consiste également à faire infiltrer les groupes de manifestants adverses par des agents patentés ("loubards") pour commettre des infractions qui seront imputables aux organisateurs desdites manifestations.

Bien qu'il soit difficile, hasardeux et illégal de leur accorder le statut de combattants, ces groupes politiques, constitués pour l'essentiel de mouvements de jeunesse, se répartissant entre les différentes forces politiques dans le pays et ne constituent pas moins des forces qui utilisent des méthodes violentes au regard desquelles ils sont qualifiés d'"escadrons de la mort".

B. Les modes opératoires des milices

Plusieurs méthodes sont utilisées par les différents types de milices. Ces modes opératoires consistent entre autres en des massacres de populations, des occupations d'écoles et centres de santé, des manifestations violentes et des attaques contre les forces de maintien de la paix et des blocages des convois du système des Nations Unies et des ONG.

I. Les massacres et assassinats

L'appui aux opérations militaire est le fait des milices militaires, en l'occurrence celles notoirement connues qui bénéficient du programme de désarmement-démobilisation-réinsertion et que nous avons déjà énumérées. Nées dans les régions où les forces régulières ont le plus essuyé des défaites au début des hostilités, ces milices constituent un supplétif (mais ne se limitent pas à cette fonction) pour ces forces qui ont démontré leur incapacité à endiguer seules et repousser les offensives rebelles de fin 2002. «L'expansion au sein de l'armée et l'utilisation de milices mal ou non entraînées se sont révélées désastreuses pour la population civile, qui a subi des atteintes quotidiennes aux droits humains».22(*) Ces milices équipées en toutes sortes d'armes légères identifiaient les présumés "infiltrés" et les châtiaient. Ces châtiments consistaient en des exécutions sommaires ou des disparitions forcées. Les milices identifiaient aussi au sein des communautés de ressortissants du nord ou des pays limitrophes, les présumés "sympathisants" des rebelles. Plusieurs cas de disparitions ont été à tort ou à raison imputés à ces milices qui utilisent aussi des enfants enrôlés dans leurs rangs. En 2005 selon un rapport d'Amnesty International «...des membres du Mouvement de libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire (MILOCI), une milice progouvernementale ont lancé une attaque sur la ville de Lougoualé (à 450 Km au nord ouest d'Abidjan) contre des positions tenues par les Forces Nouvelles...Parmi les combattants interceptés par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, se trouvaient deux enfants, âgés de dix et onze ans apparemment d'origine libérienne».23(*) Pendant leurs opérations, ces milices peuvent enregistrer des meurtres et mutilations notamment sur les enfants en raison de leur fragilité.

Les meurtres et mutilations d'enfants interviennent aussi dans un contexte de tensions intercommunautaires liées au conflit. Des milices progouvernementales et les FAFN soutiendraient des ethnies qui s'affrontent violemment sans épargner les enfants ; en témoignent les cas rapportés par les Nations Unies.24(*)

II. Occupation des écoles et centres de santé

De façon générale, dans les milieux ruraux en Côte d'Ivoire, inscrire un enfant à l'école relève d'un luxe, tant les moyens de le faire sont limités par rapport au poids démographique des familles. La solution alors pour les responsables de famille consiste à opérer un tri en faveur de ceux des enfants présumés intelligents. Dans ce tri, les filles sont systématiquement mises de coté parce que selon les parents, il s'agirait d'une gageure puisque de toutes les façons celles-ci sont appelées à interrompre leur parcours scolaire pour se marier soit à la suite d'une grossesse non désirée, soit parce le terme du "confiage"25(*) est arrivé et il faut honorer les engagements qui avaient été préalablement souscrits. Cette situation, déjà préjudiciable au droit à l'égalité et à la non-discrimination ainsi qu'au droit à l'éducation, est exacerbée par l'occupation des centres scolaires et de santé à la faveur de la crise.

En effet, à l'instar des FAFN dans la partie nord de la Côte d'Ivoire, les milices militaires progouvernementales se sont emparés de certaines écoles et centres de santé et en ont fait leur base. Le 12 juin 2006, une centaine d'éléments d'une milice connue sous le nom de Groupe des patriotes pour la paix (GPP), une faction favorable au Gouvernement, a occupé un centre pour enfants, le centre de l'école pilote d'Adjamé, un quartier populaire d'Abidjan et cet incident a empêché les enfants de se rendre dans ce centre en cette période. « L'occupation a duré jusqu'au 17 juin 2006, c'est-à-dire jusqu'à ce que la Gendarmerie nationale intervienne, après de fermes condamnations et des efforts de sensibilisation concertés des Nations Unies...»26(*). Cette occupation a privé ces enfants de leur droit à l'éducation. Le Ministère de la famille et des affaires sociales avait aussi déclaré qu'en 2003, le même groupe de miliciens avait aussi occupé l'Institut de formation et d'éducation féminine, un centre de formation professionnelle pour jeunes filles toujours situé à Adjamé (Abidjan). L'occupation avait duré jusqu'à ce qu'en 2005 quand l'armée gouvernementale officielle (FANCI) a expulsé le GPP et pris possession des locaux.

Dans les zones FAFN, la destruction des infrastructures scolaires a empêché pendant plusieurs années l'organisation des examens de fin d'année. Ce n'est qu'en 2006 que l'organisation des examens a de nouveau été possible dans le nord, après des efforts de sensibilisation concertés des Nations Unies.

Il s'agit, dans ces différents cas, d'atteintes graves au droit à l'éducation reconnu aux enfants dans la convention relative aux droits de l'enfant (article 28), au droit aux soins de santé (article 24 al. 2.b). Ces dispositions obligent cependant les Etats parties à garantir aux enfants le droit aux prestations nécessaires à leur développement et à leur épanouissement. C'est aussi dans le même dessein que le bureau du Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies pour les "enfants et les conflits armés" a identifié les attaques contre les infrastructures d'accueil pour enfants et les hôpitaux comme des atteintes graves aux droits des enfants.

III. Les manifestations et attaques violentes contre les forces de maintien de la paix

Elles sont le fait des milices politiques. Bien qu'elles ne soient pas officiellement désignées milices, le mode opératoire de ces groupes amène à s'interroger sur leur typologie. Ces groupes utilisent des méthodes d'action violentes à savoir:

- Attaques contre les troupes de maintien de la paix, du personnel et des biens des Nations Unies ;

- Sabotage des infrastructures et des symboles du pouvoir en place, ou des partis adverses ;

- Atteinte à l'intégrité physique des ressortissants de régions jugées hostiles.

Ces groupes existent dans tous les camps politiques, que ce soit la mouvance au pouvoir ou l'opposition politique non armée.

Les enfants sont souvent utilisés par l'Alliance des Jeunes Patriotes pour le sursaut national, groupe favorable au FPI, dans de violentes manifestations de masse organisées dans les territoires sous le contrôle du Gouvernement, au cours desquelles ils courent le risque d'être tués ou blessés. Ainsi «...des enfants sont utilisés comme barricades humaines pour bloquer l'accès des soldats de la paix des Nations Unies au cours des épisodes de violence, en particulier dans les territoires sous contrôle du Gouvernement. Le 26 juillet 2005, au lendemain des attaques d'Agboville et d'Anyama, une importante foule organisée, comprenant plusieurs enfants et des femmes portant un bébé sur leur dos, a ainsi bloqué un convoi militaire de l'ONUCI à Petit Yapo, empêchant tout accès à ces zones.».27(*) Parfois ces méthodes ont conduit à des incidents qui ont occasionné un bilan humain très lourd y compris dans les rangs des mineurs. « C'est ainsi aussi qu'en janvier 2006, une manifestation de masse à Guiglo, au cours de laquelle des soldats de maintien de la paix des Nations Unies ont aussi été attaqués, s'est soldée par la mort de cinq Ivoiriens, dont deux enfants âgés de 14 et de 16 ans» .28(*)

L'opposition non armée au président Gbagbo compte aussi dans ses rangs de pareils groupes. En janvier 2010, le ministre de l'intérieur a soulevé une allégation de fraude sur la liste électorale, imputée au président de la Commission électorale indépendante (CEI) et certains membres du bureau. Le président et les membres du bureau, représentants des partis d'opposition, ont réfuté l'allégation et exclu de démissionner malgré les appels et l'exigence du parti au pouvoir. Le 12 février 2010 le président Gbagbo, usant des pouvoirs exceptionnels prévus par l'article 48 de la constitution, a dissout la CEI et le gouvernement. En réaction les responsables de l'opposition regroupés au sein du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), dans un communiqué, ont déclaré : « nous ne reconnaissons plus Monsieur Laurent Gbagbo comme chef de l'Etat de Côte d'Ivoire».29(*) Ces responsables ont alors appelé la population « à se mobiliser et à s'opposer par tout moyen à cette dictature». Il s'en est alors suivi des manifestations violentes dans les villes du pays associant des enfants. Plusieurs personnes y ont trouvé la mort.

IV. Les blocages des convois humanitaires

L'accès des organismes des Nations Unies aux enfants touchés n'est généralement pas entravé, sauf dans les zones où des hostilités et des violences imprévisibles éclatent périodiquement. C'est ainsi, par exemple que dans la ville de Guiglo à l'ouest du pays, la prestation de services aux enfants a été très problématique pendant plusieurs mois en raison des violents incidents de janvier 2006, lors desquels le personnel onusien a été évacué après l'attaque de soldats de la paix des Nations Unies par une foule nombreuse, dans laquelle se trouvaient des enfants.

Section II. Les autres violations graves des droits de l'enfance liées à la crise

Poursuivant toujours suivant l'énumération du le Bureau du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits, on relève deux violations : les enlèvements d'enfants, le viol d'enfants ou autres actes graves de violence sexuelle à leur égard.

S'agissant du contexte ivoirien, cette énumération mérite d'être complétée par d'autres préjudices graves causés aux enfants, du fait de la situation politique et militaire. Il s'agit des atteintes à l'existence juridique de l'enfant, de la traite et du travail des enfants, des violations des droits aux prestations. Ces violations sont, à l'instar des premières, liées au contexte de crise mais s'en différent par l'absence de rôle particulièrement actif des forces en présence. Elles interviennent dans le cadre familial ou en dehors de ce cadre.

Paragraphe 1. Les violations énumérées par le Bureau du Représentant spécial des Nations.

Ces sont des violations qui portent atteinte à l'intégrité physique et morale des enfants. Ces violations constituent des atteintes à l'intégrité parce qu'il peut en résulter des coups et blessures sur la personne du mineur. Elles constituent aussi des atteintes morales parce qu'elles laissent subsister des séquelles morales faites des traumatismes au niveau des enfants victimes. Conformément à l'énumération onusienne, il s'agit, comme déjà signalé, des enlèvements d'enfants d'une part, du viol d'enfants ou autres actes graves de violences sexuelles à leur égard d'autre part.

A. Les enlèvements d'enfants

L'enlèvement d'enfant se définit comme l'« action de soustraire un enfant mineur à la personne qui en a légalement la charge».30(*) Il s'agit d'un acte répréhensible prévu et puni par le code pénal ivoirien en ses articles 370 à 372. L'article 370 en son alinéa 1er dispose : «Quiconque, par fraude ou violence, enlève sous quelque forme que ce soit des mineurs des lieux où ils étaient placés par ceux à l'autorité desquels ils étaient soumis est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 500 000 à 50 000 000 de francs». La tentative est également punissable.

A l'instar des autres violations graves des droits de l'enfant, cette pratique a fait l'objet d'une ferme condamnation dans la résolution 1612 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

L'article 35 de la Convention relative aux droits de l'enfant stipule que «Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit».

Dans le contexte de crise ivoirienne, la question des enlèvements est en partie liée à la traite des enfants. Par « enfant victime de la traite » il faut entendre «toute personne de moins de dix-huit (18) ans qui est recrutée, transportée, transférée, hébergé ou accueillie aux fins de l'exploitation, à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays donné».31(*) Les enfants victimes de cette traite sont soumis à la prostitution ou contraints de se marier. Ils constituent une main d'oeuvre bon marché ou non rémunéré ou travaillent comme domestiques ou mendiants. Ils sont exposés au recrutement par les milices. L'enlèvement est donc une méthode ou un moyen qui permet d'aboutir aux fins de la traite.

Plusieurs cas d'enlèvements de mineurs ont été enregistrés et rapportés par les Nations Unies.32(*)Ces cas qui témoignent de l'ampleur du phénomène ont été favorisés par la porosité des frontières, le climat conflictuel, l'insécurité et la détérioration des structures sociales et administratives.

B. Le viol d'enfants ou autres actes graves de violences sexuelles à l'égard des enfants

Pour les mêmes raisons évoquées plus haut, les viols et autres violences sexuelles à l'égard des enfants se développent, bénéficiant du climat d'insécurité et d'impunité qui caractérise le contexte de conflit et de division du territoire. Plusieurs violations de droits se trouvent groupées dans cette énumération. Il y a d'une part le viol à proprement parler qui est une infraction pénale criminelle et d'autre part les infractions assimilées au viol.

I. Le viol

Le viol se définit comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelle nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise».33(*)Cette infraction prévue et punie par le code pénal ivoirien (article 354), a des particularités lorsqu'elle est commise sur la personne d'un mineur.

Les actes de pénétration sexuelle commis sur un mineur sont qualifiés viol quel que soit le moyen utilisé pour y parvenir (violence, contrainte, menace ou surprise) et même lorsqu'il n'y a pas résistance de la part du mineur. Cela s'explique par le fait que le consentement du mineur n'enlève pas le caractère déviant de l'acte, le mineur étant présumé (présomption irréfragable) n'avoir pas consenti ou que lorsqu'il a consenti, ce consentement n'est pas éclairé. C'est cette particularité qui distingue le viol commis sur la personne d'un enfant de celui commis sur la personne d'un adulte, l'enfant étant celui qui n'a pas atteint l'âge de dix huit ans. La Sodomie (pénétration sexuelle anale) appartient à cette catégorie parce qu'il y a une pénétration sexuelle même si au niveau de la victime l'organe d'accueil n'est pas sexuel.

L'exploitation sexuelle des enfants est aussi une variante de viol. Selon la définition donnée dans la déclaration du Premier Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Stockholm (Suède) en 1996, «on entend par exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales toute forme de maltraitance sexuelle commise par un adulte et accompagnée d'une rémunération en espèce ou en nature versée à l'enfant ou à une tierce personne».34(*)

Le commerce du sexe est un phénomène transfrontalier qui prend forme dans presque toutes les communautés. Ce commerce illégal attire de nombreux enfants notamment ceux issus des milieux pauvres et défavorisés. Ces derniers sont le plus souvent forcés, enlevés ou persuadés par la ruse ou incités par les medias de se livrer à des relations sexuelles telles que la prostitution ou à des actes obscènes (pornographie, exhibition). Pour endiguer le phénomène, la convention relative aux droits de l'enfant à travers ses articles 32 et 34 combinés font obligation aux Etats de protéger les enfants et de punir les responsables. Malheureusement la perméabilité à l'excès des frontières ivoiriennes engendrée par le conflit surtout du côté des zones sous contrôle rebelle favorise ces phénomènes.

La définition du viol telle qu'elle émane du code pénal ivoirien est un peu étroite aujourd'hui pour englober toutes les violences sexuelles qui sont commises sur les mineurs. C'est pourquoi le groupe nominal "autres actes graves de violences sexuelles à l'égard des enfants" mérite toute son importance.

II. Les autres actes graves de violences sexuelles à l'égard des enfants

Ce groupe nominal désigne les atteintes sexuelles. L'atteinte sexuelle est tout « acte d'ordre sexuel, soit commis avec violence, contrainte, menace ou surprise auquel cas il est constitutif d'une agression sexuelle toujours punissable quelle qu'en soit la victime, soit réalisé sans violence, contrainte, menace ni surprise auquel cas il n'est punissable qu'à l'égard des mineurs ».35(*)Dans cette catégorie, on peut retrouver l'attentat à la pudeur, et les actes impudiques et contre nature commis sur la personne d'un enfant.

L'attentat à la pudeur désigne un « acte illicite d'ordre sexuel, avec ou sans violence, auquel la victime, personne de l'un ou l'autre sexe, se trouve physiquement mêlée».36(*)En droit ivoirien, si l'absence de violences emporte défaut de l'élément matériel pour la qualification de l'infraction de viol lorsque l'acte est commis sur une personne âgée de quinze ans et plus, il est par contre réprimé par les articles 355 et 356 du code pénal même en l'absence de violences pour les mineurs de moins de quinze ans. Même sans violences, l'infraction est aussi constituée si la victime est une personne âgée entre quinze et dix huit ans et que l'auteur de l'attentat est le père, la mère, un ascendant de la victime ou une personne ayant l'autorité sur elle ou est chargée de son éducation, de sa formation professionnelle ou intellectuelle (articles 354, 355 et 357).

Quant aux actes impudiques et contre nature, on peut citer la fellation (caresse buccale de l'organe sexuel masculin), le cunnilingus (pratique sexuelle orale qui consiste à stimuler les différentes parties de la vulve à l'aide de la langue et des lèvres principalement) et les attouchements sur tout organe qui exprime un caractère sexuel qui constituent une prémisse à l'acte sexuel.

Dans le cadre de son mécanisme de protection des enfants et de suivi des violations des droits des enfants, l'ONUCI a rapporté plusieurs cas de viol commis sur les enfants et constaté que « l'insécurité rampante et la détérioration de l'infrastructure sociale et administrative qui sont la conséquence du conflit ont notablement contribué aux niveaux élevés de violence sexuelle à l'encontre des filles et des femmes enregistrés en Côte d'Ivoire. Le climat d'impunité des crimes sexuels a en outre exacerbé le problème ».37(*)

Paragraphe 2. Les autres préjudices graves à causes conjoncturelles

La situation de partition du territoire et la disparition des services de l'état civil dans la zone rebelle a engendré certaines atteintes aux droits de l'enfance, notamment les atteintes à l'état civil relativement aux enfants. Les atteintes à l'état civil sont un «ensemble d'infractions de caractère délictuel ou contraventionnel, qui compromettent l'état civil des personnes».38(*)Ces atteintes sont graves parce qu'elles affectent soit l'existence juridique de l'enfant, soit compromettent sa vie et son avenir. Il s'agit, relativement au contexte ivoirien, de la non-déclaration des naissances et de la célébration du mariage religieux sans mariage civil au préalable.

A. La non-déclaration de la naissance de l'enfant

Selon l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant, l'enfant doit être enregistré aussitôt à sa naissance. De son coté, l'article 41 nouveau (Loi 99-691 du 14 décembre 1999) du code civil ivoirien dispose : «Les naissances doivent être déclarées dans les trois mois de l'accouchement».

L'enregistrement des naissances consiste à faire enregistrer, par les autorités administratives, la naissance des enfants. La déclaration de naissance est un support préalable à la réalisation des droits de l'enfant car elle atteste de son existence officielle. Subséquemment, elle lui donne droit à une identification c'est-à-dire le droit à un nom et à une nationalité et, par la même occasion, d'être des sujets de droit. Déclarer un enfant, c'est implicitement actionner en sa faveur tous les mécanismes de protection : accès à des services de base, dont la vaccination, les soins de santé et l'inscription dans un établissement scolaire. Cependant cette formalité qui consacre l'existence juridique de l'enfant est souvent ignorée des parents d'enfants qui naissent en dehors des centres d'accouchements officiels. Or ces centres n'existent pas dans la plupart des localités éloignées des capitales régionales.

Le second volet du problème est que même dans les cas où ces centres existent, les centres d'état civil où ces naissances doivent être enregistrées ont disparu dans les zones occupées par les forces rebelles, du fait du conflit. Il s'ensuit que la plupart des naissances qui sont intervenues pendant la période de disparition des services de l'état civil (période qui a duré jusqu'en 2007) ces naissances ne sont pas enregistrées parce que les délais légaux sont dépassés.

B. Les célébrations de mariages religieux sans mariages civils

Le mariage est défini comme une «union légitime de l'homme et de la femme résultant d'une déclaration reçue en forme solennelle par l'officier d'état civil qui a reçu auparavant les consentements des futurs [époux] en vue de la création d'une famille et d'une aide mutuelle dans les traversées de l'existence».39(*) Il s'agit là de la définition du mariage civil légal. Mais il existe aussi le mariage religieux et le mariage traditionnel qui se concluent suivant les conditions définies par chaque culture ou chaque religion, qui ne coïncident pas toujours avec celles du mariage légal. L'article 1er nouveau de la loi ivoirienne 83-800 du 2 août 1983 dispose «L'homme avant vingt ans révolus, la femme avant dix huit ans révolus, ne peuvent contracter mariage. Le Procureur de la République peut accorder des dispenses pour motifs graves».

C'est dans les formes non légales de mariages que les droits des enfants sont exposés à des violations. Dans ces formes de mariage, un enfant peut se retrouver uni dans le lien conjugal avec un adulte. Donc le mariage des enfants est celui des unions dans lesquelles les enfants sont contraints en des liens matrimoniaux en deçà de l'âge minimum requis. Selon des estimations de l'UNICEF, 36% des femmes âgées de 20 à 24 ans se sont mariées ou vivaient en ménage avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans.40(*). Ces mariages, dits précoces, constituent en substance une violation des droits de l'enfant. Car, le droit au libre et plein consentement au mariage est reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, étant entendu qu'il ne peut y avoir de « libre et plein » consentement lorsque l'une des parties concernées n'a pas atteint l'âge de choisir en toute connaissance de cause un conjoint. Quant à la convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, elle stipule que les fiançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques et que toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, doivent être prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes recommande de fixer cet âge à 18 ans.

En raison de l'absence présumée de consentement dans un mariage d'enfant relativement à la personne du mineur, ce mariage est un mariage forcé. Le mariage forcé est un mariage arrangé contre le gré de la fille (surtout) ; une dot est souvent payée à sa famille ; en cas de refus, il en résulte des violences et des abus. Il est doublé du caractère précoce lorsqu'il est arrangé avant l'âge légal.

Les services d'état civil et judiciaires ayant disparu des régions contrôlées par les rebelles, il s'avère impossible d'exercer le contrôle habituel sur les conditions de conclusion des mariages. Les célébrations de mariages religieux sans mariages civils favorisent les mariages forcés et précoces parce qu'elles n'offrent pas la possibilité de vérification des conditions du mariage par l'officier d'état civil et de contrôle par le parquet. Le mariage se déroule dans le secret d'une chapelle ou d'une mosquée au mépris de la condition de publicité préalable. Dans ces conditions les conditions essentielles d'âge, de consentement en viennent à manquer. Ce défaut étroitement lié à la situation de crise qui prévaut depuis 2002 dans le pays est une violation des instruments nationaux et internationaux de protection des droits de l'enfance.

CHAPITRE II : LES FACTEURS EN CAUSE

Dans un conflit armé ne présentant pas un caractère international (CANI), les affrontements peuvent aboutir et aboutissent souvent à une partition de facto du territoire national, les forces régulières contrôlant une partie et les forces rebelles l'autre. Même si les armes se taisent, cette situation créée par les combats persiste pendant quelques temps et engendre des conséquences malheureuses quant à la protection des droits de l'homme. Cette situation peut être engendrée par des facteurs conjoncturels et des facteurs structurels.

Section I. Les facteurs conjoncturels

Les facteurs conjoncturels sont ceux étroitement liés au contexte de conflit, qui ont sous-tendu le déclic de la situation déjà déplorable des droits de l'enfance. Ils sont d'ordre politique et militaire mais tirent aussi leur origine du fonctionnement des structures étatiques.

Paragraphe 1. Les facteurs militaires et politiques

Sous les auspices de la France qui a suscité une rencontre entre les acteurs majeurs de la vie politique, les rebelles et la partie gouvernementale, un accord a été conclu sur le cessez-le feu et un partage de pouvoir. Mais cet accord (violé à répétition) n'a été que partiellement exécuté et les différents accords qui l'on suivi ont subi le même sort, rendant la question du désarmement délicate et encourageant chaque camp à user de stratégies politiques pour faire la pression sur l'autre et sur les institutions de médiation.

A. Le contexte militaire

Il s'agit essentiellement du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants rebelles, des milices d'une part et des ruptures répétées du cessez-le-feu conclu à travers plusieurs accords d'autre part.

I. La gestion du processus de désarmement et de démobilisation

Depuis l'accord de Linas Marcoussis, tous les accords inter-ivoiriens ont mentionné la nécessité de réaliser un programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR). Le désarmement devrait se faire dans le cadre d'un programme mis en place à cet effet : le Programme National de Réinsertion et de Réhabilitation communautaire (PNRRC).

Le processus du DDR est un processus par lequel les combattants sont amenés à déposer les armes et à retourner à la vie civile ou à réintégrer les forces armées. Cette opération se déroule en trois phases : la phase de regroupement/désarmement, la phase de démobilisation/encasernement et la phase de réintégration/réinsertion.

A Accra le 30 juillet 2004, un troisième accord est conclu entre le gouvernement ivoirien et les Forces Nouvelles, dans lequel les parties se sont engagées à lancer le processus de DDR avant le 15 octobre 2004. Mais cette échéance n'a pas été respectée et lors de la conclusion de l'Accord politique de Ouagadougou en mars 2007, l'examen du volet militaire a été à nouveau différé. C'est finalement le troisième accord complémentaire de Ouagadougou qui a établi le chronogramme du désarmement. Il avait fixé au 22 décembre 2007 le nouveau délai pour le lancement de l'opération de regroupement des deux forces armées. Ce délai n'a pas été non plus respecté, mais selon le rapport du SG des Nations Unies, « le 24 janvier, le chef d'état major des forces de défense et de sécurité a annoncé que 12 000 de ses soldats avaient été regroupés et enregistrés et qu'ils avaient déposé leurs armes aux fins de stockage conformément aux dispositions du troisième accord complémentaire. Il a ultérieurement annoncé que cette opération s'étant achevée dans le délai imparti de 10 jours, les soldats des forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire avaient rejoint leurs garnisons »41(*). Il était cependant difficile de vérifier ces déclarations puisque ces opérations n'avaient pas été exécutées en présence des forces impartiales alors qu'elles auraient dû l'être.

Dans les zones FAFN, le regroupement n'a guère progressé et en avril 2008, seulement une centaine d'entre eux avaient été regroupés. Le rapport du SG conclut que « Les problèmes logistiques et financiers ainsi que l'absence d'un programme de réintégration clairement défini contribuent à entraver le regroupement des éléments des Forces nouvelles. Sur les 109, 42 sont toujours regroupés à Ferkessédougou42(*) tandis que le reste est démobilisé et attend d'être réintégré ». Dans ces zones, les éléments FAFN sont non seulement armés, mais ils portent visiblement ces armes.

Quant aux milices progouvernementales, elles n'ont pas été efficacement désarmées et les observateurs militaires de l'Opération des Nations Unies ne cessent de soupçonner que ces milices cachent encore des armes.

Par ailleurs, le déminage n'a pas retenu l'attention des acteurs politiques lors de la conclusion des accords alors que plusieurs fronts avaient été ouverts pendant les combats et les abords immédiats de villages habités ont même servi de lignes de front. La conséquence de ces combats est que des minutions ont été dispersées et font des victimes même après la fin des hostilités. 43(*)

II. Les ruptures répétées du cessez-le-feu

Malgré les multiples accords de cessez-le-feu, plusieurs combats sont intervenus entre les belligérants à l'initiative de l'une ou de l'autre partie, mais de manière ponctuelle. En novembre 2004, à la faveur d'une contre-offensive gouvernementale dénommée opération "Dignité"44(*) (qui visait à récupérer les territoires occupés par les rebelles), l'armée nationale de Côte d'Ivoire a lancé des bombardements aériens contre les positions tenues par les forces rebelles. En février 2005, la milice progouvernementale MILOCI a lancé une attaque sur la ville de Logoualé (à 450km au nord ouest d'Abidjan à quelques encablures de la ligne de cessez-le-le feu). En juillet 2005 deux attaques simultanées ont été lancées sur des positions des forces gouvernementales dans les villes d'Agbovile et d'Anyama (à une dizaine de kilomètres d'Abidjan) par des hommes armés, attaques que le gouvernement a attribuées aux forces rebelles et qualifiées de « violation du cessez-le-feu ».

Chaque violation du cessez-le-feu fait des victimes collatérales et déclenche une chasse à l'homme ou se transforme en une occasion de violations des droits de l'homme.

B. Les facteurs politiques

La crise ivoirienne a aussi une origine politique : le coup d'état de 1999, l'exclusion par le Cour Suprême de quatorze candidats (et pas des moindres dont Alassane Ouattara) de l'élection présidentielle de 2000 et la proclamation des résultats du scrutin intervenu dans le cafouillage. Il s'en est suivi des massacres et la persécution des militaires qui avaient soutenu le général Robert Guei, auteur du coup d'état de 1999, qui a organisé le scrutin de 2000 et tenté d'inverser les résultats. Ces massacres ont été couverts par l'impunité sur le fondement du militantisme politique ou par peur de démotiver les troupes.

I. Le règne de l'impunité

« L'impunité se définit par l'absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs de violations, ainsi que de leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes ».45(*)

Depuis 2000, l'impunité de fait est la forme récurrente en Côte d'Ivoire. Elle consiste en ce que les violations de droits humains ne conduisent pas à l'ouverture d'enquête pour en établir les faits et situer les responsabilités ou que lorsqu'un enquête a été ouverte (politique, administrative ou judiciaire), elle n'aboutisse pas à des poursuites contre les présumés responsables quelle que soit l'ampleur des violations (viols, assassinats ou massacres).

Quant à l'impunité de droit, « elle consiste pour les pouvoirs publics à intervenir directement pour prendre des mesures en vue d'absoudre les auteurs des violations graves et massives des droits de l'homme ».46(*) L'objectif ultime visé dans ce genre d'intervention est de donner à l'impunité une couverture légale ou judiciaire et faire ainsi obstacle, au nom de l'amnistie ou du principe Ne bis in idem47(*) à des poursuites qui pourraient être engagées ultérieurement. L'ordonnance N°2007-457 du 12 avril 2007 portant amnistie, en est une illustration éloquente parce qu'elle couvre d'impunité, tous les crimes qui ont été commis depuis l'élection présidentielle en 2000 jusqu'au 12 avril 2007.48(*)

En effet, les résultats des élections de 2000 qui ont permis à M. Laurent Gbagbo de prendre le pouvoir ont été proclamés dans le désordre. Ce dernier a pris le pouvoir avec l'appui des gendarmes, après avoir demandé à la population de descendre dans la rue pour barrer la route à ce qu'il a appelé « l'imposture ». Mais une fois au pouvoir, le régime qu'il a installé était incapable de punir les crimes de sang commis pendant et après son accession au pouvoir, notamment le charnier de Yopougon.

Plus tard, à la faveur de la guerre, le 6 octobre 2002, les auteurs des exécutions sommaires de gendarmes à Bouaké ont fait référence à ce crime impuni et « le spectre a ressurgi dans les tueries de Daloa en octobre 2002, de Monoko-Zohi en novembre 2002 et de Man en décembre de la même année au cours desquelles les forces gouvernementales ont tué des dizaines de personnes sur la base de listes établies sur des critères politiques mais surtout ethniques et où figuraient de nombreux ressortissants de la sous-région, notamment des Maliens, des Burkinabè et des Guinéens soupçonnés d'être des opposants du gouvernement d'Abidjan »49(*). De plus, les autorités rebelles et gouvernementales semblent avoir directement ou indirectement autorisé ou cautionné les violences sexuelles commises par les éléments de leurs forces respectives depuis le déclenchement de la guerre en 2002 et l'impunité qui prévaut ne fait qu'encourager les auteurs et les commanditaires. Tous ces crimes restés impunis ont favorisé dans le pays le sentiment d'impunité, tout comme l'absence de système judiciaire efficace dans le nord du pays a offert, pendant près de cinq ans, un vide favorable à la commission de crimes sans suite judiciaire.

Au total, au nord comme au sud, les violences sexuelles à l'encontre des femmes et des jeunes filles se sont poursuivies et la plupart des coupables présumés n'étaient jamais traduits en justice ou recouvraient la liberté peu après leur arrestation. Cette situation s'explique par le fait que ceux qui en sont les auteurs sont les soutiens armés des différentes parties au conflit, gouvernement comme rebelles.

II. Le détournement du militantisme politique au profit des actions militaires ou violentes

Les FANCI avaient subi de lourdes pertes dans les semaines qui ont suivi le coup d'Etat manqué qui s'est mué en guerre civile. Le recrutement de militants dont des enfants dans les milices progouvernementales devrait permettre de contrer l'avancée des troupes rebelles. Cela était d'autant nécessaire pour le gouvernement que les soldats des FANCI n'avaient aucune tradition de combat face à des rebelles intrépides et mieux entrainés. Les jeunes militants mobilisés et bien endoctrinés avec des idées xénophobes à travers les mouvements de jeunesse du parti au pouvoir, étaient prêts à défendre " la patrie en danger" et s'érigeaient en remparts humains susceptibles de résister à "l'envahisseur venu de l'étranger". D'ailleurs les termes de "résistance", de "libération" et de "patriotique" apparaissent dans la dénomination de la plupart de ces milices. C'est un lien bien unificateur dans la patrie en danger face aux ennemis extérieurs nommément désignés et stigmatisés.

Relativement au recrutement d'enfants-soldats sur la base du volontariat, plusieurs motivations peuvent l'expliquer: la fascination pour la vie militaire, l'uniforme, le prestige ; le désir de venger la mort d'un proche durant le conflit ou simplement de participer au combat pour la libération de son peuple ; le besoin de protection de la famille, du pays ou de sa localité. De plus, le manque d'accès à l'éducation est un facteur aggravant: les enfants n'étant pas ou plus scolarisés doivent trouver une occupation lucrative. L'engagement dans l'armée est alors une alternative au problème d'emploi.

Au plan politique, en 2000, M. Laurent Gbagbo n'a réussi à chasser du pouvoir le général GUEI que grâce aux manifestations de rue qui se sont appuyées sur la candeur de jeunes militants. Cette stratégie qui a payé, continue à être utilisée comme recette depuis lors et le parti au pouvoir se sert toujours des jeunes pour bloquer les artères des villes et exprimer, non pas des préoccupations touchant à la condition de ces jeunes, mais les siennes propres lorsque les voies officielles ou diplomatiques se révèlent inopérantes. Ainsi en janvier 2006, lorsque le Groupe de Travail International sur la Côte d'Ivoire avait publié un communiqué qui constatait la fin du mandat constitutionnel de l'Assemblé Nationale dont le FPI dispose de la majorité, le président Laurent Gbagbo a laissé les militants de son parti politique lancer les jeunes patriotes à l'assaut des biens et du personnel des Nations Unies, d'où il en était résulté six tués par balles dont deux enfants.

Face à cette stratégie faite de mélange sous fond de xénophobie, les enfants qui, de par leur vulnérabilité, sont exposés en pareilles situations ne mesurent pas ou mesurent à peine les risques auxquelles ils s'exposent et cèdent facilement à ce charme en comparaison des avantages qu'ils pourraient en tirer.

Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil étatique

Les affrontements militaires violents de 2002 ont abouti à la partition du pays, les rebelles contrôlant une portion de près de 60% du territoire caractérisée par la disparition totale des organes étatiques. Cette situation, préjudiciable aux droits humains et notamment aux droits des enfants, est bien résumée par les propos de Mme Louise Arbour : « A l'issue d'un conflit, les pays souffrent de la faiblesse ou de l'inexistence de l'état de droit, de l'insuffisance des moyens disponibles pour appliquer la loi et administrer la justice et de la multiplication des violations des droits de l'homme...».50(*) Ces propos expriment assez bien la situation de la Côte d'Ivoire caractérisée par la désaffection de l'administration et l'interruption du service public social.

A. Destruction de l'administration territoriale

Le contexte ivoirien actuel est caractérisé par la division du territoire en deux zones. D'une part, dans la zone contrôlée par les rebelles, les autorités de fait ne se sentent pas liées par les engagements internationaux souscrits par le gouvernement légal, et d'autre part tous les organes étatiques ont été enraillées de cette zone. D'ailleurs, la restauration de l'autorité de l'Etat en cours se fait par priorité accordée aux régies et établissements financiers et à l'administration territoriale. Les structures déconcentrées de l'Etat chargées des affaires sociales et de la solidarité sont encore absentes des zones FN. En zone rebelle, les administrations judiciaire et territoriale et les services de l'état civil ont complètement disparu jusqu'en 2007, année à laquelle des magistrats, préfets et sous préfets ont été à nouveau déployés de façon ponctuel pour exécuter l'opération d'audiences foraines destinée à délivrer les jugements et extraits de naissance dans le cadre du processus d'enrôlement électoral. Juste à la fin de cette opération, ces fonctionnaires se sont encore repliés à leurs postes dans la zone gouvernementale. Ce n'est qu'en fin 2008 que certains tribunaux et services de l'administration territorial sont redevenus opérationnels, cohabitant avec des chefs de guerre qui continuent de détenir une parcelle importante du pouvoir de police administrative alors que dans la plupart des cas, ils n'en ont ni la formation, ni la culture.

B. Interruption du service public

A la faveur des affrontements militaires et des exactions perpétrées par les rebelles contre certaines populations civiles pendant la guerre, ces dernières ont déserté les zones occupées pour se refugier dans les zones gouvernementales. Ceci s'est traduit par l'interruption de la scolarité des enfants et la dislocation des familles à la recherche d'abris. Des enfants s'en sont retrouvés éloignés de leurs parents biologiques, auprès des personnes qui ne se sentent pas ou ne sont pas obligés par le même degré de prise en charge vis-à-vis de ces enfants. Pendant ce temps, sur place dans les zones occupées, les agents des services sociaux, à corps défendant, ont aussi déserté, abandonnant écoles, hôpitaux, centres sociaux etc. Cette situation a d'ailleurs été aggravée par l'occupation et/ou la destruction par les rebelles de certains bâtiments publics (écoles, centres sociaux, établissements financiers, camps militaires brigades de gendarmerie, etc.).

Par ailleurs, la création des milices et l'occupation par celles-ci de centres sociocommunautaires (foyers de jeunes, centres sociaux etc.) a compromis sérieusement les droits à l'éducation, aux loisirs, et aggravé la mortalité infantile.

Dans ces conditions (rebelles encore en armes, désarmement opaque et sans cesse reporté, démobilisation des milices non réalisée, déminage non effectué, cessez-le-feu violé de façon répétée, structures étatiques désaffectées et service public interrompu), il est difficile d'assurer une protection efficace de l'enfance. Cela est d'autant ardu que l'application des instruments juridiques internes qui ont vocation à assurer aux enfants la protection nécessaire à leur statut est profondément affectée par des facteurs structurels, situation d'ailleurs compliquée par le faible engagement de l'Etat ivoirien dans les traités de protection des droits de l'homme.

Section II. Les facteurs structurels

Les obstacles au respect des droits de l'enfance dans le contexte ivoirien peuvent se ramener, de façon globale, à deux facteurs structurels : les facteurs historiques et socio-économiques d'une part et les difficultés d'application du cadre normatif de la protection d'autre part.

Paragraphe 1. Les facteurs historiques et économico-socio-culturels

Les migrations effrénées en direction de la Côte d'Ivoire sont facilitées par la porosité des frontières héritées de la période coloniale et engendré un sentiment de xénophobie à la faveur des crises politique et économique des années 1990. A cela s'ajoute le contexte économique, social et culturel du pays.

A. Le bornage et la gestion des frontières et les politiques migratoires de la période postcoloniale

La colonisation a laissé, comme héritage, des frontières dont la surveillance stricte se révèle ardue en raison des liens culturels que les soixante ans d'occupation coloniale n'ont pas pu dissoudre. Cette situation explique, au moins en partie, la porosité des frontières qui s'est traduite par les mouvements de populations entre les anciennes colonies, mouvements accélérés et accentués par les disparités économiques entre les anciennes colonies. Ces mouvements massifs et effrénés en direction de la Côte d'Ivoire ont fini par susciter le sentiment de xénophobie et engendrer ainsi des heurts interethniques.

I. La porosité des frontières : conséquence des bornages factices

La situation géographique de la Côte d'Ivoire peut également expliquer la situation peu encourageante des droits de l'enfance. En effet, le pays partage des frontières avec cinq pays (Guinée, Burkina Faso, Mali, Liberia, Ghana) dont deux sont enclavés. De façon générale, les frontières des Etats africains sont très perméables et cela peut s'expliquer par les circonstances dans lesquelles les territoires de ces Etats ont été délimités et gérés.

D'abord du point de vue de la gestion des territoires de l'ex-Afrique Occidentale Française, (AOF), entité coloniale dans laquelle se trouvait la Côte d'Ivoire, les transferts et affectations des fonctionnaires africains se faisaient sans considération des frontières anciennes qui délimitaient ces territoires au point que des fonctionnaires se sont retrouvés pendant plusieurs années éloignés de leur territoire d'origine et se sont fixés dans leurs lieux d'affectation.

Ensuite du point du bornage, les frontières actuelles sont celles issues de la période coloniale alors que « les délimitations coloniales n'ont pas toujours eu une grande précision ou étaient en contradiction avec les données géographiques et naturelles ».51(*) Cette balkanisation consacrée à la Conférence de Berlin en 1884 entre les puissances coloniales n'a pas pris en compte les frontières naturelles et a abouti à séparer des populations de mêmes aires culturelles qui continuent d'éprouver le besoin d'être soudées autour de leurs cultures. A l'instar de la plupart des colonies « la Côte-d'Ivoire ne connaissait pas de vraie cartographie lors de la naissance de l'AOF »52(*) dont tous les territoires étaient placés sous le contrôle du Gouverneur General de l'AOF.

Enfin, au moment de l'accession à l'indépendance de ces pays, les dirigeants africains craignirent que la remise en cause des frontières ne suscitât des conflits. Ils optèrent alors pour le principe de l'uti possidetis juris, ita possideatis (principe de droit international qui signifie "comme vous possédez, vous continuez à posséder") et les frontières héritées de la colonisation furent maintenues. Mais très tôt, l'ancienne AOF vit naître un second pôle économique et politique attractif qui concurrença, à maints égards, le Sénégal où se trouvaient les administrations coloniales : il s'agit de la Côte d'Ivoire. Plus tard, le besoin d'intégration de plus en plus ressenti et la volonté affichée par les dirigeants d'Afrique de l'Ouest a conduit à la suppression des frontières étanches, rendant ainsi les mouvements davantage fluides pour les populations africaines en général et celles de la zone CEDEAO en particulier. Dans ces conditions, les mouvements de populations sont tolérés sans les formalités d'usage. C'est dans ce contexte qu'intervient la crise militaire ivoirienne qui a aboutit à la division du territoire en deux zones, l'une administrée par le gouvernement légal et l'autre par les rebelles. Cette division a compromis gravement la mission régalienne de l'Etat, notamment la surveillance des frontières, l'administration de la justice et le maintien de l'ordre et de la sécurité intérieurs.

II. La xénophobie et les heurts interethniques : conséquence des disparités économiques entre les anciennes colonies

Le territoire de Côte d'Ivoire était connu comme terre d'immigration. En Afrique occidentale, elle « est le seul pays où la population a doublé en vingt (20) ans et triplé en trente (30) ans grâce à l'immigration massive des pays limitrophes ».53(*) Cette attraction est en partie due à la situation économique de la Côte d'Ivoire héritée de la période coloniale pendant laquelle les produits de rente comme le cacao et le café ont été promus par l'autorité coloniale, attirant une main d'oeuvre massive et mieux rémunérée que celle de la sous région. Après l'indépendance cette politique a été perpétuée, créant les conditions d'une immigration massive en direction du pays. Les immigrés s'y sont établis et ont cohabité pendant longtemps avec les autochtones sans heurts majeurs jusqu'aux années 1990 marquées par la crise économique et politique qui a suscité la xénophobie aggravée par la théorie de l'ivoirité54(*) « développée lors d'un forum qui s'est tenu à Abidjan en mars 1996 sous le titre L'ivoirité ou l'esprit du nouveau contrat social du président H.K. Bédié » 55(*). Plus tard, au déclenchement de la crise militaire en septembre 2002, très rapidement certaines communautés étrangères et celles du nord ont été soupçonnées de sympathiser avec les rebelles et ont été prises pour cibles par les milices. Alors, ont éclaté, entre les communautés autochtones et allochtones (burkinabè surtout), des conflits qui se focalisent, le plus souvent, sur la revendication de la propriété foncière. Ces conflits sont «attisés par une politique qui visait à n'accorder le droit de posséder une terre qu'aux seuls citoyens ivoiriens. Ces antagonismes ont également été exacerbés par une rhétorique xénophobe alimentée par certains hommes politiques et certains médias » 56(*). Les autochtones en sont alors arrivés à réclamer que les populations allochtones (Ivoiriens originaires de régions autres que celle qu'ils habitent) et « allogènes» (appellation donnée aux personnes venues de pays voisins, notamment le Burkina Faso, afin de travailler dans les plantations de cacao et de café) quittent leurs propriétés pour rentrer chez « eux ». Ces revendications se sont souvent exprimées à travers des violences, des attaques de villages et se sont soldées parfois par des morts y compris parmi les enfants. La plupart de ces conflits ont été enregistrés dans l'ancienne zone de confiance et à l'ouest du pays, zones de prédilection des activités des milices progouvernementales.

A cela s'ajoute le comportement des forces de sécurité et des forces rebelles relativement à la question du trafic des enfants. D'un côté comme de l'autre, la recherche d'intérêts personnels a engendré une grande propension à la corruption avec des conséquences aggravantes sur ce phénomène.57(*)

B. L'environnement économico-socio-culturel

Le contexte économique, social et culturel de la Côte d'Ivoire recèle de nombreux obstacles au respect des droits de l'enfance. Ces obstacles tirent leurs origine de la pauvreté et du sous-développement, mais également des pesanteurs sociologiques (religions, traditions et ignorance).

I. La pauvreté et le sous-développement

Selon l'indice de développement humain, la Côte d'Ivoire occupe le 164e rang sur un total de 177 pays. Le taux de pauvreté est estimé à 43,2% en 2006 dans le rapport sur le diagnostic de la pauvreté publié en 2007, sur la base d'un seuil de dépense annuelle de 162 800 FCFA par habitant.58(*)

Dans ses efforts pour établir la relation entre pauvreté et droits de l'homme, le Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme a examiné la question sous plusieurs angles y compris sous l'angle des capacités et a écrit « La pauvreté peut être considérée comme un niveau réduit de possibilités ou l'impossibilité d'atteindre un niveau minimal acceptable de capacités essentielles».59(*)

La pauvreté est un « obstacle relevant de l'ordre économique et social, qui se ramène à la relation complexe de cause à effet entre sous-développement, autoritarisme et violation des droits de l'homme... ».60(*) Elle explique également les violations des droits de l'enfance. Le sous-développement est un facteur souvent ignoré, qui figure parmi les facteurs qui contribuent au non-respect des droits de l'homme en général et ceux des enfants en particulier. Certaines violations des droits comme les enlèvements et la traite s'expliquent par des raisons économiques. Economiquement, les réseaux de trafiquants tirent des gains financiers à travers les rétributions qu'ils perçoivent sous forme de primes versées par les employeurs au recrutement des enfants ou des ristournes sur le traitement salarial des enfants travailleurs placés. Pour raison de pauvreté également, «les familles ne pouvant subsister aux besoins de leurs enfants, certains se désignent pour s'enrôler dans l'armée ou les groupes paramilitaires, soulageant ainsi leurs proches d'une bouche à nourrir, tout en assurant eux-mêmes leur subsistance».61(*)

Les disparités sociales amènent à la mise en place des systèmes de solidarité comme la pratique de «confiage» entendu comme le fait de remettre l'enfant à un membre de la famille à charge de son éducation, de son instruction, et souvent son insertion dans une vie professionnelle. Les zones de recrutement des enfants victimes de la traite sont celles de grande extension de la pauvreté pour lesquelles les enfants constituent le socle d'une revalorisation sociale certaine.

En plus, le chômage est très préoccupant en Côte d'Ivoire (selon les sources de The World Factbook, CIA 3 et de l'ONU, le taux du chômage est de 13%) et le système éducatif, depuis une vingtaine d'années est désarticulé, livrant à la rue des milliers de déscolarisés très peu encadrés par les parents. Chaque année scolaire est interrompue par des grèves cycliques qui confinent les enfants dans l'ennui du repos et les exposent à l'appât des manifestations de rue qui, bien que ne procurant aucune rétribution directe, leur offrent l'occasion de se distraire de manière parfois violente contre des cibles souvent mal désignées.

Par ailleurs, les raisons du travail des enfants sont davantage d'ordre économique. Ils travaillent pour s'assurer l'autonomie financière et subvenir à leurs propres besoins et, lorsqu'ils sont en rupture avec le système scolaire, ils s'orientent ou sont orientés vers un apprentissage professionnel, garantie d'une probable promotion sociale.

II. L'ignorance des droits de l'enfant et le poids des religions et traditions

L'un des freins au respect des droits de l'enfant en Afrique en général réside dans la méconnaissance, par les populations, des droits consacrés dans les différents instruments nationaux régionaux et internationaux. Cet état de choses est dû à l'alphabétisme et au faible taux de scolarisation d'une part et, d'autre part, aux pratiques religieuses.

Le taux d'alphabétisme est assez élevé (48,7%)62(*) même si, de façon générale, la plupart des Ivoiriens s'expriment dans un certain français comme le Nouchi63(*). Cette situation ne permet pas aux populations d'accéder et d'assimiler les règles de droit moderne sur l'enfance. C'est ce qui explique la persistance de pratiques comme les mutilations génitales dans plusieurs communautés du pays. C'est aussi cet état de choses qui explique la traite des enfants sous toutes ses formes ainsi que les mariages forcés et précoces.

Le faible taux de scolarisation (taux net d'inscription/fréquentation à l'école primaire : 58 % ; au secondaire : hommes : 27%, femmes : 15%), qui est déjà en soi une violation du droit à l'éducation et à l'épanouissement, aggrave certaines autres formes de violations des droits de l'enfance parce qu'il crée une situation de non-occupation de l'enfant et l'expose en proie facile pour les traites, les recrutements d'enfants-soldats, l'utilisation à des fins malsaines, les mariages forcés et précoces, etc.

En particulier la scolarisation des filles est perçue comme une gageure en raison des interruptions fréquentes du parcours scolaire, dues à des grossesses prématurées. Dans plusieurs cultures et régions de Côte d'Ivoire, très peu de filles ont été inscrites à l'école (Taux de scolarisation net 2003-2008, 49% dans le primaire et 14%dans le secondaire)64(*). Les filles sont considérées comme destinées au mariage à court terme et n'ont donc pas besoin d'être scolarisées car, de toute façon cette scolarisation sera interrompue par le mariage.

Concernant les religions, la population de Côte d'Ivoire est multiculturelle et religieuse. Elle est composée de musulmans (38 %). Viennent ensuite les chrétiens, surtout catholiques (22%) et protestants (5,5 %). Une forte proportion est restée fidèle aux religions traditionnelles (17 %) et enfin le reste (17 %) pratique d'autres religions.65(*)

Dans les communautés d'obédience musulmane ou des religions traditionnelles les règles de droit traditionnel ou musulman l'emportent sur celles du droit moderne élaboré en conformité de l'évolution du temps. Les populations préfèrent vivre en marge des règles de droit moderne et se conformer à leurs coutumes respectives.

Dans un pareil environnement socio-culturel, le respect des droits de l'enfant relève d'une utopie ou d'un voeu pieux, car le cadre normatif interne et la relation entretenue par l'Etat avec les instruments internationaux de droits de l'homme ne sont pas de nature à stimuler l'épanouissement de l'enfance.

Paragraphe 2. Le cadre normatif interne et le faible engagement de l'Etat dans les instruments internationaux

Dans un contexte de conflit interne, le système de protection étatique des droits de l'homme s'affaiblit. Et pourtant les organes étatiques ont un rôle crucial à jouer pour résoudre les problèmes de protection de l'enfance. Des secteurs comme l'application des lois et la justice tiennent une bonne part dans la résolution des problèmes de l'enfance délinquante. Ces problèmes sont réglés conformément au cadre normatif interne qui, à lui seul, s'avère limité et mérite d'être complété par les instruments internationaux pour être efficace.

A. Aperçu du cadre normatif de la protection

Le cadre normatif interne est constitué de tous les instruments juridiques internes à la Côte d'Ivoire et destinées à assurer la protection des enfants. La mise en oeuvre de ce cadre rencontre quelques difficultés.

I. Aspects de la protection

La protection juridique revêt plusieurs aspects qu'on peut catégoriser en deux volets qui sont principalement l'aspect pénal et l'aspect civil.

1. Au plan pénal 

Afin d'assurer la protection des mineurs au plan pénal, une organisation judiciaire spéciale leur a été dédiée, conduisant ainsi à la détermination de compétences propres pour les magistrats chargés des affaires impliquant des enfants ainsi que l'application des règles de fond qui prennent en compte leur statut.

a. L'organisation judiciaire pour les enfants et la compétence rationae personae relativement aux mineurs

L'appareil judiciaire ivoirien est organisé par la loi n° 61-155 du 18 mai 1961 portant organisation judiciaire, modifiée et complétée par les lois n°64-227 du 14 juin 1964, n°97-399 du 11 juillet 1997, n° 98-744 du 23 décembre 1998 et n° 99-435 du 6 juillet 1999. Cette dernière modification du texte rétablit le principe de la séparation des fonctions judiciaires parce qu'elle consacre enfin, au niveau des sections détachées des tribunaux de première instance, la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement. Auparavant, en effet, un seul magistrat cumulait ces différentes fonctions, ce qui était contraire aux principes les plus élémentaires de justice et était de nature à favoriser la toute puissance et l'arbitraire des juges de section même en matière de délinquance juvénile. Cette réforme a malheureusement mis du temps pour être mise en application. Elle n'a été mise en oeuvre, qu'à compter de la rentrée judiciaire 2004.

S'agissant de la compétence des juridictions relativement à la délinquance infantile, le code de procédure pénale de Côte d'Ivoire institue en ses articles 756 et suivants une justice pénale des mineurs depuis la constatation des infractions jusqu'à leur répression. Il s'agit d'une justice destinée à protéger et à rééduquer les mineurs délinquants et les magistrats d'instruction disposent de larges pouvoirs pour décider du régime approprié à leur appliquer.

A l'étape de jugement les mêmes spécificités prévalent. Ici, il s'agit essentiellement du tribunal pour enfants ou du juge des enfants statuant en chambre de conseil ou de la cour d'assises des enfants. La brigade des mineurs en tant que section de la police judiciaire chargée de constater les infractions commises sur les enfants, la recherche des preuves et des auteurs, contribue à l'exécution des attributions des différentes juridictions dans la protection des enfants.

b. Les lois pénales de fond et la reconnaissance d'un statut spécial au mineur

Trois aspects de la protection de l'enfant ont été mis en lumière à travers le code pénal : il s'agit de la protection de l'enfant-victime, des circonstances aggravantes tirées de la qualité de la victime (enfant) et enfin de l'excuse de minorité dont bénéficie l'enfant en conflit avec la loi. C'est l'aspect de la protection de l'enfant-victime qui retiendra notre attention ici, les deux autres aspects devant faire l'objet de développements dans la seconde partie de notre étude.

S'agissant de l'incrimination des infractions commises sur l'enfant, le code pénal la traite, en prenant la qualité d'enfant comme une circonstance aggravante. Dans divers articles du code les infractions suivantes ont été incriminées et réprimées:

- le viol (art.354) ;

- l'attentat à la pudeur (art.355 et suivants) ;

- l'outrage public à la pudeur (art. 360) ;

- l'infanticide (article 361) ;

- les violences et voies de fait (art.362) ;

- l'abandon d'enfant (article 363 et suivants).

- les atteintes à l'état civil d'un enfant (art. 383)

- l'enlèvement de mineur (articles 370 à 372)

Certaines de ces incriminations ne souffrent d'aucune ambigüité, puisque les éléments matériel et moral sont bien déterminés ou sont faciles à isoler à travers les articles qui les incriminent. C'est le cas notamment de:

- l'infanticide : «Est qualifié infanticide, le meurtre d'un enfant dans le mois de sa naissance »

- l'abandon d'enfant « Quiconque expose ou fait exposer, délaisse ou fait délaisser, en un lieu solitaire, un enfant... ».

- atteintes à l'état civil d'un enfant « Est puni d'un emprisonnement de cinq ans à dix quiconque, par ses agissements, compromet, détruit ou modifie l'état civil d'un enfant au dessous de l'âge de 10 ans ou d'un enfant atteint d'une infirmité mentale le rendant incapable de connaitre sa propre identité... »

- l'enlèvement de mineur « Quiconque par fraude ou violences enlève sous quelques forme que ce soit des mineurs des lieux où ils étaient placés par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis.... » (article 372). Cette qualification est complétée par l'article 371 qui y ajoute l'enlèvement sans violence ni fraude et sa tentative.

Il s'agit effectivement d'infractions dont la qualité d'enfant, en tant que victime, constitue une circonstance aggravante puisque les mêmes infractions peuvent être commises sur des adultes.

2. Au plan civil

La constitution ivoirienne du 23 juillet 2000 garantit la protection aux enfants en son article 6 « L'État assure la protection des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées ». Cette protection a également fait l'objet de plusieurs dispositions du code civil et se fait essentiellement à travers les mesures de protection ou d'assistance éducative mais aussi à travers les attributions accordées aux magistrats du parquet.

a. Les mesures de protection ou d'assistance éducative

Le danger pour un mineur peut provenir de ses parents ou de ceux qui sont investis du droit de garde. La loi N° 70-763 du 3 mars 1970 sur la minorité constitue le siège de la protection du mineur contre cette catégorie de personnes. Cette loi organise la protection des mineurs sur les aspects suivants : la puissance paternelle, les mesures de protection ou d'assistance éducative, l'incapacité, l'administration légale, la tutelle et l'émancipation.

L'article 10 dispose en effet: « Les mineurs peuvent faire l'objet de mesures de protection ou d'assistance éducative :

1° lorsqu'ils donnent à leurs parents ou à la personne investie du droit de garde des sujets de mécontentement très graves par leur inconduite ou leur indiscipline ;

2° lorsque leur santé, leur sécurité, leur moralité ou leur éducation sont compromises ou insuffisamment sauvegardés en raison de l'immortalité ou de l'incapacité des père ou mère ou de la personne investie du droit de garde »

La même loi édicte en ses articles 27 et suivants l'incapacité du mineur, une incapacité destinée à protéger le mineur contrairement aux incapacités qui frappent les majeurs qui sont les unes punitives et les autres destinées à protéger les tiers. Elle règle également les questions de puissance paternelle.

b. L'intervention du ministère public dans les affaires impliquant le mineur et le contrôle des actes d'état civil

Le ministère public est une institution dont la fonction essentielle « est de lancer et d'exercer l'action publique par laquelle il réclame la condamnation du délinquant à une peine ou à une mesure de sûreté».66(*) Il s'agit donc d'une fonction d'ordre pénal (poursuite des infractions, recherche des preuves et des responsables). Mais l'article 106 du code de procédure civile, commerciale et administrative lui accorde des compétences d'ordre civil dans les causes dites communicables. Ainsi « le ministère public peut prendre communication dans toutes les causes où il juge son intervention utile et déposer des conclusions ».67(*)Au rang de ces matières se trouvent celles dans lesquelles des incapables sont en causes et celles intéressant l'état des personnes.

S'agissant des affaires où sont en cause des incapables, le juge civil saisi d'une affaire impliquant un mineur doit obligatoirement la communiquer au ministère public afin que celui-ci émette son avis. Cette exigence posée par l'article 106 est destinée à protéger les intérêts du mineur au plan de la justice civile.

Relativement aux affaires intéressant l'état des personnes, le ministère public dispose d'un droit de contrôle des actes d'état civil, notamment le mariage, les changements de nom etc. Ainsi, lorsqu' une allégation de minorité est portée à la connaissance de l'officier d'état civil, dans la célébration d'un mariage, celui-ci doit immédiatement surseoir à la célébration dudit mariage et en informer le procureur de la république ; ce magistrat peut lui demander de passer outre comme il peut s'opposer audit mariage. Si l'information est portée à la connaissance du procureur de la république en dehors du canal de l'officier d'état civil, il peut former opposition. Il ne peut être procédé au mariage tant que le ministère public n'a pas donné mainlevée de l'opposition.

Par ailleurs, tous les registres ouverts à l'état civil sont tenus à la disposition du ministère public quand il le requiert et sont soumis à son contrôle.68(*) Le contrôle peut révéler des irrégularités comme les changements frauduleux d'âge ou l'usurpation de nom ayant pour finalité d'élever l'âge d'un enfant afin de conclure un mariage avec un faux âge qui laisse penser que l'enfant a la majorité civile pour se marier. Les attributions du procureur de la république en ce domaine permet de déceler ces irrégularités et, au besoin, d'engager leur sanction.

Il s'agit, là encore, d'un filtre destiné non seulement à préserver l'ordre public mais aussi à protéger l'état des personnes notamment des enfants dont l'état civil peut faire l'objet de modifications qui peuvent se révéler très préjudiciables à eux.

II. Les difficultés de mise en oeuvre du cadre normatif interne

Les difficultés de mise en oeuvre se situent aussi bien au plan pénal qu'au plan civil et concernent l'organisation judiciaire, la procédure, et le fond du droit. Elles sont aussi relatives à la situation de partition du territoire et la disparition des services judiciaires.

1. Au plan pénal

Deux catégories d'insuffisances peuvent être relevées : les difficultés liées au droit de fond et celles relatives au droit de forme.

S'agissant du fond du droit, certaines difficultés portent sur le caractère vague des incriminations, tiré de la définition de ces infractions. Or, en l'absence de définition, les éléments matériel et moral peuvent s'avérer difficiles à déterminer. On peut ranger dans cette rubrique le viol, l'attentat à la pudeur, l'outrage public à la pudeur, les violences et voies de fait. Le défaut de définition de ces infractions ou l'imprécision qui entoure leurs éléments moral et matériel porte une sérieuse entorse au principe de la légalité des infractions et des peines « nullum crimen, nulla poena sine lege » (pas de crime, pas de peine sans loi) consacré par les articles 22 et 23 du statut de la CPI et peuvent engendrer des difficultés quant à leur qualification et, par voie de conséquence, leur répression.

A ces difficultés, s'ajoute l'absence de l'incrimination de certaines infractions susceptibles d'être commises sur les enfants qui sont évoquées dans les instruments internationaux et régionaux. Il s'agit notamment du recrutement d'enfants-soldats, de la pornographie impliquant des enfants, l'utilisation des enfants dans des manifestations à risque, les attaques dirigées contre des écoles ou des hôpitaux ou le refus d'autoriser l'accès des organismes humanitaires aux enfants etc.

Relativement au droit de forme les problèmes sont liés aux pouvoirs du juge des enfants. Ils sont aussi relatifs à l'organisation judiciaire notamment la non-spécialisation des officiers et agents de police judicaire.

Le juge des enfants dispose d'une grande liberté d'action quand il décide en Chambre du Conseil ou au sein du tribunal pour enfants. Or il n'existe pas de mécanismes de contrôle destinés à garantir la transparence de la procédure, par exemple l'obligation de communication du dossier au parquet au terme de l'instruction. Ensuite les fonctions de juge d'instruction des mineurs et de juge des enfants ne sont pas distinctes. Pis encore, dans les sections détachées des tribunaux de première instance, le juge de section faisait office d'organe de poursuite, d'instruction et de jugement jusqu'à la rentrée judiciaire 2004 où des substituts de procureur ont été affectés dans les sections détachées pour jouer le rôle de ministère public. Cette concentration de pouvoirs sans contrôle aux mains du juge des enfants et du juge de section peut conduire à des excès lorsque l'on sait, a priori, qu'il y a insuffisance de personnels dans les juridictions encombrées par les affaires de toutes sortes.

Quant à l'organisation judiciaire, le code de procédure pénale ne prévoit pas de dispositions spécifiques applicables aux mineurs dans le cadre de l'enquête préliminaire qui est essentiellement exécutée par la police judiciaire dont les officiers et agents disposent de larges pouvoirs d'action qui sont définis à l'article 14 du code de procédure pénale: « Elle est chargée....de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte». Pour exécuter ces fonctions, plusieurs moyens d'action sont mis à la disposition de la police judiciaire, et ces moyens constituent de véritables restrictions aux droits humains et aux libertés individuelles. Il s'agit notamment de la garde à vue, des auditions, des visites domiciliaires, des perquisitions et saisies. Ces mesures sont mises en oeuvre par les officiers de police judiciaire non magistrats qui peuvent les décider contre des mineurs alors qu'ils ne disposent d'aucune spécialité relativement aux enfants. La seule section spécialisée de la police judiciaire est la brigade des mineurs sise à Abidjan (capitale économique du pays) pour s'occuper des affaires concernant les mineurs et, d'ailleurs, elle ne dispose pas d'une compétence rationae personae exclusive. Cette brigade ne dispose d'aucun démembrement au niveau des régions à l'intérieur du pays.

Par ailleurs il a été impossible, jusqu'en 2008, de mettre en oeuvre la protection judiciaire des enfants dans les zones contrôlées par les rebelles, étant donné que l'appareil judiciaire et son soutien en forces publiques d'ordre ont totalement disparu de cette zone.

2. Au plan civil

D'abord, du point de vue juridictionnel, dans l'organisation judiciaire ivoirienne, il n'existe pas de juges spécialisés pour les affaires civiles impliquant les enfants. Il existe dans chaque tribunal de première instance (1er degré) une chambre civile qui s'occupe des affaires civiles impliquant, de façon indifférente, les majeurs et les mineurs.

Ensuite, la "justiciabilité" de certains des droits reconnus aux enfants bute sur les options idéologiques et économiques, bien que ces droits aient été énoncés dans la convention relative aux droits de l'enfant et la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Les mécanismes de protection existent dans la plupart des ordres juridiques des pays africains francophones mais peinent déjà à s'exprimer dans un contexte exempt crise. A fortiori dans un contexte de crise marquée par la partition du territoire, ils deviennent inopérants.

Enfin, comme au plan pénal, il n'a été impossible de mettre en oeuvre le mécanisme de protection au plan civil en raison de la disparition totale, jusqu'en 2008, de l'administration judiciaire dans les zones contrôlées par les rebelles. Dans ce contexte, seul le droit international peut encore servir de base solide aux actions visant à améliorer la situation des enfants. Malheureusement, la Côte d'Ivoire n'a pas une grande propension à se lier par les instruments internationaux.

B. La faiblesse de l'engagement de l'Etat ivoirien dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme

Deux constats expriment le faible engagement de l'Etat ivoirien dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et à la protection des enfants. Il s'agit, d'une part, des retards avec lesquels il ratifie certains instruments internationaux et de la manière dont il les exécute et, d'autre part, de la réticence qu'il manifeste à ratifier les autres.

I. Des traités ratifiés avec retard et/ou partiellement exécutés

L'Etat de Côte d'Ivoire a ratifié certains instruments relatifs aux droits de l'homme avec un retard qui témoigne d'un manque de volonté politique de s'engager. Pour d'autres instruments bien que ratifiés tôt, l'exécution des engagements y souscrits souffrent de manquements notoires.

1. Au plan régional : la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et les instruments spécifiques aux droits des enfants

Au titre des instruments régionaux (dans le cadre de l'organisation de l'Unité Africaine et plus tard, de l'Union africaine), plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme ont été adoptés. De façon générale, on constate que l'Etat de Côte d'Ivoire ne se montre pas prompte sur la ratification de ces traités régionaux. On peut citer dans ce chapitre :

· la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée en 1981 entrée en vigueur le 21 octobre 1986. La Côte d'Ivoire a attendu le 6 janvier 1992 soit six ans après son entrée en vigueur pour la ratifier;

· Le protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, entré en vigueur le 25 janvier 2004, adopté le 09 juin 1998, signé à la même date par l'Etat ivoirien qui ne l'a ratifié que le 07 janvier 2003 ;

· La charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant adoptée le 11 juillet 1990, entrée en vigueur 29/11/1999, ratifiée par l'Etat ivoirien le 1er mars 2002, mais dont le dépôt des instruments de ratification n'a été effectué que le 18 juin 2007 soit dix sept (17) ans après son adoption.

2. Au plan international et universel

La Côte d'Ivoire a ratifié la Convention relative aux Droits de l'Enfant le 4 février 1991. Elle s'est engagée, par cette ratification, à faire de la protection de toutes les personnes âgées de moins de 18 ans, une priorité gouvernementale et à rendre compte, tous les cinq ans auprès des Nations Unies, de l'application de ladite convention dans le pays. Cependant, le dernier rapport soumis au Comité des droits de l'enfant en date du 22 janvier 1999 fait état en général d'un retard accumulé dans l'application de la convention en raison de difficultés économiques, politiques et sociales rencontrées par le pays. Il s'ensuit déjà là que la Côte d'Ivoire ne respecte même pas les échéances de soumission de ses rapports sur les mesures que l'Etat met en oeuvre en vue de la protection et de la promotion des droits énoncés dans cette convention.

La convention de l'OIT du 26 juin 1973 sur l'âge minimum encore dénommée convention N°138 et la convention sur les pires formes du travail des enfants adoptée le 17 juin 1999 dénommée convention N°182 ont été toutes deux ratifiées par l'Etat de Côte d'Ivoire le 21 janvier 2002, alors qu'elles sont entrées en vigueur respectivement le 19 juin 1976 et le 28 septembre 1999. Ces deux conventions qui visent l'éradication de la traite des enfants (entendue sous une acception large) et les pires formes du travail des enfants, ont été pour l'une ratifiée avec grand retard, ce qui, pendant longtemps, a laissé un vide juridique qui a favorisé l'utilisation des enfants dans les plantations de cacao; 69(*)pour la seconde, ce n'est que le 14 juin 2005 (soit trois ans après la ratification) que le ministère de la fonction publique et de l'emploi a signé un arrêté portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de dix huit (18) ans.70(*)

II. Des traités non ratifiés

Au plan régional et international quelques instruments importants sont encore en attente d'être ratifiés par l'Etat ivoirien.

1. Au plan régional

La Côte d'Ivoire n'a pas encore ratifié les instruments suivants qui constituent pourtant un baromètre pour l'engagement en faveur des droits de l'homme au plan régional. Il s'agit notamment du :

· protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, adopté le 11 juillet 2003 et entré en vigueur le 25 novembre 2005. La Côte d'Ivoire l'a pourtant signé le 27 février 2004.

· protocole portant statut de la cour africaine de justice et des droits de l'homme adopté le 11 juillet 2003, entré en vigueur le 11 février 2009. Il a été signé par l'Etat ivoirien le 27 février 2004.

2. Au plan international et universel

L'Etat ivoirien n'a ni signé, ni ratifié les deux protocoles additionnels à la convention concernant l'une, la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants entré en vigueur le 18 janvier 2002 et l'autre, la participation des enfants aux conflits armés entré en vigueur le 12 février 2002. Il n'a pas non plus signé ni ratifié la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale entrée en vigueur le 1er mai 1995. Le statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale ne lie pas la Côte d'Ivoire puisque ce pays l'a signé le 30 novembre 1998, mais ne l'a pas encore ratifié alors que si cet instrument avait été ratifié, il eût permis à cette juridiction de poursuivre et juger les crimes de guerre comme le recrutement d'enfants-soldats, les viols et meurtres commis à l'occasion du conflit ivoirien. Le contexte de division du territoire de la Cote d'Ivoire pays et l'établissement d'autorités de fait qui en découle dans la zone rebelle font obstacle à la poursuite des auteurs de ces crimes dans cette zone pendant que dans la zone gouvernementale la volonté de couvrir ces impunités reste encore manifeste. 71(*)

DEUXIEME PARTIE: LA PROTECTION DES ENFANTS DANS LE CONTEXTE IVOIRIEN

Le contexte ivoirien de ni paix, ni guerre impose la conjugaison des efforts de protection des organes étatiques, des organismes internationaux et des organisations non gouvernementales. La mise en oeuvre de cette protection est particulièrement complexe en raison de l'étendue des droits reconnus et garantis aux enfants par les différents instruments internationaux. Elle révèle des constats qui suscitent des enseignements.

CHAPITRE I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION

La mise en oeuvre de la protection de l'enfance revêt deux aspects et l'on peut distinguer la protection juridictionnelle et la protection extra juridictionnelle. Ces aspects correspondent à des activités qui s'insèrent dans un cadre organique et pratique.

Section I. La protection juridictionnelle et quasi juridictionnelle

Si, pour l'enfant en conflit avec la loi, la convention relative aux droits de l'enfant recommande en son article 40 le recours, si possible, aux procédures non judiciaires, les procédures judiciaires s'imposent par contre dans certaines circonstances, notamment lorsqu'il s'agit de protéger l'enfant victime ou lorsque les intérêts civils sont menacés. Selon la matière concernée, elle est exécutée par le juge pénal ou le juge civil.

Paragraphe 1. La protection de l'enfance par le juge pénal

Cette protection est assurée grâce à des instruments et mécanismes relavant aussi bien de l'ordre interne qu'international. Les organes de protection sont également repartis entre ces deux niveaux.

A. Au plan interne

Sur le plan de la justice pour mineurs, l'article 37 de la CDE évoque la protection des enfants privés de liberté. L'article 40 demande expressément aux Etats parties à la convention « ...d'établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale...» et le code pénal de Côte Ivoire pose, en son article 116, le principe de l'impossibilité de qualification pénale des faits commis par le mineur âgé jusqu'à 10 ans.

A travers ces textes,  la protection peut être mise en exergue sur trois plans :

o l'organisation judiciaire ;

o l'instruction judiciaire ;

o l'exécution des peines.

Contrairement à la stipulation de l'article 40. 3 b de la convention des droits de l'enfant, qui recommande de recourir, si cela est possible, aux voix extrajudiciaires pour régler les infractions impliquant les enfants, le droit ivoirien opte pour les procédés judiciaires fixés pour les tribunaux aussi bien au niveau de l'organisation judiciaire que de la procédure et de la nature des décisions qui doivent être prises relativement aux enfants délinquants. Cependant les spécificités prévues par les textes sont protectrices du mineur délinquant.

I. L'organisation judiciaire

Au niveau de l'organisation judiciaire, les juridictions pour mineurs sont distinctes de celles des majeurs. Ce sont les articles 756 et suivants du code de procédure pénale qui déterminent les juridictions compétentes en matière d'enfance délinquante. L'article 756 dispose en effet : « Les mineurs de dix huit ans auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne sont pas déférés aux juridictions pénales de droit commun et ne sont justiciables que des tribunaux pour enfants et de la cour d'assises des mineurs ». A ces juridictions l'on doit ajouter le juge des enfants en raison des pouvoirs importants dont il dispose en la matière.

1. Le juge des enfants

Dans chaque tribunal de première instance, il est nommé un juge des enfants compétent pour connaître des affaires où un mineur de dix huit (18) ans est en cause, étant entendu que le mineur de dix huit ans est celui qui n'a pas encore atteint cet âge. Il fait office de juge d'instruction en matière d'enfance délinquante. L'instruction des délits commis par les enfants est confiée aux juges des enfants et aux juges des sections détachées de tribunal.

Le juge des enfants peut décider de statuer en chambre du conseil. C'est lui qui apprécie les affaires à juger en chambre du conseil (avantage : rapidité en matière de décision). Le huis clos des débats est destiné à protéger l'enfant.

Au niveau de la poursuite des infractions, de la recherche des preuves et de l'inculpation, l'instruction judiciaire est obligatoire et l'utilisation des procédures accélérées comme celles de délits flagrants ou encore celle de citation directe est interdite contre le mineur. L'article 766 nouveau CPP en son alinéa 2 dispose : « En aucun cas il ne peut être suivi contre le mineur selon la procédure de flagrant délit ou de citation directe » L'alinéa suivant ajoute même que « Lorsque le mineur de dix huit ans est impliqué dans la même cause qu'un ou plusieurs majeurs de dix huit ans, lesquels sont poursuivi en flagrant délit ou par voie de citation directe, le procureur de la République constitue un dossier spécial concernant le mineur et saisit le juge des enfants. Si une information a été ouverte, le juge se dessaisit dans les plus brefs délais à l'égard tant du mineur que des inculpés majeurs au profit du juge des enfants ». Cette interdiction de procéder à l'égard des mineurs selon la procédure de flagrant délit ou de citation directe a pour objectif de lui garantir une étude plus attentive de son dossier par l'ouverture d'une information judiciaire.

Le rôle du juge des enfants est plus vaste que celui du juge d'instruction et en plus de la recherche de la manifestation de la vérité, il doit entreprendre toute investigation visant à cerner la personnalité du mineur et les moyens appropriés à sa rééducation. Il fait procéder ou procède à des enquêtes sociales dans le but de s'imprégner de la situation matérielle et morale de la famille du mineur, sur les caractères et les antécédents du mineur, sa fréquentation scolaire, son attitude à l'école, les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé.

Le mineur doit toujours être assisté d'un avocat et s'il n'en a pas, le juge des enfants doit lui trouver un. Toute personne présentant une garantie suffisante peut représenter le mineur, mettre le mineur en confiance et le protéger tant que cela est possible.

2. Le tribunal pour enfants

L'article 762, nouveau (loi du N°69-371 du 12 aout 1969) code de procédure pénale dispose : « Il existe au siège de chaque tribunal de première instance ou de chaque section de tribunal, un tribunal pour enfants et un ou plusieurs juges des enfants »

Le tribunal pour enfants a une composition spéciale en ce sens que les accesseurs ne sont pas forcément magistrats mais sont choisis parmi les citoyens en raison de leur intérêt pour l'enfance délinquante. Il comporte un président et deux assesseurs. La présidence est assurée par le juge des enfants. Le juge des enfants dispose d'une grande liberté d'action quand il décide en chambre du conseil ou au sein du tribunal pour enfants.

En phase d'appel, les recours contre les décisions de ce tribunal ou contre celles du juge des enfants ayant statué en chambre de conseil sont exercés devant des formations présentant les mêmes spécificités de séparation que les juridictions de première instance. Ainsi au niveau de la chambre des appels correctionnels de chaque cour d'appel, il est institué une formation spéciale pour les délits commis par les enfants. Lorsque l'enfant est coupable de crime, il est jugé par la cour d'assises des mineurs.

Juridiction non permanente statuant en matière pénale pour les enfants, et n'intervenant que pour les infractions de nature criminelle, la cour d'assises des mineurs est instituée suivant l'article 776 CCP pour juger les mineurs de 16 ans au moins, poursuivis du chef de crime. Aux termes de cet article, le mineur de moins de seize ans ne peut être poursuivi du chef de crime. S'il est l'auteur d'un crime, l'affaire sera correctionnalisée et confiée au juge des enfants qui peut le renvoyer devant le tribunal pour enfants pour y être jugé ou le juger lui-même en chambre du conseil. En clair, les assises sont exclues pour le mineur de moins de seize ans.

La cour d'assises des mineurs se compose de 9 «juges'' à savoir 3 magistrats dont un assure la présidence et 6 jurés. La sélection des jurés tient compte de l'intérêt que chacun d'eux porte aux problèmes de l'enfance délinquante. Les deux membres magistrats sont, autant que possible, choisis parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'assises.

En cas de pourvoi en cassation contre les arrêts de la formation des enfants de chambre des appels correctionnels de la cour d'appel ou contre les arrêts de la cour d'assises des mineurs, c'est la chambre judiciaire de la cour suprême sans les spécificités qui existent en première instance et en appel.

Pour protéger les mineurs contre l'effet d'imitation, l'article 306 alinéa 2 du code de procédure pénale donne au président le pouvoir d'interdire l'accès à la salle d'audiences aux mineurs ou à certains d'entre eux, ce qui constitue une dérogation au principe de la publicité des débats. Aussi l'article 782 alinéas 1er, 2e, 4e et 5e du même code énumère-t-il limitativement les catégories de personnes pouvant être admises dans la salle d'audiences dans un procès de mineur qu'il s'agisse de la cour d'assises des mineurs ou du tribunal pour enfants.

L'efficacité de la protection par le biais de ces dispositions d'ordre procédural est renforcée par la nature et le caractère des mesures qui peuvent être décidées relativement au mineur en conflit avec la loi

II. La protection à travers les mesures susceptibles d'être prises relativement au mineur et leur exécution

Deux mécanismes de protection sont ici identifiables : la nature des décisions qui peuvent être prises contre le mineur et les excuses de minorité. L'exécution des mesures de restriction ou de privation de liberté est dominée par le souci de préserver l'intégrité physique et moral de l'enfant.

1. Les privations ou restrictions de liberté

Les mesures qui peuvent être prises relativement au mineur varient en fonction de la situation du mineur et de la nature de l'infraction commise. Elles varient également en fonction du degré des juridictions qui en sont chargées. Ces mesures peuvent consister en une restriction ou une privation de liberté, que les décisions émanent du juge des enfants, du tribunal pour enfants ou de la cour d'assises des mineurs

a. Les décisions du juge des enfants

Le juge des enfants peut décider l'une des mesures prévues à l'article 770 du code de procédure pénale. Il peut décider de confier provisoirement l'enfant délinquant à ses parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde ainsi qu'à une personne digne de confiance. Il peut également décider de la placer dans un centre d'accueil ou une institution publique ou privée habilitée à cet effet, au service de l'assistance à l'enfance ou à un établissement hospitalier ou encore à un établissement ou une institution d'éducation de formation professionnelle ou de soins de l'Etat ou d'une administration publique habilitée.

L'article 770 mentionne aussi que, s'il estime que l'état physique ou psychologique du mineur justifie une observation approfondie, le juge peut ordonner son placement provisoire dans un centre d'observation agrée par le ministre de la justice. C'est sur la base cette énumération que les enfants sont placés dans les maisons d'arrêt dans les localités ou il n'existe pas les autres centres énumérés. Cependant l'article 771 fait de cette mesure un recours exceptionnel qui doit être écarté chaque fois que les circonstances le permettent.

b. Les décisions du tribunal pour enfants et de la cour d'assises des mineurs

S'il est établi que le mineur a agi sans discernement, il prononce son acquittement, (excuse absolutoire). Cependant le mineur fait l'objet d'un placement dans un centre d'éducation corrective ou dans une maison de correction où il bénéficie de mesures éducatives. En revanche, si le mineur a agi en pleine connaissance de cause, il bénéfice d'une atténuation de peine, mais doit effectuer celle-ci dans les conditions du droit commun (excuse atténuante).

Les décisions varient selon l'âge du mineur : mineur âgé entre dix et treize ans et mineur âgé entre treize et dix huit ans.

Lorsqu'il s'agit d'un mineur âgé entre dix et treize ans, le tribunal prononce l'une des mesures prévues à l'article 783 : il s'agit de la remise à parents, ou des mesures de placement soit dans une institution de formation professionnelle, soit dans une structure médicale ou médico-pédagogique, soit dans un service d'aide à l'enfance. La décision doit préciser la durée de la mesure et celle-ci ne doit pas aller au-delà de son dix-huitième anniversaire.

Lorsqu'il s'agit d'un mineur âgé de treize ans révolus à 18 non révolus, le tribunal peut décider l'une des mesures prescrites à l'article 783 précité ou les mesures suivantes contre lui :

- Le placement dans une institution publique d'éducation surveillée ou éducation corrective ;

- Une condamnation pénale dont le quantum, s'il s'agit d'un délit ne peut être supérieur à la moitié de celui auquel il allait être condamné s'il avait dix huit ans révolus au moment de cette condamnation ;

- A titre complémentaire, le tribunal peut ordonner un placement sous le régime de la liberté surveillée jusqu'à un âge qui ne peut excéder vingt et un ans.

Les mesures de placement provisoire sont les mêmes que celles que la cour d'assises des mineurs peut retenir si elle décide d'écarter la condamnation pénale (article 778 alinéa 2 du code de procédure pénale)

La nature de ces différentes mesures témoigne du souci du législateur de ménager l'enfant délinquant en lui offrant des possibilités d'une rééducation et d'une réintégration et non de lui infliger des peines infamantes dont la finalité est de le punir ou de la réprimer. L'article 769 nouveau prescrit au juge de tenir compte de certains paramètres notamment la personnalité du mineur, la situation matérielle et morale de sa famille, les antécédents sur sa fréquentation scolaire, les conditions dans lesquelles il a vécu ou été élevé.

Toujours pour une meilleure protection du mineur délinquant, l'article 764 CPP donne des larges pouvoirs aux formations chargées des enfants en disposant que « le juge des enfants et le tribunal pour enfants peuvent dans tous les cas ordonner l'exécution provisoire de leur décision nonobstant opposition ou appel ». Cette possibilité accordée aux magistrats chargés d'examiner les dossiers des enfants est destinée à contourner les obstacles d'appel ou d'opposition qui risqueraient de maintenir l'enfant dans une attente longue compromettante pour sa protection.

« D'une manière générale, un mineur n'est jamais condamné de la même manière qu'un majeur, ni frappé d'une même peine, car il bénéficie de l'excuse de minorité. Cette présomption s'applique différemment selon l'âge du mineur »72(*)

Le code pénal permet au juge des enfants statuant en chambre du conseil, au tribunal pour enfants et à la cour d'assises des mineurs d'accorder à l'enfant délinquant des excuses tirées de sa qualité de mineur. L'excuse de minorité revêt deux aspects : il peut être absolutoire ou atténuante.

· L'excuse absolutoire

L'article 116 du code dispose que : « les faits commis par un mineur de 10 ans ne sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales » L'alinéa 2 du même article ajoute que : « le mineur de 13 ans bénéficie de droit en cas de culpabilité de l'excuse absolutoire de minorité »

L'alinéa 3 précise les mesures qui peuvent être retenues contre un mineur de 10 à 13 ans. Il dispose en effet que : « les mineurs de dix a treize ans ne peuvent faire l'objet que de mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation prévue par la loi »

Cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent, l'article 757 alinéa 2 code de procédure pénale permet aux juridictions de statuer et de prononcer à leur égard une condamnation pénale. Mais l'excuse absolutoire ainsi écartée doit être remplacée par une excuse atténuante de minorité.

· L'excuse atténuante

L'article 778 alinéa 2, dispose que la cour à peine de nullité doit statuer spécialement :

1° sur l'application à l'accusé d'une condamnation pénale ;

2° sur l'exclusion de l'accusé du bénéfice de l'excuse atténuante de minorité. 

Cette excuse atténuante opère également selon que le mineur est ou non âgé de plus de 16 ans. Si l'enfant est âgé de seize (16) ans ou moins, l'excuse atténuante de minorité joue automatiquement. Dans le cas contraire, l'article 758 du code de procédure pénale permet aux juridictions, de statuer sur l'excuse atténuante de minorité à condition de motiver spécialement leurs décisions.

Lorsque l'excuse de minorité est admise, elle produit en matière de crime et de délits, les effets prévus par l'article 114 du code pénal c'est-à-dire la réduction de la peine principale et l'exclusion des peines complémentaires et des mesures de sûreté. Ainsi par exemple, la peine de mort est remplacée par un emprisonnement de 5 à 20 ans ; la peine privative de liberté perpétuelle est remplacée par une peine privative de liberté de 5 à 10 ans.

2. La protection à travers l'exécution des décisions

Deux sortes de mesures peuvent être retenues contre le mineur en conflit avec la loi. La première est constituée des mesures provisoires (la garde provisoire et la liberté surveillée) et la seconde est constituée des mesures privatives de liberté.

a. L'exécution de la garde provisoire et de la liberté surveillée

La garde provisoire de l'enfant délinquant est une mesure décidée par le juge des enfants à travers une ordonnance appelée ordonnance de garde provisoire, qui peut se révéler une véritable mesure de restriction de la liberté de l'enfant délinquant.

Dans la pratique, la longue énumération de structures d'accueil et d'exécution de la garde provisoire amène les magistrats dans les régions où il n'existe pas de centres alternatifs mieux indiqués, à placer les enfants en garde provisoire dans des maisons d'arrêt. Cependant l'exécution de la garde provisoire dans ces maisons d'arrêt est dominée par deux principes fondamentaux qui visent à éviter la compromission de la vie du mineur délinquant et à accorder une attention particulière à sa situation. Ces deux principes sont : le non dessaisissement du juge des enfants et l'interdiction de placer provisoirement un mineur de moins de treize ans dans une maison d'arrêt.

Le non dessaisissement du juge des enfants lui permet de revenir et de modifier les mesures qu'il avait auparavant prescrites relativement au mineur placé en garde provisoire ou en liberté surveillée.

L'alinéa 1er de l'article 771 dispose que « le mineur de treize ans ne peut être placé provisoirement dans une maison d'arrêt par le juge des enfants que si cette mesure parait indispensable ou s'il est impossible de prendre toutes autres dispositions ». Il suit de cet article que le placement provisoire d'un délinquant âgé de moins de treize ans dans un établissement pénitentiaire est l'ultime mesure à laquelle le juge des enfants peut recourir.

b. L'exécution des mandats de dépôt et des condamnations pénales

L'exécution des mesures privatives de liberté contre le mineur délinquant est gouvernée par le principe de la séparation des mineurs et majeurs dans les établissements pénitentiaires.

Cette séparation est destinée à assurer au mineur la protection contre les violences et contre la transmission des enseignements ou leçons de crime par les détenus majeurs. Cette séparation se manifeste à travers l'affectation interne et l'affectation au sein des cellules. L'affectation interne consiste à réserver aux mineurs à l'intérieur des centres de détention un quartier tandis que l'affectation au sein des cellules série entre condamnés et prévenus.

Aussi bien la garde provisoire que les peines privatives de liberté décidées contre le mineur en conflit avec la loi doivent tenir compte de son état physique ou mental. D'ailleurs, l'article 40 de la convention relative aux droits de l'enfant prescrit que les normes de l'administration pénitentiaire relatives au mineur doivent tenir compte «...de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ». Tous ces principes et règles sont destinés à assurer au mineur la protection physique et mentale.

B. Au plan international : la protection par la Cour pénale internationale (CPI)

La juridiction aujourd'hui compétente en matière de protection des enfants au plan pénal est la CPI. « L'avènement de la Cour pénale internationale (CPI) a suscité beaucoup d'espoirs tant du côté des victimes, que du côté des ONG et des défenseurs des droits de l'homme, dans la lutte contre l'impunité » 73(*)

La CPI, en tant que juridiction pénale permanente à vocation internationale, contribue de par ses compétences répressives à protéger les enfants. Elle connait des crimes commis sur les enfants qui, selon les circonstances, sont qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.

I. Les crimes sur les enfants ressortissant à la compétence de la CPI

Aux termes de l'article 1er du statut de Rome, la CPI est une juridiction permanente compétente pour juger les auteurs de crimes les plus graves ayant une portée internationale. Relativement aux enfants elle est compétente pour juger les crimes de génocide ou de guerre ou de crimes contre l'humanité.

Constituent des crimes de génocide et peuvent être poursuivis et jugés par la CPI, les transferts forcés d'enfants d'un groupe à un autre [article 6 e)], la traite des êtres humains en particulier des femmes et des enfants [article 7 paragraphe 2 c)].

Sont des crimes de guerre aux termes de l'article 8 les faits suivants :

· le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités ;

· le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités.

La sanction des ces différents crimes se fait à travers la poursuite et le jugement des personnes qui en sont responsables. Il s'agit notamment des chefs de guerre mais aussi des responsables militaires et politiques, peu importent qu'elles représentent le pouvoir légal ou ont agi conformément à l'ordre d'un supérieur. Ni les immunités diplomatiques ni celles de juridictions reconnues par les législations internes ne sont admises devant la cour.

II. Les conditions de mise en oeuvre de la compétence de la CPI

La CPI est complémentaire des juridictions nationales. Relativement à la compétence rationae temporis, la Cour n'a compétence qu'à l'égard des crimes relevant de sa compétence, commis après l'entrée en vigueur de son statut. Si un État devient partie au statut après l'entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut exercer sa compétence qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en vigueur du statut pour cet État, sauf si ledit État fait la déclaration de reconnaissance de la compétence de la cour. Cette acceptation est faite par déclaration déposée auprès du Greffier. L'État ayant accepté la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception.

L'Etat de Côte d'Ivoire n'a pas ratifié le statut, et de ce fait, la cour n'est pas a priori compétente pour juger les crimes commis sur son territoire depuis l'entrée en vigueur du statut le 1er juillet 2002. Cependant par une déclaration de compétence déposée par l'Etat ivoirien au greffe de la cour le 18 avril 2003, dépôt confirmé en février 2005 par le greffe de la CPI, l'Etat ivoirien a reconnu la compétence de la cour sur les crimes commis depuis le déclenchement de la guerre en septembre 2002. Cette reconnaissance s'analyse en une ratification ad hoc et rétroactive et devrait se traduire par l'envoi par le bureau du procureur de missions d'enquête sur le territoire ivoirien aux fins d'examiner la situation et enclencher, le cas échéant, des poursuites.

Paragraphe 2. La protection par le juge civil et la protection quasi juridictionnelle

La protection par le juge civil se fait à travers la tutelle du mineur ; elle est constituée de mesures d'ordre interne alors que la protection quasi juridictionnelle est l'oeuvre d'organes internationaux.

A. La tutelle du mineur

Participer à une société, conclure un contrat d'assurance, donner une voiture à un ami, louer un appartement, sont des opérations qui peuvent s'avérer dangereuses pour le patrimoine de celui qui les accomplit. C'est pourquoi la loi a prévu pour les incapables des mécanismes de protection dont la mis en jeu permet de préserver leurs intérêts. Au titre des ces mécanismes il y a la tutelle

I. Définition et fondement de la tutelle

La tutelle est une mesure décidée par le juge des tutelles, qui est un juge du tribunal d'instance, pour les mineurs dont un parent ou les deux sont vivants, lorsque ceux-ci apparaissent incapables d'assumer leur rôle naturel d'administrateurs des biens et de la personne de leur enfant. La tutelle est une mesure induite par une idée d'incapacité du mineur. Dès lors, il n'est pas anormal d'en réserver l'exercice aux personnes considérées comme suffisamment mûres et disposant de toutes leurs facultés. L'incapacité déclarée contre un majeur peut être une mesure destiné à le protéger contre les tiers ou constituer une sanction. Pour le mineur il s'agit d'une mesure destinée à protéger son patrimoine.

Juridiquement, le mineur est une personne à part entière. Comme tel, il est apte à jouir des droits civils reconnus à tout individu. Cette capacité de jouissance, dite « capacité civile passive », est entière : tout mineur peut, comme un majeur, posséder un patrimoine qui lui est propre, recevoir un héritage, être le bénéficiaire d'une donation.

En revanche, le mineur ne jouit pas de l'exercice des droits civils, c'est-à-dire de l'aptitude à faire produire à ses actes des effets juridiques. Cette capacité d'exercice, dite « capacité civile active », suppose en effet deux conditions : le discernement, c'est-à-dire la faculté d'agir raisonnablement, et la majorité légale, qui s'acquiert à l'âge de dix-huit ans révolus. C'est la raison pour laquelle le mineur est dit « incapable ». Tous les actes juridiques auquel il est partie doivent être accomplis par le représentant légal du mineur (père, mère ou, si le mineur n'a plus de parents vivants, le tuteur ou le conseil de famille).

Ce principe d'incapacité, compris comme une mesure de protection bénéficiant au mineur, est cependant susceptible d'aménagements. Ainsi le mineur âgé d'au moins seize ans peut faire l'objet d'une mesure dite d'émancipation et se voir ainsi reconnaître une pleine capacité d'exercice. Celle-ci est accordée par le juge des tutelles sur demande du représentant légal du mineur ; elle est acquise de plein droit en cas de mariage. Les effets de l'émancipation ne se limitent toutefois qu'aux actes de la vie civile : même émancipé, le mineur ne peut pas exercer d'activités commerciales ni avoir la qualité de commerçant.

II. Régime de la tutelle des mineurs

C'est le juge civil saisi d'une affaire qui examine la situation de l'enfant (décès des deux ou incapacité de l'un ou des deux parents lorsque bien que ceux-ci soient vivants, ils sont jugés incapables de protéger le patrimoine de la personne de leur enfant) et décide de la nécessité de lui instituer un tuteur. En l'occurrence, c'est la juridiction présidentielle (président du tribunal saisi) qui est compétente en cette matière.

Lorsqu'un enfant est appelé à participer à un procès qui l'oppose à ses parents ou que ces derniers ne veulent pas l'aider à faire valoir ses droits, il peut, par jugement, lui être désigné un administrateur, ou tuteur ad hoc, chargé de le représenter pour le procès.

Le juge des tutelles désigne quatre à six personnes choisies parmi la famille ou, à défaut, les amis proches de l'incapable. Ces personnes forment le conseil de famille. Celui-ci a pour rôle de prendre, à la majorité des voix, les décisions importantes pour la vie de l'incapable et la gestion de son patrimoine, et d'élire le tuteur. Cependant, le tuteur n'est pas élu lorsque les parents décédés d'un mineur ont eux-mêmes, par testament, procédé à la désignation d'une personne en qualité de tuteur. De même, pour les mineurs, les ascendants survivants les plus proches, en général les grands-parents, seront désignés en qualité de tuteur de préférence à tout autre candidat. Le juge des tutelles préside le conseil de famille. Il est aussi chargé du suivi de la mesure et du contrôle du tuteur. Il peut, en cas d'urgence, prendre seul toutes les décisions qui sont normalement de la compétence du conseil de famille.

Le tuteur est chargé d'exécuter les décisions prises par le conseil de famille. Il prend soin de la personne du mineur. Il doit dresser l'inventaire des biens du mineur, administrer ses biens et faire fructifier son patrimoine.

Il est tenu de rendre des comptes, pendant la tutelle, au juge des tutelles et au conseil de famille à la fin de la mesure.

Etant tirée d'une incapacité de jouissance, l'incapacité du mineur d'accomplir des actes qui nécessitent qu'il soit représenté par ses parents ou tuteurs est sanctionnée par la nullité absolue. Ainsi le mineur ou son représentant légal peut invoquer cette nullité à l'égard de quiconque. La tutelle mineur prend fin automatiquement des que celui-ci atteint la majorité civile.

B. La protection quasi juridictionnelle

Les organes de protection quasi juridictionnelle se situent au plan international et régional. Au plan international se trouve le comité des droits de l'enfant et au plan régional il y a le comité africain d'experts sur les droits et le bien être de l'enfant.

I. Le comité des droits de l'enfant

Le Comité des droits de l'enfant est l'organe de surveillance institué par la convention relative aux droits de l'enfant. Ses attributions sont énumérées aux articles 44 et 45 de la convention.

Conformément à l'article 44 le Comité reçoit par l'entremise du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, tous les cinq ans, des rapports émanant de chaque Etat partie sur les mesures qu'il a adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la Convention et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits. Les rapports établis en application cet 44 doivent, le cas échéant, indiquer les facteurs et les difficultés empêchant les Etats parties de s'acquitter pleinement des obligations prévues dans la convention. Ils doivent également contenir des renseignements suffisants pour donner au Comité une idée précise de l'application de la convention dans le pays considéré. En vue de l'examen des rapports soumis, le Comité peut demander aux Etats parties tous renseignements complémentaires relatifs à l'application de la convention.

L'article 45 donne la latitude aux institutions spécialisées, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et d'autres organes des Nations Unies de se faire représenter, lors de l'examen de l'application par le Comité, des dispositions de la convention qui relèvent de leur mandat. Le Comité peut ainsi inviter les institutions spécialisées, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et d'autres organes des Nations Unies à lui présenter des rapports sur l'application de la convention dans les secteurs qui relèvent de leur domaine d'activité. Le Comité transmet, s'il le juge nécessaire, aux institutions spécialisées, au Fonds des Nations Unies pour l'enfance et aux autres organismes compétents tout rapport des Etats parties contenant une demande ou indiquant un besoin de conseils ou d'assistance techniques, accompagné, le cas échéant, des observations et suggestions du Comité touchant ladite demande ou indication. Toujours dans le cadre de l'examen des rapports, le Comité peut faire des suggestions et des recommandations d'ordre général fondées sur les renseignements reçus. Ces suggestions et recommandations sont transmises à tout Etat partie intéressé et portées à l'attention de l'Assemblée générale, accompagnées, le cas échéant, des observations des Etats parties.

En tant que protocoles additionnels, les deux protocoles à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'une, la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, et l'autre la participation des enfants aux conflits armé font partie du bloc de la convention relative aux droits de l'enfant. De ce fait le Comité des droits de l'enfant dispose à leur égard de ces instruments des mêmes compétences dans l'interprétation et l'application.

II. Le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant

Au plan régional et dans le cadre de l'Union africaine, il a été créé le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant par la charte africaine des droits et du bien être de l'enfant. C'est l'organe de surveillance de cette charte. Ce comité dispose, à l'instar du comité des droits et l'enfant de l'ONU, des attributions importantes en matière de protection des droits de l'enfant. Outre la promotion des droits consacrés dans la charte, le Comité est chargé, aux termes de l'article 42, de suivre la garantie des droits consacrés dans la charte, de veiller à leur respect et d'interpréter les dispositions de la charte. A ce titre il est habilité par l'article 43 à recevoir tous les trois ans des rapports sur les mesures que les Etats parties auront adoptées pour donner effet aux dispositions de la Charte ainsi que sur les progrès réalisés dans l'exercice de ces droits. Le comité d'experts est habilité à recevoir des communications concernant toute question traitée par la charte, de tout individu, groupe ou organisation non gouvernementale reconnue par Union africaine, par un Etat membre, ou par l'Organisation des Nations unies.

Le comité dispose de larges pouvoirs d'investigation et peut ainsi, aux termes de l'article 45, recourir à toute méthode appropriée pour enquêter sur toute question relevant de la charte, demander aux Etats parties toute information pertinente sur l'application de la charte et recourir à toute méthode appropriée pour enquêter sur les mesures adoptées par un Etat partie en exécution des engagements y souscrits.

Pour l'exécution de sa mission, l'article 46 prescrit au comité de s'inspirer « du droit international relatif aux droits de l'homme, notamment des dispositions de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, de la Charte de l'Union africaine, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Convention internationale sur les droits de l'enfant et d'autres instruments adoptés par l'Organisation des Nations unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme ainsi que des valeurs du patrimoine traditionnel et culturel africain ».

La mission de ce comité sera renforcée par la cour africaine de justice et des droits de l'homme dont le statut est entré en vigueur le 11 février 2009 et dont le mandat est plus général mais dont les décisions sont plus contraignantes que les rapports du comité. La mission de la cour consiste conformément à l'article. 28 c), entre autres, dans l'interprétation et l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l'homme, auxquels sont parties les Etats concernés.

Cette mission a été anticipée par la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples dont la mission est de promouvoir les droits de l'homme en général et de veiller au respect des dispositions de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

Section 2. La protection extra juridictionnelle

La disparition du dispositif de protection judiciaire et administrative dans les zones contrôlées par la rébellion et leur affaiblissement dans la zone gouvernementale et les compromissions des uns et des autres dans chaque zone, ont rendu incontournable l'intervention d'autres acteurs en complément des organes étatiques. Tous ces organes ont contribué à maintenir un état d'équilibre à travers ce qu'on peut appeler la protection extra juridictionnelle.

Par protection extra juridictionnelle, il faut entendre à la fois la protection stricto sensu. Elle est également constituée de toutes actions mises en oeuvre afin de garantir les droits reconnus à l'enfant, mais aussi de la promotion qui consiste en une protection préventive. Cette protection comporte deux aspects : la protection par le plaidoyer d'une part et la protection par la réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en charge en faveur des enfants d'autre part.

Paragraphe 1. La protection par le plaidoyer

Le plaidoyer est la défense écrite ou orale en faveur d'une opinion d'une politique ou d'un groupe de personnes. En tant que défense, il « est un processus politique organisé qui implique des efforts conjugués afin de changer les politiques, pratiques, idées et valeurs perpétuant les inégalités, les préjugés et l'exclusion... »74(*). Il vise souvent l'amélioration des conditions de vie et du bien-être ou la protection d'entités ne pouvant se défendre elles-mêmes et se distingue en cela du lobbying dont le bénéfice est orienté vers les membres du groupe initiateur.

Le travail de plaidoyer pour la protection de l'enfance combine des stratégies intriquées visant à mettre en évidence les problèmes graves ignorés et occultés auxquels elle est confrontée, à influencer des comportements publics et à promulguer et mettre en oeuvre des règles et des politiques afin d'améliorer sa situation. Ces stratégies vont de la négociation à la pression et utilisent des vecteurs divers comme la sensibilisation, les déclarations, les pétitions, l'éducation publique par les medias, la persuasion et le contentieux. Le plaidoyer se décline en surveillance et communication d'une part et dialogue avec les parties et renforcement des capacités d'autre part.

A. La surveillance et la communication de l'information relative aux violations faites aux enfants

Pour favoriser la circulation et le partage de l'information relative aux enfants, un cadre de concertation a été mis en place et dispose de ramifications dans toutes les régions du pays. Ce cadre dénommé mécanisme de référence et de suivi des cas de violences faites aux enfants regroupe tous les acteurs intervenant dans la protection de l'enfance, des organes étatiques aux organismes des Nations Unies en passant par les ONG.

I. Définition et portée

La surveillance consiste à observer et identifier les violations commises sur les enfants. Ces violations connues sont communiquées par des canaux propres à chaque acteur intervenant, des périphéries vers les centres de consolidation au plan interne et international. Cette consolidation aboutit à des rapports qui reflètent et permettent d'évaluer et d'apprécier la situation des enfants dans le pays. Ces rapports sanctionnés par des recommandations, permettent d'interpeler la communauté nationale et internationale sur les violations des droits de l'homme.

La publication des rapports constitue un moyen de pression pour ces ONG qui, pour la plupart, coopèrent avec les organismes de garantie juridictionnelle et quasi juridictionnelle des droits de l'homme. Relativement aux rapports périodiques exigés des Etats parties à la convention relative aux droits de l'enfant, ces ONG soumettent au comité des droits de l'enfant des rapports alternatifs qui permettent d'apprécier et de confronter le contenu des rapports étatiques.

II. Les organismes les plus connus et leurs domaines d'intervention

Plusieurs organisations sont particulièrement actives dans ce domaine dont les plus connues sont entre autres :

· Le Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE) : fort de sa délégation en Côte d'Ivoire, il s'est donné comme activité de renforcer un environnement protecteur pour les enfants. Pour y parvenir il procède par la mise en oeuvre d'interactions entre institutions et services de l'Etat, de groupes de la société civile, des familles, de l'Eglise, des médias et des institutions des droits de l'homme et des droits de l'enfant ;

· Amnesty International et Human Rights Watch sont deux ONG internationales spécialisées dans la défense des droits de l'homme en général. Pour identifier les violations, elles procèdent par enquêtes auprès des victimes, des témoins et même des autorités. Elles consolident les informations et publient des rapports.

· La Fédération International des Ligues des droits de l'Homme (FIDH) qui dispose en Côte d'Ivoire de deux organisations affiliées : la Ligue Ivoirienne des droits de l'Homme (LIDHO) et le Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH). A l'instar d'Amnesty International et Human Rights Watch, la FIDH utilise le procédé d'enquêtes sanctionnées par des publications de rapports ;

· La Commission Nationale des Droits de l'Homme qui est issue des accords de Linas Marcoussis de janvier 2003, dès après le déclenchement de la crise ivoirienne. Elle a pour mission essentielle de veiller à la protection des droits et libertés en Côte d'Ivoire. A ce titre, elle reçoit des plaintes et dénonciations portant sur les cas de violations des droits de l'homme. Elle procède à des enquêtes non judiciaires et des investigations sur les plaintes et dénonciations dont elle est saisie et adresse un rapport contenant les mesures qu'elle propose au gouvernement. Depuis son installation le 11 janvier 2007, la CNDH-CI fait des visites et des enquêtes sur l'ensemble du territoire y compris dans les zones sous contrôle par les rebelles.

· L'ONG Action pour la Protection des Droits de l'Homme (APDH) dont les activités consistent à aller sur le terrain, à constater les faits, et prendre le parti des victimes des violations et faire des recommandations aux pouvoirs publics.

· Les Nations Unies à travers le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance et la section de protection de l'enfance de l'Opération des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire. Le système onusien s'attache à l'application de la résolution 1612 du Conseil de sécurité de juillet 2005, qui a mis en place le mécanisme de surveillance et de communication de l'information sur les enfants et les conflits armés. Ce mécanisme se focalise sur les six graves violations que nous avons énumérées au chapitre 1er.

B. Le dialogue avec les parties et le renforcement des capacités

La finalité de ces deux aspects du plaidoyer est défaire cesser les violations faites aux enfants. Mais, à la différence du dialogue qui vise la cessation immédiate de l'état de violation, le renforcement et la sensibilisation ont un effet préventif

I. Le dialogue avec les parties

Le dialogue consiste à aller au contact des pouvoirs publics, des décideurs, des organisations nationales ou internationales, des représentations diplomatiques ainsi que des partenaires au développement à l'effet d'échanger avec eux sur la situation des droits de l'enfant afin d'obtenir leur soutien, réaction et actions pour l'amélioration desdits droits. Il consiste également à discuter avec les auteurs de violations pour les convaincre de mettre fin à l'état de violation ou s'en abstenir. Enfin il consiste à demander aux autorités d'intégrer, dans leurs programmes, des volets relatifs à la protection des enfants.

Ce procédé de dialogue a prouvé son efficacité dans le contexte ivoirien et a été surtout utilisé par le système des Nations. Ainsi « l'UNICEF a instauré un dialogue avec les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) et les Forces armées des forces nouvelles (FAFN). Ce dialogue a abouti à la libération de 273 enfants soldats par les FAFN et à l'adoption, le 15 septembre 2003, d'une déclaration dans laquelle les forces en question se sont engagées à cesser de recruter des enfants dans leurs rangs et dans ceux des groupes de milices alliées placées sous leur contrôle »75(*).

Par ailleurs, à la suite du vote de la résolution 1612 du Conseil de sécurité, résolution qui a marqué un tournant historique, certaines parties impliquées dans la crise ont engagé le dialogue avec les Nations Unies en vue d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans d'action assortis de calendriers pour prévenir les violations et mettre fin à celles pour lesquelles elles ont été épinglées. C'est ainsi qu'en novembre 2005, les Forces Nouvelles, « sous la pression concertée du Représentant spécial du Secrétaire général pour la Côte d'Ivoire et de l'UNICEF, a soumis au Représentant spécial un plan d'action visant à empêcher le recrutement d'enfants et à libérer les enfants déjà associés à ses forces ». 76(*)

La plupart des ONG locales utilisent aussi ce procède de dialogue. C'est le cas notamment de la CNDH-CI, de la LIDHO, de l'APDH et du MIDH etc. qui font toutes des visites dans les centres de garde et de détention et interrogent ceux qui y sont privés de liberté pour déceler les irrégularités et demander leur réparation ou cessation.

Un plaidoyer de l'ONG Save the Children a abouti, en 2009, à la prise d'un arrêté par le ministre de l'éducation nationale, pour interdire les punitions physiques et humiliantes à l'endroit des élèves des établissements scolaires.77(*)

Quant aux centres d'observation des mineurs et les services de la liberté surveillée qui dépendent de la Direction de la protection juridique de l'enfance et de la jeunesse qui est elle-même placée sous la tutelle du Ministère de la justice et des droits de l'homme, ils interviennent auprès des cours et tribunaux pour plaider en faveur des enfants en conflit avec la loi afin que ceux-ci, autant que faire ce peut, puissent bénéficier de mesures d'assistance éducative, de rééducation et de réinsertion. Depuis la création de la direction et l'installation en mars 2007 de ses services, ces derniers oeuvrent à la séparation des cellules et des quartiers de mineurs de ceux des majeurs dans les maisons de détention.

II. Le renforcement des capacités et la sensibilisation

Les mêmes organes intervenant en faveur des droits des enfants s'occupent également à quelques exceptions près, de ces volets de la protection.

Par renforcement de capacités, il faut entendre les sessions de formation organisées à l'endroit du personnel des armées et de la police et des activistes afin que ceux soient informés et formés sur les droits de l'enfant tels que définis et garantis par les instruments juridiques nationaux et internationaux et pour qu'ils soient en mesure d'assurer la protection aux enfants dans le cadre de leurs missions de sécurité et de défense pour le militaires et les policiers, et de vulgarisation en ce qui concerne les ONG

La sensibilisation consiste en des actions de divulgation des droits de l'enfant auprès des cibles enclines à leur violation, notamment les chefs traditionnels, les chefs de cultes, les précepteurs et la population de façon générale. C'est dans cette logique que plusieurs journées ont été consacrées à la célébration de l'enfant. Il s'agit notamment du :

· 12 juin de chaque année déclaré par l'ONU "Journée mondiale contre le travail des enfants" depuis 2003 ;

· 16 Juin déclaré depuis 1991 "Journée de l'enfant africain" par l'Organisation de l'Unité Africaine en souvenir du massacre de centaines d'enfants à Soweto en Afrique du Sud ;

· 20 novembre déclaré depuis 1989 par l'ONU "Journée internationale des droits de l'enfant" pour marquer l'anniversaire de la signature de la convention relative aux droits de l'enfant

Des campagnes d'information, de formation sont conduites par la section de la protection de l'enfance de l'ONUCI auprès des Forces de défense et de sécurité (FDS), des Forces Nouvelles, du personnel civil et militaire de la mission afin que ceux-ci s'abstiennent d'abuser des enfants mais aussi afin qu'ils assurent leur protection. Ces campagnes sont faites en exécution du plan stratégique mis en place par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. Ce plan élaboré conformément au mandat de la Représentante, a les principaux objectifs suivants :

1) appuyer les initiatives mondiales visant à mettre fin aux abus graves;

2) promouvoir la protection des enfants touchés par un conflit armé en s'appuyant sur les droits de l'enfant;

3) faire des préoccupations que soulèvent les enfants et les conflits armés un aspect intégral du maintien et de la consolidation de la paix;

4) sensibiliser l'opinion à toutes les questions liées aux enfants et aux conflits armés.

Paragraphe 2. La protection par la réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en charge

Cet aspect de la protection consiste à identifier les besoins de l'enfance dans des domaines ciblés et pourvoir à ces besoins en termes d'infrastructures. Il consiste aussi à contribuer à la réalisation du bien être de l'enfant à travers des dons ou la prise en charge matérielle et psychologique des enfants victimes de violations ou de situations leur ayant causé des préjudices physiques, sanitaire ou moraux. Cet aspect de la protection est notoirement noté sur le plan éducatif, sanitaire, alimentaire et vestimentaire.

A. Au plan éducatif et sanitaire

Plusieurs organes étatiques ou non s'illustrent sur ce plan. On peut citer entre autres :

· Le système des Nations Unies à travers l'ONUCI, qui fait la réhabilitation des écoles et centres de santé, prodigue des soins de santé gratuits (activité qu'elle partage avec l'ONG Médecins sans frontières), l'UNICEF qui mobilise ses partenaires pour assure aux enfants des vaccinations gratuites contre la poliomyélite ;

· l'ONG internationale Save the Children qui elle, en plus du plaidoyer, fait l'aménagement et la sécurisation de l'environnement scolaire à travers la réfection et l'équipement des modules de classes et la construction de palissades pour sécuriser les enceintes scolaires ;

· le Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales notamment à travers les centres sociaux et le centre d'éducation spécialisée de Daloa qui fait la prise en charge des enfants handicapés psychiques ;

· le BICE qui porte une attention particulière aux enfants en milieu carcéral ;

· Care International qui s'occupe de la prise en charge des enfants infectés ou affectés par le VIH/SIDA.

B. Au plan alimentaire et vestimentaire

Sur ce plan il s'agit essentiellement d'actions d'assistance humanitaire aux enfants démunis et/ou en situation de privation de liberté. A travers la fourniture des vivres aux cantines scolaires et centres sociaux, le PAM apporte un soutien alimentaire indéniable aux enfants. Ces actions sont aussi orientées vers les centres de détention où les menus servis sont parfois douteux en qualité et insuffisants en quantité pour des enfants qui ont besoin d'une alimentation suffisante et équilibrée pour assurer leur croissance. La PAM a porté jusqu'en 2005 une attention particulière aux déplacés de guerre par l'intermédiaire de ses nombreux sous-bureaux installés sur l'ensemble du territoire, ce qui a permis de soulager en particulier les enfants.

Sur le plan vestimentaire, afin de maintenir la dignité des enfants en situation difficile du fait de la pauvreté ou des privations de liberté, certaines structures intervenant dans le domaine de l'enfance fournissent des kits vestimentaires à ces enfants. C'est notamment le cas de l'UNICEF, du BICE et de certaines ONG internationales et locales

Conclusion au chapitre I

La protection de l'enfance dans le contexte ivoirien associe les actions d'acteurs divers qui ont permis d'éviter une situation catastrophique en rapport avec la longueur du conflit dans le temps. Cependant les résultats sont encore mitigés et révèlent des constats qui amènent à s'interroger sur la responsabilité des parties au conflit dans la situation peu reluisante faite aux enfants du fait de la situation de conflit qui dure.

CHAPITRE I. LES CONSTATS ET LES ENSEIGNEMENTS SUR LA PROTECTION

Malgré les efforts des nombreux acteurs qui interviennent dans la protection de l'enfance, le constat est que sa situation en Côte d'Ivoire reste encore déplorable78(*). Cette situation est liée à l'inefficacité partielle des actions de protection. Il s'ensuit que la responsabilité des autorités étatiques sur l'ensemble du territoire est engagée du fait que la protection relève en premier de leur mission en tant qu'Etat. Cela oblige à tirer des enseignements.

Section I. L'inefficacité partielle de la protection

Cette inefficacité peut être relevée à plusieurs niveaux. Elle se situe d'abord au niveau des organes étatiques. Elle est ensuite également notée dans les institutions internationales. Enfin on peut la relever au niveau des acteurs non gouvernementaux que sont les ONG.

Paragraphe 1. L'inefficacité liée aux organes étatiques et organismes internationaux

L'inefficacité de la protection tire sa justification dans la situation politique et militaire qui prévaut encore sur le terrain relativement aux organes étatiques. Elle est aussi liée à la nature de l'intervention des organisations internationales.

A. Les organes étatiques

Le rôle des organes étatiques dans la protection est un rôle irremplaçable. Or depuis le déclenchement de la crise en 2002 jusqu'à ce jour et malgré les multiples accords de paix qui ont été conclus entre les ex-belligérants, le redéploiement de l'administration se fait à pas de tortue. Par ailleurs dans les zones où l'administration a été redéployée, celle-ci doit cohabiter avec des chefs de guerre non encore désarmés.

I. Les lenteurs du redéploiement de l'administration dans les zones sous contrôle des rebelles

Les affrontements militaires entre septembre 2002 et novembre 2004 se sont soldés par la désertion et/ou la destruction totale ou partielle de l'administration dans les zones contrôlées par les forces rebelles. Ces rebelles y ont procédé à une organisation territoriale et militaire dont la gestion est confiée à des chefs militaires (commandants de zone, commandants de secteur).

Les différents accords de paix ont tablé sur le désarmement et le redéploiement de l'Administration. Ce redéploiement est prévu au point VIII de l'annexe des accords de Linas Marcoussis signés le 26 janvier 2003 et est repris dans le point 5 de la feuille de route élaborée par le médiateur désigné de l'Union Africaine monsieur Thabo Mbeki, alors président de la République Sud-Africaine. Ce volet est aussi repris par l'Accord Politique de Ougadougou signé en mars 2007 qui devrait permettre, au bout d'un an, de redéployer l'Administration, réunifier le pays et organiser des élections. Mais à ce jour, le pays n'est pas réunifié puisqu'il y existe toujours les deux armées ex-belligérantes. Certains services administratifs ont été redéployés mais la question du désarmement qui piétine empêche le redéploiement des forces de sécurité. Cela rend difficile la protection de l'enfance par l'appareil judiciaire dont la mission sur ce plan comporte deux aspects : la protection de l'enfant victime et la protection de l'enfant délinquant.

Il est notoirement connu que l'appareil judiciaire ne dispose pas de forces propres et s'appuie sur les services de police et de gendarmerie pour mettre en oeuvre ses mécanismes et donner effet à ses décisions. Cela suppose que ces forces bénéficient de compétences qui n'existent pas chez les forces rebelles qui contrôlent une portion importante du territoire ivoirien.

Hormis l'administration judiciaire et les forces de sécurité, d'autres services ont été pendant longtemps absents des zones rebelles alors que ces services ont une mission importante dans la prise en charge des enfants victimes de violences. Il s'agit notamment des structures déconcentrées du Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, des autorités de police administratives que sont les maires, préfets et sous préfets.

II. L'impossibilité pour les organes étatiques de s'imposer dans les zones rebelles

A partir du second semestre de 2007, le redéploiement de l'administration a définitivement débuté après le déploiement ad hoc de magistrats et du personnel des services de l'état civil en vue de la conduite des audiences foraines pour la délivrance des actes d'état civil, préalable au processus d'identification de la population et du recensement électoral. Lente et progressif, ce processus a abouti à la réinstallation des personnels de l'administration judiciaire (magistrats, greffiers et autres agents subalternes) de l'administration territoriale (préfets, sous préfets, secrétaires généraux et autres agents de soutien). Tous ces services redéployés doivent cohabiter avec les forces rebelles et s'appuyer sous le soutien des ces dernières pour l'exécution de leurs missions. Il se pose alors un véritable problème d'autorité pour plusieurs raisons.

1) Les territoires sous contrôle des rebelles sont organisés en zones confiées à des commandants de zones et de secteurs qui sont pour la plupart à l'origine des militaires de rang inferieur qui se sont vus attribuer des grades de combat de niveau supérieur pendant les hostilités ;

2) Les commandants militaires rebelles n'ont ni le niveau intellectuel ni la formation professionnelle requis pour assurer l'autorité de police (judiciaire et administrative) ;

3) Enfin ces commandants ont acquis des comportements qui s'analysent en une véritable autorité de fait avec des avantages y relatifs dont il est hasardeux de tenter de les débarrasser, étant donné a fortiori qu'ils disposent encore de troupes armées qui leurs sont loyales et peuvent résister même à leurs hiérarchies.79(*)

Dans ces conditions, la protection de l'enfant par les organes étatiques, qui ont besoin d'un soutien fort et engagé de l'administration judiciaire et des autorités de police, s'avère presqu'illusoire en raison des obstacles érigés sur son chemin par le contexte de conflit.

B. Les institutions internationales

Les faiblesses de la protection imputables aux institutions internationales trouvent leurs explications dans les sources des mandats de ces institutions, mais aussi dans ce que l'on peut qualifier d'objectivité politique des relations internationales c'est-à-dire la difficile combinaison des intérêts des Etats et la nécessité de garantir et de promouvoir des valeurs universelles de droits de l'homme.

I. Les sources des mandats des institutions internationales : le talon d'Achille de la protection

Les institutions internationales chargées de la protection des droits de l'enfance sont constituées à partir des résolutions et des conventions internationales et/ou régionales. Même si la procédure d'élaboration des ces instruments divergent, les Etats en sont les acteurs créateurs.

1. Les conventions

Les conventions souffrent de deux types de faiblesses pour lesquelles il est difficile de trouver des remèdes efficaces : « le refus de ratification de certains Etats, la mauvaise volonté d'autres Etats qui, après avoir signé et ratifié certains textes ne les respectent pas ». 80(*) D'autres faiblesses sont inhérentes à la rédaction et à la réception de ces conventions. Ces faiblesses peuvent être qualifiées de structurelles.

a. Les faiblesses irrémédiables

Concernant le refus de ratification, il n'existe pas dans l'ordre juridique international de règles ou de normes qui obligent un Etat à ratifier un instrument même s'il l'a signé. Or la ratification établit l'opposabilité de la convention à l'égard de l'Etat qui l'a ratifié. Aussi longtemps qu'un Etat n'aura pas ratifié un instrument, les organes chargés de veiller au respect de cet instrument ne seront pas compétents à l'égard de cet Etat. Il en est ainsi des deux protocoles additionnels à la convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'une, la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants et l'autre, la participation des enfants aux conflits armés. N'ayant pas ratifié ces deux instruments, on ne pourra pas les opposer à la Côte d'Ivoire et le comité des droits de l'enfant ne peut en évaluer le respect relativement à ce pays.

Concernant la mauvaise volonté, il est de notoriété que des Etats signent et ratifient des conventions en sachant très bien qu'ils ne les respecteraient pas en raison de leur situation politique particulière ou de la nature même de leur système politique. Plusieurs pays dont les régimes ne sont pas démocratiques s'empressent de signer ou de ratifier des conventions alors que la nature même de leur système politique est antinomique avec les valeurs et obligations contenues dans ces conventions. Le régime politique de Côte d'Ivoire au regard des critères démocratiques universels notamment de l'alternance, d'institutions de contre-pouvoir et d'indépendance de la justice, peut être qualifié d'atypique. Il est alors presqu'évident que l'on ne peut s'attendre qu'un tel régime exécute spontanément ses engagements internationaux relatifs aux droits de l'homme. La preuve en est que depuis le 22 janvier 1999, l'Etat de Côte d'Ivoire n'a plus soumis au Comité des droits de l'enfant les rapports périodique prescrits par l'article 44, 1 b) de la convention.

b. Les faiblesses structurelles

Les faiblesses que l'on peut qualifier de « structurelles », sont tout aussi graves : faiblesses dans la rédaction, faiblesses dans la réception.

S'agissant des faiblesses dans la rédaction il est connu que toute convention est le fruit de négociations et de concessions aboutissant à un compromis entre les systèmes juridiques et les intérêts des pays en présence. La recherche de ce compromis conduit à l'élaboration de normes minima et la proclamation de quelques grands principes qui ne résistent pas aux assauts des tempéraments, des clauses de sauvegarde contenues dans le texte même de la convention. La convention relative aux droits de l'enfant en est un bel exemple en ce qu'elle proclame des droits et y met aussitôt après un bémol quant à leur garantie. L'article 4 stipule que « Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention...». Mais le même article poursuit en ajoutant que «Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale ». Se fondant sur cet article, l'Etat de Côte d'Ivoire a pu justifier le non-respect des ses engagements dans son rapport de 1999 qui fait état en général d'un retard accumulé « dans l'application de la Convention en raison de difficultés économiques, politiques et sociales rencontrées par le pays »81(*) alors qu'il s'agit d'une question de choix des priorités.

Relativement aux faiblesses dans la réception, elles tirent leurs origines du refus de signature, de ratification et des réserves. Certes, les réserves sont destinées à favoriser la ratification. Mais elles empêchent une application uniforme de la convention par les Etats parties, certains ayant choisi d'admettre l'application à leur endroit de certaines clauses, refusant ou limitant celle des autres.

La ratification soulève le problème de l'applicabilité directe de la norme conventionnelle. « L'applicabilité directe suppose, en premier lieu que la règle internationale n'a pas besoin, pour être applicable d'être introduite dans l'ordre juridique interne par une disposition spéciale ».82(*)Or, il n'est pas souvent ainsi et les régimes constitutionnels des Etats, comme c'est les cas de celui de la Côte d'Ivoire, prévoient un mécanisme de contrôle et de filtrage de la norme conventionnelle avant son incorporation dans l'ordre juridique interne à travers la ratification. Cette ratification peut être bloquée soit parce que les assemblées parlementaires habilitées à en donner l'autorisation s'y sont opposées, soit parce que le pouvoir exécutif n'en a pas la volonté et a refusé de demander l'autorisation ou, lorsque cette autorisation est accordée, a refusé de promulguer la loi d'autorisation.

Le refus de ratification peut s'avérer un véritable obstacle à l'entrée en vigueur de la convention faute de ratifications suffisantes, étant donné que les conventions prévoient elles-mêmes le nombre de ratifications nécessaires à leur entrée en vigueur.

A ces obstacles, il faut ajouter une autre difficulté liée au contrôle de conformité de la convention à l'ordre juridique interne du pays signataire. Une convention signée, ratifiée peut se retrouver bloquée par l'organe de contrôle de conformité par rapport à la constitution de ce pays qui peut la juger contraire à cette constitution. 83(*)

Tous ces obstacles sont autant de faiblesses dans l'application et le suivi des conventions relatives aux droits de l'enfant.

2. Les résolutions

A la différence des conventions, les résolutions sont des décisions émanant d'organes ou des institutions internationaux comme le Conseil de Sécurité et l'Assemblée Générale de l'ONU, le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine, les sommets de la CEDEAO etc.

Ces organes prennent des décisions (résolutions) à valeur contraignante pour les pays membres. Ces organes sont composés de représentants d'Etats qui expriment la position de leurs gouvernements. Par ailleurs, à l'instar des conventions, les résolutions sont les résultats de négociations aboutissant à des compromis qui peuvent vider une résolution des objectifs pour lesquelles elle été initiée à cause des intérêts et des positions défendus par les différentes composantes. Finalement cette résolution peut être libellée en des termes qui, juridiquement ne sont pas sanctionnés, faisant d'elle un ensemble de voeux faciles à écarter par les destinataires. L'histoire de la crise de Côte d'Ivoire est jalonnée des ces résolutions auxquelles il été fait obstacle.

Le 1er novembre 2006, le conseil de sécurité de l'ONU vote une résolution sur la Côte d'Ivoire. N'ayant pas approuvé les termes de la résolution, le président Gbagbo décide de l'écarter et d'initier ce qu'il a appelé le dialogue direct avec les rebelles. Ce dialogue a aboutit à la signature de l'Accord Politique de Ouagadougou et à l'éviction du premier ministre auquel les Nations Unies avaient donné mandat pour conduire le processus de sortie de crise. Après quelques hésitations, le Conseil de Sécurité a endossé cet accord par la résolution 1765 du 16 juillet 2007. Aveu d'impuissance ou réalisme ? La mise en oeuvre de cet accord n'a pas encore abouti à la réunification du pays et au redéploiement de tous les services publics, ce qui est préjudiciable aux droits de l'enfant.

II. Le laxisme des organes de suivi des instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant et les réticences dans la répression internationale.

Le laxisme des organes de suivi institués par les conventions internationales relatives aux droits des enfants et les retards ou réticences observées dans la mise en jeu de la répression des violations les plus graves faites aux enfants constituent des échecs dans la protection de l'enfance

1. Le comité des droits de l'enfant et le comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant

La convention relative aux droits de l'enfant et la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant ont institué chacun un comité de contrôle et de garantie. Dans la crise ivoirienne et ses suites, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU et le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant n'ont pas pu faire grand-chose relativement à la situation des enfants.

S'agissant du comité africain, l'Etat ivoirien a ratifié la convention le 1er mars 2002 soit presqu'à la veille du déclenchement de la crise. Cette crise devrait être l'occasion pour le Comité africain d'experts de s'activer pour la préservation et le respect des droits de l'enfance en Côte d'Ivoire.

S'agissant du Comité des droits de l'enfant dans le contexte de crise en Côte d'Ivoire, ce comité n'a pas pu exercer les attributions qui lui sont dévolues par les articles 44 et 45 de la convention puisque le rapport qui a été soumis date du 22 janvier 1999 et n'a pas été suivi d'autres depuis le déclenchement de la crise en septembre 2002. Aucune autre forme de pression n'a été exercée sur l'Etat ivoirien pour remplir ses obligations conventionnelles découlant de la ratification par lui de cette convention.

2. Les réticences et retards de la CPI relativement à la situation de Côte d'Ivoire

L'observation la plus pertinente sur la complaisance pourrait s'adresser à la Cour Pénale Internationale qui depuis que l'Etat de Côte d'Ivoire a fait sa déclaration de reconnaissance de la compétence de la cour, n'a pas encore dépêché des enquêteurs sur place pour évaluer la situation.

Or, bien que les crimes relevant de la compétence de la cour soient imprescriptibles, les preuves de ces crimes pourraient disparaitre ou s'avérer difficiles à reconstituer en raison du grand retard mis pour les réunir. Les ONG de défense des droits de l'homme avaient signalé plusieurs violations graves qui auraient dû amener la CPI à accorder une attention particulière à la situation de la Côte d'Ivoire. Cela eût pu permettre d'éviter que d'autres violations fussent commises par la suite.

Le retard dans l'enclenchement des procédures de la CPI en dépit de la reconnaissance de compétence exprimée par l'Etat ivoirien pourrait s'interpréter par les responsables des violations comme une tolérance de l'impunité et les encourager à récidiver. Cela contraste relativement à cette avec la situation de la République Démocratique du Congo où elle a engagé des poursuites contre des chefs de guerre dont trois84(*) arrêtés sont déjà passés en audience de confirmation de charges et ont été retenus dans les charges de crimes de guerre en relation avec le recrutement d'enfants soldats pour l'un85(*) et ce crime en association avec d'autres pour les deux autres.

Cette attitude de la CPI relativement à la situation de la Côte d'Ivoire en comparaison avec l'attention qui est accordée à celle de la République Démocratique du Congo parait difficile à expliquer en raison de quelques similitudes qui existent entre les deux contextes de crise. Ces similitudes sont relatives à la présence des milices, la partition du territoire et l'existence d'autorités de fait.

Paragraphe 2. Les faiblesses de la protection par les ONG

Les faiblesses liées à la protection de l'enfant par les ONG sont à rechercher dans la nature de leur intervention et dans leur organisation sur le terrain.

A. La nature de l'intervention

L'intervention des organisations non gouvernementales, nationales ou internationales, en faveur de la protection de l'enfant consiste en des actions de caractère social ou des plaidoyers afin que les situations de violation prennent fin.

I. Le caractère essentiellement social de l'intervention

Un large volet de l'intervention des ONG est de caractère social et caritatif et consiste en des dons en faveur de l'enfance malheureuse ou en difficulté notamment en conflit avec la loi. Ce volet consiste aussi en la prise en charge des enfants infectés ou affectés par le VIH/SIDA. Mais limitée à ce volet, la protection ne vise là que les effets d'une situation sans en rechercher les causes. Nous avons élucidé ces causes dans le chapitre II de la première partie consacré aux facteurs en cause dans les violations faites aux enfants. A titre de rappel, il s'agit notamment :

· des facteurs conjoncturels (facteurs politiques et militaires et leurs impacts d'une part, absence ou mauvais fonctionnement de l'appareil étatique et leurs conséquences d'autre part) : le contexte de crise a crée des conditions favorables ou aggravantes pour la violation des droits de l'enfant ;

· des facteurs structurels c'est-à-dire d'un côté le contexte historique, socio-économique et culturel et de l'autre la faiblesse du cadre normatif interne et de l'engagement de l'Etat dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

Tous ces facteurs favorisent les violations faites aux droits de l'enfant, que ce soit le droit à la non discrimination, le droit à la vie , à l'identité et à la nationalité, le droit à la protection sociale et contre les pires formes de travail et les autres exploitations, les droits aux libertés, le droit à l'éducation, à la santé, tous ces droits qui ont amené les Nations à faire de l'enfant « un sujet de droit...reconnu dans ses capacités » et dont l'« avis est davantage pris en compte à différents niveaux...».86(*)

S'attaquer aux effets pour soulager les enfants est vital, mais cibler les racines pour enrayer les causes semble plus apte à engendrer des solutions durables. C'est pourquoi les actions de plaidoyer des ONG sur le terrain sont indispensables mais sont en bute à des difficultés liées au contexte politique.

II. Les difficultés du plaidoyer des ONG

Les ONG qui s'investissent dans le plaidoyer ne disposent pas d'un réel moyen de pression supplémentaire en dehors des rapports circonstanciés, périodiques ou des rapports alternatifs devant les organes de garantie du système international ou du système régional. Ces ONG disposent de peu de moyens de contrainte juridique et politique face à des acteurs insensibles et insuffisamment imbus de valeurs de la personne humaine. Or un plaidoyer efficace pour la défense des droits humain suppose la mise en jeu d'actions à intensité graduelle, allant des campagnes de sensibilisation et d'information aux marches et sit-in en passant par les négociations, des communiqués de presse, des déclarations ou toutes autres actions visant à obtenir la cessation des violations des droits humains ou empêcher leur commission.

Ces actions sont presque inopérantes en Côte d'Ivoire pour les raisons suivantes :

1) Dans la zone nord occupée par les rebelles, ceux-ci ne tolèrent aucune forme de protestation et les autorités de fait qui contrôlent cette zone ne se sentent pas liées ni par les lois nationales ni par les engagements internationaux souscrits par l'Etat de Côte d'Ivoire, notamment ceux qui sont relatifs aux droits de l'homme ;

2) Dans la partie gouvernementale, depuis 2004 le chef de l'Etat a pris un décret portant interdiction des marches et autres manifestations sur la voie publique.87(*) Ce décret a été reconduit chaque année jusqu'à décembre 2009 et n'a donc pas permis aux actions de plaidoyer de se mettre en place efficacement.

Il s'ensuit alors que le contexte politique que soit en zone rebelle qu'en zone gouvernementale n'est pas favorable à ces actions de plaidoyer et a confiné les ONG dans des actions de plaidoyer sans grand échos sur l'opinion nationale et internationale.

B. L'organisation des ONG sur le terrain

Les ONG de défense des droits de l'homme opèrent sur l'ensemble du territoire ivoirien, que ce soit dans la partie gouvernementale que dans la partie contrôlée par les rebelles. Mais ces ONG sont inégalement réparties sur le territoire. Elles manquent de coordination entre elles relativement à leurs activités, ce qui là aussi crée des chevauchements à l'instar de la répartition dans les zones couvertes.

I. L'inégale couverture du territoire

Les ONG choisissent leurs zones de couverture en fonction de l'intérêt et de l'évaluation de la situation faite par chacune d'elles. C'est ainsi que certaines régions ont pu bénéficier de l'afflux massif d'ONG qui s'y sont installées et opèrent depuis ou même avant le déclenchement de la crise. Avant de s'installer les ONG opèrent des découpages territoriaux et des rattachements de localités. Seules sont bénéficiaires de leurs actions les localités qui se retrouvent dans les délimitations par elles faites. Ces délimitations ne se soucient pas de la couverture du territoire entier du pays et les critères varient en fonction de leurs domaines d'intervention. A titre d'exemple, l'ONG internationale Save the Children ne s'est établie à l'Est du pays88(*) qu'en 2007. Aux heures chaudes du conflit elle a été absente de cette région dont le nord a pourtant connu des affrontements militaires très sanglants. Les deux volets de ses activités sont la protection et l'éducation. L'accent est beaucoup plus mis sur l'éducation que sur la protection et les activités d'éducation couvrent le maximum possible de localités, même les plus éloignées, alors que la protection est concentrée autour des localités qui se trouvent à la périphérie des sièges régionaux de l'organisation.

Cette inégale couverture laisse sans protection les enfants des zones non couvertes alors que les violations ne sont pas réputées plus fréquentes dans les capitales régionales que dans les zones rurales. De plus, l'on constate la tendance de la plupart des organisations de la société civile à se concentrer dans les plus grandes villes du pays notamment Abidjan, Yamoussokro et Bouaké où toutes les facilités de vie et de travail se retrouvent concentrées (routes, électricité, téléphones et internet, hôtels, marchés etc.). Lorsque ces critères interviennent dans la délimitation des zones de couverture des activités des organisations de la société civile, nationales comme internationales, ils biaisent leurs objectifs essentiels qui se résument en une protection efficace et sans discrimination en faveur de ceux qui en ont besoin.

A ce constat de discrimination préjudiciable aux enfants relevé dans la couverture territoriale, on peut ajouter celui d'absence de coordination entre les ONG qui interviennent dans le domaine de la défense des droits de l'homme.

II. Le manque de coordination et le chevauchement des activités liées à la protection

Ce manque de coordination existe au niveau du choix des zones de couverture et des activités que mènent ces ONG.

S'agissant du manque de coordination au moment du choix des zones de couverture, chaque ONG ne tient pas compte de l'existence sur place d'autres organisations avant de se décider à couvrir telle ou telle zone. En conséquence, plusieurs ONG intervenant sur le même plan se retrouvent concentrées dans les mêmes régions sans nécessairement que cette concentration soit justifiée par des besoins particulièrement énormes et pressants de protection.

Par ailleurs, les activités relatives à la protection étant multiformes, il y aurait plus d'efficacité dans la couverture des mêmes régions par des organisations intervenant sur des volets différents de sorte que leurs activités soient complémentaires les unes des autres. Or sur le terrain il est remarqué que ces activités se chevauchent et donnent des résultats qualitativement et quantitativement insuffisants.

Relativement à la coordination des activités, pour les mêmes cas de violations, plusieurs ONG se ruent sur le terrain pour recueillir des informations et faire des enquêtes. Amnesty International, la FIDH, Human Rights Wacth produisent des rapports presqu'identiques sur les allégations et les zones choisies alors qu'en diversifiant leurs zones de couverture et en intégrant d'autres intervenants dans les régions qu'elles ne sont pas parvenues à couvrir, cela refléterait mieux la situation générale des violations et donneraient plus de poids à leurs actions. La même méthode serait valable pour la coordination des actions de sensibilisation, d'éducation et de plaidoyer. Cela permettrait de d'impulser plus d'efficacité aux efforts de protection.

Section 2 : La responsabilité des violations et les enseignements liés à la protection

Au-delà des auteurs directs et immédiats, il se pose la question de la responsabilité des violations commises sur les enfants au regard du droit international. A la lumière de la situation de partition du pays, cette responsabilité parait partagée entre les autorités régulières et les forces rebelles. Cela amène à envisager la nécessité de réforme du cadre organique et normatif interne d'une part, de renforcement, d'adaptation du cadre juridique international de protection des enfants et de répression des violations qui sont faites à leurs droits d'autre part.

Paragraphe 1.La responsabilité partagée de l'Etat et de la rébellion

Il s'agit d'apprécier ici la responsabilité des violations commises sur les enfants et son imputabilité à l'Etat ivoirien et les chefs rebelles en tant qu'ils sont détenteurs de l'autorité dans les zones qu'ils administrent respectivement et garants du respect des instruments internationaux.

A. La responsabilité des violations en zone gouvernementale : fondement et sanction

La responsabilité de l'Etat ivoirien semble facile à retenir relativement au non respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant dans lesquels il s'est engagé et relativement à la portion du territoire qu'il gouverne. Mais la question comporte en réalité quelques complexités. Deux hypothèses peuvent être envisagées : les violations commises par les agents de l'Etat agissant dans leurs fonctions et les violations commises par des particuliers.

S'agissant des violations commises par des agents de l'Etat, la responsabilité de l'Etat est entièrement engagée si ceux-ci ont agit dans l'exercice de leurs fonctions. C'est notamment le cas des agents de police qui, chargés de maintenir l'ordre, répriment brutalement des manifestations impliquant des enfants et font des victimes parmi ces enfants. De pareils cas ont été régulièrement enregistrés depuis le déclenchement de la crise et notamment suite au décret interdisant les manifestations sur les voies et places publiques. Ils ont été aussi relevés dans les massacres et disparitions rapportés par les ONG.

Si les agents de l'Etat ont agit en dehors du cadre de leurs fonctions, leur responsabilité personnelle est engagée. De nombreux cas ont été également rapportés par des ONG de défenses de droits de l'homme sur ce plan. Cette hypothèse est la même que celle dans laquelle les violations sont commises par des personnes non agents de l'Etat. Dans ces hypothèses, la responsabilité personnelle de ces personnes est engagée et il s'agit d'une responsabilité pénale qui doit faire l'objet d'une sanction devant les juridictions de l'Etat ivoirien. Mais si l'Etat ne prend pas des mesures pour les sanctionner comme l'exige l'article 16-2 de la charte africaine des droits et du bien être de l'enfant, il ne respecte pas ladite charte. Dans cette hypothèse, la CPI peut s'en saisir étant donné que l'Etat ivoirien a reconnu sa compétence. Cette compétence s'étend aussi bien sur les crimes commis par les agents de l'Etat que ceux commis par les rebelles et les différentes milices qui soutiennent les forces gouvernementales.

Dans toutes ces hypothèses, la responsabilité de l'Etat ivoirien reste engagée sur le fondement de la convention relative aux droits de l'enfant qui stipule en son article 4 que « Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention ». Cet article prescrit pour l'Etat une obligation de prendre des mesures préventives afin que l'enfant ne soit pas victime de violations des droits reconnus dans la convention. C'est une exception au principe général emprunté au droit international public selon lequel « l'Etat n'est jamais responsable des faits des particuliers car leurs actes ne peuvent lui être attribués ».89(*) Selon cette exception l'« Etat peut être tenu responsable des faits des particuliers sous sa responsabilité lorsqu'il n'a pas pris des précautions suffisantes pour prévenir un incident ou pour protéger les victimes ».90(*) Cette responsabilité est fondée sur la négligence des autorités de l'Etat ivoirien vis-à-vis des obligations contenues dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant.

S'agissant de l'imputabilité de la responsabilité des violations commises dans les zones sous contrôle des rebelles, l'Etat ivoirien en est juridiquement déchargé. Cette responsabilité est imputable aux autorités de fait.

B. La responsabilité des Forces Nouvelles (les rebelles) : fondement et sanction

Le droit international humanitaire ne retient pas la responsabilité des belligérants pour les dommages causés aux biens et aux personnes par les opérations militaires, pour autant que ces dommages ne soient pas causés en violation des règles sur les conflits armés et des principes du droit humanitaires. Relativement à la protection des enfants, certaines de ces règles ont été violées par des pratiques notamment le recrutement d'enfants soldats, l'occupation des écoles, des hôpitaux et des centres de garde de l'enfance qui se sont poursuivis même après que les armes se soient officiellement tues.

L'imputabilité de la responsabilité des violations commises sur les enfants dans la zone sous contrôle des rebelles comporte aussi deux volets. Pour les violations commises directement par les forces rebelles, il va sans dire que la responsabilité de ces forces doit être retenue. Mais pour les violations commises par des particuliers sur ces territoires, la théorie de la responsabilité pour négligence pourra s'appliquer, étant donné que ces rebelles y ont établi une administration et exercent une autorité de fait réelle.

S'agissant des graves violations dont ces rebelles se sont rendus responsables, étant donné que l'Etat ivoirien et les juridictions ivoiriennes n'ont pas encore l'autorité nécessaire dans ces zones, celles de ces violations qui relèvent de la compétence de la CPI pourraient être poursuivies par cette cour qui retiendra la responsabilité personnelle des dirigeants en dépit de la loi d'amnistie promulguée dans le cadre du processus de paix et de réconciliation nationale, loi qui d'ailleurs a été critiquée par des ONG de défense de droits de l'homme notamment Amnesty International parce que sa « formulation vague qui n'exclut expressément ni les crimes de guerre ni les crimes contre l'humanité ouvre la voie à l'impunité totale pour les auteurs de graves violations et atteintes aux droits humains ».91(*)

Au regard de ces différentes faiblesses notées dans la mise en jeu de la protection de l'enfance, il parait nécessaire de tirer des enseignements visant à corriger les insuffisances pour rendre efficaces les actions de protection.

Paragraphe 2 : Les enseignements liés à la protection

La protection dans le contexte ivoirien a révélé des insuffisances dont il est utile de tirer les enseignements ci après en vue d'affiner et d'adapter le cadre de protection. Ces enseignements se situent sur plusieurs plans notamment au plan organique et normatif interne et au plan des mécanismes internationaux de protection des droits de l'enfant et de répression des crimes commis sur les enfants dans les contextes de crise et post conflictuels.

A. Quant au cadre organique et normatif : nécessité de réformes

Le contexte de crise étant le facteur aggravant des violations des droits de l'enfant, la solution à ces violations passera nécessairement par un une normalisation de la situation politique et militaire, la réunification du territoire et l'établissement complète de l'autorité sur l'ensemble du pays. Cela permettra, par ailleurs de rendre plus efficace l'activité des ONG dont la répartition doit viser désormais à couvrir l'ensemble du territoire a travers une coordination efficiente de leurs activités les unes avec les autres afin d'éviter les chevauchements. Tant que le territoire est partitionné les violations seront difficiles à éviter et à réprimer.

Relativement au cadre normatif il est impérieux que l'Etat de Côte d'Ivoire ratifie les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et des enfants, notamment les deux protocoles additionnels facultatifs à la convention relative aux droits de l'enfant. Il doit également ratifier, sans délai, le statut de la CPI qui est un juridiction complémentaire des juridictions nationales et la seule capable, dans ce contexte, de poursuivre et juger de façon efficace et impartiale, les auteurs des violations graves commises à grande échelle sur les enfants.

Il parait aussi urgent que la législation ivoirienne, notamment le code pénal et le code de procédure pénale, soit adaptée à l'évolution de la criminalité en prévoyant et en punissant, à travers une définition claire des éléments constitutifs, chaque infraction qui peut être identifiée.

S'agissant de la justice juvénile, devant les difficultés que rencontrent les acteurs judiciaires dans l'application des différentes mesures aux enfants, il s'avère important et utile d'opérer une réforme législative qui établirait la compétence exclusive des sections des mineurs des parquets pour le règlement de leurs dossiers dès le déferrement. Cela permettra d'éviter les retards dans l'examen de leurs dossiers et les mettra à l'abri d'une longue cohabitation avec des majeurs criminels et d'un risque d'exposition à la transmission des leçons du crime. Il semble aussi nécessaire d'imposer des délais de rigueur spécifiques aux juges des enfants pour clôturer l'instruction préparatoire, pour limiter les lenteurs enregistrées dans l'instruction des dossiers des enfants. Une rationalisation des dispositions législatives en matière de mesures de restriction de la liberté des mineurs parait aussi nécessaire. La solution pourrait consister à limiter le recours à la détention préventive pour certaines catégories bien précises et limitées de mineurs délinquants, par exemple à ceux qui sont appelés à être jugés par la cour d'assises des mineurs (mineurs de plus de 16 ans soupçonnés d'être les auteurs de crimes).

Le législateur ivoirien, qui a eu pour souci de conférer à la justice juvénile un caractère spécial, doit compléter sa législation dans le sens de la déjudiciarisation et de la transaction pénale concernant les infractions commises par les mineurs.

A propos du cadre organique l'Etat doit construire des centres d'observation des mineurs sur l'ensemble du territoire. Pour pouvoir être réellement efficaces, ces centres doivent être situés à l'extérieur des enceintes des maisons d'arrêt de manière à éviter toute interférence des majeurs détenus dans les maisons d'arrêt dans le processus de rééducation des mineurs.

Afin de garantir une meilleure protection des mineurs au cours de la phase policière de l'enquête préliminaire, il sera utile de créer dans chaque ressort territorial une brigade des mineurs et de lui accorder une compétence exclusive sur les affaires impliquant des mineurs et prévoir une formation spécialisée pour les officiers de police judiciaire dans ces brigades.

B. Sur les mécanismes internationaux de protection et de répression: nécessité de renforcement du cadre juridique international

Lorsqu'une règle juridique ou une obligation n'est pas sanctionnée, elle se mue en un voeu pieux dont l'application ou l'exécution est laissée à la sagacité de ceux qui en sont chargés ou destinataires. C'est ce caractère de contrainte relative qui doit être corrigé pour les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme en général et ceux des enfants en particulier qui sont, de par leur situation, des êtres fragiles sans moyens de défense en leur possession. C'est pourquoi il est nécessaire que le Comité des droits de l'enfant fasse une surveillance attentive sur la Côte Ivoire. Il est aussi nécessaire de rendre obligatoire, d'une obligation sanctionnée, la présentation des rapports périodiques émanant des Etats et étendre cette obligation aux groupes rebelles qui exercent une autorité de fait réelle sur les territoires qu'ils occupent. Ces sanctions ciblées que peuvent déterminer et décider le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de Sécurité et de Paix de l'Union Africaine selon le cas, peut consister, comme ce fut le cas pour les violations notoires de droits de l'homme et pour menace au processus de paix en Côte d'Ivoire, en des gels d'avoirs bancaires, des interdictions de voyages à l'étranger des dirigeants étatiques et de rébellion. Ce genre de sanctions a déjà démontré son efficacité depuis leur application à trois acteurs de la crise dont deux issus des rangs de la mouvance présidentielle et un commandant militaire rebelle92(*), car depuis que ces sanctions ont été prises, les menaces et obstructions contre le personnel civils et militaires de la mission onusienne ont baissé.

Par ailleurs la subordination de l'application du statut de la cour pénale e internationale à la condition de ratification ou de reconnaissance de compétence ne constitue pas un moyen efficace pour la protection des droits de l'homme et la sanction pénale de leur violation dans les situations de crise. On sait aussi que le conseil de sécurité parfois tiraillé entre les positions des Etats qui le composent peut hésiter à autoriser la cour à entreprendre des recherches sur une situation de violations des droits humains dans un pays qui n'a pas ratifié le statut. Faire de la compétence de la cour pénale internationale une compétence universelle et non limitée aux Etats qui ont ratifié le statut semble plus apte à sanctionner efficacement les violations des droits de l'homme et notamment celles qui sont commises sur les enfants. Il est quasiment illusoire d'espérer que les dirigeants d'un Etat, responsables de violations graves, puissent autoriser une juridiction de répression à activer sa compétence à leur endroit. On pourrait bien se demander si en reconnaissant la compétence de la CPI, l'Etat ivoirien n'entendait pas se servir de la cour pour régler des comptes aux rebelles en les faisant juger, étant donné que ses propres juridictions étaient dans l'incapacité de les faire arrêter et de les juger. Et pour cause, depuis cette reconnaissance de compétence l'Etat ivoirien n'a pas encore ratifié le statut pour donner pleine compétence à la cour à partir de la ratification. Or cette reconnaissance de compétence aurait pu et aurait d'ailleurs dû être simultanée avec le dépôt des instruments de ratification pour réellement exprimer la volonté de se lier, puisque depuis ce jour, plusieurs violations ont été encore commises, qui attribuées aux deux camps.

Conclusion générale

Les droits des enfants dans les pays en crise ou sortant d'une crise armés sont fragilisés par la situation de crise. Le contexte ivoirien est particulièrement compromettant pour l'enfant en raison de la partition du pays en zones contrôlées par différentes forces. Ce contexte expose les enfants à des violations graves pourtant interdites par les instruments internationaux. D'autres violations sont dues non moins graves portent des préjudices innombrables aux enfants quant à leur existence juridique, leur personnalité et les prestations qui leur sont dues. Ces violations sont favorisées par des facteurs dont les uns sont conjoncturels et les autres sont structurels.

Les facteurs conjoncturels sont ceux étroitement liés au contexte de crise finissant mais qui dure, à savoir la gestion du processus de sortie de crise et ses implications politiques à travers les comportements des camps en présence, mais aussi la destruction des symboles de l'Etat dans les zones rebelles et l'affaiblissement des mécanismes étatiques de protection dans les zones gouvernementales. Ils sont également liés à l'impunité qui s'est installée depuis 2000 et qui comporte plusieurs facettes.

Quant aux facteurs structurels, ils sont relatifs à la situation géographique de la Côte d'Ivoire et tirent leurs sources de la période coloniale, notamment la délimitation des frontières, les disparités économiques qui se sont créées entre les pays de la sous- région et leur conséquences sur les mouvements migratoires dont la gestion a engendré à partir de 1995 des sentiments de xénophobie récupérés par les leaders politiques. Ces facteurs sont également liés au contexte économiques et socioculturel fait de pauvreté, de sous développement, d'ignorance des droits de l'enfant et des pesanteurs sociologiques comme les religions et les cultures, toutes choses face auxquels le cadre normatif interne et l'engagement de l'Etat dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont faibles.

Dans ces conditions la mise en oeuvre de la protection qui comporte plusieurs volets s'avère ardue. Elle s'avère ardue aussi bien pour les juridictions internes qu'internationales ainsi que pour les autres structures étatiques et les ONG. Face à ces difficultés auxquelles font face les organes de protection de l'enfance, nous avons fait des constats et tiré des enseignements. Les constats portent sur l'inefficacité partielle des actions des organes de protection qu'ils soient étatiques ou internationaux.

Les structures étatiques y compris les juridictions sont confrontées aux problèmes de lenteurs du redéploiement de l'Administration dans les zones sous contrôle des rebelles et de jouissance et d'exercice de l'autorité dans lesdites zones. Les organes de garantie internationale sont, eux, confrontés à l'absence de sanction des obligations internationalement souscrites par les Etats dans les instruments juridiques dont ils reçoivent leurs mandats. La CPI est tiraillée entre la nécessité de punir et le souci de ménager une marge de réconciliation pour les acteurs. Quant aux ONG, elles sont limitées par le caractère de leur intervention, le manque de coordination entre elles et l'étroitesse de leur marge de manoeuvre quant aux actions de plaidoyer.

Les constats sont également liés à un partage de responsabilité des violations entre les autorités légales et les autorités de fait établies dans les zones rebelles. Cette responsabilité internationale cohabite avec la responsabilité pénale individuelle des auteurs des violations dans les deux zones.

Ce constat d'échec partiel nous ont amené à des enseignements relatifs à la nécessité d'abord de réunification du territoire et l'établissement de l'autorité dans les zone. Ils sont ensuite liés à l'urgence de réformes législatives et organiques pour une adaptation adéquate aux exigences des instruments internationaux. Ils portent enfin sur le besoin urgent pour la Côte d'Ivoire de ratifier et d'appliquer sans réserve les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant, mais également le statut de la CPI.

La nécessité de renforcement du cadre juridique international vise à rendre plus efficaces les organes de garantie internationale des droits de l'enfant et de répression des graves violations des droits de l'homme en général et ceux des enfants en particulier. Le renforcement apparait comme la meilleure solution capable de dissuader les gouvernants et les chefs de guerre d'exposer les enfants aux pires violations et de les amener à respecter et faire respecter les droits reconnus par les instruments internationaux.

On peut espérer que si ces conditions sont réunies, les progrès réalisés depuis 2005 qui ont amené les Nations Unies à déclasser en 2007 la Côte d'Ivoire des pays à haut risque pour les enfants se renforceront et l'enfant en Côte d'Ivoire s'en tirera mieux pour le respect de sa personnalité et la jouissance de ses droits sur tous les plans.

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Arrêté N°0075/MEN/DELC du 28/09/09, portant interdiction des punitions physiques et humiliantes à l'endroit des élèves des établissements scolaires.

Arrêté n°2250 portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de dix huit (18) ans.

Table des matières

Avertissement 6

Définition des sigles et abréviations 7

SOMMAIRE 8

INTRODUCTION 10

PARTIE I : APERÇU DES VIOLATIONS GRAVES DES DROITS DE L'ENFANCE ET LES FACTEURS EN CAUSE 14

CHAPITRE I. LES FORMES GRAVES ET COURANTES DE VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANCE 14

Section I.  Les violations étroitement liées à la crise et impliquant directement les forces en présence 14

Paragraphe 1. Le recrutement d'enfants-soldats et ses motivations 15

A. L'ampleur du recrutement d'enfants dans les différentes forces armées 15

B. Les raisons du recrutement d'enfants-soldats 18

Paragraphe 2. Le recrutement dans les milices 19

A. La typologie des milices et leurs caractéristiques en Côte d'Ivoire 20

I. Les milices militaires 20

II. Les milices politiques 21

B. Les modes opératoires des milices 21

I. Les massacres et assassinats 21

II. Occupation des écoles et centres de santé 23

III. Les manifestations et attaques violentes contre les forces de maintien de la paix 24

IV. Les blocages des convois humanitaires 26

Section II. Les autres violations graves des droits de l'enfance liées à la crise 26

Paragraphe 1. Les violations énumérées par le Bureau du Représentant spécial des Nations. 26

A. Les enlèvements d'enfants 27

B. Le viol d'enfants ou autres actes graves de violences sexuelles à l'égard des enfants 28

I. Le viol 28

II. Les autres actes graves de violences sexuelles à l'égard des enfants 29

Paragraphe 2. Les autres préjudices graves à causes conjoncturelles 31

A. La non-déclaration de la naissance de l'enfant 31

B. Les célébrations de mariages religieux sans mariages civils 32

CHAPITRE II : LES FACTEURS EN CAUSE 35

Section I. Les facteurs conjoncturels 35

Paragraphe 1. Les facteurs militaires et politiques 35

A. Le contexte militaire 35

I. La gestion du processus de désarmement et de démobilisation 35

II. Les ruptures répétées du cessez-le-feu 37

B. Les facteurs politiques 38

I. Le règne de l'impunité 38

II. Le détournement du militantisme politique au profit des actions militaires ou violentes 40

Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil étatique 42

A. Destruction de l'administration territoriale 42

B. Interruption du service public 43

Section II. Les facteurs structurels 43

Paragraphe 1. Les facteurs historiques et économico-socio-culturels 43

A. Le bornage et la gestion des frontières et les politiques migratoires de la période postcoloniale 44

I. La porosité des frontières : conséquence des bornages factices 44

II. La xénophobie et les heurts interethniques : conséquence des disparités économiques entre les anciennes colonies 45

B. L'environnement économico-socio-culturel 47

I. La pauvreté et le sous-développement 47

II. L'ignorance des droits de l'enfant et le poids des religions et traditions 49

Paragraphe 2. Le cadre normatif interne et le faible engagement de l'Etat dans les instruments internationaux 50

A. Aperçu du cadre normatif de la protection 50

I. Aspects de la protection 51

1. Au plan pénal 51

a. L'organisation judiciaire pour les enfants et la compétence rationae personae relativement aux mineurs 51

b. Les lois pénales de fond et la reconnaissance d'un statut spécial au mineur 52

2. Au plan civil 53

a. Les mesures de protection ou d'assistance éducative 53

b. L'intervention du ministère public dans les affaires impliquant le mineur et le contrôle des actes d'état civil 54

II. Les difficultés de mise en oeuvre du cadre normatif interne 55

1. Au plan pénal 55

2. Au plan civil 57

B. La faiblesse de l'engagement de l'Etat ivoirien dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme 58

I. Des traités ratifiés avec retard et/ou partiellement exécutés 58

1. Au plan régional : la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et les instruments spécifiques aux droits des enfants 58

2. Au plan international et universel 59

II. Des traités non ratifiés 60

1. Au plan régional 60

2. Au plan international et universel 60

DEUXIEME PARTIE: LA PROTECTION DES ENFANTS DANS LE CONTEXTE IVOIRIEN 62

CHAPITRE I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION 62

Section I. La protection juridictionnelle et quasi juridictionnelle 62

Paragraphe 1. La protection de l'enfance par le juge pénal 62

A. Au plan interne 62

I. L'organisation judiciaire 63

1. Le juge des enfants 63

2. Le tribunal pour enfants 64

II. La protection à travers les mesures susceptibles d'être prises relativement au mineur et leur exécution 66

1. Les privations ou restrictions de liberté 66

a. Les décisions du juge des enfants 66

b. Les décisions du tribunal pour enfants et de la cour d'assises des mineurs 67

2. La protection à travers l'exécution des décisions 70

a. L'exécution de la garde provisoire et de la liberté surveillée 70

b. L'exécution des mandats de dépôt et des condamnations pénales 70

B. Au plan international : la protection par la Cour pénale internationale (CPI) 71

I. Les crimes sur les enfants ressortissant à la compétence de la CPI 71

II. Les conditions de mise en oeuvre de la compétence de la CPI 72

Paragraphe 2. La protection par le juge civil et la protection quasi juridictionnelle 73

A. La tutelle du mineur 73

I. Définition et fondement de la tutelle 73

II. Régime de la tutelle des mineurs 74

B. La protection quasi juridictionnelle 75

I. Le comité des droits de l'enfant 75

II. Le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant 76

Section 2. La protection extra juridictionnelle 78

Paragraphe 1. La protection par le plaidoyer 78

A. La surveillance et la communication de l'information relative aux violations faites aux enfants 79

I. Définition et portée 79

II. Les organismes les plus connus et leurs domaines d'intervention 80

B. Le dialogue avec les parties et le renforcement des capacités 81

I. Le dialogue avec les parties 81

II. Le renforcement des capacités et la sensibilisation 82

Paragraphe 2. La protection par la réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en charge 84

A. Au plan éducatif et sanitaire 84

B. Au plan alimentaire et vestimentaire 84

CHAPITRE I. LES CONSTATS ET LES ENSEIGNEMENTS SUR LA PROTECTION 86

Section I. L'inefficacité partielle de la protection 86

Paragraphe 1. L'inefficacité liée aux organes étatiques et organismes internationaux 86

A. Les organes étatiques 86

I. Les lenteurs du redéploiement de l'administration dans les zones sous contrôle des rebelles 87

II. L'impossibilité pour les organes étatiques de s'imposer dans les zones rebelles 88

B. Les institutions internationales 89

I. Les sources des mandats des institutions internationales : le talon d'Achille de la protection 89

1. Les conventions 89

a. Les faiblesses irrémédiables 89

b. Les faiblesses structurelles 90

2. Les résolutions 92

II. Le laxisme des organes de suivi des instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant et les réticences dans la répression internationale. 93

1. Le comité des droits de l'enfant et le comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant 93

2. Les réticences et retards de la CPI relativement à la situation de Côte d'Ivoire 94

Paragraphe 2. Les faiblesses de la protection par les ONG 94

A. La nature de l'intervention 95

I. Le caractère essentiellement social de l'intervention 95

II. Les difficultés du plaidoyer des ONG 96

B. L'organisation des ONG sur le terrain 97

I. L'inégale couverture du territoire 97

II. Le manque de coordination et le chevauchement des activités liées à la protection 98

Section 2 : La responsabilité des violations et les enseignements liés à la protection 99

Paragraphe 1.La responsabilité partagée de l'Etat et de la rébellion 99

A. La responsabilité des violations en zone gouvernementale : fondement et sanction 99

B. La responsabilité des Forces Nouvelles (les rebelles) : fondement et sanction 101

Paragraphe 2 : Les enseignements liés à la protection 101

A. Quant au cadre organique et normatif : nécessité de réformes 102

B. Sur les mécanismes internationaux de protection et de répression: nécessité de renforcement du cadre juridique international 103

Conclusion générale 106

Bibliographie 108

Table des matières 113

* 1Source : Histoire des droits de l'enfant, http://www.droitsenfant.com/histoire.htm

* 2 Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Les droits de l'homme et les prisons : guide du formateur aux droits de l'Homme à l'intention du personnel pénitentiaire, New York et Genève, 2005, p.151

* 3 Art 1er de ladite convention.

* 4 Ces pays sont cités à titre d'exemple. En réalité le nombre de pays ensanglantés par un conflit armé sur le continent est plus large.

* 5La zone de confiance est une bande démilitarisée de près 12 000 km2 qui, de largeur variable, s'étend d'Est en Ouest dans le pays. Elle avait été établie par l'ONU à la fin 2002 pour séparer la rébellion qui occupait le Nord et l'armée loyale au gouvernement régulier qui administrait le Sud. Les ex-belligérants ont cessé de s'affronter depuis novembre 2004. La suppression de la ZDC a débuté en avril 2007 pour s'achever en juillet de la même année après à un accord signé le 4 mars 2007 à Ouagadougou entre M. Laurent GBAGBO président la République de Côte d'Ivoire et M. Guillaume Soro, secrétaire général des FN sur la sortie de crise. Cet accord a été conclu au terme d'un "dialogue direct" facilité par M. Blaise CAMPAORE, président du Burkina Faso et Président en exercice de la CEDEAO.

* 6UNICEF, Progrès pour les enfants, un bilan de la protection de l'enfant Numéro 8, septembre 2009.

* 7 Source : www.un.org/children/conflict/french/index.html

* 8 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire ", Doc. ONU S/2006/835, p.4

* 9 Rapport du Secrétaire général de l'ONU "Les enfants et les conflits armés", DOC. ONU A/58/546-S/2003/1053, p.11

* 10 Amnesty international, Rapport AFR 31/003/2005

* 11Dictionnaire Microsoft® Encarta® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation

* 12 Lima est le code dans l'alphabet radio pour la lettre L. Le nom LIMA provient du fait que les combattants étaient des Libériens.

* 13Rapport du Secrétaire général de l'ONU, sur "Les enfants et les conflits armés", DOC ONU A/61/529-S/2006/826, p.6

* 14Gérard DHOTEL, Les enfants dans la guerre, Edit. Les essentiels Milan, p.38

* 15Les Forces armées Forces Nouvelles est la nouvelles appellation des différents mouvements rebelles nés à l'origine et au cours du conflit mais qui se sont ensuite fusionnés. Il s'agit notamment du :

MPCI : né de la crise qui a débuté le 19 septembre 2002, il est majoritairement formé d'éléments originaires du nord musulman, mais ne se réclame pas d'une appartenance ethnique et l'ensemble de la population ivoirienne y est représentée. Bénéficiant du soutien d'officiers supérieurs, et fort d'une dizaine de milliers de combattants, le mouvement contrôlait la moitié nord du pays et une partie du centre, soit 40% du territoire.

MPIGO : Apparu le 28 novembre avec la prise de la ville de Danané, près de la frontière libérienne, il est majoritairement composé d'éléments Yacouba, ethnie commune au Liberia et à la Côte d'Ivoire.

MJP : Apparu conjointement le 28 novembre 2002 en revendiquant la prise de la ville de Man, à l'ouest du pays, le MJP est limité au grand ouest.

* 16Amnesty International, Rapport AFR 31/003/2005.

* 17Human Rights Watch, "Prise en deux guerres : violence contre les civils dans l'ouest de la Côte d'Ivoire", Août 2003 Volume 15, Rapport No. 14 (A), p.41

* 18 Gérard DHOTEL, op cit. p.39

* 19 Gérard DHOTEL, ibid

* 20 Gérard DHOTEL, ibid

* 21Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et les conflits armés", Doc. ONU A/61/529-S/2006/826 du 26 octobre 2006, p.7

* 22Human Rights Watch, Côte d'Ivoire : le coût de l'impasse politique pour les droits humains, rapport du 21 décembre 2005, p.8

* 23Amnesty International, Rapport AFR 31/003/2005

* 24Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25 octobre 2006, pp. 5 et 6. Quatre cas ont été rapportés :

a) Le 21 avril 2005, plusieurs assaillants non identifiés ont exécuté une famille de l'ethnie Yacouba à Petit Logouale (dans la zone de confiance). Deux enfants, un garçon et une fille, et leur père ont été tués à la machette, tandis que leur mère a été abattue;

b) Le 1er juin 2005, des assaillants non identifiés ont attaqué les villages de Guitrozon et Petit Duékoué, où vivent principalement des membres de l'ethnie Guéré. Il a été signalé que 41 personnes, dont 3 nourrissons, avaient été tuées dans une maison; que le ventre d'une femme enceinte avait été ouvert à la machette à Guitrozon; et que plusieurs maisons avaient été incendiées alors que les occupants, dont plusieurs enfants, étaient encore à l'intérieur. Peu après ces attaques, le 6 juin 2005, sept membres de l'ethnie Dioula, dont quatre enfants, auraient été exécutés par des individus non identifiés dans le quartier de Latif et Cokoma;

c) Le 16 avril 2006, le bataillon ghanéen a escorté la police des Nations Unies au village de Bania, dans la zone de confiance, où des membres de la communauté ont identifié un individu accusé d'avoir tué deux enfants dans le cadre d'activités de sorcellerie;

d) Le 28 juin 2006, six personnes, dont un enfant d'un an, ont été tuées par des assaillants non identifiés dans le village de Boho, à 29 kilomètres de Bangolo. Cette attaque faisait suite à la découverte, le 24 juin 2006, des corps de deux enfants burkinabés dans le village de Duekpé. »

* 25Le "confiage" est un néologisme du registre ivoirien qui se définit par le fait par lequel un enfant à très bas âge et parfois sous condition avant même sa naissance est prédestinés en mariage à tel ou tel. A l'apparition des caractères sexuels secondaires, la fille confiée est étroitement surveillée par les deux familles des futurs époux afin qu'elle ne s'écarte pas, de par ses comportements, de chemin tracé en compromettant l'exécution de ce contrat. Le terme désigne aussi le fait qu'une famille pauvre confie son enfant à une plus aisée pour son éducation et son orientation sociale et professionnelle.

* 26Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25 octobre 2006, p.6

* 27 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25 octobre 2006, p.3

* 28Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU A/61/529-S/2006/826, p.7

* 29Le patriote, 15 février 2010, Quotidien ivoirien d'information ; article disponible sur le site : http://fr.allafrica.com/stories/201002151620.html

* 30 Dictionnaire Microsoft® Encarta® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation

* 31UNICEF, La traite d'enfants, Fiche d'information sur la protection de l'enfant, mai 2006

* 32Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835. Il y indique les cas suivants :

a) Le 15 juin 2005, une fillette de 12 ans a été enlevée à Korogho (nord de la Côte d'Ivoire) et emmenée au Mali, où elle a été contrainte à se marier. Son père se serait apparemment rendu au Mali dans l'espoir de la libérer, mais il aurait été menacé par les ravisseurs et le mari, qui lui auraient dit qu'il serait arrêté par les autorités maliennes s'il ne quittait pas le pays;

b) En avril 2006, un écolier de 8 ans a été enlevé à Abidjan, dans la commune - contrôlée par l'État - de Marcory. Il a eu les yeux arrachés lors de ce qu'on soupçonne être une pratique rituelle;

c) En juillet 2006, la gendarmerie nationale basée à Agboville, en zone gouvernementale, a arrêté un certain nombre d'individus soupçonnés de faire partie d'un réseau de traite et de vente d'enfants. Trois suspects de sexe féminin ont été appréhendés dans l'opération et quatre enfants enlevés, âgés de 2 à 5 ans, retrouvés séquestrés sur les lieux. Après enquête, la gendarmerie a arrêté un homme qui semble être le cerveau et le meneur du réseau. L'affaire est en attente de jugement.

* 33Bernard Bouloc, Haritini Matsopoulou, Droit pénal général, 15e éd., p.50

* 34KOMAN Yao Gustave, La convention relative aux droits de l'enfant : vers une évolution des droits d'expression et de défense des intérêts de l'enfant en Côte d'Ivoire ?, mémoire de fin de cycle, Ecole Nationale d'Administration, Côte d'Ivoire, 2006-2007, p. 9

* 35Lexique des termes juridiques 2010, Dalloz, 17e édit.

* 36Lexique des termes juridiques, op. cit.

* 37Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835, pp. 7 et 8. Ledit rapport relève les cas ci après :

a) Le 17 novembre 2005, une fille de 15 ans aurait été violée dans un quartier de Belville II (Bouaké). Elle faisait partie d'un groupe de cinq filles ayant confirmé aux spécialistes des droits de l'homme être employées comme danseuses et prostituées dans le quartier;

b) Le 18 décembre 2005, une jeune fille de 17 ans aurait été sexuellement agressée à Guiglo par neuf hommes non identifiés. Selon les informations disponibles, l'enquête ouverte par la gendarmerie n'a pas progressé;

Le 5 mars 2006, à Alépé, une fille de 15 ans a été violée à plusieurs reprises par un élément du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS). Une enquête a été ouverte par la gendarmerie mais il semble que celle-ci n'ait pas progressé;

d) L'ONU s'est mise en relation avec les FAFN pour exprimer ses vives préoccupations au sujet du viol d'une fille de 14 ans, survenu en mars 2006 à Bouaké alors que celle-ci était détenue par les FAFN. L'affaire a conduit les FAFN à donner un ordre de commandement à l'effet de libérer la fillette, lequel est cité dans la section VI ci-dessous;

e) Le 26 juin 2006, les spécialistes des droits de l'homme de l'ONUCI ont signalé qu'une écolière de 15 ans aurait été violée par un élément des FAFN à Danané. Un membre du personnel de l'école a informé l'ONUCI du fait que les viols étaient courants dans l'école mais que les parents préféraient garder le silence par peur de représailles.

* 38Lexique des termes juridiques, op. cit.

* 39Lexique des termes juridiques, op. cit.

* 40UNICEF, "La Situation des enfants dans le monde 2006" Rapport, New York, décembre 2005, p. 131.

* 41Seizième rapport du Secrétaire général sur l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, 15 avril 2008, p.5

* 42 Ville du nord de la Côte d'Ivoire situé dans le giron de la rébellion.

* 43 Le 24 décembre 2007 dans la localite de Bondoukou au nord est de la Cote d'Ivoire, trois enfants ont été victimes de l'explosion de deux grenades offensives qu'ils avaient ramassées sur des immondices au voisinage de leurs habitations. Parmi ces enfants, deux sont décédés sur-le-champ et le troisième s'en est tiré avec une infimité visuelle permanente.

* 44Jean Nanga, (correspondant d'Inprecor pour l'Afrique subsaharienne), Côte d'Ivoire : une guerre civile... néocoloniale et française, article publié dans Inprecor Janvier-Février 2005. (Inprecor est une revue d'information et d'analyse politique mensuelle publiée sous la responsabilité du Bureau exécutif de la Quatrième Internationale - SU). Dans cet article l'auteur décrit les conséquences de l'opération "Dignité" :

« Faisant fi des accords de Linas-Marcoussis (janvier 2003) et d'Accra III (juillet 2004), Laurent Gbagbo a lancé le 4 novembre l'opération " Dignité ", une offensive aérienne et terrestre contre les positions des Forces nouvelles. Malgré une " guerre sans limites " promise par Guillaume Soro, chef des FN, cette offensive n'avait pas rencontré de résistance véritable au cours des deux premiers jours. Mais au cours de l'opération, l'aviation des FANCI a bombardé un campement militaire français, à Bouké, au centre du pays et en zone contrôlée par les Forces nouvelles. Déployée dans le pays dans le cadre de l'opération " Licorne ", l'armée française y jouit également d'un mandat de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), en tant que " force d'interposition ". Le bombardement a fait neuf morts parmi les soldats français, un mort civil états-unien et une trentaine de blessés. En réaction immédiate l'armée française a détruit les avions ayant commis le forfait, puis, sur ordre du chef de l'État français, son aviation a détruit l'ensemble de la flotte aérienne militaire ivoirienne. Cette " riposte " disproportionnée a provoqué à Abidjan une mobilisation des partisans de Gbagbo : violences antifrançaises et anti-opposition, marche vers la base permanente française du 43e Bataillon d'Infanterie de Marine, vers l'aéroport et vers l'Hôtel Ivoire (situé à 500 mètres de la Résidence présidentielle !) occupés par l'armée française. Un face-à-face meurtrier entre l'armée française, qui a ouvert le feu, et les manifestants conduits par les " Jeunes Patriotes ", sous le regard des FANCI. Bilan officiel ivoirien : une soixantaine de morts et plus d'un millier de blessés ivoiriens, victimes des soldats français. Une " guerre franco-ivoirienne ".. »

* 45Rapport de Mme Diane Orentlicher, experte indépendante chargée de mettre à jour l'Ensemble des principes pour la lutte contre l'impunité - Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, Rapport N° E/CN.4/2005/102/Add.1 du 8 février 2005, p. 6.

* 46René DEGNI SEGUI, Les droits de l'homme en Afrique noire francophone (théories et réalités), 1998, pp 175-176

* 47Ce principe est prévu par l'article 20, du statut la CPI et son alinéa 1er dispose : « Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par la Cour pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elle ». Ce principe est l'équivalent en droit d'inspiration germano-romaniste (art. 6 du code ivoirien de procédure pénale), du principe général de droit de l'autorité de chose jugée.

* 48Human Rights Watch, Prise en deux guerres : violence contre les civils dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, Août 2003, Volume 15, No. 14 (A), p.10. Ce rapport décrit certaines circonstances de l'impunité en Côte d'Ivoire:

« Les tensions politiques, économiques, religieuses et ethniques qui se sont cumulées dans les années 1990 ont violemment fait irruption pendant les élections présidentielles d'octobre 2000. La légitimité des élections a été sérieusement compromise par l'exclusion de quatorze des dix-neuf candidats à la présidence, dont Alassane Ouattara et le candidat du PDCI, l'ex-Président Bédié. Le Général Guei a fui le pays le 25 octobre 2000 quand des manifestations populaires de grande ampleur et la perte du soutien de l'armée ont fait suite à sa tentative d'ignorer complètement les résultats des élections et de saisir le pouvoir. Laurent Gbagbo a assumé les fonctions de président le lendemain mais les pertes humaines ont continué de croître alors que les partisans du RDR, appelant à de nouvelles élections, s'opposaient aux partisans du FPI et aux forces de sécurité du gouvernement...

Plus de 200 personnes ont été tuées et des centaines ont été blessées par la violence qui a accompagné les élections d'octobre et de décembre. Des manifestants ont été abattus dans les rues d'Abidjan par les forces de sécurité de l'Etat. Des centaines de membres de l'opposition, dont de nombreux habitants du Nord et des partisans du RDR, pris pour cibles sur la base de leur appartenance ethnique et de leur religion, ont été arbitrairement arrêtés, détenus et torturés. Les forces de sécurité de l'Etat ont commis des viols et d'autres violations des droits humains en complicité avec les partisans du FPI. Au cours du pire incident attribué aux gendarmes de la base Abobo à Abidjan, les corps de cinquante-sept jeunes hommes ont été découverts à Youpougon, dans les faubourgs d'Abidjan, le 27 octobre 2003, un massacre connu depuis sous le nom de Charnier de Youpougon. Une enquête des Nations Unies sur le massacre a conclu que la responsabilité du massacre relevait entièrement des gendarmes. Cependant, les personnes responsables de ces tueries et d'autres incidents violents liés aux élections n'ont toujours pas fait l'objet d'une investigation digne de ce nom et n'ont toujours pas été traduits en justice. Le procès de huit gendarmes paramilitaires en avril 2001 en lien avec le massacre de Youpougon a conduit à leur acquittement pour « manque de preuves. » Bien que le gouvernement de Côte d'Ivoire ait affirmé son intention de rouvrir l'enquête en 2002, cette initiative a été mise de côté depuis le début de la guerre en septembre 2002 ».

* 49Amnesty international, Côte d'ivoire : une suite de crimes impunis : du massacre des gendarmes à Bouaké aux charniers de Daloa, de Monoko-Zohi et de Man, AI Index: AFR 31/007/2003, pp. 2 et 3. Ce document rapporte plusieurs cas d'impunité :

« En avril, une jeune fille de quatorze ans a été violée et assassinée par quatre membres des Forces nouvelles dans la ville de Katiola, un secteur contrôlé par ces combattants. Personne n'a eu à rendre des comptes pour ce crime. Quelques jours plus tard, dans la même localité, une femme a été victime d'attouchements puis violée par un membre des Forces nouvelles, qui a été arrêté et détenu pendant quelques jours avant d'être remis en liberté.

En septembre, deux jeunes filles ont été violées à Duékoué (dans l'ouest du pays) par six hommes munis de fusils qui faisaient partie d'un groupe armé et étaient soupçonnés d'appartenir à une milice progouvernementale. Aucun d'eux n'avait été arrêté à la fin de 2008... »

* 50Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l'homme, in Les instruments de l'état de droit dans les sociétés sortant d'un conflit, programme de réparation, avant propos, Nations Unies, New York et Genève, 2008, p. V

* 51Nguyen Quoc Dinh, Patric Daillier et Alain Pellet, Droit international public, 7e édit., L.G.D.J, 2002, p.470

* 52Gérard Brasseur, Un regard géographique sur l'AOF de 1895, Colloque "L'AOF, esquisse d'une intégration africaine", Dakar, ,16-23 juin 1995, p.5

* 53 Zah Bi Tozan, Démographie de la Côte d'Ivoire : Une exception en matière de croissance démographique en Afrique de l'ouest, source : http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_la_C%C3%B4te_d'Ivoire

* 54 Le concept d'ivoirité a été évoqué pour la première fois le 26 août 1995 par le président Henri Konan Bédié alors président de la république. Ce concept est basé sur la distinction entre les Ivoiriens dits de souche et les Ivoiriens dits d'origine douteuse ou de circonstance. Ce concept correspond à un discours identitaire ivoirien réducteur car il favorise une hostilité à l'égard des étrangers et des Ivoiriens musulmans du nord.

En 1998, une loi foncière réservait le droit de propriété des terres aux seuls Ivoiriens de souche. Il s'en suit que des milliers de paysans d'origine burkinabé furent expulsé. La constitution de juillet 2000 adopté sous le président Guei transpose le débat au plan politique et son article 35 dispose que seuls les Ivoiriens de souche (ceux nés de père et de mère eux-mêmes ivoiriens) qui ne sont jamais prévalus d'une autre nationalité peuvent être candidats à l'élection présidentielle. Alassane Ouattara s'en retrouva alors écarté. Laurent Gagbo fut élu dans le cafouillage. Une politique d'identification nationale fut mise en place afin de déterminer la citoyenneté par rapport à un village « authentiquement ivoirien ». Ce concept d'ivoirité, développé en réaction au sentiment que les étrangers sont devenus «trop nombreux», est considéré comme l'une des causes des exactions commises ces dernières années en Côte d'Ivoire. 

* 55Amnesty International, Côte d'Ivoire : Un avenir lourd de menaces, document public, Index AI : AFR 31/013/2005, 26 octobre 2005, p.11

* 56 Amnesty International, op.cit.

* 57En 2006, un véhicule minibus chargé de dix sept enfants burkinabé n'a été intercepté qu'à la hauteur du barrage policier de Bondoukou (après avoir parcouru en territoire ivoirien plus de deux cents soixante kilomètres soit cent soixante kilomètres en zone FN et une centaine en zone gouvernementale) après avoir franchi plusieurs barrages de contrôle d'un coté comme de l'autre.

* 58Source : BAD/OCDE, Les perspectives économiques en Afrique, rapport 2008, p. 284

* 59 HCDH, Les droits de l'homme et la lutte contre la pauvreté: cadre conceptuel, 2004, p.7

* 60René DEGNI SEGUI, Les droits de l'homme en Afrique noire francophone (théories et réalités), 1998, p.178

* 61 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Enfant_soldat

* 62 Source : CIA, World Factbook-Version Janvier 1, 2009, citée par le site http://www.indexmundi.com/map/?v=39&l=fr

* 63 Le Nouchi est un français approximatif appartenant au registre des pidgins, qui est fait d'un mélange de français, d'argots et des langues locales)

* 64 Source : UNICEF-Côte d'Ivoire-Statistics: http://www.unicef.org/french/infobycountry/cotedivoire_statistics.html#67

* 65Source: http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/cotiv.htm

* 66Jean Pradel, Droit Pénal, Tome II, procédure pénale, 6e édit, CUJAS, 1991, p.111

* 67Jean Vincent, Serge Guinchard, Procédure civile, 25e édit., Dalloz, 1999, p.601.

* 68L'alinéa 1er de l'article 21 de la loi N°64-374 du 7 octobre 1964 modifiée par la loi N°83-799 du 2 août 1983 et la loi 99-691 du 14 décembre 1999 dispose : « Les procureurs de la République et les juges des sections de tribunaux sont spécialement chargés de la surveillance du service de l'état civil dans le ressort de leurs juridictions respectives ». L'alinéa 3 ajoute « S'ils constatent que des infractions pénalement punissables ont été commises, ils en poursuivent la répression ».

* 69Djibril SAIDOU (journaliste), "L'exploitation d'enfants dans les plantations de cacao continue", 19 février 2008, in IRINEWS, Bulletin d'information et d'analyses d'IRIN (service d'information et d'analyses du Bureau de Coordination de l'Action Humanitaire des Nations Unies). Dans cet article disponible sur le lien http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=76838, ce journaliste écrit : « Le Ghana et la Côte d'Ivoire assurent à eux deux environ les trois quarts de la production mondiale de cacao, selon le Département d'Etat américain, et emploient 200 000 enfants. Pas moins de 12 000 de ces enfants, victimes du trafic transfrontalier, ont été introduits clandestinement en Côte d'Ivoire pour travailler dans des plantations de cacao, d'après l'ONG Stop the Traffik ».

* 70Arrêté n°2250 portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de dix huit (18) ans.

* 71 Dans une déclaration rendue publique le 9 juin 2006 sur son site ( http://www.fidh.org/Justice-en-Cote-d-Ivoire-Alors-que-la-Cote-d) et intitulée "Justice en Côte d'Ivoire: Alors que la Côte d'Ivoire a déclaré la CPI compétente, il est temps que la Procureur de la CPI agisse", la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) écrit : « le 18 avril 2003, la Côte d'Ivoire, a déposé une déclaration auprès de la CPI reconnaissant la compétence de la Cour pour les crimes commis sur son territoire depuis le 19 septembre 2002 ». Cette reconnaissance de compétence visait à permettre à la Cour d'enquêter sur les violations graves commises par les rebelles. Mais depuis cette déclaration l'Etat ivoirien n'a pas daigné ratifier le statut.

* 72 " Justice des mineurs" Microsoft® Encarta® 2006 [DVD]. Microsoft Corporation, 2005.

* 73Jacques MBOKANI (Doctorant en Droit à l'Université catholique de Louvain), L'impact de la stratégie de poursuite du procureur de la cour pénale internationale sur la lutte contre l'impunité et la prévention des crimes de droit international, Revue électronique Droits fondamentaux, n° 7, janvier 2008 - décembre 2009, p.

* 74Lisa VeneKlasen et Valérie Miller, Pouvoir, peuple et politique : Une nouvelle trame. Le Guide d'action du plaidoyer et de la participation citoyenne, édit. 2007. p.22

* 75Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et les conflits armés", Doc. ONU A/59/695-S/2005/72, 9 février 2005, P.4

* 76Rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, Doc. ONU A/61/275 du 17 août 2006, p.8

* 77Il s'agit de l'arrêté N°0075/MEN/DELC du 28/09/09, portant interdiction des punitions physiques et humiliantes à l'endroit des élèves des établissements scolaires

* 78Dans un article publié sur le site de l'ONUCI : www.onuci.org/spip.php?article2221 et intitulé Appui de l'ONUCI à la Protection de l'Enfant : Un système national de protection en création, la mission rapporte que Madame Fanta Coulibaly, Responsable de la Commission nationale de lutte contre les violences au Ministère des Affaires sociales, de la Famille et de l'Enfant, a dressé un tableau sombre de la situation des enfants en Côte d'Ivoire

* 79Côte d'Ivoire : Koné Zacharia limogé, coups de feu en zone rebelle, article publié le 19/05/2008 dans L'international Magazine.com. Dans cet article il est fait état de la résistance d'un commandant de zone face à sa hiérarchie. Ce commandant était en désaccord avec sa hiérarchie sur le processus de désarmement.

* 80Sous la direction de Jacqueline Rubellin-Devichi et Rainier Franck, L'enfant et les conventions internationales, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p.27

* 81UNICEF, La convention relative aux droits de l'enfant a 18 ans, communiqué de presse Abidjan, le 20 novembre 2007

* 82 Frédéric Sudre, Droit Européen et international des droits de l'homme, 9e édition, PUF, 2008, p.194

* 83L'article 86 de la constitution de Côte d'Ivoire dispose en effet que « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, ou par le Président de l'Assemblée nationale ou par un quart au moins des députés, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution »

* 84 Il s'agit de Thomas Lubanga d'une part et de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui d'autre part.

* 85 Thomas Lubanga a été retenu dans les charges de crimes de guerre pour recrutement d'enfants-soldats. La décision de confirmation des charges a été rendue par la Chambre préliminaire I de la CPI. Il s'agit de la décision N°ICC-01/04-01/06 du 29 janvier 2007

* 86 Françoise Martinetti, Les droits de l'enfant, Document inédit, Librio, E.J.L 2007 p.10

* 87 Il s'agit du décret 2004-210 du 11 mars 2004 portant interdiction des marches et autres manifestations sur la voie publique.

* 88L'Est de la Côte d'Ivoire est composé des régions du Zanzan au nord, des régions du Moyen Comoé et d'Agnéby au centre et de la région du Sud Comoé au Sud du pays.

* 89 Nguyen Quoc Dinh, Patric Daillier et Alain Pellet, Droit international public, 7e édit., L.G.D.J, 2002, p.779

* 90 Nguyen Quoc Dinh, Patric Daillier et Alain Pellet, Op. cit.

* 91 Source : http://www.amnesty-international-audio.fr/spip.php?article334&lang=fr

* 92 Il s'agit de sanctions ciblées décidées par le Comité des sanctions du Conseil de Sécurité de l'ONU établi par la résolution 1572 (du 15 novembre 2004) concernant la Côte d'Ivoire. Ces sanctions ciblées, décidées conformément au paragraphe 9 de ladite résolution, frappent d'une part les sieurs Eugène Kouadio Djué et Charles Blé Goudé (tous deux proches de la mouvance au pouvoir) pour menace sur le processus de paix et de réconciliation, et d'autre part le sieur Martin Fofié Kouakou (commandant militaire rebelle) pour violation des droits de l'homme.






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