CONCLUSION
Lorsque nous abordions cette étude, notre objectif
était de découvrir le fonctionnement des écoles coraniques
de la ville de Dédougou, puis de disposer de données statistiques
sur ces écoles.
A cette étape conclusive, nous pouvons affirmer, au
regard de leur nombre et de leurs effectifs, que l'école coranique
occupe une place importante dans la vie des populations. Les raisons de cet
intérêt sont apparemment d'ordre religieux, mais en
réalité, elles cachent une méconnaissance des lois
nationales en matière d'enseignement, d'éducation et surtout de
droit des enfants.
Il est apparu sans conteste que ces écoles ne sont pas
reconnues et qu'elles ne sont pas prises en compte dans le calcul des taux
bruts de scolarisation du Burkina Faso. L'incidence de cette situation sur les
efforts du Burkina Faso pour relever les TBS et atteindre l'Education pour tous
est très négative.
Par ailleurs, nous nous sommes posé un certain nombre
de questions dont la principale est la suivante : les écoles
coraniques garantissent-elles une éducation de qualité aux
enfants talibés ?
Pour répondre à cette question, nous avons
émis l'hypothèse principale disant que : les écoles
coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants
à être de bons croyants. En spécifiant cette
hypothèse nous en avons tiré deux autres, secondaires,
formulées de la manière suivante :
- La durée de la scolarité, les conditions de
recrutement et d'études permettent d'assurer aux élèves
des écoles coraniques une éducation de qualité ;
- Les élèves des écoles coraniques se
livrent à la mendicité seulement par principe religieux.
Nous avons mené nos recherches en tenant compte des
orientations de ces hypothèses qu'il nous a paru nécessaire de
vérifier au moyen d'instruments de collectes de données. Pour ce
faire, nous avons élaboré des guides d'entretien et une grille
d'observation au regard de notre approche qui se voulait qualitative.
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A l'issue du traitement, de l'analyse et de
l'interprétation des données, il est apparu que notre
hypothèse principale seule est confirmée et que les écoles
coraniques dispensent effectivement un enseignement islamique dont le but est
d'amener les enfants à être de bons fidèles musulmans.
Quant aux deux autres hypothèses, elles ont
été infirmées. Nous retenons pour la premiere que les
programmes et conditions d'étude ne favorisent pas une bonne
éducation des enfants ; pour la deuxieme, que la mendicité est
moins le fait d'un principe religieux qu'une imagination pour subvenir aux
besoins des foyers.
Au demeurant, il est ressorti que les objectifs, les
finalités et les buts de cette éducation sont loin de s'accorder
avec ceux définis par l'Etat et que d'ailleurs l'éducation des
foyers coraniques ainsi que les conditions d'enseignement sont entachées
de pratiques intolérables. La situation est grave à ce point que
certains observateurs se demandent si l'école coranique n'est pas un
fléau pour emprunter les termes du journal l'Evasion qui a écrit
à propos des talibés : « Ce sont des écoliers de
l'école coranique, cette institution éducative de l'islam,
insérée dans notre société contemporaine aux
côtés des institutions scolaires officiellement reconnues. Cette
école doit elle être considérée comme un
fléau social par rapport aux droits universels de l'enfant et par
rapport à l'aspiration à une société saine et
productive dans un pays comme le Burkina Faso ?
».67
Cependant, un aspect des résultats de notre
étude nous semble intrigant et mérite à notre sens de
faire l'objet d'une étude sociologique. C'est la dominance d'un certain
groupe ethnique dans les foyers coraniques. Treize (13) promoteurs sur quinze
(15), soit 86,7 % sont des Peuls. Ce constat est-il le même sur toute
l'étendue du territoire national ? Pourquoi les Peuls sont-ils les plus
nombreux dans ce secteur ?
Tout compte fait, nous pensons que le moment est venu de
rompre le silence, d'écouter enfin l'alerte lancée par certains
acteurs tels la Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina
Faso et d'aller vers la réforme des écoles coraniques longtemps
laissées à la dérive.
67 Evasion N°347 du vendredi 14 mars 2003, p.
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