WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les écoles coraniques et l'éducation des enfants talibés dans la ville de Dédougou au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Abdoulaye ZERBO
Université de Koudougou au Burkina Faso - Diplôme d'inspecteur de l'enseignement du premier degré 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.2.6. Cadre conceptuel

Cette partie est consacrée à élucider quelques concepts-clés qui contribueront à faciliter la compréhension de nos travaux. Nous avons retenu pour cela : école coranique, madrasah, talibé, marabout et mendicité.

> Ecole coranique :39 Traditionnellement, c'est le premier enseignement que reçoit tout enfant dans les sociétés islamiques. L'école coranique est remplacée par les systèmes modernes d'éducation mais on en trouve encore dans de nombreux endroits. Dans la langue courante on appelle souvent ces écoles kuttàb ou m'seyyid, et les enfants y passent quatre ou cinq ans pour apprendre à lire et à écrire, recevant parfois des rudiments d'arithmétique. La mémorisation du Coran tout entier constitue le couronnement de ce type d'enseignement. Les voix à l'unisson de groupes d'enfants en train de réciter le Coran composent une des tonalités les plus caractéristiques de nombreuses villes islamiques traditionnelles. Quand le Coran est mémorisé dans sa totalité, l'éducation de l'adolescent est achevée, à moins qu'il ne continue son cursus à la madarsah (enseignement secondaire). Comme les systèmes modernes d'éducation ont remplacé de nos jours le système traditionnel, l'école coranique joue de plus en plus un rôle d'institution préscolaire, ou son parallèle éducatif, pour les jeunes enfants.

Habituellement, le professeur est payé à intervalle régulier, à mesure que l'élève avance dans la connaissance du Coran. La sourate ar-Rahamàn, marque une étape importante; le professeur reçoit alors une gratification, souvent sous forme de moutons. (Les paiements sont effectués par portion de Coran réellement mémorisée. La coutume pré --islamique puis islamique retient comme base de rémunération la tâche accomplie, et non l'effort ou le temps qu'on lui a consacrés). De plus, un mouton est sacrifié et une cérémonie appelée le nafasarRahamàn (l'insufflation du souffle du Miséricordieux) est célébrée pour l'enfant.

Dans les écoles coraniques, on écrit habituellement sur des tablettes de bois appelée lawh, sur lesquelles on a passé un mélange de chaux pour donner une surface propre et lisse, et pour pouvoir effacer les leçons précédentes. L'encre est un mélange de charbon de bois additionné d'eau ; le calame est un roseau aiguisé et dont la pointe est taillée à un angle de manière à pouvoir rendre les pleins et les déliés caractéristiques des lettres arabes. Certaines des tablettes d'élève peuvent être magnifiquement décorées par la calligraphie du professeur pour être montrée à la maison aux parents marquant ainsi que la classe a atteint un stade particulier de l'apprentissage du Coran.

Au regard de ces définitions, nous retenons pour notre part que les différentes appellations : école coranique, foyer coranique et centre coranique désignent une seule et

39 BORDAS, Dictionnaire encyclopédique de l'Islam, p. 90.

32

même réalité. Aussi, emploierons-nous indifféremment l'un ou l'autre terme pour désigner la même école.

> Madrasah désigne littéralement un « lieu d'étude » ; pluriel, madaris.

C'est une école traditionnelle d'enseignement supérieur, dans le sens où ses élèves étaient supposés avoir déjà mémorisé le Coran tout entier. Le cursus correspondait au trivium des arts libéraux (grammaire, logique et rhétorique) et comprenait du droit (fiqh) ; les systèmes mathématiques traditionnels (abjad) ; la littérature, l'histoire, la grammaire à un niveau plus poussé, le calcul des heures de la prière, l'exégese et la psalmodie du Coran et ainsi de suite. On y enseignait parfois également la médecine et l'agronomie.

Mais, dans la pratique, la medersa est un établissement d'enseignement privé où les cours sont dispensés en langue arabe mais traduits en langue nationale. Ce qui nous amène à dire que c'est une école bilingue même si on y étudie fondamentalement la religion musulmane avec l'arabe comme langue d'enseignement.

Cette définition nous rapproche de celle donnée dans le décret n°99-221 portant réglementation de l'enseignement privé au Burkina Faso ainsi formulée : « Les medersas ou écoles franco-arabes sont des établissements privés confessionnels oil une partie de l'enseignement est dispensée en arabe. »

C'est en fait à partir de 1973-197440 que l'Etat s'est engagé à reconnaître la medersa comme établissement d'enseignement à travers des textes organiques, notamment le décret 74-130 PRES/EN/ de mai 1974 portant réglementation de l'Enseignement Privé en Haute-Volta. Ceci aurait eu pour effet l'implication de l'autorité éducative à la gestion administrative et pédagogique, ainsi que la promotion de l'enseignement medersa à travers les structures centrales et décentralisées du Ministère de l'enseignement de base.

Toutefois, selon l'auteur, l'implantation des premieres écoles a eu lieu dans les zones situées près du Mali actuel. Ce sont celles de Bobo --Dioulasso, de Nouna, de Tougan et de Ouahigouya qui ont bénéficié de certains facteurs tels la proximité avec le Mali fortement islamisé et islamiquement plus avancé et la libre circulation des érudits.

4° M. OUEDRAOGO, Enseignement de Base et enseignement dans les Medersa au Burkina Faso : cas de la province du Yatenga, Mémoire de fin de formation, 2004, p. 17 à 18.

34

Citant Issa CISSE, il repartit les medersas du Burkina Faso en trois catégories suivant leurs fondateurs :

> les fondateurs inspirés du réformisme (mouvement qui prône « un retour à l'Islam essentiel et de fidélité stricte au Coran »). Il s'agit par exemple de la famille Diénépo à Bobo Dioulasso ; Ibrahim DIENEPO créa son école en 1955-1956;

> les medersas créées par l'Union Culturelle Musulmane (UCM). Ce sont par exemple celles de Sikasso-Cira à Bobo-Dioulasso en 1958, de Tougan en 1959, de Nouna en 1957 et de Ouagadougou en 1959 ;

> les medersas fondées et entretenues par la communauté musulmane. Il s'agit par exemple de celle de Ouahigouya, créée en 1965.

En dépit de leurs caractéristiques qui sont bien distinctes, certaines personnes tendent à confondre medersa, école franco-arabe et école coranique. Aussi, avons-nous jugé utile de répondre à la question sur la différence entre ces trois structures.

Nous dirons d'abord que l'école franco-arabe est une école où les langues d'enseignement sont à la fois l'arabe et le français. C'est en fait une medersa qui a intégré le français dans ses programmes. Dans ce type d'école nous avons généralement les enseignants affectés soit à l'enseignement du programme arabe soit à l'enseignement du programme français. On y enseigne non seulement la religion mais aussi certaines matières officielles. Les langues d'enseignement sont le français et l'arabe.

A propos de la différence entre medersa, école franco-arabe et école coranique, Ali HAMADACHE cite : « La medersa est mieux organisée et structurée que l'école coranique qui se réfère à une tradition immuable dans tous les domaines Elle ne s'adresse qu'aux citadins et concurrence l'école publique là où les deux écoles existent A l'origine elle concernait les jeunes hommes à partir de 25 ans, mais après, avec le progrès de l'enseignement de l'arabe, elle devient l'équivalent de l'école primaire et secondaire publique».41

C'est à partir des années 1950, poursuit HAMADACHE, que les premieres medersas furent ouvertes dans les pays à colonisation française, tandis que leur apparition est bien

41 Khayar, 1976, p.77.

antérieure dans les colonies britanniques. Au Ghana, leur ouverture daterait de 1889. Deux raisons sont avancées pour expliquer cette différence. La première, les Anglais semblaient moins intéressés par l'assimilation culturelle des populations colonisées que par leur exploitation économique. La deuxième42 : « dans les colonies britanniques le courant réformiste dominant était plutôt de tendance moderniste, c'est-à-dire il visait l'efficacité de l'enseignement islamique par la synthèse de l'Islam et de l'Occident».

Des ses débuts, écrit l'auteur, la medersa prend en Afrique deux orientations : la premiere, moderniste à l'image de l'Ecole européenne, où on étudie l'arabe, l'islam et les disciplines scientifiques à partir d'une langue européenne ; la seconde, conservatrice, a pour modele le monde arabe avec la langue arabe comme langue exclusive d'enseignement. Il cite à nouveau : « D'une part les medersas dé-maraboutisent l'islam en dénonçant les erreurs pédagogiques des écoles coraniques, l'ignorance des marabouts, et, de l'autre, elles centrent la formation sur l'acquisition des connaissances scientifiques (mathématiques, physique, sciences naturelles, apprentissage systémique de l'arabe, formation idéologique et religieuse ».43

Adama OUEDRAOGO44 fait la distinction en écrivant que : « La medersa est un établissement dans lequel sont dispensés des cours sur différentes matières littéraires, sociales, scientifiques et religieuses en arabe. Le besoin de communiquer en français, la recherche du travail et aussi le prestige du français ont amené les fondateurs à introduire l'apprentissage de cette langue dans les programmes Cet ajout a donné lieu à une typologie des medersas au Burkina Faso : une « école medersa » est celle qui dispense les cours uniquement en arabe, alors qu'une « école franco-arabe » enseigne en arabe et en français. »

L'auteur évoque les programmes des différentes écoles ainsi qu'il suit :

Dans les écoles coraniques, le programme se compose de matières religieuses et de la langue arabe. Pour la religion, on a trois matières à savoir le coran, le fiqh et le tawhid. Le fiqh traite deux domaines : al-ibadàt qui sont les pratiques religieuses comprenant les cinq piliers de l'islam (la priere, le jeune de ramadan, la zakat et le

42 Kanvaly FADIGA ; 1988, p. 173

43 Ibid. p.174

44 op.cit.

pèlerinage à la Mecque) et al-mu-àmalat qui sont les rapports entre les humains comme le crédit, le commerce, le mariage, le baptême, etc.

Le tawhid ou al-aqidàt traduit littéralement par unicité de Dieu, la croyance, traite des attributs de Dieu, des livres révélés, des prophètes, du destin et de la résurrection. Pour ce qui est de la langue arabe, elle a cinq matières : la littérature, la conjugaison, la grammaire, la lecture et l'écriture.

v' Dans les medersas du cycle primaire du Burkina Faso les matières enseignées en général sont la langue arabe à travers : la lecture, l'écriture, la grammaire, la conjugaison, l'orthographe, la dictée, la rédaction, l'expression orale et l'expression écrite ; les matières religieuses comprennent : la Coran, la jurisprudence, le hadith, le tawhiid, la morale, la biographie du prophète et l'histoire islamique ; la science sociale est composée de l'histoire, de la géographie et de l'éducation civique ; la langue française se compose de : la lecture, l'écriture, la grammaire, la conjugaison, l'orthographe, la dictée, la rédaction, l'expression orale et l'expression écrite ; et les matières scientifiques sont constituées du calcul, de la géométrie, de l'arithmétique et des sciences.

Ces matières sont en fait celles que recommande le programme officiel de 1989-1990 du Ministère de l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation.

Pour OUEDRAOGO Mahamadi45, la medersa enseigne la lecture, l'expression orale, l'expression écrite, le vocabulaire, la grammaire, l'orthographe et le calcul. Selon la place accordée à l'utilisation de la langue dans une école on peut distinguer le type auquel il appartient. Le type 1 appelé medersa arabe regroupe toutes les écoles où les enseignements sont faits en arabe utilisé à 75 % et en français utilisé à 25% surtout dans le sens d'une alphabétisation. Le type 2 appelé « école franco-arabe » regroupe les écoles où le français est utilisé comme objet et langue d'enseignement (75%) et l'arabe (25%) utilisé comme matière et langue d'enseignement dans les disciplines religieuses et en calcul.

Quant aux programmes, ils sont les mêmes que dans les autres écoles primaires et pour tous les cours du CP1 au CM2 avec les mêmes thèmes et contenus pédagogiques.

45 M. OUEDRAOGO, Enseignement de Base et enseignement dans les Medersa au Burkina Faso : cas de la province du Yatenga, Mémoire de fin de formation, 2004, p.22

36

De ce qui précède, nous retenons que la medersa et l'école franco-arabe sont des établissements d'enseignement qui se rapprochent des écoles classiques par leurs structures, leur organisation matérielle, administrative et pédagogique. Elles se distinguent des écoles coraniques où l'enseignement se déroule dans des foyers avec les talibés s'asseyant par terre et avec du matériel didactique rudimentaire et des méthodes pédagogiques archaïques.

> Talib ou talibé veut dire littéralement « celui qui demande », « celui qui cherche » ; c'est-à-dire un étudiant. A l'origine, le terme désignait seulement un étudiant dans le domaine de la religion. Dans certains pays, talib sert à désigner le disciple d'un maître spirituel.

> Marabout46 est un mot français dérivé de l'arabe marbùt « attaché » dans le sens d'attaché à Dieu. Terme utilisé en Afrique du Nord et en Afrique occidentale pour désigner un saint ou le descendant vénéré d'un saint. Même si la vénération des saints existe dans une certaine mesure à travers tout le monde islamique, ce phénomène constitue une importante dimension de la spiritualité dans l'Occident arabe et dans l'Ouest africain. Seules les régions placées sous la domination Wahhabite ont totalement éradiqué toutes les manifestations de dévotion aux saints qui existaient auparavant.

Le saint est considéré comme exerçant une influence spirituelle ou comme bénéficiant d'une grace ou d'une bénédiction (barakah) particulière qui peut s'attacher indéfiniment à sa tombe et être bénéfique à ceux qui visitent celle-ci. L'intercession est fréquemment sollicitée dans les prières ; en fait, une famille peut aussi posséder la barakah, qui se transmet de génération en génération chez les descendants d'un grand saint, bénédiction marquée par une piété particulière plutôt que par des dons de guérison comme cela était attribué aux familles royales françaises ou britanniques.

En Occident arabe, les coupoles caractéristiques des tombeaux des saints parsèment le paysage et les fêtes des saints (mawsim en arabe) rythment l'année, occasions de rassemblements, parfois de plusieurs milliers de personnes, de foires, de fantasias et autres célébrations.

46 BORDAS, Dictionnaire encyclopédique de l'Islam.

« Marabout » est un terme plus souvent employé en français qu'en arabe, et est particulier aux régions d'Afrique du Nord et de l'Ouest ayant fait partie de l'empire colonial français.

Maraboutisme est un mot français inventé pour désigner la vénération des saints.

> Mendicité47 : Pratique mal vue par le droit islamique ; en revanche, le don d'aumônes (Sadaqah) est un devoir religieux qui purifie l'âme. Il n'est pas licite de mendier si l'on a de quoi subvenir à ses besoins pendant un jour et une nuit. Des derviches adoptèrent cependant la mendicité comme moyens d'existence. Voici ce qu'al-Hujwiri disait : Il existe trois motifs valables pour mendier, comme de nombreux Shaykhs l'ont dit : d'abord pour l'amour de la liberté de l'esprit, puisqu'aucun souci n'est plus préoccupant que celui de s'assurer de sa nourriture ; ensuite, pour la discipline de l'âme : les soufis mendient parce que c'est particulièrement humiliant et que cela les aide à prendre conscience de leur peu de valeur dans l'opinion des autres et ils évitent ainsi les écueils de l'autosatisfaction ; enfin , c'est une preuve de respect pour Dieu si un serviteur mendie auprès d'hommes qu'Il considère tous comme Ses serviteurs car cela dénote une plus grande humilité que de s'adresser à Dieu directement.

Les règles de la mendicité sont les suivantes : si tu mendies et que tu n'obtiens rien, montre-toi plus joyeux encore que si tu avais obtenu quelque chose ; ne mendie pas auprès des femmes ou des gens qui trainent dans les bazars et autant que faire se peut, fais le dans un esprit altruiste ; ne garde jamais ce que tu as récolté pour embellir ta mise, pour ta maison ou pour acquérir des biens. Tu dois vivre dans l'instant : ne laisse aucune pensée du lendemain entrer dans ton esprit, ou bien tu es perdu. La règle ultime est de ne jamais exhiber ta piété dans l'espoir que cela te vaudra des aumônes plus substantielles.

Une fois j'ai vu un vénérable soufi qui s'était perdu dans le désert arriver au marché de Kufah a moitié mort de faim et criant : « Donnez-moi quelque chose pour l'amour de ce moineau ! » Les gens lui demandèrent : « Pourquoi dis-tu cela ?» Il leur répondit : « Je ne puis dire : pour l'amour de Dieu, car c'est à une créature insignifiante de réclamer des choses de ce bas-monde ».

47 BORDAS, op.cit. p. 373

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry