1.1.5. Moyens de lutte contre le paludisme
L'objectif de la lutte est d'éviter la
mortalité, de réduire la morbidité et les pertes
socio-économiques dues au paludisme. Elle consiste à
empêcher la transmission du parasite du vecteur à l'homme en
luttant contre le vecteur d'une part, et d'empêcher le
développement du parasite chez l'homme infesté d'autre part.
1.1.5.1. Lutte contre le parasite
On utilise à cet effet des médicaments actifs sur
le Plasmodium en chimioprophylaxie ou en traitement curatif.
a. Chimioprophylaxie
Elle consiste à prendre un antipaludique pour
prévenir l'expression clinique de la maladie ou ses conséquences
graves chez un individu qui pourrait être infesté. Elle est
réservée en zone d'endémie aux groupes à risques
notamment les femmes enceintes et les sujets non immunisés provenant des
zones indemnes (Mouchet et Carnevale, 1991a).
b. Traitement curatif ou
Chimiothérapie
Il vise à éviter la létalité
paludéenne. La stratégie préconisée est le
traitement du paludisme-maladie, ce qui suppose un diagnostic de certitude de
la présence du Plasmodium dans le sang humain avant le
traitement. Il utilise des antipaludiques actifs contre les stades sanguins
asexués du parasite.
Actuellement, le traitement des accès palustres simples
passe par l'utilisation des combinaisons thérapeutiques à base
d'artémisinine (CTA).
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En Côte d'Ivoire, les CTA préconisées sont
l'association artésunate plus amodiaquine en première intention
et l'association artéméther plus luméfantrine en
deuxième intention.
Pour le paludisme grave, le traitement se fait à base de
quinine ou d'Artéméther injectable.
1.1.5.2. Lutte contre les vecteurs
Elle est essentiellement préventive et a pour objectif
de réduire la densité de la population vectrice à un
niveau très bas ou de limiter le contact homme-vecteur (Robert, 1984 ;
Carnevale et Mouchet, 1990). Elle peut se faire soit au stade aquatique soit au
stade de la vie adulte du moustique.
Les stratégies et les méthodes employées
doivent tenir compte de l'épidémiologie de la maladie, de la
biologie des vecteurs, de la qualification du personnel et des moyens
logistiques disponibles. La lutte antivectorielle fait appel aux
méthodes physiques, chimiques, physico-chimiques et biologiques (Mouchet
et al., 2004).
a. Méthodes physiques
Les méthodes physiques sont basées sur
l'aménagement de l'environnement, la construction des habitats loin des
gîtes larvaires, l'interposition de barrières mécaniques
(grillages aux portes et fenêtres) entre l'homme et les vecteurs,
l'hygiène péri-domestique, etc (Warrell, 1993).
b. Méthodes chimiques
Elles consistent à utiliser des insecticides chimiques
pour le traitement des gîtes larvaires et les pulvérisations
intradomiciliaires. Ces pulvérisations sont réservées aux
habitations qui se trouvent là où le risque de transmission est
maximal, par exemple, à proximité des grands gîtes
larvaires. Dans ce cas, il faudrait que les vecteurs soient endophiles,
sensibles à l'insecticide choisi et que les surfaces des murs soient
facilement traitables. On peut aussi avoir recours à l'utilisation de
bombes insecticides, de serpentins et de répulsifs.
c. Méthodes physico-chimiques
Elles se résument essentiellement en l'utilisation de
moustiquaires imprégnées d'insecticides (MII) qui restent
actuellement le moyen le plus répandu pour prévenir la
transmission du paludisme (OMS, 2006). Des études menées par
l'OMS confirment que les MII peuvent réduire la mortalité
infantile jusqu'au tiers dans les régions impaludées d'Afrique
(RBM, 2006). La mise sur le marché de moustiquaires
imprégnées de longue durée d'action (MILDA) avec un
insecticide efficace pendant 3 à 5 ans a permis de régler les
contraintes liées à la ré-imprégnation des MII.
Leur faible prix de revient par rapport aux autres moyens de lutte permet leur
utilisation à grande échelle. Les contraintes demeurent son
acceptation par certaines populations et le risque de développement de
la résistance aux pyréthrinoïdes chez certaines populations
d'An. gambiae (Akogbeto et Yacoubou, 1999).
+ Historique
Le mot moustiquaire n'est apparu qu'au XIXe siècle,
mais la moustiquaire est d'un usage très ancien. Elle était
déjà connue des Egyptiens qui la fabriquaient à partir de
filet de pêche et l'utilisaient pour se protéger contre les
mouches. Sans doute préfiguraient-elles les moustiquaires
imprégnées d'aujourd'hui, du moins dans leur composante
répulsive. Cléopâtre, dit-on, dormait et sans doute
même voyageait sous moustiquaire. Des récits chinois attestent de
son utilisation régulière, du moins chez les riches, sous la
dynastie Jin au IIIe siècle après Jésus-Christ (Darriet,
2007).
En Afrique, probablement importée par les Arabes au XIe
siècle, la moustiquaire semble également être
utilisée depuis longtemps, du moins par une élite. Dans le rituel
songhaï du XVIe siècle, l'intronisation du roi, qui durait huit
jours, se déroulait sous une moustiquaire. Le coeur de ce royaume se
situait dans le delta intérieur du Niger, justement réputé
pour l'agressivité de ses insectes. Les moustiquaires
imprégnées d'une substance toxique pour les insectes ont
été essayées dès 1930 avec, semble-t-il, un
succès partiel. Des moustiquaires imprégnées de DDT furent
utilisées à une relative grande échelle par les troupes de
la marine américaine pendant la guerre du pacifique, à la fin de
la seconde guerre mondiale.
Les Chinois reproduisirent cette tentative au cours des
années 1960, toujours avec du DDT. C'est à la fin des
années 1970 que l'OMS, sous l'impulsion de deux chercheurs de l'Orstom,
Jacques Hamon et Guy Quelennec, recommanda de remplacer le DDT par un
pyréthrinoïde de synthèse, groupe de substances nouvellement
découvertes comme insecticide utilisable en santé publique. A
l'inverse du DDT, les pyréthrinoïdes présentent l'avantage
d'être peu toxiques pour les mammifères, ce qui favorise leur
emploi à l'intérieur des maisons tout en conservant une grande
efficacité contre les arthropodes et une bonne rémanence.
Dès 1975, des essais expérimentaux
d'imprégnation de tissus entrant dans la confection des moustiquaires
ont été effectués, d'abord avec des
organophosphorés et un carbamate puis avec des
pyréthrinoïdes. Avec l'appui financier de l'OMS, plusieurs essais
de terrain ont été réalisés en Afrique, en
Amérique latine et en Asie. Les tout premiers résultats
entomologiques après imprégnation par trempage de moustiquaires
intactes et trouées, d'emblée probants,
furent obtenus dans une station expérimentale du Centre
Muraz OCCGE (Organisation de Coopération et de Coordination pour la
lutte contre les Grandes Endémies en Afrique de l'Ouest) en 1983 en
Haute-Volta (le Burkina Faso actuel) par une équipe de l'Orstom
dirigée par Pierre Carnevale dont le nom reste incontestablement
lié à la découverte de l'efficacité des
moustiquaires imprégnées. Simultanément, des
résultats cliniques positifs ont été obtenus au Mali. Les
premiers résultats parasitologiques positifs ont été
obtenus peu après en Gambie, Chine, Tanzanie, au Burkina Faso etc
(Darriet, 2007).
+ Moustiquaires Imprégnées d'Insecticide
à Longue Durée d'action (MILDA)
Selon l'OMS, une moustiquaire imprégnée
d'insecticide à longue durée d'action (MILDA) est une
moustiquaire traitée en usine et fabriquée à partir d'un
matériau tissé qui prévoit l'incorporation d'un
insecticide dans les fibres ou sa liaison autour desdites fibres. La
moustiquaire doit conserver son action biologique effective sans nouveau
traitement à la suite d'au moins 20 lavages standards OMS dans les
conditions de laboratoire et après trois ans d'usage conforme aux
recommandations d'utilisation dans des conditions de terrain (OMS, 2009 a).
PermaNet® est une moustiquaire prétraitée
à la deltamethrine à effet prolongé. Son
procédé d'imprégnation est appliqué sur des
moustiquaires en polyester, parfaitement conformes aux spécifications et
aux exigences des organisations internationales dont le domaine d'action est
l'aide et la santé. Elle a été conçue par un
laboratoire de référence internationale appliquant les protocoles
de l'OMS. Grâce aux produits antisalissures appliqués,
PermaNet® n'a pas besoin d'être lavée aussi souvent que
d'autres moustiquaires. C'est une moustiquaire peu polluante puisque la
dilution de l'insecticide dans l'eau est réduite au minimum. Elle est
résistante à l'usure, solide et ininflammable.
d. Méthodes biologiques
La lutte biologique consiste à utiliser les germes
pathogènes, les parasites et / ou les ennemis naturels des larves de
moustiques dans les gîtes de reproduction de ceux-ci, ou des moustiques
mâles stériles (Darriet, 1998). Les poissons larvivores tels que
Gambusia affinis se sont révélés efficaces dans
les foyers circonscrits en zone de paludisme instable où les gîtes
sont limités et facilement repérables.
Outre les poissons larvivores, on peut évoquer
l'utilisation avec succès d'insectes prédateurs de moustiques
(Toxorynchites, Odonates, Notonectes), de nématodes parasites
(Romanomermis culicivorax), de champignons, de virus et
de bactéries (Bacillus sphaericus et Bacillus
thuringiensis) (Darriet, 1998).
Des lâchers de mâles stériles dans la nature
ont été entrepris mais sans succès (Mouchet et Carnevale,
1991b).
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