LE c DROIT AU RETOUR » DES
RÉFUGIÉS PALESTINIENS DANS LA PERSPECTIVE D'UNE SOLUTION DU
CONFLIT AU MOYEN ORIENT APPROCHE BASÉE SUR LE DROIT
INTERNATIONAL
Mémoire pour l'obtention du Master en Diplomaties et
Négociations Stratégiques
Publié et Soutenu Par:
Stéphanie Nakhel
Directeur de Recherche :
P. Fadi Fadel
Beyrouth, Mai 2011.
REMERCIEMENTS
Je tiens à offrir mes plus sincères remerciements
au Père Fadi Fadel pour sa supervision, son aide et ses précieux
conseils.
Aux membres de ma famille pour leur grande patience et leur appui
indéfectible.
Je remercie particulièrement ma soeur Maya pour son aide
et son soutien indispensables dans l'élaboration de ce travail.
J'adresse mes remerciements aux professeurs et à la
direction de ce Master, en particulier Dr Amine Lebbos et Mme Laure Saad pour
leur aide et leur soutien tout au long de cette année
académique.
Mes pensées s'adressent finalement à mes
collègues au Master pour leur sincère amitié.
TABLE DES MATIÈRES
ABRÉVIATIONS . 6
INTRODUCTION .7
PREMIÈRE PARTIE:
Le «Droit au Retour» des Réfugiés
Palestiniens dans une Perspective du Droit International 11
Chapitre I:
Les Agences Onusiennes Concernées par la Question des
Réfugiés Palestiniens .13
Section I:
L'ONU et les Réfugiés Palestiniens : Un Engagement
Purement Humanitaire 13
§1- L'Évolution du Régime International des
Réfugiés 13
§2- Qui sont les Réfugiés Palestiniens ?
14
§3- La Commission de Conciliation des Nations Unies pour la
Palestine 16
§4- L'Office de Secours et des Travaux des Nations Unies
pour les Réfugiés de Palestine
dans le Proche-Orient 18
§5- Pourquoi les Réfugiés Palestiniens ne
sont pas Sous le Mandat du HCR ' .20
Section II:
UNRWA, Six Décennies d'Aide aux Réfugiés
Palestiniens .23
§1- Quel bilan tenir de l'UNRWA, 62 ans Après sa
Création ' ..23
§2- L'UNRWA et le « Droit au Retour » 26
§3- L'UNRWA et la Recherche des Solutions Durables pour les
Réfugiés Palestiniens .28 Chapitre II:
L'Existence Juridique d'un « Droit au Retour » 30
Section 1 :
Les Principes Généraux du Droit International 30
§1- Les Réfugiés Palestiniens et le Droit
Individuel de Retour 30
1- Le «Droit au retour» et le Droit de la
Nationalité Relatif à l'Ordre de Succession
des Etats 31
2- Le « Droit au Retour » dans le Droit International
Humanitaire .....36
3- Le « Droit au Retour » et le Droit International
des Droits de l'Homme 40
4- Le Droit au Retour dans le Droit des Réfugiés
et la Pratique des Etats 44
§2- Le «Droit au Retour» comme Expression d'un
Droit Politique d'Exercice Collectif 46
Section2 :
Les Résolutions Onusiennes Relatives au «Droit de
Retour» ..49
§1 La Résolution 194 et le Problème des
Réfugiés 51
§2- Dans quelle Mesure l'Application du «Droit au
Retour » est elle Contraignante ? 53
DEUXIÈME PARTIE :
Faire du « Droit au Retour » une
Réalité Concrète 56
Chapitre I :
Le Retour des Réfugiés dans la Pratique
Internationale 58
Section I :
Les Principales Tendances dans l'Élaboration de Solutions
Durables pour les
Réfugiés dans le Monde 58
§1- Le Retour des Réfugiés : la Solution
Durable Préférée 58
§2- Le Retour des Réfugiés:
L'Élément-clé de toutes les Conventions et
Résolutions Internationales 62
§3- L'Étroite Relation entre le Retour des
Réfugiés et un Accord de Paix Réussi 66
§4- Le Rapatriement Volontaire entre Opérations
d'Urgences et Développements .67 §5-Le Caractère
Volontaire en Matière de Solutions Durables dans les Normes
Internationales 70
Section 2 :
Dans quelle Mesure ces Pratiques sont Pertinentes au Contexte
Palestinien? 75
§1- Est-ce que le Cas des Réfugiés
Palestiniens est-il Vraiment Unique ? 75
§2- Comment Profiter de l'Expérience Internationale
pour la Recherche des Solutions au
Problème Israélo-palestinien ? .78
1- Quel rôle pour les agences internationales? 78
2- Relation entre paix et réconciliation .79
3- Le choix des réfugiés .81
4- Le rôle de la communauté internationale .82
Chapitre 2 :
Le Futur des Réfugiés : Entre Solution et
Dissolution ....84
Section I :
Les Palestiniens en Exil dans le Processus de Paix ..84
§1- Négocier le « Droit au Retour » des
Réfugiés Palestiniens 84
§2- L'accord d'Oslo : Un «Versailles» Palestinien
? 90
§3- Le Processus de Paix : L'Autorité Palestinienne
Face aux Réfugiés .93
Section II :
Résoudre le Problème des Réfugiés
Palestiniens ..96
§1- Le Rôle des Nations Unies dans la
Résolution du Conflit Israélo-palestinien 96
§-2- Quelle Solution pour la Question des
Réfugiés Palestiniens? 99
CONCLUSION 105
BIBLIOGRAPHIE 109
ABRÉVIATIONS
AP : Autorité Palestinienne.
AGNU : Assemblée générale des Nations
Unies
CCNUP : Commission de Conciliation des Nations Unies pour la
Palestine. CERD : Comité pour l'élimination de la
discrimination raciale
CESCR : Comité des droits économiques, sociaux et
culturels.
CDI: Commission du droit international
CSNU : Conseil de Sécurité des Nations Unies
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'homme.
HCR : Haut Commissariat pour les réfugiés
ICERD: Convention internationale sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale.
OIR : Organisation internationale des réfugiés.
OLP : Organisation de Libération de la Palestine.
ONU : Organisation des Nations Unies.
PIDCP : Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
(en anglais UNDP).
TMI : Tribunal Militaire International
TPO : Territoires Palestiniens Occupés.
UNRPR : Secours des NU aux réfugiés de la Palestine
(en anglais : United Nations Relief for Palestine Refugees).
UNRRA : L'Administration des Nations unies pour les secours et la
reconstruction. UNRWA : Office de secours et de travaux des Nations
Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (En
anglais: United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the
Near East).
INTRODUCTION
INTRODUCTION
« Juste à côté de la
frontière qui existe entre le `nous' et `l'étranger', se trouve
un territoire périlleux : celui de la non appartenance : c'est l'endroit
où, à des époques primitives, on bannissait les gens, et
où, à l'ère moderne, d'énormes masses humaines
errent en tant que réfugiés et personnes déplacées
(...)
Car contrairement au nationalisme, l'exil est un
état discontinu. Les exilés sont coupés de leur terre, de
leur passé ».
Edward Said, «Reflections on Exile», 1984.
C'était en 1948 que le destin du peuple palestinien fut
changé à jamais, lorsque, suite au vote du plan du
partage1, une nation presque entière a entamé son
voyage sur les routes d'un exil interminable, laissant derrière elle,
foyers, terres, souvenirs et tout un passé ; laissant surtout un pays :
la Palestine.
Dans l'espace de quelques semaines, les Palestiniens se
retrouvèrent en majorité des réfugiés. Cette
année-là marqua le point de départ d'une histoire sans
pareil : celle d'un peuple qui a perdu toute identification autre que celle de
« réfugié ».
Le 15 mai 2011 marque le 63eme anniversaire de la « Nakba
» qui a frappé le peuple palestinien à travers
l'établissement de l'État d'Israël sur 78% de la Palestine
historique. Il y a soixante trois ans, le monde a assisté à
l'expulsion de plus de 700.000 Palestiniens de leurs villes et villages, le
massacre de centaines de civils et la destruction de centaines de villages. Ces
Palestiniens ont été déplacés,
dépossédés de leurs maisons, formant ainsi la plus grande
population de réfugiés sur terre.
A une époque où l'homme s'évertue pour
protéger ses droits, où les superpuissances prétendent
ériger la justice en règle sacro-sainte : un
réfugié sur trois dans le monde est palestinien2. Plus
que la moitié de ce peuple vit en dehors des frontières
historiques de la Palestine3, principalement en Jordanie, au Liban
et en Syrie.
Avec les années qui ont suivi, on a vu trois
générations de Palestiniens naître sous le statut de
réfugiés, d'apatrides et d'exilés. Leur nombre a ensuite
enflé, pour atteindre les six millions4.
1 Le 29 novembre 1947, le plan de partage de la Palestine est
approuvé par l'Assemblée générale de l'ONU par le
vote de la résolution 181.
Ce plan prévoit la partition de la Palestine en trois
entités, avec la création d'un État juif et d'un
État arabe, Jérusalem étant placée sous
contrôle international.
2 T.Rempel, «Who are Palestinian refugees?», Forced
Migration Review, Issue 26 p5.
3 Centre de Badil, Sondage sur les réfugiés
palestiniens et personnes déplacées palestiniennes, 2006-2007 p
43, (
www.badil.org).
4 Entre enregistrés et non enregistrés.
Il y a 4.8 million de palestiniens admissibles aux services de
l'UNRWA (
http://www.unrwa.org/etemplate.php?id=86).
La grande majorité s'est vu refuser la reconnaissance
des droits de l'Homme les plus basiques et a souffert de l'insuffisance de la
protection et de l'assistance internationale, pour se voir confinée dans
des camps de réfugiés démunis.
Ce peuple exilé n'a pourtant jamais perdu l'espoir ni
la foi de revenir un jour à sa terre qu'il a été
forcé de quitter. Le retour est devenu un facteur fondamental dans la
reconstruction de l'identité nationale palestinienne en exil.
Quoique le débat israélo-palestinien qui entoure
la question des réfugiés ait subi des changements perceptibles
depuis le début des années 1990, certains éléments
importants sont restés constants car, pour les Palestiniens, le noeud du
problème ne réside pas dans des considérations
pragmatiques ou idéologiques en tant que telles, mais dans des questions
de justice. Une justice qui ne peut être réalisée sans le
retour qui constitue un principe fondamental du droit naturel et
international.
L'expérience des efforts de paix a en effet
montré que la résolution du problème des
réfugiés palestiniens est une condition majeure pour parvenir
à un accord, et la clé de ce problème n'est autre que la
question du « droit au retour ».
Si certains considèrent que la question des
réfugiés palestiniens est purement humanitaire, elle est par
contre beaucoup plus fondamentale, étant un problème politique
découlant de la violation du droit international.
Dans cette étude, on va démontrer l'importance
et la nécessité de construire une approche fondée sur ce
droit afin de résoudre la situation des réfugiés et de
mettre en évidence le lien entre le retour, le processus de paix et sa
consolidation.
Il est reconnu depuis longtemps qu'une solution
équitable et acceptable au problème des réfugiés,
forme un élément essentiel pour parvenir à une paix juste
et durable entre Israéliens et Palestiniens. Mais en fait, une solution
juste et globale pourrait-elle exclure le « droit au retour » des
réfugiés? Existe-t-il un « droit de retour » dans le
droit international public ? Quelle est la validité de l'affirmation
selon laquelle les réfugiés palestiniens constituent un cas
particulier? Dans quelle mesure la pratique internationale peut-elle offrir un
point de vue constructif sur le cas de la Palestine? L'exclusion des
réfugiés d'un futur accord de paix serait-il possible? Quelle est
la relation entre la réconciliation et l'établissement d'une paix
durable dans la région?
Ces sujets figurent parmi les principales questions auxquelles on
va tenter de répondre dans cette étude.
Dans un premier temps, on va passer en revue les Organisations
onusiennes concernées par la question palestinienne, pour ensuite
examiner la question de l'exclusion des Palestiniens de la Convention de
Genève5, et dresser finalement un bilan des activités
de l'UNRWA pendant ces six dernières décennies.
5 Celle de 1951.
Dans le deuxième volet de notre étude on va
démontrer que les réfugiés palestiniens ont le droit de
retourner dans leurs foyers d'origine conformément au droit
international. Et cela en étudiant tout d'abord le droit individuel de
retour dans quatre sources du droit international coutumier. Par la suite, on
va traiter la question du retour dans le cadre du droit des peuples à
disposer d'eux mêmes, pour en finir avec les résolutions
onusiennes relatives au « droit au retour », et surtout la
résolution 194.
L'objectif du troisième volet est de chercher à
contextualiser la question du retour des réfugiés à
travers une étude comparative. Pour le faire on va se baser sur
l'expérience de la communauté internationale dans le traitement
d'autres situations de réfugiés en vue de voir comment les
idées et les leçons apprises peuvent être appliquées
au cas palestinien.
D'une part, cette analyse sera utile en raison de la richesse
des pratiques et des précédents dans le domaine de la protection
des réfugiés. Et d'autre part, parce que l'idée est de
comparer les normes et les pratiques internationales avec celles qui ont
émergé des pourparlers israélopalestiniens.
Dans un dernier temps, on va montrer la relation entre la
question du retour des réfugiés et un règlement permanent
du conflit israélo-palestinien.
Au début, on verra la façon avec laquelle le
problème des réfugiés a été abordé
dans le Processus de Paix, et comment l'absence de cette question cruciale des
accords d'Oslo a conduit à l'échec de ceux-ci.
Ensuite on examinera, le rôle des Nations Unies dans ce
différend.
Enfin, on étudiera la possibilité de
résoudre ce conflit dans le cadre de la théorie de la justice
transitionnelle.
PREMIÈRE PARTIE
Le «Droit au Retour» des
Réfugiés Palestiniens dans
une Perspective du Droit International
Première partie
Le « Droit au Retour » des
Réfugiés Palestiniens dans une Perspective du Droit
International.
Cette partie a pour objet l'analyse du cadre juridique du «
droit au retour ».
Avant d'examiner les fondements juridiques de ce droit, on va
préalablement exposer au premier chapitre le contexte historique et
institutionnel qui s'y rattache.
Pour ce faire, on présentera au premier abord un
aperçu sur l'évolution du régime international des
réfugiés et sur la définition du refugié
palestinien, avant d'aborder le sujet des organismes onusiens concernés
par la question des refugiés palestiniens, leur mandat et leur
rôle.
Par suite, on analysera dans le second chapitre, les sources
du droit international qui sont en rapport avec notre étude. On verra
que si les normes régissant ce retour prennent leur source dans
plusieurs branches du droit international, elles puisent l'essentiel de leurs
fondements dans le droit international de la nationalité relatif
à l'ordre de succession des Etats, dans le droit international
humanitaire et dans le droit international des droits de l'homme.
On étudiera également la résolution 194 de
l'Assemblée générale de l'ONU et on mentionnera la mesure
dans laquelle elle pourrait être contraignante.
Chapitre1
Les Agences Onusiennes Concernées par la
Question des Réfugiés Palestiniens.
Ce chapitre présente un certain nombre de questions qui
seront essentielles dans la compréhension du contexte élargi de
cette étude ; il est divisé en deux parties.
La première partie fournit un aperçu bref sur le
régime international des réfugiés, la définition
des réfugiés palestiniens et les agences des Nations Unies
concernées par cette question, y compris des informations sur
l'histoire, les mandats et les activités essentielles de ces organismes,
tout comme la marge d'application de l'article 1D de la convention de
Genève ; alors que la seconde partie est consacrée pour
évoquer le rôle joué par l'UNRWA pendant ses 62 ans de
mandat.
Section I
L'ONU et les Réfugiés Palestiniens : Un
Engagement Purement Humanitaire.
§1- L'Évolution du Régime International
des Réfugiés.
Bien que la notion du refuge des gens en désespoir
existe depuis la nuit des temps, ce n'est qu'à partir du dix
neuvième siècle que les pays admettent officiellement l'existence
d'un droit d'asile pour les réfugiés politiques6.
Avant la Première Guerre mondiale, la protection des
réfugiés était soutenue de façon ad hoc sans
qu'aucune véritable norme ni procédure n'en dirige la pratique.
Les profonds renversements politiques qui influencèrent le début
du 20eme siècle viennent néanmoins changer le statu quo. Les
déferlements massifs de réfugiés provoqués par la
Première Guerre mondiale et la Révolution russe,
avantagèrent l'apparition d'un régime international de protection
des réfugiés.
En 1921, la Société des Nations7 a
créé le poste du Haut Commissaire pour faire face au grand nombre
de réfugiés de la Première Guerre mondiale, la
révolution russe, et l'effondrement de l'Empire ottoman. La
Société des Nations désigna en 1921 un premier Haut
Commissaire pour les réfugiés : M. Fridtjof Nansen, dont le
mandat était uniquement restreint aux réfugiés russes,
mais qui réussit à étendre sa mission pour venir
également en aide aux réfugiés grecs, bulgares et
arméniens8.
6 Voir, Guy Goodwin-Gill, " The Refugee in International
Law», Oxford University Press, (2007), p.202.
7 La Société des Nations était une
organisation internationale introduite par le traité de Versailles en
1919, lui-même élaboré au cours de la Conférence de
paix de Paris (1919), dans le but de conserver la paix en Europe après
la Premiere Guerre Mondiale. Basée à Genève, elle est
remplacée en 1945 par l'ONU.
8HCR, « Les réfugiés dans le monde
2000 », (2000), p.15.
M. Finnemore et M.Barnell, «Rules for the World:
International Organizations in Global Polities», Ithaca, Cornell
University Press, (2004), p. 77.
L'organisation temporaire avait pour but, le rapatriement et la
réinstallation des réfugiés, ainsi ces derniers furent
désormais considérés comme sujets de droit.
Affrontés aux flux migratoires de la Seconde Guerre
mondiale, les États créèrent de nouvelles organisations
internationales consacrées au problème des
réfugiés.
L'Administration des Nations Unies pour le Secours et la
Reconstruction (UNRRA), a été créée en 1944 pour
mener à bien le rapatriement des personnes déplacées
après la guerre en Europe, l'organisation des secours, la mise en en
place du rapatriement de masse et les programmes de réinstallation.
En 1945, la Société des Nations a
été remplacée par l'ONU et en 1946 cette dernière a
créé un nouvel organisme appelé l'Organisation
Internationale des Réfugiés (OIR) afin de traiter avec le
rapatriement et la réinstallation. L'OIR a été
créé comme une agence d'intérim pour tenter de trouver une
solution aux centaines de milliers de réfugiés en Europe et leur
fournir les secours, le rapatriement, la réinstallation et la protection
juridique. La protection conférée par l'OIR était
cependant nettement plus complète que celle des institutions
précédentes.
Malgré des avancements majeurs réalisés
pendant la première moitié du vingtième siècle, il
faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir naître une
« véritable stratégie de protection" en réponse au
problème des réfugiés9 et pour adopter la
« Convention relative au statut de réfugié " du 28 juillet
1951, qui elle constitue la pierre angulaire du droit international des
réfugiés.
Le régime international des réfugiés a eu
à la fois des succès marquants et des histoires
mouvementées. Il a réussi à fournir une protection
internationale à des millions de réfugiés dans le monde
lorsque leurs propres Etats étaient incapables ou refusaient de les
protéger. Mais, malgré ces réalisations, le régime
a parfois échoué à résoudre de graves
problèmes et n'a pas été en mesure d'imposer des solutions
durables pour bon nombre de réfugiés dans le monde tels que les
réfugiés palestiniens.
§2- Qui sont les Réfugiés Palestiniens
?
Les réfugiés palestiniens ou les
réfugiés de Palestine sont les palestiniens arabophones et leurs
descendants, qui pendant et après le conflit israélo-palestinien
de 1948 ont fui ou ont été expulsés de leurs maisons
situées dans la Palestine sous mandat britannique.
L'Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les
réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ; organe de
l'Organisation des Nations Unies créé pour aider les
réfugiés de 1948, définit le « Réfugié
de Palestine " 10 : toute personne « dont la résidence habituelle
se trouvait en Palestine pendant la période allant du 1er juin 1946 au
15 mai 1948 et qui a perdu à la fois sa maison et ses moyens de
subsistance à la suite du conflit de 1948 ". Cette définition de
base a évolué au fil des ans11 sans préjudice
de la mise en oeuvre des
9 Joseph Bemba, « Dictionnaire de la justice internationale,
de la paix et du développement ", Paris, L'Harmattan, (2004),
p. 289.
10 Il est nécessaire de préciser que
l'Assemblée générale des Nations Unies n'a jamais
défini le terme "réfugiés de Palestine".
11 Voir, par exemple, UN Doc. A/1451/Rev.1, «Interim
Report of the Director of the United Nations Relief and Works Agency for
Palestine Refugees in the Near East»,( 6 October 1950), paragraph 15:
"Pour les besoins de son travail, l'Agence a décidé
résolutions de l'Assemblée générale
dans ce domaine, en particulier le paragraphe 11 de la résolution 194
(III) du 11 décembre 194812.
Les services de l'UNRWA sont disponibles à tous ceux qui
répondent à cette définition, vivant dans sa zone
d'opérations, qui sont enregistrés auprès de l'Agence et
qui ont besoin d'aide.
Les descendants des réfugiés palestiniens
d'origine sont également admissibles à l'enregistrement. Lorsque
l'agence a commencé à travailler en 1950, c'était pour
répondre aux besoins des réfugiés de Palestine qui
comptaient environ 750.000. Aujourd'hui, 4,8 millions de réfugiés
palestiniens sont admissibles aux services de l'UNRWA.13
Un tiers des « réfugiés de Palestine »
enregistrés: près de 1,4 millions, vivent dans 58 camps de
réfugiés reconnus en Jordanie, au Liban, dans la
République arabe syrienne, la bande de Gaza et dans la Cisjordanie, y
compris Jérusalem-Est, -sachant que l'UNRWA n'officie que dans cinq
Etats ou régions : la Bande de Gaza, la Cisjordanie, la Jordanie, la
Syrie et le Liban-14.
Selon Elia Zureik,15 la définition de
l'UNRWA ne permet de dénombrer qu'une partie des réfugiés
palestiniens. Un certain nombre de personnes doivent être reconnues comme
réfugiées alors qu'elles ne sont pas comptabilisées par
l'Agence de l'ONU :
· Les exilés de 1948 qui sont arrivés dans un
pays où l'UNRWA n'officie pas comme l'Afrique du Nord, l'Irak, les Etats
du Golfe ou l'Egypte.
· Les personnes déplacées à
l'intérieur d'Israël qui devaient être prises en charge par
l'UNRWA, et qui ne l'ont finalement pas été.
· Les individus déportés par les
autorités israéliennes hors des territoires occupés
après 1967.
· Les arrivants tardifs, c'est-à-dire ceux qui
ont quitté les territoires occupés pour des études, pour
rendre visite à la famille, pour travailler ou se marier, et dont le
permis de séjour délivré par Israël est
expiré, et qui ne peuvent donc retourner chez eux.
· Les Palestiniens qui se trouvaient en dehors de la
Palestine en 1948 et ceux qui se trouvaient en dehors des territoires
occupés en 1967.
qu'un réfugié était une personne dans le
besoin, qui, suite à la guerre en Palestine, a perdu son domicile et ses
moyens de subsistance"; UN Doc. A/2717/Add.1, «Special Report of the
Director of the Advisory Commission of the United Nations Relief and Works
Agency for Palestine Refugees in the Near East»,( 30 June 1954), paragraph
19: "La définition d'une personne ayant droit au secours est, telle
qu'utilisée par l'Agence depuis quelques années, "une personne
dont la résidence habituelle était la Palestine au minimum deux
ans avant l'éclatement du conflit en 1948 et qui, suite à ce
conflit, a perdu sa résidence et ses moyens de subsistance"; UN Doc.
A/8413, `'Report of the Commissioner-General of the United Nations Relief and
Works Agency for Palestine Refugees in the Near East»,( 30 June 1971),
footnote 1:"Un réfugié de Palestine, selon la définition
de travail de l'UNRWA, est une personne dont la résidence habituelle
était en Palestine au minimum deux ans avant l'éclatement du
conflit en 1948 et qui, suite à ce conflit, a perdu sa résidence
et ses moyens de subsistance et a trouvé refuge dans un des pays
où l'UNRWA apporte son secours".
12 En créant l'UNRWA et en prolongeant son mandat,
l'Assemblée générale des Nations Unies a
systématiquement spécifié dans le paragraphe 5 que les
activités de l'Agence étaient sans préjudice des
dispositions du paragraphe 11 de la résolution 194 (III) du 11
décembre 1948.
13 Voir le site web officiel de l'UNRWA,
http://www.unrwa.org/etemplate.php?id=86.
14 Israël a été exclu du champ
d'activité de l'UNRWA.
15 Voir, E. Zureik, «Palestinian Refugees and the
Peace Process», Washington DC: Institute for Palestine Studies,
(1996), p.9-10.
· Les réfugiés de 1948 qui ne se sont
pas inscrits à l'UNRWA, parce qu'ils n'en éprouvaient pas le
besoin, ou ceux qui ont été radié des fichiers de l'UNRWA
parce qu'ils n'avaient pas perdu leurs moyens de subsistance.
· Les résidants de Gaza et de Cisjordanie
déplacés pour la première fois en 1967, qui ne sont pas
comptabilisés comme réfugiés mêmes s'ils sont pris
en charge par l'UNRWA.
Une proposition de définition du statut de «
réfugié palestinien » a été
présentée par le Groupe de travail sur les
réfugiés16, elle comprend les réfugiés
immatriculés à l'UNRWA, auxquels il faut ajouter ceux
précédemment définis par Elia Zureik, ainsi que les
"absents".
Si l'on prend en compte cette dernière
définition plus exhaustive, le nombre de réfugiés
palestiniens effectif serait beaucoup plus important que celui des personnes
immatriculées à l'UNRWA, puisqu'il s'élève alors
à plus de six millions d'individus.
La question de la définition du «
Réfugié de la Palestine » est au coeur des
négociations de paix en raison de ses conséquences politiques et
démographiques qui sont en relation avec la résolution 194 de
l'AGNU, en d'autres termes avec « le Droit au Retour ».
§3- La Commission de Conciliation des Nations Unies
pour la Palestine.
L'idée d'une « commission de conciliation »
des Nations Unies a été mise en avant par le médiateur de
l'ONU pour la Palestine le comte Folke Bernadotte17.
Après son assassinat en Septembre 1948,
l'Assemblée générale, se basant sur la résolution
194 du 11 décembre 1948, a voté pour la création d'un
organisme qu'elle a appelé la Commission de Conciliation des Nations
Unies pour la Palestine (CCNUP). L'objectif de la Commission de Conciliation a
été d'assumer la mission conciliatrice du médiateur de
l'ONU. La CCNUP a été structurée comme un corps
composé de trois membres de l'AGNU, les Etats Unis d'Amérique, la
France et la Turquie.
Poursuivant les efforts du Médiateur des Nations Unies
sur la Palestine, l'Assemblée générale a aussi
chargé la CCNUP de:
- Prendre des mesures afin d'aider les gouvernements et les
autorités concernés à parvenir à un
règlement définitif de toutes les questions qui demeurent en
suspens18.
- Faciliter le rapatriement ou la réinstallation et
l'indemnisation des réfugiés palestiniens. En effet, tout en
affirmant le droit des réfugiés palestiniens à retourner
dans leurs foyers19, l'Assemblée générale a
également chargé la Commission de Conciliation à:
faciliter le rapatriement, la réinstallation et la réhabilitation
économique et sociale des réfugiés et le
16 Délégation palestinienne, réunion sur les
refugiés, (13 mai 1992) à Ottawa, Canada.
17 Folke Bernadotte, comte de Wisborg et petit-fils du roi
Oscar II de Suède, était un diplomate suédois et
président de la Croix-Rouge suédoise, connu pour avoir
négocié la libération de 15 000 prisonniers des camps de
concentration durant la Seconde Guerre Mondiale. Il fut assassiné le 17
septembre 1948 à Jérusalem par des membres d'un groupe
armé juif sioniste.
18 Voir, Paragraphe 6 de la résolution 194(III) de
l'AGNU.
19 Voir, Paragraphe 11 ibid.
paiement de l'indemnisation. En 1950, l'Assemblée
générale a expressément demandé à la
Commission de conciliation de protéger les droits, les
propriétés et les intérêts des
réfugiés20.
- Statuer sur Jérusalem : dans la quatrième
session ordinaire de l'Assemblée générale se trouve des
propositions détaillées concernant un régime international
permanent pour la région de Jérusalem, qui fournirait de
l'autonomie locale maximale pour les groupes distincts, conformément au
statut international spécial de la région de
Jérusalem21.
- Conclure des ententes entre les gouvernements et les
autorités concernés qui faciliteraient le développement
économique de la région, y compris les modalités
d'accès aux ports et aux aérodromes et l'utilisation de moyens de
transport et de communication22.
La commission de conciliation a commencé sa fonction en
Janvier 1949. Les commissaires ont commencé un tour de navettes
diplomatiques dans les capitales du Moyen-Orient, ils ont tenu une
conférence avec les représentants arabes à Beyrouth, puis
ont organisé une grande conférence à Lausanne entre avril
et août 1949, rencontrant les représentants arabes et
israéliens séparément. Après, il y a eu une
nouvelle série de discussions à Genève en 1950 et une
conférence de délégués arabes et israéliens
à Paris vers la fin de 1951.
La Commission de conciliation a été
établie avec un double mandat. Tout d'abord, comme son nom l'indique, la
Commission a été faite pour concilier et aider les parties
à trouver, conformément à la résolution 194 (III)
de l'Assemblée générale, une solution permanente à
tous les problèmes en suspens du conflit israélo-arabe, y compris
le problème des réfugiés palestiniens. Le deuxième
mandat a été de fournir une protection aux réfugiés
par la sauvegarde de leur « droit au retour » et d'autres droits
connexes, y compris leur droit à la propriété. La
Commission de conciliation a essayé de persuader Israël de
permettre le retour de certaines catégories de réfugiés et
surtout de réunir les familles. Elle a également tenté de
faciliter la restitution des biens des réfugiés par des appels
à la réforme des lois israéliennes sur la
propriété.
En 1950, la Commission a créé un sous-bureau, l'
« Office des Réfugiés » pour identifier les
propriétés arabes en Israël et examiner les diverses mesures
provisoires par lesquelles les réfugiés pourraient tirer un
revenu de leurs propriétés. Une identification globale et
individuelle des biens palestiniens a été basée sur les
enregistrements de données du mandat britannique23. Dans le
début des années 1960, l'identification a été
remplie: 430 000 enregistrements documentant l'ordre de 1,5 millions
d'exploitations individuelles24. La numérisation de cette
base de données a été achevée dans les
années 1990. Ce travail servira de base fondamentale pour les
années à venir, y compris les années post-Oslo, puisque
les données recueillies par la CCNUP et
20 Voir, résolution 394(V) de l'AGNU, (14 Décembre
1950).
21 Voir, Paragraphe 8 de la résolution 194(III) de
l'AGNU.
22 Voir, Paragraphe 10 ibid.
23 Pour un examen détaillé des activités de
la CCNUP et les procédures relatives à la
propriété, voir :
M. Fischbach, « Records of Dispossession, Palestinian
Refugee Property and the Israeli-Arab Conflict ».New York, Columbia
University Press, (2003).
S. Hadawi, «Palestinian Rights and Losses in 1948, A
Comprehensive Study». London: Saqi Books, (1988).
24 UNCCP, «Working Paper Prepared by the Commission's Land
Expert on the Methods and Techniques of Identification and Valuation of Arab
Refugee Immovable Property Holdings in Israel». UN Doc. A/AC.25/W.84, 28
(April 1964).
avalisées donc par les Nations Unies- serviront de base
de travail pour la question de la compensation que doit Israël aux
réfugiés palestiniens, sur le modèle évoqué
dès 1951, notamment par la France, de la compensation obtenue par
Israël de l'Allemagne, à la suite de la deuxième guerre
mondiale.
La CCNUP a également examiné les moyens et les
principes pour la mise en oeuvre de l'indemnisation, en recommandant que la
compensation soit accordée principalement aux personnes (et non aux
gouvernements).
La commission a tenté en vain de parvenir à un
accord sur des propositions spécifiques pour un règlement de paix
; ses efforts pour trouver des solutions durables pour les
réfugiés palestiniens ont échoué, en raison de
l'objection d'Israël au retour des réfugiés et le manque de
volonté politique internationale suffisante pour appliquer les
dispositions de la résolution 194 (III) de l'AGNU. Après
l'échec de la conférence de Paris, la Commission, convaincue que
les parties n'étaient pas encore prêtes à faire la paix, a
limité ses efforts pour faire face au problème des
réfugiés palestiniens. Sur ce sujet, elle n'a pas pu faire que
des progrès limités, essentiellement sur des études de
fond des aspects techniques concernant l'indemnisation future (comme on vient
de le voir précédemment).
Les efforts de la CCNUP vers la réinstallation des
réfugiés palestiniens ont également échoué,
les Etats arabes d'accueil et les réfugiés eux-mêmes
étaient opposés à la réinstallation sans se voir
offrir la possibilité de retour.
En début des années 1950, la Commission de
Conciliation a reconnu qu'elle était incapable de s'acquitter de son
mandat en raison de la réticence des parties à appliquer
intégralement les résolutions de l'Assemblée
générale en vertu desquelles elle opérait25.
Si elle a effectivement cessé de fonctionner activement
depuis 1966, la CCNUP existe jusqu'à nos jours, avec toujours pour
membres les Etats Unis, la France et la Turquie ; et pour secrétaire, un
employé du Secrétariat de l'ONU.
§4- L'Office de Secours et des Travaux des Nations
Unies pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
« L'aggravation de la situation des
réfugiés, qui constitue un obstacle à la paix en
Palestine, a incité l'AGNU, en novembre 1948, à faire appel aux
nations du monde entier pour leur demander de fournir des fonds en vue de
nourrir, d'habiller et d'abriter les réfugiés » ;
trentetrois pays fourniront une aide financière. L'organisation des
Nations Unies créera, pour gérer cet argent, un organisme :
l'UNRPR (Secours des NU aux réfugiés de la
Palestine)26, mais cette mesure s'avérera insuffisante.
25 CCNUP, « Rapport intérimaire de la Commission
de conciliation des Nations Unies pour la Palestine », UN Doc. A/1985, 20
(Novembre 1951): In response to the impasse, the United Nations General
Assembly passed a series of measures beginning in 1951 that effectively
terminated the UNCCP's role of implementing the durable solution of return and
curtailed its role as intervener with Israel (or other states) to protect
refugees' rights and interests.
S. Akram, «Palestinian Refugees and Their Legal Status:
Rights, Politics, and Implications for a Just Solution,» Journal of
Palestine Studies, Vol. XXXI, No. 3, (2002), p. 36-51.
26 Crée par la résolution 212(III) de l'AGNU, (le
19 Novembre 1948).
En Décembre 1949, l'Assemblée
générale des Nations Unies s'est réunie pour envisager la
création d'un successeur à l'UNRPR, un projet a été
présenté, celui-ci était parrainé par la France, la
Turquie et les États-Unis, les trois pays formant la CCNUP,27
ainsi que la Grande Bretagne.
Ce projet a été modifié pour prendre en
considération les préoccupations des pays hôtes et des pays
arabes et a ensuite été adopté sans opposition, le 8
décembre 1949, par la résolution 302 suite à laquelle
l'UNRWA a été crée, en vue de « mener à bien,
en coopération avec les gouvernements locaux (...) des programmes de
secours et de travaux » pour les réfugiés de Palestine et de
« consulter les gouvernements du Proche-Orient en préparation de la
période où l'assistance internationale pour ne sera plus
disponible »28.
L'UNRWA est chargée de fournir une aide de
première nécessité et d'assurer le fonctionnement des
services sociaux de la santé et de l'éducation. Son mandat ne
comprend pas les missions fondamentales du HCR, à savoir la recherche de
solutions durables et la protection internationale des réfugiés,
car cette mission était dévolue à la CCNUP.
L'Agence a commencé ses activités en mai 1950,
initialement, sont mandat devait être de courte durée, mais en
l'absence d'une solution globale au problème des réfugiés
palestiniens, l'Assemblée générale a maintes fois
renouvelé le mandat de l'UNRWA29.
Les deux principaux piliers des activités de l'UNRWA
sont l'éducation de base et la fourniture gratuite de soins de
santé. Par ailleurs, l'agence fournit des prestations sociales aux
réfugiés qui ne sont pas en mesure de couvrir eux-mêmes
leurs besoins essentiels. Un programme de micro financement octroie des
crédits aux petites entreprises et aux familles pauvres. L'UNRWA alloue
aussi régulièrement des ressources à l'aide d'urgence dans
la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, en
particulier depuis le début de la seconde Intifada, en septembre
2000.
Depuis sa création, l'Agence a fourni ses services
aussi bien en temps de calme (relatif) au Moyen-Orient, qu'en temps
d'hostilités.
Le travail de l'UNRWA illustre un engagement international
pour le développement humain des réfugiés de Palestine,
les aidant à acquérir des connaissances et des
compétences, à mener une longue et saine vie, à atteindre
les normes d'une vie décente et à jouir des droits de l'homme
dans toute la mesure du possible30.
27 Voir, résolution 194 de l'AGNU, (11 Décembre
1948).
La CCNUP a été crée trois semaines
après l'établissement de l'UNRPR.
28 La résolution 302 (IV) du 8 décembre 1949 de
l'Assemblée générale des Nations Unies invite l'UNRWA
à consulter la Commission de conciliation des Nations Unies pour la
Palestine (CCNUP) "dans le meilleur intérêt commun de leurs (UNRWA
et CCNUP) tâches respectives, en faisant une référence
particulière au paragraphe 11 de la résolution 194 (III) de
l'Assemblée générale", (11 décembre 1948).
29 Son mandat doit arriver à terme le 30 Juin 2011 ;
mais le 15-11-2010, la Quatrieme Commission de l'AGNU, chargée des
questions politiques spéciales et de la décolonisation a
adopté, quatre projets de résolution sur l'UNRWA parmi lesquels
un projet (A/C.4/65/L.8) qui recommande à l'Assemblée
Générale de proroger le mandat de l'UNRWA jusqu'au 30 juin
2014.
30 Voir, le site web official de l'UNRWA:
http://www.unrwa.org/etemplate.php?id=85.
L'UNRWA est unique en terme de son engagement de longue date
pour un groupe de réfugiés, grâce à ses
contributions au bien-être et au développement humain de quatre
générations de réfugiés palestiniens.
Initialement prévue comme une organisation temporaire,
l'Agence a progressivement adapté ses programmes pour répondre
aux besoins changeants des réfugiés.
§5- Pourquoi les Réfugiés Palestiniens
ne sont pas sous le Mandat du HCR ?
Les réfugiés palestiniens ont un statut qui est
unique en vertu du droit international des réfugiés.
Contrairement à tout autre groupe ou catégorie de
réfugiés dans le monde, les Palestiniens sont distingués
par des traitements exceptionnels dans les principaux instruments juridiques
internationaux qui régissent les droits et obligations des États
envers les réfugiés. En fait, en Décembre 1950, exactement
un an après la création de l'UNRWA, l'Organisation des Nations
Unies a créé le bureau du Haut Commissaire pour les
Réfugiés (HCR) -le principal instrument international
chargé de la protection des réfugiés à travers le
monde-, et l'a chargé de superviser les conventions internationales
relatives aux réfugiés. Plusieurs mois plus tard, en Juillet
1951, une conférence convoquée par l'ONU à
Genève31 a approuvé la Convention historique relative
au statut des réfugiés, qui à son tour a mandaté le
HCR pour représenter les réfugiés, intervenant si
nécessaire avec l'Etat en leur nom, afin d'assurer leur protection. La
Convention de 1951 est le document juridique le plus complet jamais
publié sur les droits des réfugiés: Il définit le
réfugié comme la personne « qui, suite aux
événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant
avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a
la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut pas
se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de
nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa
résidence habituelle à la suite de tels événements,
ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner
32».
Les Etats contractants sont appelés à accorder
aux réfugiés « un traitement aussi favorable que possible et
de toute façon un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui
qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux
étrangers en général ». La protection et droits
prévus par la convention comprennent le droit à
l'éducation, à la libre circulation, à posséder et
celui d'aliéner des biens mobiliers et immobiliers, le droit à
former des associations, à obtenir un travail
rémunéré, et à avoir accès aux tribunaux.
Toutefois, les réfugiés palestiniens, ne sont
pas concernés par cette convention puisque son article 1D stipule:
« Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui
bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de
la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés ».
31 La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des
réfugiés, dite Convention de Genève.
32 Article 1A (2) ibid.
Les Palestiniens ne sont pas littéralement
mentionnés dans cette clause, mais il ne fait aucun doute que ce sont
eux qui sont concernés par cette exclusion, puisque, en principe, ils
étaient sous l'assistance de deux organes de l'ONU : la CCNUP,
créée pour assurer leur protection sur la base de la
résolution 194 de l'AGNU, et l'UNRWA pour leur fournir assistance et
secours.
Le Statut du HCR33 comporte une disposition
similaire excluant de son mandat les réfugiés palestiniens, ainsi
le paragraphe 7 (c) mentionne qu'il est entendu que le mandat du Haut
Commissaire, tel qu'il est défini au paragraphe 6 ci-dessus, ne s'exerce
pas : « sur les personnes qui continuent de bénéficier de la
protection ou de l'assistance d'autres organismes ou institutions des Nations
Unies ».
Le paragraphe 1 de l'article 1D est en fait une clause
d'exclusion, mais il ne signifie par pour autant que certains groupes de
réfugiés palestiniens ne puissent jamais bénéficier
de la protection prévue par la Convention de 1951. Le paragraphe 2 de
l'article 1D contient, quant à lui, une clause d'inclusion garantissant
des droits automatiques à la protection prévue par la Convention
de 1951 pour de tels réfugiés. « Lorsque cette protection ou
cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort
de ces personnes n'ait été définitivement
réglé, conformément aux résolutions relatives
adoptées par l'Assemblée générale des Nations
Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du
régime de cette Convention »34. La Convention de 1951
évite ainsi le chevauchement des compétences entre l'UNRWA et le
HCR, mais aussi, en conformité avec le Statut du HCR, garantit la
continuité de la protection et de l'assistance des
réfugiés palestiniens, autant qu'il est nécessaire.
Le HCR a éclairé ce point en présentant
sa note35 sur l'applicabilité de l'article 1D de la
Convention de 1951 relative au Statut des réfugiés. Le HCR
considère que deux groupes de réfugiés palestiniens
entrent dans le champ d'application du paragraphe 1 de l'article 1D de la
Convention de 1951:
« - Les "réfugiés de
Palestine"36 qui ont été déplacés de la
partie devenue Israël, et qui n'ont pas eu la possibilité d'y
retourner.
- Les Palestiniens qui sont des "personnes
déplacées" dans le sens de la résolution de
l'Assemblée générale 2252 (ES-V) du 4 juillet 1967 et des
résolutions de l'Assemblée générale
ultérieures, et qui n'ont pu retourner dans les territoires palestiniens
occupés par Israël depuis 1967.
33 Résolution no 428 (V) de l'Assemblée
générale du 14 décembre 1950 sur le Statut Du Haut
Commissariat Des Nations Unies pour les Réfugiés.
34 Il existe une disposition similaire à l'article 1D
de la Convention de 1951 dans le Statut du HCR, le paragraphe 7(c), lequel
stipule que la compétence du Haut Commissaire ne s'exerce pas sur les
personnes qui "continuent de bénéficier de la protection ou de
l'assistance d'autres organismes ou institutions des Nations Unies".
35 Publiée le 2 Octobre 2002 par le HCR.
36 Le terme "réfugié de Palestine", même
s'il n'a jamais été explicitement défini par
l'Assemblée générale des Nations Unies, englobe
très probablement ce qu'on appellerait aujourd'hui des personnes
déplacées à l'intérieur. Voire à ce sujet,
par exemple, UN Doc. A/AC.25/W.45, Analysis of paragraph 11 of the General
Assembly's Resolution of 11 December 1948, 15 May 1950, Part One, paragraph
1.
Pour une analyse plus précise du terme
"réfugiés de Palestine", voir, par exemple, UN Doc. W/61/Add.1,
Addendum to Definition of a "Refugee" Under paragraph 11 of the General
Assembly Resolution of 11 December 1948, 29 May 1951.
UN Doc. A/AC.25/W.81/Rev.2,» Historical Survey of Efforts of
the United Nations Commission for Palestine to secure the implementation of
paragraph 11 of General Assembly resolution 194 (III)», (October 1961),
section III.
Pour les besoins de l'application de la Convention de 1951,
ces deux groupes incluent les personnes qui ont été
déplacées au moment des hostilités, ainsi que leurs
descendants37.
(Par ailleurs, les personnes auxquelles s'appliquent les
articles 1C, 1E ou 1F de la Convention ne relèvent pas de l'article 1D,
même si elles demeurent des "réfugiés de Palestine" et/ou
des "personnes déplacées" dont le sort doit encore être
réglé de manière définitive en conformité
avec les résolutions pertinentes de l'Assemblée
générale).
Une troisième catégorie de
réfugiés palestiniens englobe les personnes qui ne sont ni des
"réfugiés de Palestine", ni "des personnes
déplacées", mais qui, du fait d'une crainte réelle
d'être persécutées pour des raisons de race, de religion,
de nationalité, d'appartenance à un groupe social particulier ou
d'opinion politique, se trouvent hors des territoires palestiniens
occupés par Israël depuis 1967 et ne peuvent ou ne veulent y
retourner du fait de cette crainte. De tels Palestiniens ne relèvent pas
de l'article 1D de la Convention de 1951 mais satisfont aux critères
applicables pour la reconnaissance du statut de réfugié en
conformité avec l'article 1A(2) de la Convention, à condition
qu'ils n'aient jamais cessé d'être des réfugiés au
sens de l'article 1C et qu'ils ne soient pas exclus du statut de
réfugié au sens des articles 1E et 1F ».
Cependant, si une personne se trouve en dehors de la zone
où l'UNRWA est opérationnelle, elle ne peut plus
bénéficier de la protection ou de l'assistance de cette agence et
relève donc du paragraphe 2 de l'article 1D, -à moins que les
articles 1C, 1E et 1F ne s'appliquent pas-. Une telle personne
bénéficie de plein droit du régime de la Convention de
1951 et relève de la compétence du HCR. Il en serait ainsi
même si la personne en question n'avait encore jamais
résidé dans la zone où l'UNRWA est
opérationnelle38.
Le fait de savoir si les Etats, dans lesquels l'UNRWA
n'opère pas, sont en train d'appliquer la Convention de Genève
sur les refugiés et demandeurs d'asile palestiniens, continue à
susciter un grand débat. Mais, on ne va pas s'attarder sur ce point, on
préfère se centrer sur la question de la protection des
réfugiés palestiniens.
Les réfugiés ne sont pas différents des
autres personnes dans leur droit à la protection contre les violations
de leurs droits humains fondamentaux. Lorsqu'un Etat n'assure pas cette
fonction critique, l'intervention de la communauté internationale
devient essentielle.
Alors que les réfugiés et demandeurs d'asile au
monde sont tous sous le mandant du HCR qui procure protection, recherche des
solutions durables et une assistance pour les réfugies, les palestiniens
quant à eux relèvent de deux organismes onusiens un pour la
protection et l'autre pour l'assistance. Ce cas peut sembler normal, dû
à quelques aspects exceptionnels des refugiés
37 L'inquiétude de l'Assemblée
générale des Nations Unies au sujet des descendants, tant des
"réfugiés de Palestine" que des "personnes
déplacées" a été exprimée dans la
résolution de l'Assemblée générale 37/120 I du 16
décembre 1982, qui a demandé au Secrétaire
Général des Nations Unies, en coopération avec le
Commissaire Général de l'UNRWA, d'émettre des cartes
d'identité à "tous les réfugiés de Palestine et
leurs descendants (...)
38 Par exemple, le descendant d'un "réfugié de
Palestine" ou d'"une personne déplacée" palestinienne peut
n'avoir jamais résidé dans la zone où l'UNRWA est
opérationnelle et ne pas relever des articles 1C ou 1E de la Convention
de 1951.
palestiniens, mais le problème est que dès le
début des années 60, la CCNUP a cessé de fonctionner
laissant les refugiés palestiniens sans organisme international qui les
représente sur le plan de la protection et de la recherche de solutions
durables.
Par contre, dans des situations concernant des
réfugiés, on voit le HCR, intervenir à différents
niveaux avec les gouvernements directement concernés, les pays donateurs
et les réfugiés euxmêmes, et cela dans le but de faciliter
la réalisation des solutions durables. Bref, partout où le sort
des réfugiés est discuté à la table des
négociations, le HCR est souvent présent afin de s'assurer que
leurs intérêts seront représentés39.
Section II
UNRWA, Six Décennies d'Aide aux
Réfugiés Palestiniens.
§1- Quel bilan tenir de l'UNRWA, 62 ans Après
sa Création ?
Le Décembre 2011 va marquer le soixante deuxième
anniversaire de l'UNRWA, c'est une occasion sans aucun doute désolante
en raison de tout ce temps passé sans trouver de solutions pour le
problème des refugiés palestiniens, mais en même temps,
c'est une occasion pour évaluer les défis de l'Agence et ses
réalisations au cours de ces six décennies de travail aux
côtés de millions de réfugiés palestiniens.
L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les
réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a
accompagné les réfugiés palestiniens pendant les
périodes de conflits et de crises, les périodes d'espoir et de
longues années de déception. Il s'agit en fait d'une relation
sans précédent dans les annales de l'aide humanitaire et de
développement.
En effet, le paradoxe entre la nature temporaire de cette
agence et la durée de son mandat, illustre le caractère
extraordinairement complexe et unique du problème des
réfugiés palestiniens.
Conformément à la résolution 393 (V) de
l'Assemblée générale, l'UNRWA a passé ses six
premières années, concentrée sur la question de la
réinsertion des « réfugiés de Palestine » dans
la vie économique de leur pays hôte. Toutefois, au cours de cette
période, il est devenu évident à l'Agence que ces
programmes n'ont pas pu tenir la promesse d'améliorer significativement
la situation humanitaire et économique des réfugiés
Palestiniens.
Cela s'est traduit par le passage progressif des programmes de
l'Agence, de la réinsertion aux travaux de secours et de
développement des ressources humaines. Au fil des ans, son mandat semble
avoir évolué de manière flexible en fonction des
évolutions dans la région, et s'est plié aux besoins
générés par chaque situation. Il apparaît
également que la communauté internationale n'a pas
hésité à confier des responsabilités plus larges a
l'UNRWA, qu'il s'agisse
39 L.Takkenberg «The search for durable solution for
Palestinian refugees», Max Planck Institute for Comparative Public Law
and International Law, «Israel and the Palestinian refugees»,
(2007), p.382.
de ses programmes, la gamme de ses activités ou les
catégories de ses bénéficiaires. La position de l'Agence a
toujours été que son mandat est souple, et donc facilement
adaptable pour répondre aux urgences qui se présentent.
À la fin des années 1950, l'Agence avait
établi un modèle primaire pour ses activités axées
sur la formation professionnelle, l'auto-assistance, l'enseignement primaire,
les soins de santé primaires et les secours continus pour les
réfugiés dans le besoin. Ces interventions humanitaires ont
été mises au point pour former les trois programmes
réguliers de l'Agence: l'éducation, la santé et les
secours, les services sociaux, ainsi que son programme spécial pour la
micro entreprise et la micro finance. En fait, il était devenu clair
à partir du milieu des années cinquante, que le
développement général de la situation au Moyen-Orient
augure mal pour un règlement imminent de la question des
réfugiés; un éventuel retour des réfugiés
devenait problématique avec la croissance et la consolidation de
l'État d'Israël et le refus catégorique de la
réinstallation permanente des réfugiés dans leur pays
d'accueil. L'UNRWA a donc choisi la seule option qui lui reste ouverte, se
concentrant sur l'éducation et la formation des
réfugiés.
En mettant l'accent sur la formation individuelle, l'Agence a
pu donner les moyens d'assurer un avenir aux réfugiés qui y
virent le seul instrument de mobilité sociale politiquement acceptable.
Ce pari sur le développement humain mis en oeuvre en collaboration avec
l'UNESCO, a facilité jusqu'à nos jours la réinsertion
professionnelle de bon nombre de refugiés en tant qu'employés
locaux de l'UNRWA ou comme main-d'oeuvre qualifiée, dans les pays du
Golfe notamment. Jusqu'à la fin des années 1980, le mouvement
migratoire ainsi initié constitua une véritable planche de salut
pour l'UNRWA puisque, tout en permettant de réduire le nombre de
réfugiés à sa charge, il permit aussi d'élever le
niveau de vie des familles des réfugiés migrants restés
dans le pays d'accueil40.
Avec cette dimension humaine tournée vers
l'éducation, vers la santé et les services sociaux, l'UNRWA a pu
s'adapter aux épreuves et tribulations qui ont marqué la
région depuis plus d'un demi-siècle.
Au lendemain de la guerre de 1967, la communauté
internationale a demandé à l'UNRWA d'aider les personnes
déplacées ayant besoin d'assistance. L'agence a ainsi
élargi son mandat pour couvrir une catégorie de Palestiniens qui
n'étaient pas des réfugiés de 1948 ; après 1967,
lorsque l'ancienne Palestine mandataire a passé dans son
intégralité sous le contrôle d'Israël, l'UNRWA a
émergé de plus en plus comme l'expression tangible de la
communauté internationale dans sa préoccupation de l'ensemble des
palestiniens et non seulement des réfugiés de 1948.
Ce souci de confier à l'Agence les problèmes
humanitaires de la population palestinienne est devenu évident pendant
l'invasion israélienne du Liban. En fait, l'UNRWA a entrepris de
surveiller la sécurité des réfugiés palestiniens
dans les territoires Libanais, a fait parfois des déclarations publiques
sur la situation et pris des mesures appropriées avec le gouvernement
d'Israël et les divers membres du Conseil de Sécurité pour
la protection des réfugiés41.
40 Voir l'article de H. El Najjar, "Planned Emigration: The
Palestinian Case". International Migration Review, (1993), vol. 27,
n°101, p. 34-50.
41 L.Takkenberg, «The Status of Palestinian Refugees in
International Law», Oxford, Clarendon Press, (1998), p.282.
Également, dans sa résolution 37/120 du 16
Décembre 1982, l'Assemblée générale a
demandé au Secrétaire général, en
coopération avec l'UNRWA, de délivrer des cartes d'identification
à tous les réfugiés de Palestine et de leurs descendants,
indépendamment du fait qu'ils soient bénéficiaires ou non
des rations et des services de l'Agence ; ainsi qu'à toutes les
personnes déplacées et à celles qui ont été
empêchées de retourner dans leurs foyers à la suite des
hostilités de 1967, et de même pour leur
descendants42.
Avant ce point, l'Agence avait décidé
d'émettre auprès des réfugiés enregistrés
des cartes d'enregistrement individuelles pour remplacer les cartes de
familles, mais cette décision n'a pas pu être mise en oeuvre en
raison du manque de coopération de nombreux pays dans lesquels les
réfugiés avaient pris résidence au fil des
années43.
L'Intifada de 1987-1993 a été la deuxième
occasion dans laquelle l'UNRWA a été appelée à
mettre en oeuvre des activités de protection passive44 en
relation avec les réfugiés de Palestine. Cela est arrivé
par le biais de la résolution 605 du 22 Décembre 1987 du Conseil
de sécurité, qui, après avoir pris note et
déploré vivement les violations israéliennes des droits de
l'homme du peuple palestinien vivant dans les territoires palestiniens
occupés, a demandé au Secrétaire général
d'évaluer la situation et de se rapporter aux recommandations du Conseil
de sécurité sur les voies et les moyens d'assurer la
sécurité et la protection des civils palestiniens sous occupation
israélienne45. En vertu de cette résolution, et suite
à un rapport46 présenté par le
Secrétaire général au Conseil de sécurité,
l'UNRWA a établi un Programme d'agence des affaires des
réfugiés chargé de l'aide humanitaire des victimes de la
violence résultant de l'insurrection des populations des territoires
occupés de la Cisjordanie et Gaza .
L'avènement de l'autonomie palestinienne,
consécutive aux accords d'Oslo de septembre 1993, a eu pour
conséquence d'accentuer cette dimension "développementaliste" de
l'action de l'agence onusienne. En décembre de la même
année, l'AGNU chargeait en effet l'UNRWA de contribuer de façon
décisive à imprimer un nouvel élan à la
stabilité économique et sociale des territoires
occupés47. Le "Programme pour la Mise en OEuvre de la Paix"
(ensemble de mesures visant à stimuler l'emploi et à
développer l'infrastructure physique et sociale des camps, qu'adopta
alors l'UNRWA), vise aujourd'hui encore à améliorer la situation
économique de ces territoires désormais autonomes, en soutien
à l'ANP48. Cette nouvelle orientation met alors en
perspective l'évolution de la dimension politique informelle du mandat
de l'UNRWA.
Initialement chargé d'assurer la
réintégration massive des réfugiés, synonyme
d'éradication de la notion même d'identité
palestinienne, l'Office se retrouvait 62 ans plus tard impliqué
42 Voir, résolution (37/120 I) de l'AGNU, (1982), UN Doc.
A/RES/37/120 I, paragraphe 2.
43 Voir, L.Takkenberg, «The Status of Palestinian Refugees
in International Law», Oxford, Clarendon Press, (1998), p. 283.
44Terme utilisé par le HCR.
45 Résolution du Conseil de sécurité, 605,
(1987), UN Doc. S/RES/605, paragraphe 6.
46 UNSG, Report Submitted to the Security Council by the
Secretary-General in Accordance with Resolution 605, (1987), UN Doc. S/19443
(1987), paragraph 28.
47 Résolution 48/40: "Aide aux réfugiés de
Palestine", (13 décembre 1993).
48 Voir Rapport du Commissaire général de l'UNRWA,
(19 juillet 1993-30 juin 1994), p. 2, par.5.
officiellement dans le processus de construction étatique
en marche en Cisjordanie et dans la bande de Gaza49.
Finalement et malgré son mandat limité, l'UNRWA
reste un organisme unique au sein du système des Nations Unies.
Conçue au début comme une organisation temporaire, avec
l'échec des mécanismes de l'ONU visant à traiter les
questions politiques du problème de la Palestine, l'UNRWA s'est
métamorphosée et a dü se réorienter dans une agence
à tout faire.
L'évolution de l'agence et la gamme de ces services
montrent qu'en l'absence d'une solution juste et durable au problème des
réfugiés, la situation dans laquelle l'organisme a
été créé a changé de façon
spectaculaire, et l'UNRWA n'est plus considérée comme une agence
temporaire visant à implanter les refugiés dans leur pays
d'accueil.
Après soixante deux ans de fonctionnement, l'UNRWA est
parvenue à représenter une sorte de stabilité dans la
région et est restée opérationnelle principalement parce
que le problème des réfugiés est resté actuel. La
présence de l'organisme continue d'être essentielle pour
répondre aux besoins humanitaires d'une population de
réfugiés palestiniens sans cesse croissante.
§2- L'UNRWA et le « Droit au Retour ».
L'UNRWA a toujours été entourée par des
débats controversés sur de nombreux domaines de son travail, si
bien qu'elle a dû constamment défendre sa façon de
gérer ses opérations.
Depuis le début du processus de paix en 1992, l'UNRWA a
été dans la ligne de mire, elle a dû faire face à
des revendications concurrentes. Israël a critiqué l'agence pour
politiser la question des réfugiés, et pour la maintenir vivante,
et donc perpétuer la situation des réfugiés, plutôt
que de la résoudre. Les Palestiniens ont eux-mêmes accusé
l'agence de tenter de les réinstaller contre leur volonté et
contre les termes de la résolution 194.
Créée dans le but d'aider les refugiés
palestiniens à la réinstallation, l'UNRWA s'est vue
accusée 62 ans plus tard d'avoir aidé à la
pérennité de l'idée du retour50.
En fait, l'UNRWA s'est très rapidement trouvée
enracinée dans l'environnement local des communautés de
réfugiés. Son implication directe en faveur de leurs droits
économiques et sociaux, et l'établissement de liens
privilégiés par le biais des services dispensés ainsi que
des rapports professionnels noués, constituent les bases de son
enracinement. Mais d'autres facteurs sont à prendre en compte, relatifs
à la façon dont ces communautés ont elles-mêmes
perçu et géré leurs relations avec l'Office.
49 J. Husseini, « L'UNRWA et les réfugiés :
Enjeux humanitaires, intérêts nationaux », dans « Le
Droit au Retour : le problème des refugiés palestiniens »,
E.Sanbar- F.Mardam-Bey, Actes Sud, (2002), p.214.
50 Un rapport en 2008 par Barry Rubin,Asaf Romirowsky, and
Jonathan Spyer, intitulé «UNRWA: Refuge of Rejectionism»,
décrit: «Since its inception, UNRWA has managed to transform itself
into the guardian of the refugees' isolation whereby the uniqueness of the
Palestinian refugees as far as an entity that cannot be assimilated into any
Arab country. UNRWA reinforced this sentiment by becoming the parental
supervisor for all things concerning refugees. This dependency also caused the
refugees not to get involved in politics but to have UNRWA, which means the PLO
and now Hamas, to be their advocate».
(
www.globalpolitician.com/24777-unrwa-palestinepalestinian-refugees)
Ce sont surtout les attributs politiques que les
réfugiés ont donné au mandat d'assistance de l'UNRWA.
Indifférents aux instructions données à l'Office sur les
concepts de réhabilitation socio-économique, les
réfugiés ont préféré voir dans ces services
le prix à payer par les Nations Unies pour leur responsabilité
directe dans leur exode ou, plus formellement, une obligation en attendant
qu'une solution équitable à leur problème, basée
sur les résolutions onusiennes, soit trouvée. En fait, au cours
des soixante deux dernières années, les réfugiés
ont agi comme une contrainte et parfois comme un frein dans la mise en oeuvre
des projets de l'UNRWA, en particulier ceux ayant pour but la
réinstallation.
Défendant la position de l'agence, l'ex-commissaire
général de l'UNRWA Karen Abu Zayd51, a affirmé
en 2008 que les activités humanitaires et le développement humain
de l'UNRWA n'ont pas un caractère politique et sont pratiques dans leur
orientation, déclarant que: « Pour être efficace l'UNRWA doit
être consciente de la complexité du contexte dans lequel la
condition des réfugiés de Palestine se trouve. Nous devons
comprendre que les causes, l'évolution et la résolution des
situations de réfugiés sont entraînées par les
courants découlant des intérêts perçus des Etats,
des concours pour l'influence internationale et du flux et reflux de la
géopolitique, entre les forces militaires et
économiques52.
L'importance que revêt aujourd'hui l'office pour les
réfugiés s'avère tenir autant des services accordés
que de leur valeur morale. A l'heure où, au nom d'un certain
réalisme, certaines voix s'élèvent en Israël et en
Occident pour imposer à nouveau un reglement économique permanent
de la question des réfugiés basé sur leur
réinstallation permanente, l'UNRWA et son réseau de services leur
apparaissent comme des témoins essentiels, voire comme l'incarnation de
la persistance de leur problème et de la nécessité de le
résoudre de manière politique, notamment par le retour des
réfugiés à leurs foyers. La nomination de l'UNRWA au prix
Nobel 2000 par une organisation non-gouvernementale palestinienne,
représente à cet égard un geste typique de l'attachement
à la fois humanitaire et politique des Palestiniens à
l'Agence53.
Bien qu'elle ait indirectement contribuée à la
consolidation de ce principe, la question de la défense du « droit
au retour » ne concerne pas directement l'UNRWA. Des le début, elle
a été fondée comme une organisation humanitaire
apolitique. Son pendant politique, créé par les Nations unies,
est la Commission de Conciliation toujours en service mais, qui depuis les
années 1960 se trouve dans un état comateux. La seule chose que
cette agence puisse faire est d'affirmer l'existence d'un lien
organique54 d'une part entre la résolution 194 qui
évoque le retour et la compensation des réfugiés, et
d'autre part la résolution 302 qui a crée l'UNRWA.
51 L'actuel Commissaire général de l'UNRWA est
Filippo Grandi.
52 Discours prononcé par Karen AbuZayd à Princeton,
(l6 May 2008), «Palestine refugees: exile, isolation and
prospects».
53 L'UNRWA, déclara alors l'ONG palestinienne dans un
communiqué de presse, "en est venue à représenter
l'intégrité à la fois humaine et juridique de la question
des réfugiés palestiniens"
54 C'est ce qu'elle a déjà fait par le biais des
déclarations de ses Commissaires généraux.
Pour Jalal Al Husseini55, « Le lien entre le
mandat d'assistance de l'UNRWA et la résolution 194 (III) est
indiscutable. Il est d'abord de nature organique, comme l'a souligné le
Commissaire général de l'UNRWA dans son rapport annuel
1986-198756 : la résolution 302 (IV) instituant l'UNRWA
découle directement des recommandations formulées dans la
résolution 194 (III). Cette résolution a en outre
été mentionnée dans toutes les résolutions
annuelles adoptées par l'AGNU sur l'UNRWA ».
Juridiquement, il y a sans doute un acheminement. Cela dit,
elle peut informer, prendre position sur des questions touchant au
déroulement de ses opérations, mais n'a pas vocation à
prendre des positions politiques de fond. Seule, la Commission de Conciliation
pourrait le faire, or cette dernière, comme on l'a vu, fut morte avant
même de naître.
§3- L'UNRWA et la Recherche des Solutions Durables
pour les Réfugiés Palestiniens.
Comme on l'a déjà vu, les palestiniens n'ont pas
la même protection que les autres réfugiés. Cependant,
cette protection s'avère être cruciale pour parvenir à une
solution durable aux problèmes de ces personnes.
Le mandat de protection de l'UNRWA a provoqué de graves
lacunes dans la protection internationale des réfugiés
palestiniens. Aucun organisme international n'est actuellement reconnu par la
communauté internationale comme ayant un mandat explicite de travailler
systématiquement à la réalisation des droits fondamentaux
de tous les réfugiés palestiniens et de rechercher à
appliquer des solutions durables conformes au droit international et à
la résolution 194 de l'AGNU.
Comme le souligne le Professeur Guy Goodwin-Gill57,
«...sans protection -telle que l'intervention pour assurer l'admission et
le non-refoulement des réfugiés- il ne peut y avoir de
possibilité pour trouver des solutions durables ».
Bien que les réfugiés palestiniens aient
été laissés en dehors du régime international des
réfugiés, des solutions durables pour ces réfugiés
devraient toutefois être abordés. Mais, est-ce que l'UNRWA serait
elle capable de jouer ce rôle ?
Selon Lex Takkenberg 58, « L'UNRWA est bien
placée pour combler cette lacune à cette jonction
particulière. Elle pourrait s'appuyer sur le travail accompli par le
CCNUP et rechercher de nouvelles orientations au travail du HCR, quoique le cas
de ce dernier ait montré que la participation à la recherche de
solutions durables n'est pas incompatible avec un mandat essentiellement
humanitaire. D'autre part, rendre l'UNRWA impliquée dans cette nouvelle
voie pourrait ouvrir de nouvelles perspectives ; cette agence pourrait
travailler avec l'autorité et les
55 J. Husseini, « L'UNRWA et les refugiés: Enjeux
humanitaires, intérêts nationaux », dans le livre « Le
Droit au retour : le problème des refugiés palestiniens »
par E.Sanbar-F.Mardam Bey, Actes Sud, (2002), p.225-226.
56 Rapport du Commissaire général de l'UNRWA, (1
juillet 1987-30 juin 1986), p. 2, par. 3.
57 Professeur de droit international des réfugiés
et Directeur de recherche à l'Institut des études
européennes de l'Université d'Oxford (Royaume-Uni).
58 L.Takkenberg, «The search for durable solutions for
Palestinian refugees» dans «Israel and the Palestinian
Refugees», E.Benvenisti-C.Gans-S.Hanafi, Max-Planck-Institut for
comparative Public Law and International Law, (2007), p. 382.
ONG palestiniennes pour faire participer les
réfugiés de façon plus systématique dans le
processus de paix ».
Jusqu'à présent, et à cause de cette
lacune dans le mandat de l'UNRWA, aucune initiative de l'ONU n'avait abouti
à un accord acceptable des deux parties en conflit. Depuis le milieu des
années 1980, les superpuissances mondiales ont réussi à
mettre l'ONU à l'écart du processus de paix. Cette organisation a
été incapable de jouer un rôle important depuis le
début de la deuxième « Intifada » palestinienne en
Septembre 2002.
La conséquence de l'absence d'un mandat pour la
recherche des solutions durables, fut qu'aucun accord international
satisfaisant n'a été trouvé.
Pour qu'un accord, résolvant les problèmes des
réfugiés conformément au droit international, puisse
être atteint dans le proche avenir, il faut combler la lacune de
protection des refugiés, et l'UNRWA est la mieux placée que pour
le faire.
Transformer le mandat de l'UNRWA afin qu'elle soit en mesure
de concevoir des solutions durables, aurait l'avantage d'être
approuvé par la communauté des réfugiés et des pays
hôtes, sans oublier que cette agence a le personnel possédant
l'expérience requise pour travailler avec les refugiés
palestiniens, et l'habitude de travailler dans des situations critiques propres
au conflit israélo-arabe.
Chapitre 2
L'Existence Juridique d'un « Droit au Retour
».
Le droit au retour des réfugiés palestiniens
constitue une question délicate qui ne peut être abordée
qu'à travers une analyse profonde du droit international.
Deux grandes catégories de règles permettent
d'établir le « droit au retour » des réfugiés
palestiniens dans leurs foyers.
Il y a d'abord les regles issues du droit international
général (Première Section).
Il y a une autre catégorie de regles dont la valeur
obligatoire est disputée : il s'agit des résolutions des
Nations-Unies (Deuxième Section).
Section 1
Les Principes Généraux du Droit
International
Les palestiniens exilés et jusqu'ici interdits de revenir
chez eux sont soutenus dans leur revendication d'un droit au retour par des
normes générales du droit international.
Gelles-ci sont à la base à la fois de l'exercice
individuel de ce droit, comme plusieurs branches du droit international
coutumier (sous-section une) et de l'exercice collectif du droit au retour,
comme un droit collectif articulé au droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes (sous-section deux).
§1- Les Réfugiés Palestiniens et le
Droit Individuel de Retour.
« Selon le droit international, tous les individus ont un
droit de retour.
Le droit de retour garantit à tous les individus un
droit fondamental de retourner dans leurs foyers (communément
appelés les «foyers d'origine») chaque fois qu'ils ont
été déplacés, en raison de circonstances
indépendantes de leur volonté »59.
Ce que l'on désigne par « droit de retour » dans
le cas des palestiniens, n'est en réalité qu'une pièce
d'un droit plus large, celui de disposer de la liberté d'aller et de
venir, un droit parmi ceux proclamés en faveur des individus par la
Charte Internationale des Droits de l'Homme. L'ensemble des règles qui
fondent ce droit se sont formées à la suite de la seconde guerre
mondiale dans une situation qui élucide fortement ce qui était
recherché : entamer un statut universel de l'humain et de ses
libertés et lui donner partout des garanties permettant que des
situations de violence, de malheur, d'indignités comme celles connues
par tant de personnes avant et pendant la guerre, ne puissent plus se
reproduire.
59 Ibid, p.5.
L'objectif de cette section est de démontrer qu'en
vertu du droit international, les réfugiés palestiniens de 1948
ont le droit de retourner dans leurs foyers d'origine à
l'intérieur de ce qu'on appelle aujourd'hui Israël.
Pour le faire, ce document passe en revue quatre sources du
droit international relatif au « droit au retour » individuel.
Le droit individuel de retour est ancré dans quatre
entités distinctes du droit international: le droit de la
nationalité, le droit humanitaire, les droits de l'homme et le droit des
réfugiés.
1-Le « Droit au retour >> et le Droit de la
Nationalité Relatif à l'Ordre de Succession des Etats60 .
La loi de la nationalité est une branche de la «
loi des nations », qui régit les obligations entre Etats, cette loi
soutient le droit des réfugiés palestiniens au retour par les
principes et règles suivants :
1.1- Les limites à la liberté des
États dans la régulation du statut de leur
nationalité.
Le premier principe pour le «droit au retour», est
celui de la liberté des Etats dans la régulation du statut de
leur nationalité, c'est-à-dire dans l'attribution ou le retrait
de la nationalité à un individu.
Cependant, les limites de cette liberté sont clairement
définies sous le Droit International. La liberté des Etats
à réguler le statut de leur nationalité n'est reconnue par
le Droit International que dans la mesure où cette liberté
n'enfreint pas ce dernier.
Ce principe est reconnu universellement, et a
été réaffirmé en 1923 par une étude rendue
publique par la Cour Permanente Internationale de Justice61; en 1930
dans la convention de Hague62 concernant certaines questions
relatives aux lois sur les conflits de nationalités, et par la Cour
Internationale de Justice en 195563 ; il a également
été clairement formulé par divers organes des Nations
Unies, y compris la Sixième Commission (juridique) de l'Assemblée
générale64 et le Haut Commissariat pour les
réfugiés65.
60 Nous nous inspirons dans la répartition de cette
partie de l'article de Gail Boling, «The 1948 Palestinian Refugees and the
Individual Right of Return, an International Law Analysis», BADIL, Seconde
Edition: Juillet 2007.
61 Décrets de nationalité en Tunisie et au
Maroc, avis consultatif, CPJI, 1923, indiquant que «dans l'état
actuel du droit international, les questions de nationalité sont, en
principe, au sein de la compétence nationale des Etats
réservés», mais la qualification de la déclaration
par l'expression «en principe» à prévu des cas
où le droit international serait pertinent à la
détermination du statut de nationalité et peut renverser les
décisions du droit interne.
62 Convention concernant certaines questions relatives aux
conflits de lois sur la nationalité, la Ligue des Nations Recueil des
Traités, vol. 179 (1930). L'article I énonce qu'il appartient
à chaque Etat de déterminer par sa législation quels sont
ses ressortissants. Cette législation doit être reconnue par
d'autres États dans la mesure où elle est conforme aux
conventions internationales, coutumes internationales et principes de droit
généralement reconnus en matière de nationalité.
Id., art. I
63 Affaire Nottebohm, 1955 CIJ , énonce le principe que
la détermination d'un Etat en ce qui concerne l'octroi du statut de la
nationalité peut seulement être reconnue par d'autres Etats, si
celle-ci est dans le cadre des normes internationales relatives à
l'existence d'un «lien substantiel» entre l'individu et
l'état.
64 « Assemblée générale documents
officiels », 51eme session, la Commission du droit international, 48e
session, deuxième rapport sur la succession d'Etats et son impact sur
la nationalité des personnes physiques et morales, p. 9, U.N.
Doc. A/CN.4/474,1996, (observing that in the UN General Assembly Sixth
Committee debate, «it was generally recognized that, while
Le droit international fournit une norme qui sert à
mesurer l'existence des « liens étroits et durables " entre une
personne et « son propre pays " par l'ensemble des critères
énoncés en 1955 par la Cour Internationale de Justice.
Dans l'arrêt historique rendu dans l'affaire «
Nottebohm " sur la détermination de la nationalité, la cour a
considéré que l'existence de liens «réels" et
«effectifs" entre un individu et un Etat était basée sur
« (...) un rattachement, un lien réel d'existence,
d'intérêts et de sentiments ". La Cour a également fait
observer : « Les éléments [pris] en considération
sont divers et leur importance varie d'un cas à l'autre : il y a le
domicile de l'intéressé, mais aussi le siège de ses
intérêts, ses liens de famille, sa participation à la vie
publique, l'attachement à un pays manifesté par
l'éducation des enfants, etc. " Parmi les autres critères
cités par la cour figurent les traditions culturelles, le mode de vie,
les activités et les intentions pour l'avenir proche. Les
critères fixés par la cour sont également pertinents pour
déterminer le « propre pays " d'un individu dans la mesure
où ils sont considérés comme étant la norme pour
mesurer l'existence effective des liens entre l'individu et l'Etat.
Selon le droit de nationalité, les Etats sont
limités dans leur liberté domestique de régulation du
statut de nationalité par plusieurs obligations additionnelles en vertu
du droit international, comme il est présenté ci-dessous.
1.2- La Loi de succession d'Etats.
La Loi de Succession d'Etats s'applique lorsqu'un territoire
subit un changement de souveraineté66. Ce principe exige que
le nouvel Etat souverain offre aux habitants habituels du territoire
géographique subissant le changement de souveraineté, sa
nationalité.
En vertu de la loi, les habitants67 du territoire
géographique relevant de la souveraineté du nouvel Etat se voient
offrir la nationalité de ce dernier. Plus encore, cette regle s'applique
indépendamment de la présence ou de l'absence physique sur le
territoire concerné, des habitants habituels, au moment du changement de
souveraineté. Cette règle constitue une norme coutumière,
elle lie68 tous les pays et s'applique à tous les
Etats69.
nationality was essentially governed by internal law, certain
restrictions on the freedom of action by States derived from international
law»).
65 UNHCR, Regional Bureau for Europe, Division of
International Protection, «The Czech and Slovak Citizenship Laws and the
Problem of Statelessness», (February 1996) (stating that «Nationality
matters fall within the sovereign domain of each State and it is for each State
to define the rules and principles governing the acquisition and loss of
nationality provided these rules do not contradict international law»).
66 I. Brownlie, «Principles of Public International
Law», Oxford: Clarendon Press, (1990), p. 654.
67 Communément dénommés "résidents
habituels": «Habitual residents» are inhabitants of a
particular geographical area whose long-term residence there has established
that area as their place of permanent residence, containing their homes of
origin. Regarding the selection of the concept of «habitual
residents» as the operative concept upon which to base the rules of the
law of state succession, see General Assembly Resolution A/RES/55/153, (12
December 2000), «Articles on Nationality of Natural Persons in Relation to
the Succession of States,» which endorsed the International Law
Commission's choice of «habitual residents» as the operative
concept.
68 Voir par exemple: UNHCR , «Comment: UNHCR and Issues
Related to Nationality,» Vol. 14, no. 3 Refugee Survey Quarterly ,
91, 102, (1995), (stating that «State practice internationally
reinforces the rule that, in principle, the population goes with the territory
and, therefore, receives nationality corresponding with residency»).
69 Article 14 des Articles sur la nationalité des
personnes naturelles en relation avec la succession d'État.
L'Assemblée générale a adopté
70 un ensemble de principes juridiques qui montrent que selon les
règles de la loi de succession d'Etats, les réfugiés
palestiniens de 1948 ont le droit absolu de retourner dans leurs foyers
d'origine à l'intérieur des lignes d'armistice de 1949. Ces
principes sont appelés les « articles sur la nationalité des
personnes physiques en relation avec la succession d'Etats ».
Ils ont été préparés par la
Commission du Droit International (CDI), qui est un organe onusien d'experts
juridiques chargés de clarifier des sujets spécifiques du droit
international qui lui sont confiés par l'Assemblée
générale pour les étudier. L'Assemblée
générale a adopté les articles de la CDI sur la
Nationalité/Succession d'États textuellement comme ils sont
présentés par celle-ci71 à l'Assemblée
générale, et a demandé aux États de les suivre dans
leur pratique sur l'attribution de nationalité dans le cadre de la
succession d'Etats72.
Ainsi, les articles de la CDI sur la
Nationalité/Succession d'Etats reflètent une règle
contraignante du droit international coutumier, puisque leur but est de
clarifier l'application de certaines règles du droit de la succession
d'Etats.
Article 14 (2) des articles de la CDI sur la
Nationalité/Succession d'Etats énumère
spécifiquement un «droit de retour» dans la loi de succession
d'Etats pour tous les résidents habituels d'un territoire objet d'un
changement de souveraineté. Ce «droit de retour» est
basé uniquement sur le statut d'une personne à titre de
résident habituel sur le territoire objet du changement de
souveraineté:
Article 14 : Statut de résident habituel
« 1. La succession d'États n'affecte pas le statut
des personnes concernées en tant que résidents habituels.
2. Un État concerné doit prendre toutes les
mesures nécessaires pour permettre aux personnes concernées qui,
en raison d'événements liés à la succession
d'États, ont été forcées de quitter leur
résidence habituelle sur son territoire d'y retourner
»73.
On peut déduire de cet article :
Premièrement, que le «droit au retour» est
indépendant de la nationalité des résidents habituels
à qui il est conféré (dans ce cas, la nationalité
n'est pas un élément requis à l'existence du `droit de
retour'), que le droit de retour s'applique par ses termes à tous les
résidents habituels d'un territoire géographique donné qui
est l'objet d'un changement de souveraineté, même s'ils
étaient effectivement en dehors du territoire géographique
concerné dans la réelle « date de succession ».
Deuxièmement, que la mise en oeuvre de l'article 14 (2)
est obligatoire pour tous les États successeurs, comme cela est
indiqué par l'utilisation du mot « doit ».
70 Voir, Assemblée générale
résolution A/RES/55/153du 12 Décembre 2000, «Articles sur la
nationalité des personnes physiques en relation avec la
succession».
71 Voir le rapport de la Commission du droit international sur
les travaux dans sa cinquante et unième session,( 3 mai - 23 Juillet
1999).
72 Voir Assemblée Générale résolution
A/RES/55/153 (12 Décembre 2000).
73 Voir, CDI, «Articles sur la nationalité des
personnes physiques en relation avec la succession», art. 14.
L'article 5 des articles de la CDI sur la
Nationalité/Succession d'États présente la même
règle que l'article 14 (2), mais, il la formule dans la langue
traditionnelle de la loi de la nationalité. Article 5:
Présomption de nationalité
« Sous réserve des dispositions des
présents articles, les personnes concernées qui ont leur
résidence habituelle sur le territoire affecté par la succession
d'États sont présumées acquérir la
nationalité de l'État successeur à la date de cette
succession »74.
Il est évident que les réfugiés
palestiniens de 1948 sont concernés par cet article, parce qu'ils ont
leur résidence habituelle sur le territoire qui a subi le changement de
souveraineté et auraient dû être considérés
automatiquement comme ressortissants de l'Etat successeur (Israël) et
acquérir la nationalité de ce dernier à compter de la date
de la succession.
1.3- La mise en oeuvre du « Droit de Retour »
est une obligation due par un Etat à tous les autres Etats.
En vertu de la loi de la nationalité, l'obligation de
mettre en oeuvre le « droit de retour » des personnes est due par un
Etat pour tous les autres Etats.
La règle est que les Etats sont tenus de
réadmettre leurs propres ressortissants (par exemple, permettre
d'exercer leur `droit au retour'), y compris les personnes temporairement
déplacées en cas de succession d'Etats, parce que, refuser de le
faire équivaudrait à imposer à un autre pays une
obligation de recevoir ou d'accueillir l'individu rejeté. Ce principe
est connu comme la « règle de réadmission ».
La règle repose sur le principe selon lequel un Etat ne
peut choisir de rejeter ou de laisser brin un ressortissant hors de ses
frontières en refusant sa réadmission, parce qu'une telle action
serait imposer un fardeau inacceptable à un autre Etat (recevant) pour
qu'il accepte la personne en détresse75.
1.4- L'interdiction de dénationalisation.
Il existe une autre règle coutumière
contraignante en vertu de la loi de la nationalité connue sous le nom
d'« interdiction de la dénationalisation ». Cette règle
interdit un Etat d'utiliser la révocation du statut de la
nationalité (dénationaliser) comme le moyen d'éviter la
réadmission de ses propres ressortissants. En outre, comme la
règle de la réadmission, elle avait atteint le statut coutumier
bien avant les événements de 1948.
L'interdiction de la dénationalisation existe dans un
projet de convention internationale datant de 193076 et faisant
autorité dans diverses déclarations
régionales77 et dans des résolutions d'organes des
Nations Unies78.
74Voir, CDI, «Articles sur la nationalité
des personnes physiques en relation avec la succession», art. 5.
75G. Boling, «The 1948 Palestinian Refugees and
the Individual Right of Return», BADIL Resource Center, p.41.
76 Research in International Law, Harvard Law School,
«Nationality, Responsibility of States, Territorial Waters: Drafts of
Conventions Prepared in Anticipation of the First Conference on the
Codification of International Law, The Hague, (1930),» The Law of
Nationality, 23 American Journal of International Law 13, 16 (1929)
(Article 20, of which, provides that «A State may
La dénationalisation est interdite en vertu du droit
international, dans le cas d'une instance unique affectant une seule personne.
Son interdiction est donc beaucoup plus forte quand elle est mise en oeuvre sur
une grande échelle et quand le gouvernement agissant de la sorte a
l'intention de chasser toute une classe importante de ressortissants de
l'organisme politique de l'Etat. Mais paradoxalement, à travers sa
« loi sur la nationalité », qui a été
adoptée en 1952, Israël a interdit tous les réfugiés
palestiniens de retourner dans l'Etat d'Israël. La Loi israélienne
de 1952 sur la nationalité pour les «non-Juifs » viole
complètement la règle de la loi de la nationalité
interdisant la dénationalisation.
Israël a deux lois régissant la
citoyenneté: une pour les juifs et une autre pour les non-juifs. La loi
conférant la citoyenneté des Juifs est la loi du
retour79, elle fournit automatiquement la citoyenneté
israélienne à tout Juif dans le monde qui désire immigrer
en Israël80.
En revanche, la loi de 1952, celle de la nationalité
pour les non-juifs, impose des exigences strictes. Ainsi, les personnes
demandant la nationalité (ou citoyenneté) fondée sur la
présente loi doivent répondre à trois conditions:
- avoir résidé en Israël le jour de sa
fondation;
- y avoir résidé le jour où la loi sur la
nationalité est entrée en vigueur ;
- avoir été enregistré en tant que tel dans
un registre spécifique.
De ce fait, la grande majorité des
réfugiés palestiniens de 1948 se sont rendus incapables de
répondre à cette loi dure qui exigeait leur présence
physique en Israël et les empêchait à jamais de retourner
à domicile et d'acquérir la citoyenneté
israélienne, leur refusant par conséquent d'être entendu
par la justice pour mettre en question la légalité de la loi
israélienne sur la nationalité.
Toutefois, le droit interne ne peut pas l'emporter sur le
droit international coutumier et « la loi de retour » d'Israël
enfreint les obligations légales envers les réfugiés
palestiniens et viole les normes internationales contre la
dénationalisation arbitraire et la discrimination.
not refuse to receive into its territory a person, upon his
expulsion by or exclusion from the territory of another State, if such person
is a national of the first State or if such person was formerly its national
and lost its nationality without having or acquiring the nationality of any
other State»).
77La Déclaration de Strasbourg,
ratifiée le 26 novembre 1986 garantit les droits de tout être
humain de quitter un pays, et en particulier son pays d'origine, ainsi que le
droit d'y retourner, art. 6, para. (b).
78 Draft Principles on Freedom and Non-Discrimination in
Respect of Everyone to Leave Any Country, Including His Own, and to Return to
His Country, U.N. Sub commission on Prevention of Discrimination and Protection
of Minorities, Res. 2B(XV), U.N. Doc. E/CN.4/846 (1963) p. 44 at p. 46
(paragraph II(b) of which states «No one shall be arbitrarily deprived of
his nationality... as a means of divesting him of the right to return to his
country»).
79 Voir, Les lois de l'État d'Israël 114 (1950).
80 Les lois de l'État d'Israël 114 (1950) L'article 1
de la loi dispose: «Tout Juif a le droit de venir dans ce pays
(Israël) comme un oleh (immigrant juif)".
2- Le « Droit au Retour » dans le Droit
International Humanitaire.
Le « droit de retour » est également
enraciné dans le droit international humanitaire ; ce dernier
étant l'organisme du droit réglementant ce que les Etats sont
autorisés à faire pendant la guerre. Les règlements de La
Haye annexés à la Convention de 1907 de La Haye (IV) concernant
les lois et coutumes de la guerre sur terre 81 (qui sont
universellement reconnus, y compris par Israël, d'avoir obtenu le statut
coutumier en 1939) 82 et la 4eme Convention de
Genève83 (à laquelle Israël est signataire),
prévoient tous les deux le droit de retour des personnes
déplacées dans leurs foyers après la cessation des
hostilités. Ainsi, le droit de retour existe comme une norme
contraignante du droit humanitaire, et Israël est dans l'obligation de
s'assurer de sa mise en oeuvre.
Le droit international humanitaire a défini de
manière certaine l'interdiction du transfert des populations (2.1), la
protection des personnes déplacées (2.2), le droit au retour
(2.3) et le respect des biens appartenant aux réfugiés (2.4).
2.1 - Interdiction du transfert des populations.
L'interdiction de l'expulsion forcée a son fondement
dans l'article 46 (1) du Règlement de La Haye84. Pierre
Mounier -un procureur adjoint pour les Alliés dans la poursuite
pénale des dirigeants nazis devant le Tribunal Militaire International
(TMI) de Nuremberg-, a déclaré dans ses arguments d'ouverture le
20 Novembre 1945 que la déportation a violé l'article 46 du
Règlement de La Haye, ainsi que le droit international coutumier en
général85. Pour cette raison, la Charte du Tribunal
militaire international (TMI)86 a inclus l'exportation dans la
définition des crimes de guerre87 et des crimes contre
l'humanité88. L'interdiction du retour des personnes
81 Voir, Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et
coutumes de la guerre sur terre. La Haye, (18 Octobre 1907).
82 La Haute Cour israélienne a statué
régulièrement, à commencer par la fameuse affaire Eichmann
1962, que le Règlement de La Haye constitue un droit international
coutumier et lie Israël. Voir, Attorney-General of the Government of
Israel v. Adolf Eichmann, 36 International Law Reports p. 293, (29 May 1962).
Cette décision a été depuis confirmée de
façon constant; voir, Hilu v. The Government of Israel, HC 302/72, HC
306/72, 27 Piskei Din [2] 169; Ayyoub v. Minister of Defence, HC 606/78,
610/78, 33 Piskei Din [2] 113; A Teacher's Housing Cooperative Society v. The
Military Commander of the Judea and Samaria Region, HC 393/82, 37 Piskei Din
[4] 785, 793.
83Voir, La Convention de Genève relative
à la protection des personnes civiles en temps de guerre, actuellement
en vigueur, fut signée le12 août 1949. Elle est aussi
appelée la « quatrième Convention de Genève
».
84 Convention de la Haye (IV) Article 46 :L'honneur et les
droits de la famille, la vie des individus et la propriété
privée, ainsi que les convictions religieuses et l'exercice des cultes,
doivent être respectés. La propriété privée
ne peut pas être confisquée ».
85Trial of the major war criminals before the
International Military Tribunal, Nuremberg 1945-46, at 49 (42 vols. 1947-49),
statement of Pierre Mounier, assistant prosecutor for the French Republic, in
opening remarks on 20 November 1945: «These deportations were contrary to
the international conventions, in particular to Article 46 of the Hague
Regulations, 1907, the laws and customs of war, the general principles of
criminal law as derived from the criminal laws of all civilized nations, the
internal penal laws of the countries in which such crimes were committed, and
to Article 6(b) of the Charter of the International Military Tribunal at
Nuremberg».
86 Charter of the International Military Tribunal, Annexed to
the London Agreement for the Prosecution and Punishment of the Major War
Criminals of the European Axis, 1945, reproduced in D. Schindler & J. Toman
(eds.), the laws of armed, 3d edition, (1988).
87 Dans l'article 6 (b) de la Charte de la TMI.
88 Dans l'article 6 (c) Ibid.
expulsées de force a été de même
condamnée pour son caractère illégal89. Par
conséquent, les Règlements de La Haye ont été
définitivement interprétés par les procureurs du TMI pour
inclure le «droit au retour» en cas d'expulsion par la force dans le
droit humanitaire coutumier. L'interdiction, pour un Etat, de déporter
ou de transférer une partie de sa population civile dans un territoire
qu'il occupe apparaît dans trois articles de la 4eme Convention de
Genève.
L'article 4590 limite strictement les circonstances
dans lesquelles des personnes protégées pourront être
transférées provisoirement (par exemple, seulement pour les soins
d'un autre Etat signataire de la quatrième Convention de Genève)
et exige catégoriquement le rapatriement des personnes
protégées à leur résidence après la
cessation des hostilités.
L'article 49, alinéa 6 de la 4eme Convention de
Genève91, définit cette pratique comme étant
une violation grave du droit international humanitaire et par le Protocole
additionnel I92 et le Statut de la Cour Pénale
Internationale,93 sanctionne comme crime de guerre « le
transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d'une partie de sa
population civile, dans le territoire qu'elle occupe ». L'ONU, de
manière régulière, a rappelé au respect de ces
regles.
L'article 147 de la Quatrième Convention de
Genève définit les infractions graves à la Convention
comme des violations soumises à des sanctions pénales par tous
les autres Etats qui ont signé cette Convention. En effet, les
déportations et les transferts forcés de populations sont
classés comme des infractions graves94. Également, en
vertu de la théorie développée par les procureurs au TMI
de Nuremberg, bloquer délibérément le droit de retour des
personnes expulsées de force s'inscrit dans le cadre d'une violation
grave de la Quatrième Convention de Genève.
Les tentatives de modifier la composition démographique
d'un territoire occupé ont notamment été condamnées
par le Conseil de sécurité de l'ONU à propos de
l'ex-Yougoslavie ; notamment, par la résolution 752 du 15 mai 1992.
D'ailleurs, le Conseil de sécurité a appelé toutes les
parties à renoncer aux expulsions forcées du lieu où
vivent les personnes et a condamné toute action visant à changer
la composition ethnique de la population. Pour le rapporteur spécial
des
89 Trial of the major war criminals before the International
Military Tribunal, Nuremberg, 1945-46, at 596 (42 vols. 1947-49) (Captain S.
Harris, assistant prosecutor for the United States, introduced evidence on 14
December 1945 on the illegality of preventing the return of forcibly expelled
persons: «The first expulsion action was carried out in Alsace in the
period from July to December 1940; in the course of it, 105,000 persons were
either expelled or prevented from returning»).
90 Article 45 : « Les personnes protégées
ne pourront être transférées à une Puissance non
partie à la Convention. Cette disposition ne saurait faire obstacle au
rapatriement des personnes protégées ou à leur retour au
pays de leur domicile après la fin des hostilités ».
91Article 49 al. 6 : « La Puissance occupante
ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d'une
partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle
».
92 Protocole additionnel a la 4eme Convention de Genève,
(Protocole I), 8 juin 1977.
Art. 85 Part.4 : « Outre les infractions graves
définies aux paragraphes précédents et dans les
Conventions, les actes suivants sont considérés comme des
infractions graves au Protocole lorsqu'ils sont commis intentionnellement et en
violation des Conventions ou du présent Protocole :
a) le transfert par la Puissance occupante d'une partie de sa
population civile dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation
ou le transfert à l'intérieur ou hors du territoire occupé
de la totalité ou d'une partie de la population de ce territoire, en
violation de l'article 49 de la IVe Convention ;
b) tout retard injustifié dans le rapatriement des
prisonniers de guerre ou des civils »
93 Voir, Statut de Rome de la cour pénale internationale,
Art. 8, par. 2.
94 4eme convention de Genève, art. 147:« Les
infractions graves (...) sont celles qui comportent l'un ou l'autre des actes
suivants, s'ils sont commis contre des personnes ou des biens
protégés par la Convention : (...) la déportation ou le
transfert illégaux »
Nations Unies sur les transferts de populations, «
l'implantation de colons » est un acte illicite qui met en jeu la
responsabilité de l'État et la responsabilité
pénale des individus95.
La 24eme Conférence Internationale de la Croix-Rouge a
affirmé que « les colonies de peuplement installées dans les
territoires occupés sont incompatibles avec les articles 27 et 49 de la
4eme Convention de Genève »96.
En 1946, le Tribunal Militaire International de Nuremberg a
conclu à la culpabilité de deux des accusés pour tentative
de « germanisation » des territoires occupés97.
2.2 -- Protection des personnes déplacées.
Selon l'article 49 alinéa 3 de la 4eme Convention de
Genève, une autorité occupante qui opère une
évacuation pour garantir la sécurité de la population
civile ou pour de pressantes raisons militaires « devra faire en sorte,
dans toute la mesure du possible, que les personnes protégées
soient accueillies dans des installations convenables, que les
déplacements soient effectués dans des conditions satisfaisantes
de salubrité, d'hygiène, de sécurité et
d'alimentation et que les membres d'une même famille ne soient pas
séparés les uns des autres ».
Aux termes du Protocole additionnel II98, si des
déplacements de la population civile sont ordonnés pour assurer
la sécurité des personnes civiles ou pour des raisons militaires
impératives, « toutes les mesures possibles seront prises pour que
la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes (...)
». Sur un autre plan, le Protocole additionnel II99 exige que
« toutes les mesures appropriées soient prises pour faciliter le
regroupement des familles momentanément
séparées»100 et le Conseil de
sécurité a appelé au respect de cette règle dans
tous les conflits armés101.
La Convention relative aux droits de l'enfant102
ajoute que « les États parties veillent à ce que l'enfant ne
soit pas séparé de ses parents contre leur gré
»103.
95 Sous-commission de la lutte contre les mesures
discriminatoires et de la protection des minorités (de la Commission des
Nations Unies pour les droits de l'homme), Rapporteur spécial sur les
transferts de population, y compris l'implantation de colons et de colonies,
considérés sous l'angle des droits de l'homme, rapport final, UN
Doc. E/CN.4/Sub.2/1997/23, (27 Juin 1997), par.16, 64-65.
96 Voir, 4eme Conférence internationale de la Croix-Rouge,
Manille 7-14 Novembre 1981, Res. III, par. 5.
97 Voir, TIM de Nuremberg, jugement du 1 Octobre 1946, p. 238,
261, 295 et 335.
98 Voir, Art. 17, par. 1
99 Art. 4, par. 3, all. b.
100 La règle qui exige que des mesures soient prises pour
protéger la population civile en cas de déplacement se retrouve
dans des accords conclus entre les parties aux conflits armés en
Bosnie-Herzégovine, au Mozambique et au Soudan.
101 Conseil de sécurité, Résolution 361, 30
aout 1974, par. 4 ; Résolution 752, 15 Mai 1992, par. 7;
Résolution 1040, 29 Janvier 1996, préambule.
102 Voir, Art. 9, par. 1
103 Voir à ce sujet, G. Devers, « Les
réfugiés palestiniens et le droit au retour », Centre de
recherche sur la mondialisation, (8 septembre 2010).
2.3 -- Droit au retour.
L'article 49 de la 4eme Convention de Genève, stipule
dans son alinéa 2, que « la population ainsi évacuée
sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités
dans ce secteur auront pris fin ». Le Conseil de Sécurité de
l'ONU, l'AGNU et le Conseil des Droits de l'Homme ont rappelé à
diverses reprises le droit des réfugiés et des personnes
déplacées de retourner à leur foyer librement et dans la
sécurité.
Les refugiés devraient être capables de retourner
dans la sécurité et sans discrimination. L'ensemble des principes
du droit international humanitaire qui protègent les personnes civiles
doivent s'appliquer aux réfugiés qui vont retourner dans leurs
foyers d'origine104.
2.4 -- Le respect des biens appartenant aux
réfugiés.
Le droit de propriété des refugiés doit
être respecté. La propriété et les biens soustraits
aux refugiés en 1948 doivent être préservés de la
destruction, pareil aux confiscations, acquisitions ou utilisations injustes et
illégales.
En plus des lois et procédures spécifiques
réservées aux refugiés, la législation de
l'intégralité des pays du monde garantit une forme de protection
contre la saisie arbitraire ou illégale des biens, qui est
assurément un principe général de droit.
« La question des droits de propriété des
personnes déplacées a suscité une attention toute
particulière dans les conflits récents, avant tout dans le
contexte des conflits dans l'exYougoslavie, mais aussi en Afghanistan, à
Chypre, en Colombie, en Géorgie et au Mozambique105. Dans le
contexte des conflits de l'ex-Yougoslavie, des traités et d'autres
instruments ont affirmé que les déclarations et les engagements
relatifs aux droits de propriété faits sous la contrainte sont
nuls et non avenus106.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a notamment
adopté en 1995 une résolution dans laquelle il demandait à
la Croatie «d'abroger toute disposition fixant un délai avant
l'expiration duquel les réfugiés devraient rentrer en Croatie
afin de récupérer leurs biens''107.
On retrouve des dispositions de ce type dans l'accord
général de Paix signé pour le Mozambique en 1992, avec
l'article IV (e) 108 : « Les personnes réfugiées ou
déplacées sont garanties d'obtenir la restitution de leurs biens
encore existants ou du droit d'agir en justice pour obtenir la restitution de
leur propriété'' » 109.
104 Comité exécutif du HCR, conclusion n° 18
(XXXI) : rapatriement librement consenti, (16 Octobre 1980), partie f.
105 Accord quadripartite sur le rapatriement librement
consenti des réfugiés et des personnes déplacées de
Géorgie (1994), partie 3, all. 1 g) ; Accord sur les
réfugiés et les personnes déplacées, annexe 7 de
l'accord cadre général pour la paix en BosnieHerzégovine,
(1995), art. premier, partie 1 ; Agreement on the Normalisation of Relations
between Croatia and the FRY, art. 7.
106 Voir, p. ex., Accord sur les réfugiés et les
personnes déplacées, annexe 7 de l'accord cadre
général pour la paix en BosnieHerzégovine (1995), art.
XII, partie 3 ; Recommandations sur la situation des civils en Bosnie et en
Herzégovine, (1992), partie 4(c) ; Déclaration commune des
Présidents de la République fédérative de
Yougoslavie et de la République de Croatie, septembre (1992), partie
6.
107 Conseil de sécurité, Résolution 1019, (9
Novembre 1995), Par.7.
108 Accord général de paix pour le Mozambique,
(1992), Protocole III, Section IV, par. e.
109 G. Devers, « Les réfugiés palestiniens et
le droit au retour », Centre de recherche sur la mondialisation, (8
septembre 2010).
3- Le « Droit au Retour » et le Droit
International des Droits de l'Homme.
Les droits de l'homme sont un concept selon lequel tout
être humain indépendamment de sa condition sociale, a des droits
« inhérents à sa personne, inaliénables et
sacrés », et donc opposables en toutes circonstances à la
société et au pouvoir.
Les droits de l'homme qui attribuent des droits directement
aux individus et non par les Etats, contiennent également le «droit
de retour». Ce droit qui existe comme une obligation contraignante pour
les Etats dans la loi de la nationalité telle qu'elle est
appliquée à la succession d'Etats et dans le droit humanitaire, a
donc son corollaire comme droit individuel détenu en vertu du droit
international des droits de l'homme.
Le « droit de retour » individuel se trouve dans un
vaste éventail de traités internationaux et régionaux des
droits de l'homme dont il est une règle coutumière, si bien que,
vu son importance pour les individus, une obligation correspondante liant tous
les États garantit sa pleine application.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(DUDH), que l'Assemblée générale a adopté en 1948,
(un jour avant la résolution 194), est le fondement du droit individuel
de retour dans les lois de droits de l'homme.
L'article 13(2) de la DUDH prévoit le «droit au
retour» comme suit :
« Toute personne a le droit de quitter tout pays, y
compris le sien, et de revenir dans son pays »110.
« En tant que recommandation dépourvue de
caractère juridiquement obligatoire, la Déclaration universelle
ne peut être source d'obligations pour les Etats. Il n'en reste pas moins
que plusieurs énoncés de la Déclaration peuvent
parfaitement avoir une valeur normative111et relever du droit
coutumier, spécialement lorsque les principes proclamés par la
Déclaration constituent de simples rappels de règles
coutumières ou lorsque leur enracinement progressif dans la pratique
internationale leur fait progressivement acquérir la qualité de
règles coutumières. Elles peuvent parfois même avoir valeur
de normes impératives112.
En mettant l'accent sur la qualité de droits
fondamentaux énoncés dans la Déclaration, la Cour accepte
de donner, à certains d'entre eux tout au moins, un caractère
indérogeable, dont l'assimilation au jus
cogens113 est incontestable.
Au minimum, par application du principe de la bonne foi, les
Etats membres de l'ONU doivent s'abstenir de toutes mesures susceptibles de
remettre en cause les énoncés de la Déclaration.
110 On notera que la formule "et de revenir dans son pays" a
été introduite à la suite d'un amendement proposé
par le Liban.
111 CIJ, Avis consultatif de 1996, Licéité de la
menace ou de l'emploi d'armes nucléaires.
112 Dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéran, la CIJ a ainsi estimé que "le
fait de priver abusivement de leur liberté des êtres humains et de
les soumettre, dans des conditions pénibles, à une contrainte
physique est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des
Nations Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme"
113 Le jus cogens regroupe les normes impératives de
droit international général. Cette notion est définie par
la Convention de Vienne du 23 mai 1969, dans son article 53 : « Aux fins
de la présente Convention, une norme impérative de droit
international général est une norme acceptée et reconnue
par la communauté internationale des États dans son ensemble en
tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui
ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit
international général ayant le même caractère.
»
Tout Etat membre est en droit de l'appliquer et sa
responsabilité internationale ne saurait être recherchée
s'il agit conformément à cette résolution
"114.
Toutes les conventions internationales et régionales
suivantes ont confirmés l'importance même du «droit de
retour». Par exemple, le Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques (PIDCP)115 a intégré le droit individuel de
retour dont il a hérité de la DUDH, et qui donne force de loi
à de nombreux droits énoncés par la DUDH dont l'article 12
(4) dispose : « Nul ne peut être arbitrairement privé du
droit d'entrer dans son propre pays".116
Le droit de retourner dans son pays est de la plus haute
importance pour les réfugiés qui demandent un rapatriement
librement consenti. Il implique également l'interdiction des transferts
forcés de populations ou d'expulsions massives vers d'autres
pays117.
Israël a adhéré à ce pacte en 1991,
et refuse de reconnaître l'application de cet article aux
déplacements forcés opérés en 1948. En fait,
à l'argument de l'application du principe dans le temps, il y a un
contre-argument. Le pacte international explicite une règle du droit
international qui a une valeur coutumière ; en conséquence, cette
règle est rétroactive dans la mesure où elle
préexiste au Pacte. Son application est donc recevable pour toutes les
expulsions opérées en 1948118.
Le libellé du «droit de retour» en vertu de
l'article 12 (4) du PIDCP, qui utilise le terme « entrer " plutôt
que « retour " est plus large que la formulation du droit en vertu de la
DUDH. Ainsi, la formulation du PIDCP sur le droit au retour tiendrait compte de
la situation des réfugiés palestiniens de la deuxième,
troisième ou quatrième génération.
L'article 12 (4) du PIDCP utilise l'expression « son
propre pays " pour définir la destination ou bien le lieu où le
«droit au retour» doit être exercé.
En Novembre 1999, le Comité des Droits de l'Homme a
émis L'"Observation générale n ° 27"119,
interprétant d'une manière générale l'article 12 et
de façon particulière le « droit de retour " dans l'article
12(4).
L'observation générale n ° 27 confirme
définitivement l'applicabilité du «droit de retour» de
l'article 12 (4) dans le cas des réfugiés palestiniens de
1948.
Le Comité des Droits de l'Homme qui contrôle
l'application du PIDCP, a donné une interprétation
autorisée de l'expression « son propre pays " qui précise
quelles sont les personnes habilitées à exercer le « droit
au retour ". Le Comité affirme que ce droit s'applique même dans
le cas des territoires contestés ou qui sont passés sous le
contrôle d'un autre pays. De plus, il a fait l'observation suivante au
paragraphe 20 :
114 E. Canal-Forgues, « Le Droit au Retour des
Refugiés Palestiniens ", site web :
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/implan/canfor.pdf
115 Adopté par l'AGNU le 16 décembre 1966,
entré en fonction le 23 mars 1976 et ratifié par Israël le 3
octobre 1991.
116 Voir, International Covenant on Civil and Political Rights,
art. 12, par. 4.
117 Comité des Droits de l'homme, Observation
générale, (27 mai 2008), HRI/GEN/1/rev. 9, Vol. 1, par. 19.
118 Voir à ce sujet l'étude de G.J.Bolling,
« The question of timing in evaluating Israel's duty under international
law to repatriate 1948 palestinian refugees » dans le livre
«Israël and the Palestinian Refugees» par G.Benvenisti - C.Gans
- S.Hanafi, Max-Planck Institut, (2007), p219-233.
119 Comité des Droits de l'Homme, CCPR/C/21/Rev.1/Add.9,
Observation générale no. 27, Liberté de circulation,
art.12, 2, (Novembre 1999).
« La signification du terme «son propre pays»
est plus vaste que celle du «pays de sa nationalité». Elle
n'est pas limitée à la nationalité au sens strict du
terme, à savoir la nationalité conférée à la
naissance ou acquise par la suite ; l'expression s'applique pour le moins
à toute personne qui, en raison de ses liens particuliers avec un pays
ou de ses prétentions à l'égard d'un pays, ne peut
être considérée dans ce même pays comme un simple
étranger. Tel serait par exemple le cas des territoriaux d'un pays
auxquels la nationalité aurait été retirée en
violation du droit international, et des personnes dont le pays d'origine
aurait été intégré ou assimilé à une
autre entité nationale dont elles se verraient refuser la
nationalité »120.
Toutes ces trois catégories de personnes
énumérées, ont le droit de retourner dans leurs foyers
d'origine en vertu de l'article 12 (4), selon l'interprétation de la
Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies. Le plus important encore,
est que les réfugiés palestiniens de 1948 en tant que groupe,
s'intègrent réellement dans chacune des catégories
énumérées dans l'observation générale n
° 27.
Par conséquent, il peut être exposé de
manière concluante que l'article 12 (4) du PIDCP sur le « droit de
retour » s'applique certainement au cas des réfugiés
palestiniens121.
Tous les droits énoncés dans le PIDCP sont
accordés à des individus à titre personnel, sans
considération pour le nombre de personnes qui pourraient chercher
à exercer le même droit, et sans les lier à un
délai122.
En outre, différents organes de l'ONU, y compris le
Haut Commissariat pour les Réfugiés, ont expressément
constaté que les grands groupes de personnes ont un « droit de
retour »123 qui est explicitement fondé sur l'article 12
(4) du PIDCP et l'article 13 (2) de la DUDH. Comme un commentateur l'a
noté, le « droit au retour » dans la DUDH et le PIDCP a
été à la base des accords de paix signés afin de
résoudre les conflits au Rwanda et en Géorgie, qui ont produit
des centaines de milliers de réfugiés et de personnes
déplacés124.
120 General Comment No. 27, paragraph 20, addressing the
interpretation of Article 12(4): The wording of article 12, paragraph 4, does
not distinguish between nationals and aliens («no one»). Thus, the
persons entitled to exercise this right can be identified only by interpreting
the meaning of the phrase «his own country.» The scope of «his
own country» is broader than the concept «country of his
nationality.» It is not limited to nationality in a formal sense, that is,
nationality acquired at birth or by conferral; it embraces, at the very least,
an individual who, because of his or her special ties to or claims in relation
to a given country, cannot be considered to be a mere alien. This would be the
case, for example, for nationals of a country who have been stripped of their
nationality in violation of international law, and of individuals whose country
of nationality has been incorporated in or transferred to another national
entity, whose nationality is being denied them. The language of article 12,
paragraph 4, moreover, permits a broader interpretation that might embrace
other categories of long-term residents, including but not limited to stateless
persons arbitrarily deprived of the right to acquire the nationality of the
country of such residence.
121 G.J.Boling, «The 1948 Palestinian Refugees and the
Individual Right of Return, an International Law Analysis»,
BADIL, Seconde Edition: Juillet 2007, p.65.
122: M. Nowak,» UN covenant on civil and political
rights»: CCPR commentary 220, (1993), stating that Article 12 applies
«even if masses of people are claiming this right».
123 Voir à ce sujet: G.J.Boling, «The 1948
Palestinian Refugees and the Individual Right of Return, an International Law
Analysis», BADIL, seconde edition (Juillet 2007), p.68.
124 Voir, l'article d'E. Rosand, «The right to return under
international law following mass dislocation: The Bosnia precedent?»,
(1998), Michigan Journal of International Law, University of Michigan
Law School,.
Dans le cas des réfugiés rwandais, les
gouvernements de Rwanda et de Zaïre sont entrés dans un accord
tripartite avec le HCR125 le 24 Octobre 1994 pour le retour
volontaire des réfugiés rwandais du Zaïre; cet accord a
été spécifiquement fondé sur l'article 12 du PIDCP
et l'article 13 (2) de la DUDH ainsi que l'article 5 de la Convention de
L'OUA126de 1969 sur les droits civils et politiques, qui contient
également le «droit au retour». Dans le cas des personnes
déplacées pendant le conflit géorgien, le HCR a conclu un
Accord quadripartite similaire sur le retour volontaire des
réfugiés et des personnes déplacées127
avec les gouvernements de la Géorgie, l'Abkhazie et la Russie le 4 avril
1994, qui, encore une fois, a explicitement « reconnu que le droit de tous
les citoyens à vivre et à retourner dans leur pays d'origine est
inscrit dans la DUDH et le PIDCP »128.
De même, la Sous-commission des Nations Unies sur la
Prévention de la Discrimination et la Protection des Minorités a
invoqué à la fois l'article 12 (4) du PIDCP et l'article 13 (2)
de la DUDH dans la suite de la résolution de 1995 relative à
l'irrecevabilité des expulsions de masse : « les pratiques de
l'exil forcé, les expulsions et les déportations massives, les
transferts de population, le nettoyage ethnique et d'autres formes de
déplacement forcé de populations dans un pays ou à travers
les frontières privent les populations touchées de leur droit
à la liberté de mouvement »129.
Enfin, et c'est la réfutation la plus concluante
à l'argument tentant d'empêcher l'application de l'article 12 (4)
à de grands groupes de personnes, l'observation générale n
° 27 elle-même affirme sans ambiguïté
l'applicabilité du « droit de retour » de l'article 12 (4) a
de grands groupes de personnes, et cela dans le paragraphe 19: « Le droit
au retour est de la plus haute importance pour les réfugiés qui
demandent leur rapatriement volontaire. Il implique également
l'interdiction des transferts forcés de population ou d'expulsions
massives vers d'autres pays »130.
En conclusion, il devient clair que le « droit au retour
» constitue une norme contraignante du droit coutumier des droits de
l'homme. Par conséquent, Israël est tenue de mettre en oeuvre le
« droit de retour » individuel des réfugiés
palestiniens de 1948, étant d'une part une question d'obligation
traitée en vertu du PIDCP131, et d'autre part étant
lié généralement, comme tous les autres Etats, par le
statut coutumier général du « droit de retour » dans le
droit international des droits de l'homme.
125 E. Rosand, «The right to return under
international law following mass dislocation: The Bosnia precedent?»,
(1998), University of Michigan Law School, Michigan Journal of
International Law, «the parties agreed that all Rwandan refugees
voluntarily wishing to return had the right to do so».
126 Organisation de l'Unité Africaine.
127 Quadripartite Agreement on Voluntary Return of
Refugees and Displaced Persons (part of political settlement of
Georgia/Abkhazia civil war), Annex II, par. 1, U.N. Doc. S/1994/ 397,
(1994).
128 Ibid.
129 Voir, ONU. Sous commission sur la
prévention de la discrimination et la protection des minorités,
Résolution 1995/13, ONU, 50e Session, (1995).
130 Voir, commentaire général
n° 27, paragraphe 19.
131 Ratifié par Israël.
4- Le Droit au Retour dans le Droit des
Réfugiés et la Pratique des Etats.
Il existe un vaste corpus de jurisprudence découlant de
la pratique des Etats, reflétant l'existence d'une obligation
légale (opinio juris)132 de la part des Pays, qui
sont tenus de permettre aux personnes déplacées, y compris les
réfugiés, d'exercer leur «droit de retour» dans leurs
foyers d'origine et cela en vertu du droit international coutumier.
L'obligation des Etats de permettre le retour des
réfugiés dans leurs foyers d'origine a été
solidement établie bien avant les événements de 1948 et
continue de gagner plus de poids à chaque nouvelle instance de la
pratique des Etats appliquant le «droit au retour». Ainsi, le droit
de retourner dans son pays existe dans un quatrième corps
indépendant du droit international, qui est la loi relative aux
réfugiés (un sous-ensemble de lois des droits de l'homme qui
intègre les principes du droit humanitaire). Le principal instrument
régissant les droits des réfugiés et l'obligation des
Etats à leur égard est la Convention de 1951 relative au statut
des réfugiés133 et son protocole de
1967134.
La mise en oeuvre effective du « droit au retour »
est effectuée par le biais du Haut Commissariat pour les
réfugiés des Nations Unies (HCR).
L'article 1 du Statut de 1950 de l'HCR définit le
mandat de l'Agence comme l'action de faciliter le rapatriement librement
consenti des réfugiés, ou leur assimilation dans de nouvelles
communautés nationales.
En vertu du droit des réfugiés, le principe de
leur « droit de retour » absolu sur une base volontaire dans leurs
foyers d'origine est au coeur de la mise en oeuvre la plus favorable des trois
"solutions durables" conçues par la communauté internationale
pour traiter les flux de la population de réfugiés, et cette
solution n'est autre que le retour volontaire135.
Quant aux trois solutions durables principales qui doivent
être mises en oeuvre sous les auspices du HCR, elles sont : le
rapatriement volontaire, l'absorption volontaire et la réinstallation
volontaire.
Passons maintenant à l'examen des obligations relatives
à chaque pays. Le seul pays d'origine a l'obligation de recevoir
à nouveau les réfugiés qui ont été
initiés à partir de ses frontières (frontières de
facto ou autrement) ; tandis que les autres Etats (y compris les pays
d'accueil) ne sont pas tenus d'absorber des réfugiés originaires
d'autres pays de façon permanente136.
132 C'est la conviction que l'usage répété
constitue une règle de droit.
133 La Convention relative au statut des réfugiés,
Adoptée le 28 juillet 1951 à Genève et entrée en
vigueur le 22 avril 1954.
134 Protocole de 1967 relatif au statut des
réfugiés, Conclu à New York le 31 janvier 1967,
entré en vigueur le 4 octobre 1967.
135 L. Takkenberg, «The status of Palestinian refugees in
international law» 233, (1998), «voluntary repatriation is considered
by UNHCR, as well as by many others, the best of the `three durable solutions'
to deal with refugee problems»; «voluntary repatriation in peace and
dignity is by far the preferred solution to any refugee situation»;
«the prominent place that voluntary repatriation presently takes in the
search for solutions is clearly recognized by the international
community».
(L'auteur est un officier de l'UNRWA).
136 Bien qu'il y ait une obligation légale d'aider les
réfugiés temporairement dans le cas où ils pourraient
être persécutés en les renvoyant dans leur pays d'origine
avant que les conditions de la sécurité soient établies
là-bas.
L'obligation absolue du pays d'origine de recevoir ses
réfugiés 137 (quand ils choisissent d'y retourner)
découle directement de la règle traditionnelle de
réadmission qui constitue une base du droit international de la
nationalité.
Un « droit de retour » résultant d'une
expulsion forcée existe dans le droit des
réfugiés138; dans le cas où ces derniers ont
été expulsés par la force, le « droit au retour
» découle de l'illégalité de l'expulsion
elle-même. Il est généralement reconnu qu'un Etat ne peut
légalement expulser une population sous son contrôle ; les
expulsés ont clairement un droit de renverser un acte illégal,
tout simplement en retournant dans leur patrie139.
Il est clair (on va le montrer dans le chapitre qui va suivre),
que le « droit au retour » des réfugiés dans leurs
foyers continue à occuper la place primordiale dans l'hiérarchie
des solutions.
Le retour volontaire et le rapatriement ont toujours
constitué les objectifs de la politique centrale de toutes les
institutions des Nations Unies visant à remédier aux
déplacements de masse.
(Ce sujet, ainsi que celui de la pratique des États
concernant le retour des réfugiés, seraient traités dans
le chapitre suivant).
Au terme de cette section sur le retour des
réfugiés palestiniens dans le droit international, il devient
évident de noter que le « droit au retour » constitue une
norme contraignante du droit international.
137 For detailed elaboration on the obligation of a state of
origin to receive back (i.e., implement the right of return of) all those
displaced persons whose refugee status was created by the policies of the state
of origin, as well as the related obligations of compensation and restitution,
see «Declaration of Principles of International Law on Compensation to
Refugees,» approved by consensus by the International Law Association
(ILA) at its 65th Conference in Cairo in April 1992, text reproduced in ILA,
Report of the Sixty-Fifth Conference: Cairo, (1992).
138 Voir, G.J.Boling, «The 1948 Palestinian Refugees and the
Individual Right of Return, an International Law Analysis»,
BADIL, Seconde Edition: Juillet 2007, p.75-77.
139 L. Takkenberg, «The status of palestinian refugees in
international law» (1998).
§2- Le «Droit au Retour» comme Expression
d'un Droit Politique d'Exercice Collectif.
Les droits de l'homme et les droits des peuples sont dans la
plupart des cas indissociables dans leur réalisation concrète. Et
le respect des uns conditionne le plus souvent la garantie des autres.
Le droit des peuples est apparu d'abord, au moins dans sa
substance en droit international général et en dehors de la
problématique coloniale, comme le droit pour une collectivité
nationale d'être protégée dans son intégrité
en cas de conflits et d'agression ou d'occupation armée par d'autres.
L'autodétermination, initialement appelée droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes, est le principe selon lequel
chaque peuple dispose d'un choix libre et souverain de déterminer la
forme de son régime politique. Le principe a été
proclamé, pendant la Première Guerre mondiale, dans les
«quatorze points de Wilson»140, légitimant
après-guerre les nouvelles frontières de l'Europe. C'est, suivant
le droit international, le principe selon lequel un peuple a le droit de
déterminer sa propre forme de gouvernement, indépendamment de
toute influence étrangère. Il a été
réaffirmé, après la Seconde Guerre mondiale, dans la
Charte des Nations Unies, signée en 1945, qui inclut, parmi « les
buts des Nations Unies », celui de « développer entre les
nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de
l'égalité de droits des peuples et de leur droit à
disposer d'eux-mêmes »141.
L'article 73 de la Charte des Nations Unies énonce ce qui
suit :
« Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument
la responsabilité d'administrer des territoires dont les populations ne
s'administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent
le principe de la primauté des intérêts des habitants de
ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l'obligation de
favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le
cadre du système de paix et de sécurité internationale
établie par la présente Charte et, à cette fin ils
réclament:
1) D'assurer, en respectant la culture des populations en
question, leur progrès politique, économique et social, ainsi que
le développement de leur instruction, de les traiter avec
équité et de les protéger contre les abus;
2) De développer leur capacité de s'administrer
elles-mêmes, de tenir compte de leurs aspirations politiques et de les
aider dans le développement progressif de leurs libres institutions
politiques, dans la mesure appropriée aux conditions
particulières de chaque territoire et de ses populations et à
leurs degrés variables de développement; enfin
3) D'affermir la paix et la sécurité
internationales. »
140 Les quatorze points de Wilson sont le nom donné au
programme du Président des Etats-Unis Woodrow Wilson pour mettre fin
à la Première Guerre Mondiale et reconstruire l'Europe.
141 Voir, Article 1, alinéa 2.
Le droit à l'autodétermination est alors reconnu
de façon indirecte comme étant une obligation pour les puissances
mandataires, d'encourager l'autonomie de la population indigene et de tenir
compte à juste titre des ambitions politiques des peuples.
L'évolution du droit international offrira un peu plus
tard aux palestiniens un soutien plus précis à leur conception
collective du « droit au retour ». En effet, à partir des
années soixante, tout un corpus de textes vient enrichir le droit des
peuples et en détailler le contenu.142
En fait, vue la non-observation de nombreuses
résolutions de l'ONU concernant les Palestiniens, l'Assemblée
générale a décidé de relier le « droit de
retour » au droit fondamental à l'autodétermination. En
1969, elle adoptait une résolution reconnaissant le «peuple de
Palestine»143. En 1975, l'Assemblée
générale a aussi crée le Comité pour l'exercice des
droits inaliénables du peuple palestinien. Depuis, le droit à
l'autodétermination ainsi que tous les droits du peuple palestinien,
incluant le « droit de retour », ont été
réaffirmés à maintes reprises par la communauté des
nations.
L'avis consultatif de la CIJ concernant l'édification
du mur144 dans les territoires palestiniens occupés vient
s'ajouter dans cette direction ; en fait la cour a considéré que
l'édification du mur est une violation au droit des peuples a disposer
d'eux-mêmes145 et a toutes les règles pertinentes du
droit international, du droit relatif aux droits de l'homme et du droit
international humanitaire146, insistant que certaines conventions
font désormais partie du droit international coutumier147.
142 Le droit à l'indépendance complete et au
respect de l'intégrité du territoire national (résolution
1514 de l'assemblée générale qui forme à partir du
14 décembre 1960 la charte de la décolonisation).
Résolution 2625 du 24 octobre 1970.
Déclaration sur le renforcement de la
sécurité internationale, du 16 décembre 1970 dans laquelle
les Nations Unies demandent aux Etats « de s'abstenir de toute tentative
visant à rompre partiellement ou totalement l'unité nationale et
l'intégrité territoriale de tout autre Etat ou pays ».
143 Résolution 2535 B (XXIV).
144 Voir, Cour Internationale de Justice, «
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le
territoire palestinien occupé », Requête pour avis
consultatif, (9 juillet 2004).
145 « Quant au principe du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, la Cour fait observer qu'il a
été consacré dans la Charte des Nations Unies et
réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) de
l'Assemblée générale déjà mentionnée,
selon laquelle «tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à
toute mesure de coercition qui priverait de leur droit à
l'autodétermination les peuples mentionnés dans ladite
résolution». L'article 1er commun au pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels et au pacte international
relatif aux droits civils et politiques réaffirme le droit de tous les
peuples à disposer d'euxmêmes et fait obligation aux Etats parties
de faciliter la réalisation de ce droit et de le respecter,
conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. La Cour
rappelle sa jurisprudence antérieure, qui soulignait que
l'évolution actuelle du droit international à l'égard des
territoires non autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des
Nations Unies, a fait de l'autodétermination un principe applicable
à tous ces territoires, et que le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes est un droit opposable erga omnes».
146«(...) Cette interprétation
reflète l'intention des auteurs de la quatrième convention de
Genève de protéger les personnes civiles se trouvant d'une
manière ou d'une autre au pouvoir de la puissance occupante,
indépendamment du statut des territoires occupés. (...) Au vu de
ce qui précède, la Cour estime que la quatrième convention
de Genève est applicable dans les territoires palestiniens qui
étaient, avant le conflit de 1967, à l'est de la Ligne verte, et
qui ont à l'occasion de ce conflit été occupés par
Israël, sans qu'il y ait lieu de rechercher quel était auparavant
le statut exact de ces territoires ».
147 « Pour ce qui concerne le droit international
humanitaire, la Cour (...) estime que les dispositions du règlement de
La Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier, comme d'ailleurs tous
les participants à la procédure devant la Cour le reconnaissent.
Elle observe en outre que, conformément à l'article 154 de la
quatrième convention de Genève, le règlement de La Haye a
été complété en ses sections II et III par les
dispositions de ladite convention. La section III dudit règlement, qui
concerne «l'autorité
Mais les textes les plus explicites sont ceux des Pactes
internationaux des Nations Unies du 16 décembre 1966, relatifs
respectivement aux droits civils et politiques148 et aux droits
économiques, sociaux et culturels149.
En outre, les articles 1 et 12 du Pacte mentionnent
respectivement le « droit au retour » et le droit à
l'autodétermination des peuples ; ce dernier présentant
également un grand intérêt pour le retour dans un pays ou
sur un territoire dont le statut est disputé.
En tant qu'instruments conventionnels possédant un
caractère obligatoire, les deux Pactes des Nations Unies énoncent
en des termes identiques dans leur article premier, le droit à
l'autodétermination des peuples.
« Article premier : 1. Tous les peuples ont le droit de
disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent
disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans
préjudice des obligations qui découlent de la coopération
économique internationale, fondée sur le principe de
l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un
peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de
subsistance.
3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux
qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et
des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce
droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies
».
Reconnu non à des individus mais à un groupe
dénué de personnalité légale, ce droit qui n'a pas
de titulaire individuellement identifiable n'est pas cependant en soi un
obstacle à la reconnaissance d'obligations à la charge des
Etats.
Du reste, le tribunal arbitral constitué dans l'affaire
de la détermination de la frontière maritime entre la
Guinée-Bissau et le Sénégal,150 a admis, au
moins implicitement, le caractère impératif du droit à
l'autodétermination des peuples. Après la résolution 181
(II) du 29 novembre 1947, la première résolution de
l'Assemblée générale à reconnaître le droit
des Palestiniens à l'autodétermination est la résolution
2649 (XXV) du 30 novembre 1970.
C'est en se fondant sur cette règle essentielle du
droit international que le peuple palestinien (en tant que collectivité)
livre depuis longtemps un combat pour l'application de son droit à
l'autodétermination. C'est par cet effort que ce peuple a imposé
la reconnaissance de son droit par la Communauté internationale, et
même par Israël à partir des accords d'Oslo.
militaire sur le territoire de l'Etat ennemi», est
particulièrement pertinente en l'espèce(...) La Cour rappelle que
la quatrième convention de Genève a été
ratifiée par Israël le 6 juillet 1951 et qu'Israël est partie
à cette convention».
148 Le pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP) a été adopté à New York le 16
décembre 1966 par l'AGNU. Il est entré en vigueur après la
ratification par 35 États le 23 mars 1976. Il est en principe applicable
directement par les juridictions des États signataires.
149 Le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels a été adopté à New York le 16
décembre 1966 par l'AGNU dans sa résolution 2200 A (XXI). Il est
entré en vigueur après sa ratification par trente-cinq
États le 3 janvier 1976.
150 Sentence du 31 juillet 1989.
Mais la revendication du « Droit au retour »
collectif, tire sa complexité notamment au regard des
négociations sur un accord de paix. Le processus de paix dans la
région ne concerne pas seulement Israël et la Palestine, mais aussi
les Etats arabes ; puisque certains de ces pays reçoivent sur leur
territoire un nombre parfois très élevé de refugiés
palestiniens. (Ce sujet sera traité dans le chapitre consacré au
processus de paix)
Section2
Les Résolutions Onusiennes Relatives au
«Droit de Retour».
La résolution 181 du 29 novembre 1947151
était le certificat de naissance de l'État d'Israël. Cette
résolution prévoyait la création d'un État arabe et
d'un État juif en Palestine, elle n'est pas sans relation avec
différentes facettes du « droit au retour » puisqu'elle
interdit les expropriations de terres des arabes dans l'Etat juif et qu'elle
met toutes les personnes relevant de la juridiction de l'Etat sous la
protection de la loi.
Suite au déplacement massif de la population
palestinienne en 1948, la préoccupation des Nations Unies s'exprime par
la voix de son médiateur envoyé sur place: le comte Bernadotte
qui met le « droit du retour » au centre de ses
préoccupations. Les derniers échos du comte furent transmis le 16
septembre 1948 à l'Assemblée générale, un jour
avant son assassinat par des terroristes israéliens du groupe
Lehi152: « Il est toutefois indéniable qu'aucun
règlement ne serait juste et complet si l'on ne reconnaissait pas aux
réfugiés arabes le droit de retourner dans les lieux, que les
hasards de la guerre et la stratégie des belligérants en
Palestine les avaient contraints à quitter (...) Il convient de
proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes,
arrachées à leurs foyers par la terreur et les ravages de la
guerre, de retourner chez elles ».
Aussi, a-t-il noté -le comte Bernadotte- dans son
rapport d'étape du 16 Septembre 1948, sous le titre: le «droit au
rapatriement», qu' « Il convient de proclamer et de rendre effectif
le droit des populations innocentes, arrachées à leurs foyers par
la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles; il convient
également d'assurer, pour la perte de leurs biens, des
dédommagements suffisants aux personnes qui décideraient de ne
pas regagner leurs foyers»153 .
Il a poursuivi en disant, toujours dans le même rapport:
Il faudra assurer aux « populations arabes déplacées
à la suite des opérations militaires, le droit de rentrer dans
leurs foyers (...).
Ce serait offenser les principes élémentaires
que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à
leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et, de plus,
menacent, de façon permanente, de remplacer les réfugiés
arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles».
151 Autrement connue sous le nom du: Plan de partage de la
Palestine.
152 Nommé par les autorités britanniques: la bande
de Stern.
153 Document ONU A/648, (21 Sept-12 Déc. 1948).
Bernadotte a demandé à l'ONU d'affirmer le
« droit au retour » et non pas l'inventer. Son dernier rapport a
consacré une recommandation, son testament politique, qui est devenu le
noyau de la fameuse résolution 194 des Nations Unies, adoptée par
l'Assemblée générale le 11 Décembre 1948,
décide que les réfugiés qui souhaitent rentrer dans leurs
foyers et vivre en paix avec leurs voisins devraient être
autorisés à le faire le plus tôt possible, et que la
compensation doit être réparée par les gouvernements ou
autorités responsables, en vertu des principes du droit international et
d'équité.
La Résolution 194 de l'Assemblée
générale des Nations Unies du 11 Décembre 1948 a
été adoptée par 35 voix pour, 15 contre et 8 abstentions ;
et a été réitérée pratiquement à
chaque session de l'Assemblée générale depuis lors.
Par cette résolution, l'Assemblée
générale donne aussi naissance à la Commission de
conciliation pour la Palestine (CCNUP) qui est chargée « de
faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement
économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement
des indemnités ».
Quant au Conseil de sécurité, organe principal
dans le domaine du maintien de la paix, il est toujours resté en retrait
sur cette question. Quasiment silencieux pour les refugiés de 1948, il
ne sortira, et faiblement de sa réserve qu'après la guerre de
1967. Alors, par la résolution 237 de juin 1967, il prie les
israéliens de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis
depuis le déclanchement des hostilités. Quelques mois plus tard,
par la résolution 242 du 22 novembre 1967, le conseil affirme la
nécessité de réaliser un juste règlement du
problème des refugiés, mais il ne va pas plus loin.
Mais jusqu'aux années quatre-vingt, les Nations Unies
ont été marquées par un équilibre politique entre
le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale, souvent réalisé au profit de cette
dernière154.
C'est donc l'Assemblée générale qui,
après avoir voté la résolution 194, se trouve
confrontée à la persistance du problème et même
à son aggravation et se préoccupe de le régler ; elle
réaffirma obstinément que le «droit au retour» persiste
tant que le retour et l'indemnisation n'auront pas eu lieu. De plus, on trouve
une cinquantaine de résolutions allant dans ce sens155, parmi
lesquelles la résolution A/RES/51/129 adoptée en décembre
1996 par l'Assemblée générale, qui affirme que « les
réfugiés arabes de Palestine ont droit à leurs biens et
aux revenus en provenant, conformément aux principes de la justice et de
l'équité ». Et aussi, l'Assemblée « prie le
Secrétaire général de prendre (...) toutes les mesures
appropriées pour protéger et administrer les biens, les avoirs et
les droits de propriété arabes en Israël, et de conserver et
actualiser les registres existants » ; alors que la résolution
3236, votée en 1974, réaffirme « le droit
inaliénable
154 M. Chemillier-Gendreau «Le retour des palestiniens en
exil et le droit international», dans « le droit au retour »
E.SanbarF.Mardam Bey, Actes sud, (2002), p.305.
155 Résolutions 302, 303 et 309 de 1949, 394 de 1950,
512, 513 et 614 de 1952, 720 A de 1953, 818 de 1954, 916 de 1955, 1018 et 1191
de 1957, 1315 de 1958, 1456 de 1959, 1604 et 1725 de 1961, 1856 de 1962, 1912
de 1963, 2052 de 1965, 2154 de 1966, 2341 de A de 1967, 2452 A, 2452 B, 2535 A
de 1968, 2062 A de 1970, 2792 A de 1971, 2963 A de 1972, 3089 B de 1973, 3331 A
de 1974, 3419 B de 1975, 31/15 A de 1976, 32/90 A de 1977, 33/112 A de 1978,
34/52 A de 1979, 35/13 de 1980, 36/146 F de 1981, 37/120 de 1982, 38/83 A de
1983, 39/99 A de 1984, 40/165 A de 1985, 41/69 A de 1986, 42/69 A de 1987,
43/57 A de 1988, 44/47 A de 1989, 45/73 A de 1990, 46/46 de 1991, 47/69 A de
1992, 48/40 A de 1993, 49/35 A de 1994.
des Palestiniens de retourner à leurs foyers et leurs
propriétés, d'où ils avaient été
déplacés et déracinés ".
Quant aux Palestiniens exilés depuis la guerre de 1967,
l'Assemblée générale a réaffirmé dans la
résolution A/RES/52/59 adoptée en décembre 1997, « le
droit de toutes les personnes déplacées du fait des
hostilités de juin 1967 et des hostilités postérieures de
regagner leurs foyers ou anciens lieux de résidence dans les territoires
occupés par Israël depuis 1967 ".
Le Comité pour l'élimination de la
discrimination raciale a examiné, en mars 1998, le rapport
présenté par Israël. Dans ses conclusions156, le
Comité a clairement réaffirmé dans les termes suivants les
obligations d'Israël quant au «droit au retour» des Palestiniens
: « De nombreux Palestiniens se voient actuellement dénier le droit
de rentrer chez eux et de reprendre possession de leur maison en Israël.
L'État partie devrait donner un haut rang de priorité au
redressement de cette situation. Ceux qui ne peuvent reprendre possession de
leur maison devraient avoir droit à réparation ".
Les récentes (2007) observations du Comité des
Nations Unies sur l'élimination de la discrimination raciale soulignent
la pertinence du paragraphe 11 sur le fait de résoudre la question des
réfugiés palestiniens aujourd'hui. Le Comité a
réitéré sa préoccupation concernant « le
déni du droit de nombreux Palestiniens de revenir et de reprendre
possession de leurs terres en Israël " et a appelé Israël
à « assurer l'égalité de chacun dans le droit de
retour dans son pays et dans la possession de ses biens"157.
§1 La Résolution 194 et le Problème des
Réfugiés.
Le document onusien le plus clair et le plus direct qui
affirme le « droit au retour " des réfugiés palestiniens,
est l'article 11 de la résolution 194 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, ratifiée le 11 Décembre
1948.
Cette résolution énonce dans son paragraphe 11 :
« L'Assemblée générale :
11- Décide qu'il y a lieu de permettre aux
réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le
plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des
indemnités doivent être payées à titre de
compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans
leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des
principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce
dommage doit être réparé par les gouvernements ou
autorités responsables".
Pour certains, et bien que le terme « Droit au Retour "
ne soit nulle part mentionné, c'est par cette résolution qu'est
consacré pour la première fois au plan international « le
droit au retour " des réfugiés palestiniens dans leurs foyers.
156Conclusions du Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale : Israel, CERD/C/304/Add.45,
(03/30/1998). 157 Ibid, CERD/C/ISR/CO/13, (2007).
La résolution 194 a proposé deux solutions
distinctes pour les réfugiés palestiniens déplacés
en 1948. D'une part, le retour et l'indemnisation pour les dommages subis, de
l'autre, le non-retour et l'indemnisation pour tous les biens laissés et
dommages subis.
D'ailleurs, la Résolution 194 identifie très
clairement le lieu auquel les réfugiés ont le droit de retourner:
dans leurs foyers, non pas dans leur région de provenance; elle affirme
ensuite que la décision de retour doit être guidée par le
choix individuel de chaque réfugié, et indique le délai
dans lequel doit s'effectuer le retour des réfugiés: le plus
tôt possible. Elle impose aussi l'obligation, à Israël, de
réadmettre les réfugiés. Cette résolution a
été écrite pour s'appliquer à tous les
réfugiés palestiniens. Depuis 1948, l'Assemblé
générale des Nations Unies a rappelé et
réaffirmé chaque année la résolution 194.
L'admission d'Israël au sein de l'ONU était conditionnelle au
respect de la résolution 194; ce qui signifie que l'AG considère
qu'Israël est entièrement responsable de s'assurer que le «
droit de retour » des réfugiés palestiniens soit
correctement exercé.
La résolution194, paragraphe 11, sous-paragraphe 1, par
ses termes exprès, identifie trois droits distincts que les
réfugiés palestiniens ont le droit d'exercer en vertu du droit
international, le retour, la restitution et l'indemnisation. Elle affirme en
outre que les réfugiés qui choisissent de ne pas exercer leur
droit au retour ont droit à la réinstallation et à
recevoir une compensation pour leurs pertes. Le paragraphe 11, le
sous-paragraphe 2, charge la CCNUP de faciliter la mise en oeuvre d'un ensemble
de solutions à la situation des réfugiés ; il s'agit du
rapatriement, de la réinstallation, de l'indemnisation et de la
réhabilitation économique et sociale.
Plusieurs principes sont pertinents pour la mise en oeuvre du
«droit au retour» comme défini dans la résolution 194.
Premièrement, la résolution indique clairement l'endroit exact
où les réfugiés ont le droit de retour (à savoir,
dans leurs foyers). L'historique de la rédaction de cette
disposition158 est instructif, en choisissant le terme « chez
eux » le Secrétariat de l'ONU a déclaré que
l'Assemblée générale a clairement signifié le
retour de chaque réfugié spécifiquement à « sa
maison ou logement et non pas (en général) à sa patrie
»159. L'Assemblée générale a rejeté
les amendements qui on parlés plus généralement « des
zones desquelles ils (les réfugiés) sont venus ».
Deuxièmement, la résolution affirme que le
retour doit être guidé par le choix individuel de chaque
réfugié ; selon le rapport du médiateur de l'ONU,
c'était un "droit inconditionnel" des réfugiés « de
faire un choix libre qui doit être pleinement respecté
»160.
En revoyant l'histoire de rédaction de la
résolution 194, le Secrétariat de l'ONU a déclaré
que le paragraphe 11 "visait de conférer aux réfugiés,
en tant que personnes, le droit d'exercer un libre choix quant à leur
avenir". Le conseiller juridique à la Mission d'enquête
économique de l'ONU
158 Voir à ce sujet, par exemple : UN Doc.
A/AC.25/W.45, «Analysis of paragraph 11 of the General Assembly's
Resolution of 11 December 1948», (15 May 1950), Part One, paragraph 3:
«According to the above interpretation the term «refugees»
applies to all persons, Arabs, Jews and others who have been displaced from
their homes in Palestine. This would include Arabs in Israel who have been
shifted from their normal places of residence».
159 «Analysis of Paragraph 11 of the General Assembly
Resolution of 11 December 1948», United Nations Conciliation Commission
for Palestine, Working Paper Prepared by the U.N. Secretariat, U.N. Doc.
A/AC.25/W.45, (15 May 1950).
160 Voir, «Mediator's Progress
Report», part I («The Mediation Effort»), sect. V
(«Refugees»), subsection 8.
est arrivé à la même conclusion: «Le
verbe «choisir» indique que l'Assemblée générale
suppose que le principe (celui du « droit au retour ») serait
pleinement appliqué et que tous les réfugiés auront le
libre choix quant à savoir s'ils souhaitent ou non rentrer chez eux
»161
Le principe du choix du réfugié a aussi
été incorporé dans le mandat de l'Organisation
Internationale pour les Réfugiés, créée en 1947
pour faciliter les solutions pour les réfugiés de la Seconde
Guerre mondiale en Europe, et serait par la suite devenu un principe clé
des solutions durables aux flux de réfugiés.
Troisièmement, la résolution 194 identifie le
délai pour le retour des réfugiés: "le plus tôt
possible".
Quatrièmement, la même résolution impose
une obligation à Israël d'admettre à nouveau les
réfugiés palestiniens. Le Secrétariat de l'ONU a
estimé qu'Israël était tenu en vertu des dispositions de la
résolution 194 de créer les conditions qui faciliteraient le
retour des réfugiés. Examinant la signification de la phrase qui
stipule que les réfugiés souhaitant rentrer dans leurs foyers
« devraient être autorisées à le faire », le
Secrétariat des Nations Unies a noté que l'injonction a
imposé une obligation « d'assurer le retour en paix des
réfugiés et leur protection contre tous les
éléments qui cherchent à perturber cette paix
»162.
Finalement, l'importance de la résolution 194 (III),
paragraphe 11, est qu'elle nous ramène aux premieres règles qui
constituent les fondements d'une solution basée sur les principes
universels d'égalité et des droits et libertés
fondamentaux.
§2-Dans quelle Mesure l'Application du «Droit au
Retour » est elle Contraignante ?
La force contraignante du droit au retour diffère
suivant sa source. D'une part, il est avancé par les opposants du «
droit au retour » que la résolution 194 est une résolution
de l'Assemblée générale, plutôt que d'une
résolution du Conseil de sécurité (sous le cadre du
chapitre VII), dans ce cas, elle est "non contraignante".
La signification exacte et la force coercitive de la
résolution 194 a toujours été contestée. Il y a
ceux qui considèrent qu'elle constitue une opinio juris, du
fait de sa continuelle réaffirmation, tandis que d'autres insistent
qu'elle soit dénuée de toute force contraignante.
C'est vrai que les résolutions de l'AGNU n'imposent pas
d'obligations aux Membres, plutôt elles les invitent, les incitent, les
encouragent à faire telle ou telle chose sans rien leur imposer,
puisqu'elles n'ont pas de force coercitive. Mais cela n'empêche pas
qu'Israël soit moralement et éthiquement tenue d'appliquer le 194.
Toutefois, cette résolution réaffirmée par l'AGNU et le
Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des
dizaines de fois, porte son importance dans le fait
161 P. Contini, «Legal Aspects of the Problem of
Compensation to Palestine Refugees», attached to Letter and Memorandum,
Concerning Compensation, United Nations Economic-Survey Mission for the Middle
East, UNCCP, U.N. Doc. W/32, 19 (January 1950).
162 Voir, «Analysis of paragraph 11 of the General
Assembly's Resolution of 11 December 1948», (15 May 1950), Part One, par.
3, UN Doc. A/AC.25/W.45.
qu'elle soit annuellement réaffirmée depuis 1948
par la plupart des membres de l'AGNU (à l'exception d'Israël et des
Etats Unis) ; il n'y a rien de tel dans l'histoire des Nations Unies. Ce
consensus universel élève le poids de la présente
résolution d'une « recommandation » à une expression de
la volonté internationale.
Donc, cette unanimité est en fait la preuve de
l'importance de cette résolution et elle représente la
volonté et la détermination de la communauté
internationale à affirmer le principe du retour établi dans le
droit international coutumier.
De plus, l'admission d'Israël à l'ONU en tant
qu'Etat membre, par la résolution 273163 a été
conditionnée par son acceptation et sa mise en oeuvre de la
résolution 194. Par conséquent, Israël est tenu, comme
condition d'adhésion à l'ONU, de mettre en oeuvre le 194 et de
faciliter le retour des réfugiés palestiniens.
Il apparaît donc que l'admission d'Israël
était liée à sa coopération à l'application
du «droit de retour», sachant que le texte de la résolution
273 rappelait la nécessité de mettre en oeuvre les
résolutions 181 et 194. Ainsi, la majeure entrave à
l'exécution du «droit de retour» est bien l'absence de la
volonté d'Israël de reconnaître ce droit.
D'ailleurs, même les résolutions du Conseil de
sécurité concernant le conflit israélo palestinien sont
traités sous le cadre du chapitre VI de la charte, ce qui prouve que
l'ONU n'a jamais cherché à trouver de vraies solutions à
ce conflit, surtout que c'est elle qui l'a crée par sa fameuse
résolution 181 (celle du partage de la Palestine) et qui,
paradoxalement, se trouve être une résolution de
l'assemblée générale. Ceci s'applique également
à la résolution 273 de l'AGNU du 11 mai 1949 qui a admis
Israël à l'ONU. Cela nous indique que ce qui importe c'est la
présence d'une réelle volonté de la communauté
internationale à mettre en oeuvre les résolutions de l'AGNU et du
CSNU, quelle que soit la force contraignante des résolutions de ces
derniers.
Mais cela n'empêche pas l'existence de situations,
où la CIJ et la pratique des Nations Unies ont confirmé que le
Conseil de sécurité peut adopter des décisions
contraignantes en dehors du chapitre VII sur la base de ses pouvoirs
généraux, en vertu de l'article 24 (2) de la
Charte164.
Le caractère contraignant de ces résolutions
découle d'un certain nombre de facteurs: elles peuvent être
déclaratoires des règles existantes de droit international, elles
peuvent contenir des décisions de droit quasi-judiciaire, ou bien la
terminologie utilisée peut être la preuve de leur caractère
obligatoire165.
Dans une autre perspective, Israël est tenu de mettre en
oeuvre le « droit de retour » dans le cas des réfugiés
palestiniens comme une question d'obligation de respecter les traités
qu'elle a
163 Résolution 273 (III), Assemblée
générale, (11 mai 1949).
164 Voir, » avis consultatif de la CIJ sur les
conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie » (Sud-ouest africain), la résolution
276, (l970).
165 Voir, V.Gowland-Debbas, «The Security Council and the
question of Palestine» dans «Le Liban au conseil de
Sécurité, Nouvel Acteur, Ancien Sujet», F.Fadel- C.Eid,
Université Antonine, (2010).
ratifié166, tout en étant liée
en général, comme tous les autres Etats, par le statut coutumier
général du « droit de retour »167 en
matière des droits de l'homme, du droit humanitaire, des lois de la
nationalité et du droit des réfugiés.
Par conséquent, la résolution 194 (et donc le
« droit au retour ») est entièrement réalisable sur la
base du droit international coutumier et conventionnel.
166 Ex : La Convention de 1907166 de La Haye (IV) et
ses règlements annexés; La 4eme Convention de Genève ; Le
PIDCP et plus précisément en vertu de son article 12 (4).
167 On rappelle que le droit coutumier est une source
contraignante du droit international ; ce dernier ayant sa source dans le droit
des traités (ou « droit conventionnel »), mais aussi dans le
droit international coutumier qui découle d'une pratique
générale, acceptée comme « étant le droit
» et possède donc un caractère contraignant, par exemple, le
Statut de la Cour internationale de Justice dispose dans son article 38 :
« 1. La Cour, dont la mission est de régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique :
a. les conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des
règles expressément reconnues par les Etats en litige;
b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique
générale acceptée comme étant le droit;
c. les principes généraux de droit reconnus par
les nations civilisées;
d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les
décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus
qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit.
2. La présente disposition ne porte pas atteinte
à la faculté pour la Cour, si les parties sont d'accord, de
statuer ex aequo et bono ». Le fait que le droit international coutumier
soit appliqué par les cours et tribunaux nationaux et internationaux
constitue une illustration de son caractère contraignant.
DEUXIÈME PARTIE :
Faire du « Droit au Retour » une
Réalité Concrète.
Deuxième partie
Faire du « Droit au Retour » une
Réalité Concrète.
Après avoir fourni un bref aperçu sur les
organisations onusiennes concernées par le cas palestinien et
après avoir analysé le cadre juridique du « Droit au retour
», on présente dans cette partie un certain nombre de questions de
fond qui sont essentielles dans la compréhension du contexte plus large
de cette étude.
Est-ce que la question des réfugiés palestiniens
est elle unique ?
Sinon, dans quelle mesure ces derniers peuvent-ils profiter de la
pratique internationale sur le retour ?
Où se situe la question des exilés par rapport
à l'accord de paix israélo-palestinien ?
Et finalement, est-ce qu'une solution juste et globale à
cette question est un mythe ou une réalité ?
Pour pouvoir traiter ces questions, on a divisé cette
partie en deux chapitres. Dans le premier, on traitera les principales
tendances sur le retour des réfugiés dans la pratique
internationale et sa pertinence par rapport à la question des
réfugiés palestiniens. On examinera ensuite la façon dont
la question des refugiés a été traitée dans le
processus de paix israélo-palestinien, avant de rechercher des solutions
durables à ce problème.
Chapitre 1
Le Retour des Réfugiés dans la Pratique
Internationale.
Le « droit de retour " est l'un des droits les plus
fondamentaux accordés aux personnes déplacées dans le
monde entier et qui est ancré dans plusieurs organes du droit
international. Historiquement, il a été démontré
que le succès des accords de paix et de sécurité dans les
zones post-conflictuelles est inextricablement lié au retour des
personnes déplacées et des réfugiés dans leurs
foyers d'origine.
Un bref examen de la résolution des conflits à
travers le monde, montre l'importance de ce principe et de l'argument selon
lequel aucun accord de paix au Moyen-Orient ne sera efficace sans la mise en
oeuvre concrete du « droit au retour " des refugiés
palestiniens.
Notre objectif dans ce chapitre est d'examiner la pratique
internationale dans le retour volontaire et la mesure dans laquelle cette
pratique serait utile à la cause palestinienne.
Le chapitre est divisé en deux sections principales :
la première section examine les principales tendances du retour des
réfugiés dans le monde, tandis que la deuxième section se
concentre sur les leçons tirées de cette pratique et la
possibilité de leur application au cas palestinien ; mais cela
après avoir examiné dans quelle mesure le cas palestinien est
unique.
Section I
Les Principales Tendances dans l'Élaboration de
Solutions Durables pour les Réfugiés dans le Monde.
§1- Le Retour des Réfugiés : La Solution
Durable Préférée.
En dépit de sa classification par le HCR comme
étant l'une des trois « solutions durables ", le retour des
réfugiés n'a pas toujours été une priorité
au niveau international. En effet, entre l'achèvement de la Seconde
Guerre Mondiale et la fin des années 1980, les principaux partisans du
régime international des réfugiés ont rarement
considéré comme important le retour des
réfugiés168. Le rapatriement169
était incompatible avec les objectifs de la politique
étrangère et les réfugiés ont souvent
été des pions dans les guerres par procuration des
superpuissances, comme le cas des réfugiés afghans
utilisés par les États-Unis contre l'ex-Union
Soviétique.
L'accent mis sur le droit de quitter son pays plutôt que
sur le droit d'y retourner était dü en partie à la nature de
la guerre froide : lorsque les réfugiés, la plupart d'entre eux
provenant de pays communistes, étaient pratiquement incapables de
revenir à leur pays.
168 B.S. Chimni, «From Resettlement to Involuntary
Repatriation: Towards a Critical History of Durable Solutions to Refugee
Problems, New Issues in Refugee Research», Working Paper No. 2, UNHCR,
Geneva, (1999).
169 Dans cette étude, quant on parle de «
rapatriement " et de « retour » c'est pour les considérer
comme étant un seul corpus de solutions durables.
Il est nécessaire de préciser que le «
rapatriement " est considéré comme le retour dans son pays, alors
que « le retour" est généralement conçu comme le
retour dans son foyer.
Les pays d'accueil ont souvent considéré la
présence de ces réfugiés comme un signe de l'échec
des Etats communistes, un signe qu'ils étaient heureux d'encourager et
de soutenir. Dans ce contexte, les intérêts idéologiques de
l'Occident étaient que l'intégration locale dans les pays
d'accueil en Europe, ou la réinstallation dans l'Amérique du
Nord, sont généralement des options plus attrayantes ; les
pénuries de la main d'oeuvre a aussi influencé les attitudes des
pays d'accueil170, avec comme résultat, la tendance des
politiques publiques à se concentrer sur l'intégration ou
l'assimilation plutôt que sur la promotion du retour.
Jusqu'en 1989, la réinstallation était
communément prise pour la seule solution durable acceptable. Dans la
pratique, la promesse virtuelle de la réinstallation encourage de
nouveaux exodes.
Quand la guerre froide a pris fin, la situation a radicalement
changé avec les changements géopolitiques des années 1990,
le rapatriement des réfugiés fut considéré comme
à la fois nécessaire et compatible avec d'autres efforts
internationaux visant à promouvoir la paix postconflictuelle, la
réconciliation et le développement. En outre, pour de grands
groupes de réfugiés qui avaient passé une décennie
ou plus dans des camps et avaient peu d'espoir d'obtenir des droits de la
citoyenneté ailleurs, le rapatriement vers le pays d'origine est devenu
la seule solution viable. Le Haut Commissaire Sadako Ogata171 a
réitéré le message à plusieurs reprises, comme par
exemple à l'Université de Notre Dame, le 14 Septembre 1991:
« Pour le HCR le rapatriement volontaire des
réfugiés n'est pas seulement la solution la plus réaliste,
mais aussi la plus souhaitable. Dans un monde où la plupart des
réfugiés sont confinés dans des camps de fortune
surpeuplés, dans des conditions aussi lamentables (ci ce n'est plus) que
la situation qu'ils ont fuie, le droit de revenir dans son pays est aussi
important que le droit de chercher asile à l'étranger ».
La fin de la guerre froide a également
créé un « dividende de la paix », qui a ouvert de
nouvelles possibilités pour le retour. De 1989 à 1992, l'ONU a
lancé des opérations de maintien de la paix beaucoup plus que
dans ses précédents 43 ans172.
Le HCR, ainsi que la communauté internationale ont
considéré les années 1990, comme la décennie du
rapatriement volontaire. Des opérations complexes de grandes envergure
ont eu lieu partout dans le monde dans des pays comme le Cambodge, le
Mozambique, le Rwanda, la Bosnie-Herzégovine, le Guatemala et autres.
Dans les quelques années entre le retour des
réfugiés en Namibie en 1989 et le retour en Mozambique en
1993-94, le rôle du HCR dans les opérations de rapatriement a
profondément changé. Au cours des décennies
précédentes, l'engagement du HCR dans les opérations de
retour a été généralement de courte durée et
à petite échelle et l'organisation se concentrait
170 Ibid.
171 Sadako Ogata a servi comme Haut Commissaire du HCR de 1991
à 2000.
172 R. Black- S. Gent, «Working Paper, Defining, Measuring
and Influencing Sustainable Return: The Case of the Balkans», Sussex
Centre for Migration Research, (December 2004), p.5.
principalement à assurer le retour sain et sauf des
réfugiés. Les opérations de rapatriement en
Amérique centrale, au Cambodge et au Mozambique ont impliqué une
approche nouvelle et plus large. Dans chaque cas, le HCR a joué un
rôle majeur dans les opérations de consolidation de la paix des
Nations Unies. Le rapatriement humanitaire et la consolidation de la paix se
sont intégrés dans un large cadre stratégique et politique
visant à assurer la réconciliation, la réinsertion et la
reconstruction173. Cela a conduit le Haut Commissaire pour les
réfugiés, Sadako Ogata, de prévoir que, dès 1992 il
aurait une « décennie de rapatriement ».
Le retour n'était pas seulement considéré
comme une solution pour les réfugiés individuels, mais comme un
pilier central de processus de paix tel qu'ils ont évolué pendant
cette période. La majorité de ces mouvements de retour ont
été effectués en Afrique.
Pendant la majeure partie des années 1980, le HCR n'a
consacré que 2 pour cent de son budget aux activités de
rapatriement. Entre 1990 et 1997174, cependant, le HCR a
canalisé environ 14 pour cent de son budget aux activités
liées aux retours.
Les dépenses pour les activités de
réintégration ont presque doublé entre 1994 et 1996. En
général, pour la communauté internationale, les avantages
tirés des programmes de retour de haut niveau sont que ces derniers
permettent de valider les régimes post-conflictuels, qui de plus en plus
ont été portés au pouvoir par une coalition internationale
ou des acteurs internationaux. Ainsi, le retour vise à inspirer
confiance au public et aux donateurs dans le programme de reconstruction et de
consolidation de la paix175. En revanche, la persistance d'un nombre
important de réfugiés représente un obstacle à la
légitimité des Etats post-conflictuels176.
L'hypothèse que le « droit au retour » des
réfugiés soit un principe établi et universellement
reconnu du droit international, et qu'il soit lié aux foyers et aux
biens177, a servi de base pour une grande partie du discours des
Etats-Unis, de l'OTAN, et de l'ONU pendant le conflit du Kosovo en 1999. En
effet, ce conflit semble avoir été une réaffirmation
massive du « droit au retour » comme principe général
du droit international, et même un casus belli178
valable pour l'``intervention humanitaire» dans les affaires
intérieures d'Etats souverains, tout en étant lié
particulièrement a des droits de propriété.
173 UNHCR, «The state of the world's refugees: Fifty years
of humanitarian action», Oxford: Oxford University Press,
(2000).
174 J. Crisp, «Mind the gap: Humanitarian assistance, the
development process and UNHCR», International Migration Review,
Vol. 35, (2001), p.8.
«While the available statistics are not totally reliable,
it would appear that the proportion of UNHCR funding spent on
repatriation-related activities increased from an average of just two per cent
of the organization's total budget prior to 1984 to some 14 per cent in the
period 1990-1997. In 1996, UNHCR allocated some $214 million to reintegration
programs, almost twice as much as its expenditure in 1994».
175 UNHCR, «The State of the World's Refugees», Geneva:
UNHCR, (1997), p.162.
176 R. Black - K. Koser, «The End of the Refugee Cycle?
Refugee Repatriation and Reconstruction», Oxford: Berghahn, (1999),
p.5.
177 Non seulement à un pays ou territoire.
178 Casus belli est une locution latine signifiant
littéralement « Cas de guerre ». Des évènements
violents, fortuits ou provoqués ont souvent été
utilisés par les nations, pour justifier, par la voie d'une propagande,
leur initiative d'un conflit armé ouvert, présentée comme
une riposte globale nécessaire, et ce, à l'encontre d'un pays
tiers ou d'un adversaire politique intérieur, rendu responsable et
coupable de casus belli.
Au cours de la crise du Kosovo, le 6 avril 1999, l'ancien
président américain Bill Clinton a déclaré «
Nous ne pouvons pas dire : nous allons prendre tous ces gens et oublier leurs
droits à rentrer à leurs foyers. Les réfugiés
appartiennent à leur propre domicile situé sur leur propre terre.
Notre objectif immédiat est de fournir des secours. Notre objectif
à long terme est de leur donner leur droit au retour ».
Des sentiments similaires ont été
exprimés par le Premier ministre britannique Tony Blair le 19 mai 1999,
qui a dit:« Ces gens ont été chassés de leurs foyers
et leur patrie. Notre mission est très simple et très claire :
celle de nous assurer qu'ils retournent chez eux et qu'ils soient capables de
vivre dans la paix et la sécurité comme devrait être le
droit de tout être humain civilisé ».
Le porte-parole de l'OTAN, Jamie Shea, a déclaré
aux journalistes lors d'une réunion le 24 avril 1999, « ce qui est
absolument clair sont nos conditions préalables, essentielles, que nous
n'allons pas négocier, et qui sont le droit au retour des
réfugiés, l'accès aux organisations humanitaires, le
retrait des forces serbes, le déploiement d'une force internationale
très robuste, et un processus politique ». Le 5 avril 1999, Shea a
déclaré à la presse : « La chose la plus importante
est qu'à la fin de la journée ces gens devront être en
mesure d'exercer leur droit au retour ».
Les fonctionnaires humanitaires des Nations Unies ont convenu
avec les dirigeants politiques et militaires que le « droit au retour
» est un aspect fondamental du droit international des droits de l'homme
comme en témoigne la crise au Kosovo. Le 19 avril 1999, Dennis McNamara
(directeur de la protection au HCR) a dit du conflit du Kosovo, « Les
droits de l'homme ont été au coeur de l'exode, le droit d'asile a
été crucial pour sauver des milliers de vies, et le droit au
retour devrait être honoré pour toute solution durable qui serait
atteinte ».
Ainsi, une fameuse transformation de perspectives s'est
accomplie, puisque on est passé d'une riposte essentiellement
humanitaire au problème du retour volontaire, à une approche qui
met l'accent sur les droits qui sont en jeu pendant et après le retour.
Cette démarche est de plus en plus associée au principe de la
justice réparatrice, elle perçoit la restitution comme un moyen
de recours qui favorise le choix d'une solution durable par les
réfugiés.
Ce changement a profondément modifié la
dynamique du retour et du rapatriement librement consenti, ainsi que la
façon dont la communauté internationale et les acteurs locaux
s'impliquent dans ces processus. « Ce ne sont pas uniquement des
changements de nature politique ou humanitaire, et c'est là un point
important : cette évolution s'est progressivement traduite dans les lois
et les autres instruments nationaux, régionaux et internationaux qui
reconnaissent la restitution des logements et des biens comme un droit
fondamental, autonome, interdépendant avec un ensemble d'autres droits
qui y sont reliés (...) A propos de la restitution, les principes
fondamentaux disposent que «La restitution devrait, dans la mesure du
possible, rétablir la victime dans la situation originale qui existait
avant que les violations flagrantes du droit international des droits de
l'homme, ou les violations graves du droit international humanitaire ne se
fussent produites. La restitution comprend, selon qu'il convient, la
restauration de la
liberté, la jouissance des droits de l'homme, de
l'identité, de la vie de famille et de la citoyenneté, le retour
sur le lieu de résidence et la restitution de l'emploi et des
biens» »179.
§2- Le Retour des Réfugiés:
L'Élément-clé de toutes les Conventions et
Résolutions Internationales.
Le HCR a identifié trois solutions durables aux
problèmes des réfugiés, l'intégration dans le pays
hôte, la réinstallation dans un pays tiers, et le retour
volontaire au pays d'origine180.
Le « droit de retour » est désormais compris
comme englobant non seulement le retour dans son pays, mais aussi dans son
foyer. En fait, le droit des réfugiés et des personnes
déplacées de regagner leur foyer, est reconnu par la
communauté internationale comme étant, en soi, un droit distinct
et autonome181, ce qui est étonnamment similaire à la
façon dont le «droit au retour» est formulé dans la
Résolution 194 de l'AGNU.
«En 1980, l'Assemblée générale, dans
sa résolution 35/124 relative à la coopération
internationale qui vise à éviter de nouveaux courants de
réfugiés, a réaffirmé « le droit des
réfugiés de regagner leur foyer dans leur patrie ». C'est
là un élément important pour la réussite des
efforts visant à protéger efficacement le « droit au retour
» des réfugiés et des personnes déplacées et
à améliorer les situations qui sont sources d'instabilité
et de déplacement.
L'Organisation des Nations Unies a par ailleurs
systématiquement réaffirmé ce principe à propos de
cas spécifiques de déplacements. C'est ainsi que le Conseil de
sécurité, dans sa résolution 820 concernant la
Bosnie-Herzégovine, adoptée le 17 avril 1993, a
réaffirmé que « Toutes les personnes déplacées
ont le droit de rentrer en paix dans leurs anciens foyers et devraient recevoir
une assistance à cette fin ».
Le Conseil de sécurité a réaffirmé
en des termes analogues le droit de regagner son foyer dans les
résolutions qu'il a adoptées, concernant les personnes
déplacées dans de nombreux pays et
179« Manuel sur la restitution des logements et des biens
des réfugiés et personnes déplacées», (Pour la
mise en oeuvre des «Principes Pinheiro» ), de l'OCHA (OCHA/IDD), UN
Habitat, le UNHCR, la FAO, le HCDH, le Conseil norvégien pour les
Réfugiés (NRC) et l'Observatoire des situations de
déplacement interne (IDMC),( Mars 2007), p.10.
180 UNHCR EXCOM Conclusion No. 56, «Durable solutions and
refugee protection», (13 October 1989).
181 Security Council resolutions 1287 (2000) (reaffirming the
right of all refugees and displaced persons ... to return to their homes in
secure conditions), 1244 (1999) (reaffirming the right of all refugees and
displaced persons to return to their homes in safety), 1999 (1998) (reaffirming
the right of all refugees and displaced persons to return to their homes in
safety), 1036 (1996) (reaffirming the right of all refugees and displaced
persons ... to return to their homes in secure conditions), 971 (1995)
(reaffirming the right of all refugees and displaced persons ... to return to
their homes in secure conditions), 876 (1993) (affirming the right of refugees
and displaced persons to return to their homes), 820 (1993) (reaffirming ...
that all displaced persons have the right to return in peace to their former
homes and should be assisted in doing so); General Assembly resolutions 51/126
(reaffirming the right of all persons displaced ... to return to their homes or
former places of residence), 35/124 (reaffirming the right of refugees to
return to their homes in their homelands); Sub-Commission on the Prevention of
Discrimination and Protection of Minorities resolutions 1998/26 (reaffirming
the right of all refugees ... and internally displaced persons to return to
their homes and places of habitual residence in their country and/or place of
origin), 1994/24 (affirming the right of refugees and displaced persons to
return, in safety and dignity, to their country and/or within it, to their
place of origin or choice); Committee on the Elimination of Racial
Discrimination, General Recommendation XXII on refugees and displaced persons,
(forty-ninth session) (A/51/18) (reaffirming that all ... refugees and
displaced persons have the right freely to return to their homes of origin
under conditions of safety).
régions, dont l'Abkhazie, la République de
Géorgie182, l'Azerbaïdjan183, la
BosnieHerzégovine184, le Cambodge185, la
Croatie186, l'île de Chypre187, le
Kosovo188, le Koweït189, la Namibie190 et
le Tadjikistan191.
D'autres organismes des Nations Unies ont eux aussi
réaffirmé ce droit. L'Assemblée générale a
ainsi réaffirmé ou reconnu le droit des personnes
déplacées de regagner leur foyer non seulement dans la
résolution 35/124 mentionnée ci-dessus, mais dans des
résolutions concernant l'Algérie192, l'île de
Chypre193, la Palestine194et le Rwanda195.» 196
Dans le contexte du conflit en Bosnie et en Croatie, le
Conseil de sécurité a publié les résolutions
suivantes, affirmant l'existence d'un « droit au retour »:
· Résolution 1145197 (1997) du Conseil
de sécurité: réaffirme le droit, de tous les
réfugiés et personnes déplacées originaires de la
République de Croatie, de retourner dans leurs foyers d'origine dans la
République de Croatie.
· La résolution 1088198 (1996) du
Conseil de sécurité: félicite l'engagement des parties aux
droits de tous les réfugiés et personnes déplacées
de retourner dans leurs foyers d'origine en toute sécurité.
· La résolution 1079 199 (1996) du
Conseil de sécurité: réaffirme le droit de toutes les
personnes originaires de la République de Croatie de retourner dans
leurs foyers d'origine à travers la République de Croatie.
· La résolution 1019200 (1996) : exige
que le gouvernement de la Croatie respecte les droits de la population serbe
locale, y compris leur droit de rester (en) ou de retourner (dans leurs foyers
d'origine) en matière de sécurité.
182 Résolutions 1287(2000), 1036 (1996), 971 (1995) et
876 (1993) du CSNU.
183 Résolution 853 du CSNU (1993).
184 Résolution 752 du CSNU (1992).
185 Résolution 745 du CSNU (1992).
186 Résolution 1009 du CSNU (1995).
187 Résolution 361 du CSNU (1974).
188 Résolutions 1244 (1999) et 1199 (1998) du CSNU.
189 Résolution 687 du CSNU (1991).
190 Résolution 385 du CSNU (1976).
191 Résolution 999 du CSNU (1995).
192 Résolution 1672 de l'AGNU (1961).
193 Résolution 3212 du l'AGNU (1974).
194 Résolutions 126 et 194 de l'AGNU (1948).
195 Résolution 51/114 de l'AGNU (1997).
196 Voir, Commission des Droits de l'Homme, Sous-commission
de la promotion et de la protection des droits de l'homme,
Cinquante-quatrième session, «Droits Économiques, Sociaux et
Culturels : Restitution des biens des réfugiés ou des personnes
déplacées », 12 juin 2002, E/CN.4/Sub.2/2002/17.
197 Résolution 1145 du CSNU (1997).
198 Résolution 1088 du CSNU (1996).
199 Résolution 1079 du CSNU (1996).
200 Résolution 1019 du CSNU (1995).
· La résolution 947 (1994) du Conseil de
sécurité: affirme le droit de toutes les personnes
déplacées de rentrer volontairement dans leurs foyers d'origine
dans la sécurité et la dignité avec l'aide de la
communauté internationale.
· La résolution 820201 (1993) du
Conseil de Sécurité : réaffirme une fois encore que toute
acquisition de territoire par la force ou toute pratique de purification
ethnique est illégale et inacceptable, insistant sur le fait que toutes
les personnes déplacées ont le droit de rentrer en paix dans
leurs anciens foyers.
De même, dans le cas du conflit en Géorgie, le
Conseil de sécurité a de nouveau confirmé le droit des
réfugiés de retourner dans leurs foyers d'origine. Dans une
ressemblance plus forte à un autre aspect important de la
résolution 194, le Conseil de sécurité a
expressément déclaré que dans le cas de la Géorgie,
le droit des réfugiés au retour est indépendant de toute
solution politique définitive (et donc ne pouvait pas être
conditionné par des exigences politiques faites par l'une des parties au
conflit).
· La résolution 1097202 (1996) du
Conseil de sécurité : réaffirme le droit de tous les
réfugiés et personnes déplacées touchés par
le conflit, de retourner dans leurs foyers conformément au droit
international et a souligné le caractère inacceptable de tout
lien avec le retour des réfugiés et des personnes
déplacées et la question du statut politique de l'Abkhazie, en
Géorgie.
Une autre forte ressemblance à la résolution
194 est le cas de la Namibie, où le Conseil de sécurité a
affirmé le « droit de retour » des Namibiens, encore une fois
indépendamment de toute solution politique, le proclamant ainsi comme un
droit absolu qui ne saurait être subordonnée à des
considérations politiques.
· La résolution 385203 (1977) du
Conseil de sécurité : indique que le rapatriement des Namibiens
devrait être mis en oeuvre par l'Afrique du Sud "en attendant le
transfert du pouvoir" sans attendre un règlement politique.
Enfin, dans un autre cas parallèle très
important pour le cas palestinien, tant dans la Bosnie qu'au Kosovo, dans les
opérations de retour mises au point par la communauté
internationale, les droits individuels et collectifs ont été
conjointement protégés. Dans ces deux pays, les droits collectifs
à une entité indépendante ou un Etat ont été
conservés, ainsi qu'un mécanisme pour les réfugiés
individuels à faire valoir leurs droits à être
rapatriés et à obtenir restitution et/ou compensation. Chacune de
ces situations en cause a impliqué la création de commissions de
réclamations dans le cadre d'un règlement négocié,
mais le droit de l'individu à faire valoir sa demande a
été conservé indépendamment de la question de
l'autodétermination204.
201 Résolution 820 du CSNU (1993).
202 Résolution 1097 du CSNU (1996).
203 Résolution 385 du CSNU (1977).
En effet, la restitution des logements et des biens doit
être considérée comme un important élément de
la mise en oeuvre du droit de réintégrer son foyer. Aussi, dans
le cadre du droit international relatif aux droits de l'homme, le droit
à la restitution des logements et des biens est reconnu comme une
composante essentielle du « droit au retour » des
réfugiés et des personnes
déplacées205.
Le droit à la restitution des logements et des biens a
également été reconnu et invoqué dans plusieurs
accords visant à mettre fin à un conflit, notamment ceux portant
sur le retour des personnes déplacées en
Bosnie-Herzégovine206, au Cambodge207, au
Guatemala208, au Kosovo209, au Mozambique210
et au Rwanda211.
Plusieurs pays, dont la
Bosnie-Herzégovine212, la Bulgarie213, la
République tchèque214, l'Estonie215,
l'Allemagne216, le Rwanda217, la
Slovénie218, l'Afrique du Sud219et le
Tadjikistan220, ont inscrit le droit à la restitution des
logements dans leur Constitution ou dans leur législation nationale. Ces
initiatives sont autant d'exemples de la façon dont des
mécanismes en matière de logement et de biens peuvent être
créés et appliqués pour faire face à des situations
spécifiques.
204 S. Akram - T. Rempel, «Recommendations for Durable
Solutions for Palestinian Refugees: A Challenge to the Oslo Framework,»
Palestine Yearbook of International Law, (2000-2001).
205 S. Leckie, «Housing and property issues for refugees and
internally displaced persons in the context of return: key considerations for
UNHCR policy and practice», Refugee Survey Quarterly, vol. 19, No.
3, Geneva, UNHCR (2000).
206 General Framework Agreement for Peace in Bosnia and
Herzegovina, Annex 7, Agreement on Refugees and Displaced Persons.
207 Voir, Les Accords du règlement politique global du
Conflit au Cambodge (1991).
208 Voir, Accord sur l'identité et les droits des peuples
autochtones (Processus de Paix au Guatemala) (31 Mars 1995); Accord sur la
réinstallation des populations déracinées par le conflit
armé (17 Juin 1994).
209 United Nations Interim Administration in Kosovo (UNMIK)
Regulation No. 1999/23 (on the establishment of the Housing and Property
Directorate and the Housing and Property Claims Commission) (15 November
1999).
210 General Peace Agreement (4 October 1992), Protocol III,
Section IV; Tripartite Agreement between the Government of the Republic of
Mozambique, the Government of Zimbabwe and UNHCR for the Voluntary Repatriation
of Mozambican Refugees from Zimbabwe (1993).
211 Voir Accord de Paix en Arusha (Aout 1993).
212 Law on the Cessation of the Application of the Law on
Temporarily Abandoned Real Property Owned by Citizens (3 April 1998)
(Federation of Bosnia and Herzegovina); Law on the Cessation of The Application
of the Law on Abandoned Apartments (1998) (Federation of Bosnia and
Herzegovina); Law on the Taking Over of the Law on Housing relations
(Federation of Bosnia and Herzegovina); Law Amending the Law on the Sale of
Apartments with Occupancy Rights (6 December 1997) (Federation of Bosnia and
Herzegovina); Law on the Cessation of the Application of the Law on the Use of
Abandoned Property (2 December 1998) (Republika Srpska).
213 Voir, Restitution on Ownership of Nationalized Real Property
Act of 1992.
214 Voir, Law No. 116/1994 Coll.; Law No. 87/1991 Coll.
215 Law on the Fundamentals of Ownership Reform of 1991, as
amended in 1993; Land Reform Act of 1991, as amended in 1993.
216 Federal Restitution Law of 1957; German Act Regulating
Unresolved Property of 1990.
217 Voir, Ministerial Order No. 01/96 of 23 September 1996
Regarding the Temporary Management of Land Property.
218 Loi de dénationalisation (1991, telle que
modifiée en 1998).
219 Constitution of the Republic of South Africa, art. 25 (1996);
Restitution of Land Rights Act 22 of 1994.
220 Special Law on the Return of Illegally Occupied Houses;
Law of the Republic of Tajikistan on Forced Migrants (20 July 1994); Resolution
No. 542 of 22 August 1995 on Additional Measures Facilitating the Return of
Refugees-Citizens of the Republic of Tajikistan and Forced Migrants to the
Places of Permanent Residence and Their Social and Legal Protection.
§3- L'Étroite Relation entre le Retour des
Réfugiés et un Accord de Paix Réussi.
La pratique internationale a établi que l'aboutissement
a un accord de paix juste et durable est incontestablement associé au
« droit de retour » des personnes déplacées et des
réfugiés dans leurs foyers d'origine.
Dans les dernières décennies, presque tous les
grands accords de paix dans les zones conflictuelles où il y a eu des
déplacements massifs des populations, ont inclu des dispositions
relatives au retour des réfugiés et des personnes
déplacées, qui ont été fondées sur le droit
international.
Pendant les années 1990, environ 12 millions de
réfugiés ont été rapatriés dans le monde
entier vers des pays comme l'Angola, la Bosnie-Herzégovine, le Cambodge,
l'Éthiopie, le Guatemala, le Mozambique, le Rwanda et l'Afrique du
Sud.
Un bref examen de la résolution des conflits dans
plusieurs pays va montrer l'importance de ce principe et mettre davantage
l'accent sur l'argument selon lequel, aucun accord de paix au Moyen-Orient ne
sera efficace sans la mise en oeuvre concrete du « droit au retour »
des réfugiés palestiniens.
Ces dernières années, un certain nombre
d'accords de paix ont été signés ; ils contiennent des
dispositions concernant les droits des réfugiés et des personnes
déplacées à retourner dans leurs foyers. Le plus complet
est peut-être l'Accord Général pour la paix en
Bosnie-Herzégovine221, autrement connu comme l'Accord de paix
de Dayton, qui a été signé en décembre 1995. Les
arrangements qu'il renferme accordent le droit de reprendre possession des
biens perdus pendant le conflit et l'indemnisation. Il constitue
également la base pour l'établissement d'un mécanisme
global pour l'exercice de ces droits.
Outre l'Accord de paix de Dayton, un certain nombre d'autres
accords ont établi des droits similaires. L'accord sur un
règlement politique global du conflit au Cambodge, signé en
Octobre 1991222, prévoit que des efforts devraient être
faits pour créer les conditions nécessaires au retour volontaire
et à l'intégration, et offre une protection pour le droit
à la propriété. Il précise également que les
droits inclus dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et
autres instruments internationaux sont garantis à toutes les personnes
au Cambodge, y compris les réfugiés et personnes
déplacées.
La série d'accords qui mirent fin au conflit au
Guatemala en 1994 contiennent des dispositions concernant à la fois le
retour et la réinstallation223. Les personnes
déplacées se trouvaient devant une alternative : « le droit
au retour » ou la réinstallation dans le lieu de leur choix.
C'est aussi le cas de l'Accord de paix d'Arusha224
qui a mis fin au conflit du Rwanda et les accords de paix au
Mozambique225 et en Somalie226 qui ont fourni le
renforcement des droits à la
221 L'accord de paix pour la Bosnie-Herzégovine a
été conclu le 21 novembre 1995 à Dayton
(États-Unis) et signé à Paris le 14 décembre 1995
par les présidents de la République de Bosnie-Herzégovine,
de la République fédérative de Yougoslavie et de la
République de Croatie. Cet accord a mis un terme aux hostilités
sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
222 L'Accord pour un règlement politique global du conflit
au Cambodge, signé à Paris le 23 octobre 1991,
A/46/608-S/23177.
223 Accord en vue de la réinstallation des populations
déracinées du fait des affrontements armés (juin 1994).
propriété. Au Mozambique, les
réfugiés et personnes déplacées sont garantis de
restituer leurs biens dans les cas où la propriété existe
toujours, et ont le droit d'engager des poursuites judiciaires contre les
possesseurs actuels. Les réfugiés somaliens sont autorisés
à reprendre tous les biens qui leur ont été
illégalement confisqués, volés, saisis,
détournés ou pris par d'autres moyens frauduleux.
En effet, « les opérations coordonnées de
retour et de rapatriement librement consentis, ainsi que les accords qui les
régissent, peuvent aussi inclure des dispositions explicites sur la
restitution des logements et des biens pour les personnes rentrées au
pays. Les accords de rapatriement librement consenti concernant le Vietnam, le
Guatemala, la République démocratique du Congo, le Mozambique, le
Rwanda, l'Angola, la Géorgie, le Burundi et de nombreux autres pays,
garantissent des variantes des droits à restitution des logements et des
biens. Les principes constituent une source rassemblant des normes
internationales justifiant la prise en compte des préoccupations
liées à la restitution dans les futurs projets de rapatriement
librement consenti et de retour »227.
Il faut noter que de nombreuses opérations de maintien
de la paix des Nations Unies ont directement participé aux efforts
entrepris pour la restitution des logements et des biens. Ainsi, la Mission des
Nations Unies au Kosovo (MINUK) a institué, administré et
géré la Direction des logements et des biens228 et la
Commission des litiges relatifs aux logements et aux biens immeubles. Au sein
de l'Administration Transitoire des Nations Unies au Timor Oriental (ATNUTO),
une unité a formulé des propositions détaillées
pour apporter une réponse institutionnelle au problème de la
restitution.
§4- Le Rapatriement Volontaire entre Opérations
d'Urgences et Développements.
Ceux qui procurent l'assistance au retour considèrent
que son principal objectif est l'intégration des rapatriés. Dans
un modèle parfait de rapatriement, les réfugiés exprimant
le désir de retourner dans leur pays d'origine signent un formulaire de
rapatriement volontaire, sont assistés à retourner dans leur
pays, reçoivent un niveau minimal d'aide personnelle et communautaire
afin de faciliter leur processus d'intégration, puis, dans un an (plus
ou moins), y seront intégrés au point qu'ils n'auront plus besoin
d'aide extérieure. Ce genre de réflexion a guidé la «
Décennie de rapatriement » du HCR dans les années 1990 et
continue d'être le paradigme dominant de la planification de
rapatriement.
224 Les accords d'Arusha, concernant le Rwanda, se sont
déroulés de juin 1992 à août 1993 par étapes
successives entre l'État Rwandais et le Front patriotique rwandais. Les
négociations d'Arusha ont été conduites en Tanzanie.
L'accord définitif fut signé le 4 Août 1993.
225 Accord général de paix pour le Mozambique ; la
signature des derniers protocoles a eu à Rome le 4 Octobre 1992.
226 Accord d'Addis-Abeba du 27 Mars 1993, conclu à la
première session de la Conférence de réconciliation
nationale en Somalie.
227 Voir, « Manuel sur la restitution des logements et
des biens des réfugiés et personnes
déplacées», (Pour la mise en oeuvre des «Principes
Pinheiro»), de l'OCHA (OCHA/IDD), UN Habitat, le UNHCR, la FAO, le HCDH,
le Conseil norvégien pour les Réfugiés (NRC) et
l'Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC),( Mars
2007).
228 Kosovo Housing and Property Directorate, HPD.
Avec le retour de plus en plus considéré comme
ayant des implications non seulement pour les individus, mais aussi pour les
communautés d'origine et le processus plus large de
développement, l'expérience a montré que ce retour
lui-même ne suffit pas de promouvoir la paix, mais plutôt il doit
être « réussi ». Ainsi, le HCR indique: «
L'expérience montre que si la question de la durabilité ou la
réinsertion des réfugiés et populations
déplacées ne sont pas traitées de façon
appropriée, les pays concernés vont presque inévitablement
sombrer à nouveau dans le conflit » 229. Une gamme de
programmes d'aide au retour volontaire, des projets à impact rapide et
d'autres programmes ont tenté d'influencer la réussite des
retours230 et ainsi de promouvoir la paix.
Bimal Ghosh identifie comment la combinaison harmonieuse des
effets bénéfiques pour les migrants eux-mêmes et le
développement économique et social du pays d'origine peut «
mettre en branle un cercle vertueux » de
développement231.
Bien que les règlements de retour dans la plupart des
cas ne soient pas devenus des centres florissant et innovant de nouvelles
formes de production, néanmoins ils peuvent être
interprétés comme ayant eu des effets en termes de reconstruction
de l'État après le conflit armé. Le cas de la
réinstallation après le déracinement peut être
considéré comme un marqueur symbolique de la transition du
conflit à la paix dans des sociétés
généralement sédentaires232.
Avant d'aller plus loin sur le sujet du développement,
on va présenter en concision les principales étapes d'un
processus de retour.
Les mouvements de réfugiés à grande
échelle se produisent normalement, soit après la cessation des
conflits, soit après un changement de gouvernement. De tels retours
exigent des négociations préalables qui sont parfois très
longues en fonction des relations des gouvernements concernés et des
besoins des réfugiés à leur arrivée.
Les termes seront établis dans un protocole d'entente
entre le pays d'accueil et le gouvernement du pays d'origine. Avant le retour
des réfugiés en masse, les fonctionnaires du HCR les informent
sur les conditions auxquelles ils devraient faire face à leur
arrivée au pays d'origine et du type d'assistance qui sera mise à
leur disposition.
Le rapatriement effectif peut avoir lieu par voie terrestre,
au moyen d'autobus, de camions et d'autres formes de transports pour les
réfugiés et leurs possessions. Quand les camps de
réfugiés sont situés près de la frontière,
ceux qui sont valides peuvent marcher jusqu'à la
maison233.
229 UNHCR, «Dialogue on Voluntary Repatriation and
Sustainable Reintegration in Africa», (8 Mars 2004), p.1.
230 Voir, UNHCR, «The State of the World's Refugees»,
Geneva: UNHCR, (1997).
231 B. Ghosh, «Managing Migration: Time for a New
International Regime?», Oxford University Press, (2000),
p.185.
232 F. Stepputat, «Repatriation and Everyday Forms of State
Formation in Guatemala». In R. Black - K. Koser «The End of the
Refugee Cycle? Refugee Repatriation & Reconstruction», Oxford:
Berghahn Books, New York (1999).
A. Helton, «The Price of Indifference: Refugees and
Humanitarian Action in the New Century», Oxford: Oxford University
Press, (2002).
S. Petrin, «Refugee return and state reconstruction: a
comparative analysis», New Issues in Refugee Research. Working Paper
No.66. UNHCR, Geneva, (2002).
233 Voir à ce sujet, P. Weiss Fagen, «UNHCR and
Repatriation», in M. Dumper, «Palestinian Refugee Repatriation:
Global Perspectives», Routledge, (2005), p.44.
À l'autre extrême, illustrée par la
Namibie en 1989, quelque 40 000 réfugiés rapatriés ont
été transportés par voie aérienne à un
coût élevé, en raison des conditions dangereuses en cours
de route et la nécessité de vitesse.
Dans la plupart des cas du retour à grande
échelle, les réfugiés qui regagnent spontanément
leur pays sont plus nombreux que ceux ramenés formellement par le HCR,
bien qu'ils soient généralement dans les deux catégories
en mesure de profiter de toute assistance post-retour qui est mise à
leur disposition.
Après avoir réussi à négocier des
accords de paix post-conflictuels, l'ONU et ses agences ont commencé
à superviser des programmes ambitieux de consolidation de paix et de
reconstruction. La plupart des guerres des années 1980 et 1990 ont
été des guerres civiles, et les victimes en grande partie ont
étés elles aussi civiles.
Une fois les réfugiés rapatriés à
ces pays déchirés par la guerre, ils ne pouvaient pas compter sur
le soutien économique significatif de leurs gouvernements. Par
conséquent, leur réinsertion a nécessité l'appui
des agences des Nations Unies, des ONG et des donateurs.
Le HCR et pratiquement tous les acteurs principaux ont
accepté le fait que la réintégration des populations
déracinées soit un élément essentiel de
consolidation de la paix post-conflictuelle, comme elle est aussi essentielle
pour la consolidation des accords de paix, la reconstruction de
l'économie et du tissu social d'un pays.
Encore une fois, les paroles de septembre 1991 du Haut
Commissaire Ogata:
« Les réfugiés retournant peuvent être
correctement réintégrés, seulement s'il ya des programmes
complets pour la construction ou reconstruction politique, économique et
sociale.
En tant que tel, assurer le succès du rapatriement
volontaire va au-delà du mandat ou des ressources du HCR seul ».
Ainsi, les retours en masse au Cambodge, El Salvador et au
Mozambique au début des années 1990, ont transformé
l'approche traditionnelle des activités d'intégration du HCR, qui
jusque-là consistait à fournir des programmes d'aide aux familles
de rapatriés individuels et des interventions visant à assurer
des garanties judiciaires.
En plus des préoccupations d'ordre juridique, le HCR a
créé des projets pour restaurer les infrastructures,
améliorer la gouvernance locale et générer les revenus.
Le concept de base de l'aide et du développement des
réfugiés et des rapatriés remonte aux années 1980 ;
les gouvernements africains se sont plaints d'avoir accueilli des centaines de
milliers de réfugiés, mais en retour, ils ont été
incapables de fournir des opportunités économiques pour leurs
propres citoyens. À cette époque, le HCR et les donateurs
persistaient à envisager les problèmes des réfugiés
principalement dans les domaines juridiques et politiques alors que les acteurs
de développement avaient d'autres priorités.
Le changement de perspective est seulement arrivé
à la fin de cette décennie en Amérique centrale,
où les processus de paix régionaux et les engagements des
donateurs avaient conduit à une approche nouvelle et plus large de la
réinsertion sociale. Le plan a prévu la coordination des
activités des donateurs, des gouvernements et des ONG
locales et internationales, au moyen d'un secrétariat conjoint avec le
HCR et le PNUD234. C'était la première fois que ces
deux organismes travaillaient ensemble dans un programme à long
terme.
En termes de réinsertion, la répartition des
responsabilités dans les trois différentes phases (secours,
reconstruction et développement) a été reprise dans le
protocole d'entente entre le HCR et le PNUD. Alors que le HCR mettait l'accent
sur les besoins immédiats des rapatriés, le PNUD se concentrait
sur la réintégration à long terme.
Ce type de projet a été transmis au Cambodge,
Mozambique, Tadjikistan, Afghanistan, Angola, et à d'autres situations
de rapatriés.
L'apogée de l'engagement du HCR dans les
activités de réintégration a eu lieu au Mozambique; entre
1993 et 1996, le HCR a aidé à rapatrier et/ou à
réintégrer plus de 1,5 millions de personnes235. Sur
le montant total des 108 millions dépensés sur les
opérations au Mozambique, 20% seulement ont été
dépensés sur le rapatriement236 ; le programme de
réinsertion englobait beaucoup plus que le nombre de personnes
rapatriées par le HCR, puisque la plupart des réfugiés
mozambicains sont rentrés spontanément.
§5-Le Caractère Volontaire en Matière de
Solutions Durables dans les Normes Internationales.
Comme nous l'avons vu, les principes de base régissant
les solutions durables pour les réfugiés et les personnes
déplacées sont bien connus. Tous les réfugiés et
personnes déplacées ont le droit de retourner dans leurs foyers
d'origine volontairement, en toute sécurité et dignité et
reprendre possession de leurs propriétés237. Ceux qui
ne souhaitent pas exercer ces droits peuvent opter pour l'intégration
dans les pays d'accueil ou la réinstallation dans des pays
tiers238. Outre que les pays d'accueil ne doivent pas pousser les
réfugiés à rentrer et les pays d'origine ne doivent pas
empêcher leur retour239. En d'autres termes, le point de
départ dans l'élaboration de solutions durables est le souhait du
réfugié lui-même. Bien que la mise en oeuvre soit souvent
imparfaite, ces principes de base sont la condition sine qua
non240 pour l'élaboration de solutions durables pour les
réfugiés et personnes déplacées.
234 Programme des Nations Unies pour le Développement (en
anglais UNDP).
235 On estime deux fois plus le nombre de personnes
déplacées.
236 UNHCR, « Mozambique: An account from a lessons learned
seminar on reintegration », Geneva, (1996).
237 Voir, par exemple, UNHCR, Executive Committee Conclusion No.
18, «Voluntary Repatriation», (1980);
UNHCR, Executive Committee Conclusion No. 40, «Voluntary
Repatriation; International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination», and refugees and displaced persons, (24 August
1996);
UN Sub-Commission on Human Rights Resolution 2002/30, «The
right to return of refugees and internally displaced persons», (15 August
2002);
UN Sub-Commission on Human Rights Resolution 2002/7,
«Housing and property restitution in the context of refugees and other
displaced person»s, (14 August 2002); and, «Housing and property
restitution in the context of the return of refugees and internally displaced
persons», (16 June 2003).
238 UNHCR, Executive Committee Conclusion No. 67,
«Resettlement as an Instrument of Protection», (1991).
239 UNHCR, «Handbook, Voluntary Repatriation: International
Protection». Geneva (1996), p. 10.
240 Un terme juridique latin signifiant « sans laquelle cela
ne pourrait pas être ».
Dans ce contexte, de nombreux spécialistes,
étudiant les migrations forcées, ont critiqué la tendance
du HCR en faveur du rapatriement qui forçait les réfugiés
à rentrer à la maison241. Bien que le HCR ait toujours
reconnu dans le cadre de son mandat la nécessité de s'assurer que
les réfugiés ne soient pas refoulés contre leur gré
dans leur pays d'origine, cela n'a pas toujours été la pratique
implicite242.
Comme une publication du HCR déclare carrément:
« Il est clair qu'une forte proportion de récents rapatriés
dans le monde ont regagné leur pays sous une certaine forme de
contrainte » 243.
Prenons l'exemple afghan : le HCR qui a été
largement en faveur du retour volontaire pendant la période de
1990-1995, a cédé244 sous les pressions croissantes en
provenance du Pakistan, Iran et les gouvernements européens pour aider
par conséquent à réduire leur population de
réfugiés afghans.
L'agence s'est donc trouvée dans une position
particulièrement faible, étant donné que des centaines de
milliers de réfugiés étaient en train de retourner en
Afghanistan dans les trois mois de l'émergence d'un nouveau gouvernement
intérimaire, qui n'avait pas la capacité de gouverner ou de
fournir une infrastructure adéquate pour soutenir les
réfugiés de retour245.
Cependant, la politique du rapatriement du HCR a radicalement
changé au fil des ans. Le noeud du rapatriement librement consenti est
tel que les réfugiés ne peuvent être renvoyés contre
leur gré à un pays d'origine qui, dans leur évaluation
subjective n'a pas sensiblement changé pour le mieux et, pour cette
raison présente encore la même situation que celle qui a
déclenché leur exil. Sachons qu'il existe un débat
considérable sur ce qui a provoqué ce changement. En effet, une
explication possible démontre que les États ont poussé le
HCR à le faire. Vers la fin des années 1970, l'Ouest et le
Tiers-Monde ont commencés à réclamer l'allégement
des lourdes charges qui leur étaient imposées par le
régime des réfugiés. De leur côté, les pays
occidentaux étaient de plus en plus agités par le nombre
croissant de demandes d'asile en provenance du Tiers-Monde. Comme ils
considéraient fausses un grand nombre de ces demandes, ces Etats ont
commencé à refuser de nouveaux demandeurs d'asile, et exigeaient
un changement dans le droit des réfugiés. Les pays du Tiers-Monde
se sont également montré de plus en plus intolérants aux
flux des réfugiés qui imposaient de lourds coûts
financiers, environnementaux et politiques246. Le résultat
fut que l'Ouest et le Tiers-Monde ont demandé que le HCR soit
impliqué dans ce que le Haut Commissaire a dénommé une
politique de dissuasion247.
La doctrine de «retours imposés» a d'abord
été officiellement diffusée en septembre 1996 par
241 B. Harrell -Bond (1989) et F. De Le Houérou (2006).
242 Comme par exemple, les rations du HCR refusés aux
Mozambicains en Afrique du Sud ou Erythréens au Soudan.
243 UNHCR, The State of the World's Refugees: A Humanitarian
Agenda (Oxford: Oxford University Press, 1997), p. 147.
244 HCR est tributaire du financement des gouvernements
occidentaux.
245 P.Marsden, «UNHCR under duress: The reducing power of
UNHCR to influence outcomes for Afghan refugees», in M. Dumper,
«Palestinian Refugee Repatriation: Global Perspectives»,
Routledge, (2006), p.237 and n.
246 M. Barnett, «UNHCR and the ethics of repatriation»,
Forced Migration review 10, p. 31-32.
247 Executive Committee of the High Commissioner's Programme,
`Note on International Protection.' 31 August 1983, p3.
Dennis McNamara : directeur de la Division de la Protection
Internationale du HCR, qui a souligné dans son exposé à
Washington, « Le retour imposé est devenu nécessaire en
raison de la pression des pays d'accueil et le manque d'argent pour prendre
soin des réfugiés »248.
Elazar Barkan a considéré que le rapatriement
volontaire est parfois une « couverture pour le retour forcé, ou
une entrave à ce retour »249.
Des recherches montrent également que la notion de
rapatriement volontaire a été appliquée de manière
trop large et vague. Dans de nombreux cas, l'absence d'alternatives
appropriées oblige les réfugiés à collaborer
à leur propre rapatriement, si bien que ce dernier est souvent
involontaire250.
C'est un fait, la pression exercée par les pays
d'accueil continue à augmenter puisque le plus souvent ces pays sont
extrêmement pauvres, confrontés à une situation dans
laquelle les Etats du Nord ne sont pas disposés à actualiser le
principe du partage des charges. Or l'absence de partage des charges doit
être soulignée, tant au niveau de l'asile, qu'au niveau des
ressources251. Ainsi, le régime que les États du Nord
ont construit pour empêcher les réfugiés d'atteindre leurs
côtes, et la hâte indécente pour faire retourner les
réfugiés de l'ex-Yougoslavie, a enlevé leur
autorité morale pour protester contre le rapatriement involontaire quand
il a eu lieu dans le Sud252.
De son côté, la réticence du Nord à
partager le fardeau des États d'accueil au niveau des ressources, a fait
que les « réfugiés doivent, soit retourner, soit devenir la
seule responsabilité de l'État d'accueil »253.
Prenons le cas de la République Démocratique du Congo
(ex-Zaïre) et de la Tanzanie, qui ont donné asile à
2.500.000 réfugiés rwandais en 1994. Ils figurent parmi les pays
les plus pauvres dans le monde avec un classement selon l'Indice du
Développement Humain (IDH) du PNUD, respectivement de 168 et 148 sur
169254.
Plusieurs autres pays d'accueil qui offrent refuge à
des milliers de réfugiés sont classés parmi les pays les
plus pauvres dans le monde, y compris, la Guinée, l'Ouganda, le Soudan,
le Népal, le Bangladesh, et le Pakistan.
Il n'est donc pas surprenant que les gouvernements des pays
d'origine ne soient pas souvent en mesure d'assumer la responsabilité de
la réintégration des réfugiés ou d'autres
populations déplacées.
248 Reuters, 29 September 1996.
249 E. Barkan, «Repatriating refugees and crossing the
ethnic divide: A comparative perspective. Refugee repatriation»,
Migrinter, Poitiers (2004), p 7.
250 S.Hanafi, «Palestinian return migration: Lessons from
the international refugee regime», in M. Dumper, «Palestinian Refugee
Repatriation: Global Perspectives», Routledge, (2005), p.274 and
n.
251 Voir, B.S Chimni, «From resettlement to involuntary
repatriation: towards a critical history of durable solutions to refugee
problems», New Issues in Refugee Research, (UNHCR), working Paper
N° 2.
252 B. Frelick, "The Year in Review", The World Refugee
Survey, New York: United States Committee for Refugees, (1997), p.
14-19.
Bill Frelick writes: "Africa, which for decades stood as a
shining example of solidarity and hospitality, retreated from fundamental
principles. On both sides of the continent, the spirit of generosity withered.
... Like it or not, U.S. actions set a standard. If the United States treats
refugees and asylum seekers without regard to fundamental refugee principles,
rest assured that other countries will cite that as justification for their own
misbehavior."
253 B. Rutinwa, "Beyond Durable Solutions: An Appraisal of the
New Proposals for Prevention and Solution of Refugee Crisis in the Great Lakes
Region", Journal of Refugee Studies, Vol. 9, No. 3 (1996), p. 312 and
n.
254 Indice de développement humain (IDH) du PNUD,
Classements 2010. (
http://hdr.undp.org/fr/statistiques/)
Avant de conclure, il est nécessaire de donner un
aperçu sur le cadre existant et le développement juridique
applicable au rapatriement volontaire.
Le principe de base du droit des réfugiés est le
principe de non-refoulement adopté par la Convention de Genève de
1951, relative au statut des réfugiés dans son article 33.1 qui
stipule: « Aucun des États contractants n'expulsera ou ne
refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur
les frontières des territoires où sa vie et sa liberté
seraient menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de
ses opinions politiques ". Outre ce principe, il y a « le droit au retour
", qui est particulièrement pertinent pour le rapatriement volontaire.
Ce droit est consacré par l'article 13.2 de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme de 1948: « Toute personne a le droit de
quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ".
C'est sur ces motifs que la condition du «
caractère volontaire " joue un rôle clé dans le
rapatriement librement consenti.
La communauté internationale et le HCR ont
été conscients des problèmes précédemment
décrits à partir d'une perspective orientée vers l'action
et l'évolution de la politique internationale. C'est à cet effet
que le HCR, en vertu de son mandat255, a encouragé le
débat et la réflexion sur les questions du rapatriement
volontaire qui sont toujours en cours mais qui n'ont pas atteint la mise en
place claire et rigoureuse du HCR. Les Consultations Mondiales sur la
Protection Internationale ont conduit à l'Ordre du Jour de la Protection
en 2002. La quatrième réunion de ces Consultations a
expressément abordé le programme de rapatriement volontaire,
indiquant que « du point de vue du HCR, le rapatriement volontaire de base
est le retour dans et à des conditions de sécurité
physique, juridique et matérielle, avec la pleine restauration de la
protection nationale du produit final "256.
En vertu de l'article 35 de la Convention de 1951, les Etats
parties sont invités à coopérer avec le HCR dans ce
domaine, entre autres. L'Assemblée générale a constamment
réaffirmé et élargi les fonctions du HCR ayant
égard au rapatriement librement consenti, y compris dans le pays
d'origine257. Les conclusions du Comité
exécutif258 réaffirment également les principes
internationaux et contiennent des normes régissant le processus de
rapatriement librement consenti, y compris ses éléments
clés, parmi lesquels :
- l'importance de fournir l'information nécessaire aux
réfugiés concernant les conditions prévalant dans leur
pays d'origine et cela afin de faciliter la prise de décision,
255 Article 1 of the Statute of the Office of the United
Nations High Commissioner for Refugees states: «The United Nations High
Commissioner for Refugees, acting under the authority of the General Assembly,
shall assume the function of providing international protection, under the
auspices of the United Nations, to refugees who fall within the scope of the
present Statute and of seeking permanent solutions for the problem of
refugees».
256 UNHCR, « Global consultation on international
protection», 4th meeting, Voluntary repatriation, EC/GC/02/5,
Geneva: UNHCR, (2002a), p.15.
257 Voir en particulier les résolutions 49/169 du 23
décembre 1994 et 52/1003 du 12 décembre 1997 de
l'Assemblée générale.
258 Les plus pertinentes sont les conclusions No 18 (XXXI) de
1980 et No 40 (XXXVI) de 1985, toutes
deux réaffirmées par la conclusion No 74 (XLV) de
1994. La conclusion No 85 (XLIX) est également pertinente.
- le cas échéant, des visites d'inspections sur le
terrain pourraient avoir lieu (Sans perdre le statut de
réfugié).
- des garanties formelles pour la sécurité des
rapatriés,
- une fonction de suivi des rapatriés du HCR, y compris
l'accès direct et non entravé aux rapatriés à tous
les stades,
- la fourniture des documents nécessaires et la
restitution de la citoyenneté,
- la nécessité d'accueil et la fourniture d'une
assistance à la réintégration par le HCR et les autres
agences des Nations Unies,
- la promotion du dialogue entre les principaux acteurs,
- l'établissement de mécanismes consultatifs et
tripartites,
- le rôle moteur du HCR dans la promotion, la facilitation
et la coordination du rapatriement librement consenti,
- la responsabilité primordiale des Etats dans la
création de conditions propices au rapatriement librement consenti comme
solution au problème des réfugiés259.
Le Guide du HCR sur le rapatriement volontaire, regroupe les
différentes normes et définit les modalités des
opérations de ce rapatriement. Le HCR prévoit de mettre à
jour ce guide afin de s'assurer qu'il traite de nouvelles questions et normes
juridiques, qu'il s'occupe du suivi des rapatriés, du
renforcement des capacités et de la réconciliation260.
Naturellement, le rapatriement volontaire implique un équilibre entre
deux mandats politiques opposés. D'une part, il devrait être
encouragé et facilité, d'autre part, les réfugiés
par définition, ont de bonnes raisons de craindre pour leur
sécurité en cas de retour, et de ce fait pensent rester à
l'étranger. Le guide du HCR a tenté d'assurer cet
équilibre.
On peut alors conclure que les États dominants dans le
système international décident de temps à autre, à
la lumière de leurs intérêts, quelle solution au
problème des réfugiés mondiaux devrait être promue
comme solution durable privilégiée. Le rapatriement involontaire
peut donc être décrit comme la solution privilégiée
des États du Nord dans l'ère de la mondialisation, marquée
par la fin de la guerre froide et par un fossé Nord-Sud grandissant.
Cependant, il y a des situations où les
réfugiés veulent rentrer chez eux mais se voient incapables
d'exercer leur « droit au retour », ce sont en réalité
les seuls réfugiés au monde qui sont sans protection depuis des
décennies, il s'agit incontestablement des réfugiés
palestiniens.
259 UNHCR, « Global consultation on international
protection», 4th meeting, Voluntary repatriation, EC/GC/02/5,
Geneva: UNHCR, (2002a), p.12.
260 Global Consultations on International Protection,
4th meeting, Voluntary Repatriation, EC/GC/02/5, 25 April 2002, Part
III, article 13.
Section 2
Dans quelle Mesure ces Pratiques sont Pertinentes au
Contexte Palestinien?
Avant de commencer cette analyse, il est important de discuter
d'un sujet qui a suscité beaucoup de débats, c'est la question de
l'unicité du cas palestinien par rapport aux autres conflits
internationaux.
§1- Est-ce que le Cas des Réfugiés
Palestiniens est-il Vraiment Unique ?
Historiquement, les Palestiniens étaient et sont
toujours considérés comme exclus. C'est un fait, il y a un large
fossé au coeur de la politique des réfugiés dans le monde,
entre les réfugiés palestiniens et tous les autres.
Quoique le rapatriement volontaire demeure en principe et en
pratique, la principale solution durable pour les réfugiés
à travers le monde, les principaux membres de la communauté
internationale continuent à considérer l'intégration au
pays d'accueil et la réinstallation, comme les principales solutions
durables pour les réfugiés palestiniens.
D'un autre côté, il existe encore un manque
considérable de connaissances populaires et/ou des
désinformations au sujet de la plus importante population de
réfugiés au monde. Une étude
télévisée au Royaume-Uni261, menée
pendant une couverture du conflit israélo-palestinien, a montré
que la plupart des téléspectateurs britanniques ne savaient pas
que les Palestiniens ont été déracinés de leurs
maisons et leurs terres, suite à la création de l'Etat
d'Israël en 1948. Même ceux qui sont familiers avec la cause
palestinienne -comme les auteurs d'un document de travail élaboré
par le Centre des Études sur les Réfugiés pour le
Ministère britannique du développement international (DFID)-, ont
tendance « à les voir comme un cas à part par rapport aux
autres réfugiés et particulièrement, dans le contexte
mondial généralement »262.
Pour les raisons qui pourraient être à l'origine
de cette exclusion, Scott Leckie263 s'interroge : « Nous avons
besoin de demander à l'ensemble de la communauté humanitaire,
pourquoi les réfugiés palestiniens sont traités de
façon systématique différemment de tous les autres groupes
de réfugiés dans le monde. Sur quelles bases les droits des
Palestiniens à la restitution des logements et des biens sont tant
négligemment ignorés? Est-ce parce que le défi est
tellement immense, que le HCR risque un échec dès le
départ? Est-ce parce qu'une grande partie de la communauté
internationale sait que la position extrémiste prise par Israël
envers les réfugiés palestiniens est tellement enracinée
que la recherche de solutions pour les réfugiés, d'une
manière qui soit compatible avec leurs droits, est tout simplement
irréalisable? Ou bien est-ce parce que tout simplement, la
communauté internationale ne peut pas être dérangée
par une telle population
261 T. Rempel, «Who are Palestinian refugees?»,
p.5-7,Forced Migration review, issue 26, (August 2006).
262
www.rsc.ox.ac.uk/PDFs/Policy%20Approach
es%20to%20Refugees%20and%20IDPs%20RSCDFID% 20Vol%20II.pdf
263 S. Leckie, «Peace in the Middle East: getting real on
the issue of Palestinian refugee property», (January 2003). Scott Leckie
est le Directeur Exécutif du Centre des Droits de Logements et des
Expulsions (COHRE), Genève.
difficile de réfugiés, alors que le HCR est
préoccupé par des crises financières et des
problèmes (internes) moraux? ». Des questions qui demeurent
toujours ouvertes et Scott Leckie va encore plus loin : « Pour les
réfugiés palestiniens, les arguments politiques, juridiques ou
financiers sont tout simplement des excuses pour l'inaction, dont le
résultat serait un prolongement de l'injustice et de la misère
qu'ils subissent chaque jour, tant qu'ils sont empêchés de
retourner dans leurs foyers, terres et propriétés. Toute
prétention que les réfugiés palestiniens reçoivent
le soutien, la protection et l'attention qu'ils méritent, frôle
l'absurde ».
En effet, ce fossé entre réfugiés
palestiniens et non-palestiniens a toujours été justifié
par l'hypothèse que le cas des réfugiés palestiniens est
unique, et doit être traité comme tel264.
Mais cette hypothèse a été remise en
question265.
Il semble évident qu'il existe des raisons derriere ce
point de vue d'unicité, et on va tenter de les examiner :
Premièrement, les Palestiniens sont le seul groupe de
réfugiés dans le monde qui dépendent de deux agences
spéciales des Nations Unies dédiées à leur aide et
leur protection : l'UNRWA, et la CCNUP de facto inactive. L'existence
de ces organismes a contribué à exclure de nombreux Palestiniens
des avantages de la Convention de 1951 relative au statut des
réfugiés, et de la protection et l'assistance de l'agence
principale de l'ONU sur les réfugiés, le HCR.
Deuxièmement, la population des réfugiés
palestiniens est massive par rapport aux autres groupes de
réfugiés, étant donné qu'ils représentent la
plus grande communauté de déplacés dans le monde. Elle est
aussi la plus grande par rapport au total de la population palestinienne, car
environ les trois quarts de tous les Palestiniens sont des
réfugiés ou des personnes déplacées.
Troisièmement, le problème des
réfugiés palestiniens remonte à 1948. Il était
presque, le premier exode massif du XXème siècle, mais,
contrairement aux anciens exemples arménien, grécoturque,
indo-pakistanais (entre autres), les réfugiés palestiniens sont
restés une population distincte pendant six décennies.
Plutôt que de s'intégrer dans les communautés d'accueil,
l'identité nationale palestinienne distincte a augmenté en
exil.
Mais, ces raisons ne sont pas suffisantes pour
prétendre que le cas palestinien est unique et qu'il devra être
traité ainsi, surtout concernant la recherche des solutions au conflit
israélo-palestinien. On peut dire que, s'éloigner de
l'exceptionnalisme palestinien est la tendance la plus évidente et la
plus complète dans le domaine des solutions durables,266
où chacun des leaders politiques
264 Karen AbuZayd, (UNRWA Commissioner-General), «Palestine
Refugees in Global Context: Issues and Prospects», American University of
Cairo, Center for Migration and Refugee Studies, (14 December 2009).
M. Dumper, «The Future for Palestinian Refugees: Toward
equity and peace», Lynne Rienner, (2007), p.347.
265 The August 2006 issue of Forced Migration Review that I have
quoted above in fact posed a question. It's cover title was: «Palestinian
Displacement: A case apart?»
266 M.Kagan, «The Decline of Palestinian Exceptionalism:
Observation of a trend, and its consequences for refugee studies in the Middle
East», Paper Prepared for the Migration and Refugee Movements in the
Middle East and North Africa, The Forced Migration & Refugee Studies
Program, October 2007, p.7.
palestiniens et de la société civile ont largement
adopté le droit international comme base pour la cause des
réfugiés.
Récemment, les livres cherchant à comparer leur cas
aux autres, en termes de solutions ou de l'application du droit international,
sont de plus en plus communs267.
B.S. Chimni a critiqué l'imposition involontaire de
rapatriement sur la plupart des réfugiés avec l'observation
suivante:
« Je souhaite terminer en attirant l'attention sur ces
situations où les réfugiés veulent rentrer chez eux mais
sont incapables d'exercer leur droit au retour. En particulier, il me vient
à l'esprit le droit des réfugiés palestiniens à
retourner dans leur pays d'origine »268.
Ainsi, si les réfugiés Ex-yougoslaves ont le
droit de retourner dans leurs foyers sans considération des
différences ethniques, nationales et des divisions religieuses, et les
réfugiés du continent africain et sud-américain ont le
droit de retourner dans leur pays et de récupérer leurs biens
expropriés, pourquoi alors les mêmes principes ne s'appliquent-ils
pas aux Palestiniens?
Comme Kathleen Lawand a observé:
« La question des réfugiés palestiniens
(...) n'est pas plus politique ni moins juridique que la question du
rapatriement des réfugiés hutus au Rwanda, ou celle des
refugiés Bosniens en Bosnie, pour n'en nommer que quelques exemples ;
elle ne mérite pas moins l'application du droit international, et le
niveau de controverse politique entourant les origines et les droits de la
diaspora palestinienne, n'est pas pertinent à ce point
»269.
« Aveuglés par l'idéologie d'un faux
pragmatisme, les acteurs internationaux ont peu fait pour s'opposer à la
séparation visible entre la cause palestinienne et la pratique
internationale. Certains ont même rejeté les préoccupations
des réfugiés à cet égard, étant
irrationnelles.
Le retrait du soutient formel américain à la
résolution 194 de l'AGNU au début du processus d'Oslo, et les
recommandations européennes au sein du Conseil de l'Europe pour une
soi-disant solution pragmatique à la question des
réfugiés270 -parmi d'autres décisions
internationales et déclarations au cours de cette période- ont
suscité un sentiment de trahison et de méfiance dans le processus
»271.
Ces réalités juxtaposées ont donc uniquement
confirmé les soupçons d'une norme double standard de longue date,
sur le plan politique et pratique au sujet du conflit
israélo-palestinien.
267 Parmi les principaux exemples: M. Dumper (2005)
«Palestinian Refugee Repatriation: Global Perspectives»,
Routledge. Et E. Benvinisti - C. Gans - S. Hanafi, (2007),
«Israel and the Palestinian Refugees», Heidelberg:
Spinger.
268 Voir, B.S. Chimni, «From Resettlement to Involuntary
Repatriation: Towards a Critical History of Durable Solutions to Refugee
Problems», New Issues in Refugee Research No.2, (1999), p.17.
269 K. Lawand, «The Right to Return of Palestinians in
International Law,» International Journal of Refugee Law, Vol. 8,
No. 4 (1996), p. 534.
270 Résolution 1156, le 23 avril 1998.
271 «A Practical Approach to Durable Solutions for
Palestinian Refugees as Part of a Comprehensive Solution to the
Israeli-Palestinian Conflict», Working Paper, BADIL Resource Center for
Palestinian Residency Rights, Prepared for the IDRC Stocktaking Conference on
Palestinian Refugees, Ottawa, (18-20 June 2003), p.6.
En dépit de quelques caractéristiques uniques
des réfugiés palestiniens, qui à certains égards
doivent être traités séparément, néanmoins il
semble être évident que cette unicité ne peut être
tenue pour acquise dans tous les domaines. Le sort des réfugiés
palestiniens porte également beaucoup de points communs avec d'autres
réfugiés, et tant qu'il ne sera pas accepté que les
réfugiés palestiniens soient traités comme les autres
refugiés partout dans le monde, un accord juste et durable ne serait
jamais atteint.
Toutefois, si vraiment on est en train de rechercher une vraie
solution au problème des refugiés palestiniens, il est temps de
briser ce mythe d'unicité du conflit israélo-arabe.
§2- Comment Profiter de l'Expérience
Internationale pour la Recherche des Solutions au Problème
Israélo-palestinien ?
L'étude sur la pratique internationale et les
programmes de retour, a mis en évidence un certain nombre de facteurs
qui sont utiles en termes de l'élaboration de solutions durables et de
la conception d'un programme de retour des réfugiés
palestiniens.
Dans cette partie, l'accent sera mis sur quatre thèmes
:
- la nécessité de coordination entre les organismes
de secours et de développement, - celle d'oeuvrer pour la
réconciliation,
- la nécessité de prendre en considération
le choix volontaire des réfugiés,
- la nécessité d'un rôle actif et objectif de
la communauté internationale.
1- Quel rôle pour les agences
internationales?
Un autre aspect de l'engagement international est le rôle
de l'agence dirigeante.
Selon Michael Dumper272, l'expérience et la
pratique du HCR montre que l'attribution du rôle d'agence principale
à une institution unique est essentielle dans un programme de
rapatriement. L'alternative est à éviter car elle comporte
beaucoup de chevauchement, une diffusion d'objectifs, des concours sur les
fonds, des rivalités entre inter-agences et des guerres de territoire
conduisant à une réponse confuse aux besoins des
réfugiés. En outre, comme Peter Mardsen273 l'a
montré, il y a des preuves pour suggérer que l'utilisation des
acteurs historiques dans un contexte donné évite le gaspillage du
temps, puisque les nouvelles agences se verront consacrer des efforts et des
ressources pour s'établir.
Concernant les réfugiés palestiniens et comme on
l'a déjà vu, l'avenir de l'UNRWA est l'un des plus grands
débats. D'après son mandat, l'UNRWA doit rester responsable des
réfugiés jusqu'à leur retour à leurs foyers.
Toutefois, suite à la création d'un Etat palestinien, il existe
une hypothèse que son service serait progressivement
transféré aux ministères palestiniens concernés
272 M. Dumper, «Palestinian Refugee Repatriation: Global
Perspectives», Routledge, (2005), p.295.
273 P.Marsden, «UNHCR under duress: The reducing power of
UNHCR to influence outcomes for Afghan refugees», in M. Dumper,
«Palestinian Refugee Repatriation: Global Perspectives»,
Routledge, (2006), p.232-270.
et l'UNRWA serait progressivement démantelée. C'est
le sens des accords de principes conclus dans les pourparlers de Taba et dans
les Accords de Genève274.
Deux points de vue opposés sont énoncés
sur le rôle des institutions ou agences internationales pendant et
après un accord de paix. Le premier275 montre que les
Palestiniens doivent éviter de dépendre d'une seule organisation,
en ajoutant que le HCR et l'OIM276 doivent être responsables
du retour des réfugiés ou de leur réinstallation dans des
pays tiers vu qu'ils ont le plus d'expérience dans ce domaine, alors que
l'UNRWA, le PNUD et la Banque mondiale doivent être en charge de
l'intégration des réfugiés palestiniens qui veulent rester
dans leur pays d'accueil277. En revanche, le deuxième
avis278considère que, quel que soit le scénario qui va
prendre place, l'expérience de la communauté internationale donne
à penser qu'un seul organisme devrait être responsable de la
logistique, de la coordination et la planification d'un programme de
rapatriement, et dans une certaine mesure, de la réinsertion des
réfugiés de retour. En effet, l'expérience internationale
montre l'avantage de faire usage des acteurs historiques qui possèdent
une expérience dans le domaine et une mémoire institutionnelle
qui pourrait servir de référence279.
Tous ces facteurs suggèrent un réexamen de
l'hypothèse que l'UNRWA serait éliminée rapidement
après un accord ; il est clair qu'il s'agit d'un
référentiel de compétences, de crédibilité
et de légitimité dans les communautés de
réfugiés et ce sont de précieux atouts dans une
période de transition volatile et risquée.
Donc le deuxième avis est le plus convaincant, et comme
on l'a déjà vu dans la premiere partie, il est primordial que
l'agence qui a accompagné les refugiés durant les années
conflictuelles étende ses activités à la phase post
conflictuelle.
Ainsi, l'UNRWA est l'agence la plus habilitée à
traiter d'un éventuel retour palestinien, et cela en coopération
et non pas en parallèle avec d'autres agences.
2- Relation entre paix et réconciliation.
Le conflit qui provoque le déplacement est souvent
profondément enraciné dans l'ethnicité, le
régionalisme, la religion ou la classe sociale, et le déplacement
lui-même aura causé plus de souffrance et de douleur. Les
réfugiés sont peu susceptibles de revenir si ceux qui ont
causé leur déplacement sont toujours au pouvoir ou continuent
d'être en mesure d'agir en dehors des contraintes de la loi.
274 A voir dans le chapitre suivant.
275 S.Hanafi, «Palestinian return migration: Lessons from
the international refugee regime», in M. Dumper, «Palestinian Refugee
Repatriation: Global Perspectives», Routledge, (2005),
p.273-285.
276 L'Organisation Internationale pour les Migrations.
277 S. Akram - T. Rempel, «Temporary Protection for
Palestinian Refugees», IDRC, (2003).
278 Soutenu par M. Dumper, (2005), op.cit.
279 Ibid., p.303.
Il existe effectivement un nombre croissant
d'expériences qui indique que, à moins que les causes et les
traumatismes à la fois du conflit et du déplacement soient
traités par un programme conscient de la réalisation de la
justice et la réconciliation, le conflit risque de survenir une fois de
plus. Pour cette raison, les programmes de rapatriement exigent
également un élément de réconciliation politique et
sociale280.
Les mouvements migratoires forcés et les crises de
réfugiés contemporains ont principalement eu lieu dans des
contextes de guerre ou des contextes liés au conflit, ces situations
sont caractérisées, entre autres circonstances, par une violence
généralisée affectant l'ensemble de la
société, par des troubles sociaux, politiques et
socio-économiques, par une fragilité et répartition des
institutions de l'Etat, par une destruction physique et par
l'insécurité281.
Dans les dernières décennies, on estimait que
les conflits internes constituaient la base de la majorité des flux de
réfugiés et cela signifie, du point de vue du rapatriement
volontaire, que le processus de retour des réfugiés dans leur
pays d'origine signifie beaucoup plus que le simple fait de traverser les
frontières. Pour la population des réfugiés, cela
constitue une nouvelle rencontre avec le peuple et avec l'ensemble du pays qui
est dans une situation post-conflictuelle, tant au niveau politique et
juridique qu'au niveau social et économique. Et c'est dans cette
situation, souvent caractérisée par les divisions
provoquées par le conflit, que la notion de réconciliation
acquiert une importance particulière.
L'expérience internationale de sa part, a reconnu que
la réconciliation est une partie intégrante d'un programme de
rapatriement ; pour que cette dernière se produise, la justice doit
également apparaître comme ayant été
rendue282. Mais sans connaître la nature exacte de l'accord de
paix qui conduit au rapatriement, il est difficile de délimiter les
façons possibles dont la justice apparait comme étant faite.
Nous avons donc vu que la question des réfugiés
dans d'autres conflits a été traitée comme l'un des
principaux sujets, de sorte que la réconciliation risque d'être
entravée si la question de retour n'est pas incluse dans les futurs
accords de paix.
Cependant, pour que cela se fasse, il faut qu'il y ait un
accord global, considéré comme juste et équitable et que
certaines pratiques, telles que les nouvelles colonisations israéliennes
et les incursions démolissant des maisons, cessent.
Mais les grandes lignes d'un modèle de
réconciliation doivent comporter des éléments de
justice
280 C.Bell, « Peace agreements and human rights»,
Oxford: Oxford University Press, (2000).
L. Welchman, «The role of international law and human rights
in peacemaking and crafting durable solutions for refugees: Comparative
comment», BADIL, (May 2003).
281 A.Garcia Rodicio, «Re-approaching voluntary repatriation
within a reconciliation framework: A proposal drawn from the Cambodian return
process», in M. Dumper, «Palestinian Refugee Repatriation: Global
Perspectives», Routledge, (2005), p.215.
282 « Not only must Justice be done; it must also be seen to
be done » (Il faut non seulement que justice soit rendue, mais qu'elle
apparaisse aussi, comme ayant été rendue).
Une célèbre citation du juge britannique Gordon
Hewart, dans l'affaire R v Sussex Justices ex parte McCarthy, 1924.
réparatrice, qui exigeraient des excuses pour les
souffrances causées à la suite du conflit, d'où la
nécessité qu'Israël reconnaisse l'injustice commise en 1948.
A cet effet, une commission de trêve et de justice pourrait être
créée pour les témoignages publics des crimes contre
l'humanité et une amnistie serait offerte sur la base des aveux. Aussi
un certain nombre d'activités conjointes pourraient être
lancées à partir de journées de commémoration
commune pour les victimes du conflit, allant jusqu'aux échanges
culturels283.
Donc, justice et réconciliation vont de pair pour
apporter la guérison psycho-sociale et établir une plate-forme
d'actions visant à prévenir que tels conflits n'éclatent
de manière violente dans le futur.
3- Le choix des réfugiés.
Les pratiques des Etats sur le rapatriement volontaire
indiquent que le choix réel des réfugiés aura besoin
davantage de garanties que celles établies dans le droit international
et les normes du HCR aujourd'hui. Même lorsque les organismes officiels,
comme le HCR, ne favorisent pas officiellement une solution
particulière, les préférences des gouvernements puissants
détiennent néanmoins une grande emprise. Par conséquent,
tout plan de solution durable, subordonné au libre choix individuel,
doit inclure encore plus de garanties que ce qui est en place. Mais la question
des réfugiés palestiniens est spécifique. Comme avec
presque toutes les crises de réfugiés (sauf en Palestine), la
faille dans la protection était que le retour leur était
imposé.
C'est pourquoi le déni du retour des Palestiniens a
été contre la tendance historique. Autrement dit, les
réfugiés palestiniens se sont vu refuser le retour à une
situation qu'ils avaient toujours préconisé.
Loin de focaliser l'attention sur la question du rapatriement
en particulier, évoquons l'idée qu'il existe
généralement une solution politique plus
préférée, que les réfugiés sont contraints
d'accepter « volontairement ». Pareillement, une solution à la
crise des réfugiés palestiniens ne serait pas différente,
même si le classement des solutions préférés ne
serait pas le même. Il faut savoir que le choix individuel des
réfugiés est inhérent à la résolution 194 de
l'AGNU, qui parle des « réfugiés désireux de rentrer
» et prévoit une indemnisation pour « ceux qui choisissent de
ne pas rentrer ». En supposant par là que le droit international
est finalement appliqué aux Palestiniens, il sera essentiel que ces
derniers vont exercer ce choix perçu comme juste et légitime, car
volontaire, et dans cette perspective se présentant comme un
élément important pour la résolution de la crise.
Cependant, ce qui importe c'est que les options soient
transparentes et claires et qu'elles fassent partie d'un ensemble complet qui
sera juste et donc acceptable.
Un autre aspect de cette question est la participation des
réfugiés et la création d'un sentiment d'appartenance.
Plusieurs facteurs ont fait que l'articulation et l'inclusion des voix des
réfugiés
283 M. Dumper, «Palestinian Refugee Repatriation: Global
Perspectives», Routledge, (2005), p.299.
dans la planification du rapatriement soit extrêmement
problématique. (Sujet à traiter dans le chapitre suivant)
4- Le rôle de la communauté
internationale.
La plupart des retours de réfugiés, surtout
depuis les années 1990, sont précédés par un accord
bilatéral qui est supporté par des accords complémentaires
trilatéraux, soit avec le HCR soit avec un organisme régional,
soutenu par des garanties de grands acteurs internationaux. De tels accords
comportent des dispositions spécifiques pour le programme de
rapatriement. La communauté internationale a pour rôle de
s'assurer que le degré de protection et de sécurité dans
le pays d'origine soit aussi bon, si ce n'est pas supérieur à
celui du pays d'accueil. Un élément important de ces accords a
été la mise en place d'un mécanisme de financement pour
débourser le programme de rapatriement. De bons exemples de cette
tendance sont le Cambodge, le Timor oriental, le Guatemala et le cas
Bosnien284. Pour voir la mesure dans laquelle cela pourrait
être reconnu, il faut se référer au « Manuel du HCR
sur le rapatriement librement consenti : la protection internationale
», où les sections détaillées suggèrent le
contenu de clauses à inclure dans tout accord de paix, y compris le
rapatriement des réfugiés.285 Aussi bien, le chapitre
intitulé: « Le rôle du HCR dans les opérations de
rapatriement librement consenti », présente des sections sur
l'importance de la compilation d'un profil de la communauté des
réfugiés et du pays d'origine, sur la nécessité
d'être préparé pour des rapatriements organisés et
spontanés, comme sur le rôle capital des agences de communication
transfrontalière et des éléments qui doivent être
incorporés dans des accords de rapatriement286.
Les processus d'exécution de ces démarches
suscite forcément des tensions dans le pays d'origine vers lequel les
refugiés vont revenir, et la peur de voir le conflit renaître,
faute de la bonne organisation du processus, peut freiner les activités
de retour. Dans ces cas, le rôle de la communauté internationale
est d'intervenir comme arbitre indépendant et objectif, servant de
médiateur pour calmer les tensions tout au long du processus de
construction d'une paix durable.
«Dans de nombreux contextes, la communauté
internationale a joué un rôle clé en contribuant à
l'abrogation des lois discriminatoires, utilisées pour justifier la
non-exécution des décisions de restitution, adoptée en
faveur de personnes de retour chez elles. Ainsi, en Bosnie-Herzégovine
et au Kosovo, plusieurs lois datant d'avant la guerre ou adoptées
pendant le conflit ont été abrogées grace à
l'implication directe de la communauté
internationale''287.
284M.Dumper, op.cit, p.293.
285 HCR, « Manuel sur le rapatriement librement consenti :
protection internationale », (15 avril 1996).
286 Ibid., p. 15-40.
287 « Manuel sur la restitution des logements et des
biens des réfugiés et personnes déplacées»,
(Pour la mise en oeuvre des «Principes Pinheiro» ), de l'OCHA
(OCHA/IDD), UN Habitat, le UNHCR, la FAO, le HCDH, le Conseil norvégien
pour les Réfugiés (NRC) et l'Observatoire des situations de
déplacement interne (IDMC),( Mars 2007).
Ce qui importe aussi c'est de déterminer le rôle
des pays voisins dans ce programme de rapatriement. En effet, les pays voisins
peuvent jouer de nombreux rôles au cours du conflit et de la
période d'exil, vu qu'ils sont à l'autre bout de la violence et
du sang, mais surtout ils servent de pays hôtes d'un grand nombre de
réfugiés. Cependant ces derniers peuvent amener ces pays à
se laisser entraîner dans ce conflit, et cela qu'ils le veuillent ou pas.
Les rôles du Pakistan, Thaïlande, Mexique, Kenya, etc. dans les
conflits voisins sont tous des exemples. En outre, les pays voisins ont un
intérêt dans le règlement final et ses implications pour
eux en termes de stabilité du régime, de l'avenir des
réfugiés qu'ils accueillent et de leur rôle en tant que
pays de transit. Un cadre régional qui permet la consultation et la
participation dans le rapatriement prévu, est donc un
élément crucial pour la viabilité du programme de
rapatriement. Alors, dans une certaine mesure, le soutien des pays hôtes
est essentiel et leur manque de coopération pourrait saboter un
programme convenu.
Nous pouvons donc constater que la participation de la
communauté internationale dans un accord de paix comprenant le
rapatriement des réfugiés palestiniens, est une condition
sine qua non de toute résolution du conflit
israélo-arabe. Aussi bien que les protagonistes ont une très
profonde histoire de méfiance pour croire en un accord qui n'a pas de
garants internationaux. D'ailleurs, Les structures pour de telles
participations sont déjà largement en place.
Chapitre 2
Le Futur des Réfugiés : Entre Solution et
Dissolution.
Comme on vient de voir dans le chapitre
précédent, l'inclusion de la question des réfugiés
dans les processus de paix mondiaux a participé à la
réussite de ceux-ci ; mais qu'en est il du cas des palestiniens ?
Est-ce que des solutions durables pour les
réfugiés ont été incluses dans les accords de paix
israélo-palestiniens ? Sinon, quelles sont les mesures à prendre
pour remettre ce processus sur la bonne voie ?
La question des réfugiés palestiniens a
été pendant 63 ans le principal obstacle à un accord entre
Israël et les pays arabes. Malgré le rejet par ces derniers de
l'existence même de l'Etat hébreu, de nombreuses tentatives de
négociations pour parvenir à un accord, même limité,
ont été faites mais la plupart d'entre elles ont achoppé
sur la question des réfugiés. Celle-ci est aujourd'hui centrale
dans la perspective d'un juste règlement de la question
palestinienne.
On va examiner dans la première section les principales
étapes de ce processus de paix, et comment celui-ci a traité la
question des réfugiés. La deuxième section sera
consacrée à une breve étude sur le rôle de l'ONU
dans le règlement du conflit au Proche-Orient, avant de voir quelle est
la solution la mieux adaptée pour la résolution du conflit le
plus épineux au monde.
Section I
Les Palestiniens en Exil dans le Processus de Paix.
§1- Négocier le « Droit au Retour »
des Réfugiés Palestiniens.
La question des réfugiés est l'un des
problèmes les plus douloureux et les plus complexes des relations
israélo-arabes.
Des tentatives ont été faites pour
résoudre le problème grâce à des discussions
politiques entre Israël et ses voisins arabes au cours des années
1949 (pourparlers de Lausanne) et 1951 (pourparlers de Paris), mais ils se sont
avérés vains. A cette époque, les Etats arabes
étaient les principaux gardiens des intérêts palestiniens,
ces derniers ne faisant pas partie de ces discussions en tant que participants
officiels.
Au cours des quatre décennies qui ont suivi, il n'y a
pas eu de négociations israélo-arabes ou
israélo-palestiniennes dédiées à la
résolution de la question des réfugiés.
On a du attendre la fin de 1991 pour voir cette question
retourner à la table des négociations avec la convocation
à Madrid d'une conférence internationale de paix qui, pour la
première fois depuis quarante ans, a prévu des discussions entre
Israël et les représentants palestiniens sur la question des
réfugiés palestiniens.
Vingt ans plus tard, -une époque marquée par les
accords d'Oslo, la création de l'Autorité palestinienne, et des
pourparlers intensifs sur la question finale des réfugiés- cette
question reste aussi intraitable que jamais. Les opinions divergent sur le
classement du problème des réfugiés dans la liste des
obstacles qui ont mené à l'effondrement du processus de paix
israélopalestinien ; néanmoins, tout le monde est d'accord pour
considérer que cette question est l'une des principaux obstacles
à un accord final.
Les discussions sur la question des réfugiés a
passé par différentes étapes, depuis 1991.
L'exposé qui suit passe ces étapes en revue pour
tenter de mettre en évidence ce qui demeure en suspens dans ces
négociations épiques israélo-palestiniennes.
La question des Palestiniens en exil est entrée dans
une nouvelle phase après le séisme qui a secoué l'Europe
de l'Est et le Golfe arabe au début des années 1990. Cela a
été suivi par un appel à la Conférence de Madrid du
30 Septembre 1991 et le début du processus de paix pour mettre fin
à ce conflit.
Le 30 Octobre 1991, les représentants du Liban, la
Syrie, la Jordanie, Israël et les Palestiniens, se sont réunis
à Madrid initiés par Washington et nominalement
coparrainés par une URSS agonisante qui disparaîtra cinq semaines
plus tard.
La conférence a établi un groupe de travail
multilatéral pour traiter le problème des réfugiés
palestiniens. Ces derniers étaient représentés par des
délégués en provenance d'Israël, de la Jordanie (dont
un contingent palestinien), de l'Europe, de l'Amérique du Nord et de
l'Asie288. Palestiniens et Israéliens ont commencé les
discussions par rappeler leurs positions de longue date. D'une part, les
Palestiniens ont demandé à Israël de porter entière
responsabilité pour la création du problème des
réfugiés, et ont aussi invoqué l'article 11 de la
résolution 194, demandant à Israël de permettre à
tous les réfugiés désireux de retourner, de le faire
dès que possible289.
Israël, d'autre part, a rejeté toute
possibilité qu'un nombre significatif de réfugiés
palestiniens soit autorisé à retourner dans un endroit à
l'intérieur de ses frontières d'avant 1967 ; les
représentants de l'Etat hébreux ont refusés de se
déclarer responsables de la genèse du problème des
réfugiés et ont fait valoir que tout retour significatif de
réfugiés compromettrait le caractère judéo-sioniste
de l'État, mettant en danger sa sécurité, et renversant
son économie290.
Israël a également exprimé une objection de
procédure : à son avis, une solution au problème des
réfugiés ne pourrait jamais être atteinte dans un cadre
multilatéral291 ; parce que selon elle, les Palestiniens,
entourés des représentants de nombreux gouvernements,
étrangers et arabes, vont présenter des demandes
irréalisables et profiter des pourparlers pour rallier l'opinion
internationale plutôt que de négocier. En particulier, les
diplomates israéliens ont craint que les
288 J. Peters, «Pathways to Peace: The Multilateral
Arab-Israeli Peace Talks», London: Royal Institute of International
Affairs, (1996), p. 5-8.
289 E. Zureik, «Palestinian Refugees and the Peace
Process», Washington: Institute for Palestine Studies, (1996), p.
89.
290 J. Tovy, «Negotiating the Palestinian Refugees»,
Middle East Quarterly, (2003).
291 Ibid.
Palestiniens ne cherchent à créer un front pour
soutenir le « droit au retour » 292. La
délégation israélienne a donc demandé que le groupe
concentre ses discussions sur les aspects humains du problème des
réfugiés (leur bien-être économique et social) et
non sur les angles politiques (« droit au retour » et à la
compensation)293.
La délégation israélienne a fini par
l'emporter. En fait, pendant les deux premières séries de
réunions en mai et novembre 1992, le groupe de travail a
décidé de se centrer d'abord sur les questions humanitaires,
ainsi que sur le sujet de la réunification des familles -qui a une
dimension politique-.
Dans la Déclaration de Principes, Israël et l'OLP
se sont reconnu l'un l'autre et ont ouvert un canal direct de
négociations. L'accord prévoyait que les négociations sur
les aspects politiques du problème des réfugiés de 1948
aura lieu plus tard dans les négociations israélo-palestiniennes
directes sur un règlement permanent. Le groupe de travail
multilatéral sur les réfugiés était
désormais axé sur la discussion des aspects humanitaires de ce
problème, en tenant compte des plans établis pour
améliorer le sort des réfugiés se trouvant dans les camps.
Au total, ce groupe de travail avait tenu huit réunions officielles
entre mai 1992 et mai 1996, à divers endroits au Moyen-Orient, en Europe
et au Canada. En Mars 1997, la Ligue arabe a décidé de boycotter
toutes les négociations multilatérales, y compris le groupe de
travail sur les réfugiés ainsi que le blocage
général des négociations294, pour protester
contre la construction des colonies israéliennes dans la Cisjordanie et
Gaza. La courte vie du groupe de travail sur réfugiés avait ainsi
pris fin.
En 1993, le texte négocié secrètement en
Norvège par Yasser Arafat et Itzhak Rabin depuis plusieurs mois, fut
dévoilé solennellement le 13 septembre à la Maison
Blanche, en présence du président Bill Clinton.
Les Accords d'Oslo sont le résultat d'un ensemble de
discussions menées en secret, en parallèle aux discussions
publiques consécutives à la Conférence de Madrid de 1991,
qui se sont déroulés entre des négociateurs
israéliens et palestiniens en Norvège pour poser les
premières pierres à une résolution du conflit
israélo-palestinien. La Déclaration de Principes annonçait
que le gouvernement israélien et l'OLP trouvent « qu'il est temps
de mettre fin à des décennies de conflit, de reconnaître
leurs droits légitimes (...), de s'efforcer de vivre dans la coexistence
pacifique, la dignité et la sécurité mutuelles, et de
parvenir à un règlement juste de paix ».
Les Accords d'Oslo de 1993, ont désignés le
problème des réfugiés palestiniens comme étant
une question de "statut final", ce qui signifie qu'il a été
considéré parmi les sujets qu'Israël et les
292 Ibid.
293 Rex Brynen, "Much Ado about Nothing? The Refugee Working
Group and the Perils of Multilateral Quasi-negotiation», International
Negotiations, (1997).
294Ibid.
Palestiniens auraient à résoudre dans un accord
final d'une paix permanente. Ces accords ont soulevé plusieurs
débats entre les Palestiniens concernant l'avenir des
réfugiés.
Les pourparlers d'Oslo ont été achevés
avec la signature de l'Accord Gaza-Jéricho le 4 mai 1994 suivi de
l'Accord Israélo-palestinien de Transition concernant la Cisjordanie et
la bande de Gaza, signé à Washington le 28 septembre 1995,
autrement connu comme l'Accord d'Oslo II.
Au cours de la période transitoire qui a suivi les
accords d'Oslo, les positions des deux parties sur la question des
réfugiés sont restées nettement inconciliables chaque fois
qu'il y a eu des contacts sur un accord de statut permanent. Le problème
n'a pas été résolu dans les pourparlers secrets de
Stockholm du printemps 2000, ni à Camp David quelques mois plus tard. En
effet, à Camp David, les deux parties ont simplement
répété les positions qu'elles avaient soumises à
Stockholm295. Israël a refusé de reconnaître la
résolution 194 et d'assumer sa responsabilité dans la
création du problème des réfugiés palestiniens.
Du point de vue israélien, les Palestiniens
étaient libres de rapatrier les réfugiés à un futur
état palestinien, et à le nommer « retour ", mais
Israël ne voulait pas reconnaître que ce droit
existait296.
Selon Yasser Abed Rabbo, « à Camp David, Bill
Clinton et Ehoud Barak traitèrent Yasser Arafat comme un chef indien qui
en échange de bimbeloterie297, d'une bouteille de whisky et
d'un revolver pour se tirer dessus, serait prêt à vendre le
Nebraska ". Telles furent les prétendues « offres
généreuses " faites aux Palestiniens à Camp David :
absence de contenu concret et mépris moral, l'expression même
indiquant un cadeau fait par un vainqueur au vaincu298.
Les deux parties ont débattu la question à
nouveau en décembre, à la veille de la publication des
propositions du président Clinton et immédiatement
après.
Les "Paramètres" du Président Clinton
prévoient que les réfugiés auront le « droit au
retour", mais seulement à leur « patrie ", soit, le futur Etat
palestinien. Les réfugiés qui décident de ne pas retourner
auront le droit de choisir entre leur réinsertion dans leur lieu de
résidence actuel ou leur réinstallation dans un autre pays. Un
nouveau mécanisme international serait mis en place pour s'occuper de la
réhabilitation des réfugiés à laquelle Israël
pourrait contribuer, dans le cadre de sa rémunération pour les
réfugiés299.
Il était devenu évident que les Palestiniens
n'étaient pas satisfaits de la proposition des États-Unis
relative à la question des réfugiés. La réservation
palestinienne a été déclarée dans une prise de
positions qui a été distribuée aux consuls
étrangers à Jérusalem. Selon ce document : "La proposition
des États-Unis reflète une adoption en gros de la position
israélienne".
Les Palestiniens ont également annoncé que c'est
aux réfugiés -et non pas à Israël- que revient le
droit de décider où ils souhaitent s'installer, et qu'il n'y
avait pas de précédent dans l'histoire de
295 Voir à ce sujet, M. Dumper, «Palestinian Refugee
Repatriation: Global Perspectives», Routledge, (2005), p.98.
296 M. Klein, "The Jerusalem Problem: The Struggle for the
Permanent Solution", University of Florida Press, (2003), p.44
297 Un mot qui signifie bazar.
298 Selon C. Cartigny, « Le Processus d'Oslo : La Paix
Enterrée ", (2008), p.10.
299 The Washington Post, (Dec. 27, 2000);
U.S.A. Today, (Dec. 27, 2000);
The New York Times, (Dec. 28, 2000).
l'humanité où une nation a renoncée
à son « droit au retour » et à ses terres ; "Nous ne
serons pas les premiers à le faire", ont-ils affirmé.
Cette prise de position a également souligné que
la reconnaissance par Israël du «droit au retour» et du droit
des réfugiés de choisir où ils souhaitent s'installer,
était une condition préalable pour mettre fin au conflit
israélo-palestinien. La seule concession que les Palestiniens
étaient prêts à envisager était celle « des
mécanismes de la mise en oeuvre du «droit au
retour»300 ».
En accord avec ces déclarations, la réunion du
cabinet palestinien (qui a eu lieu au cours de la même semaine où
Clinton avait présenté ses propositions), a pris cette
décision: "La direction palestinienne confirme son engagement à
respecter pleinement les droits des réfugiés à retourner
dans leurs terres et leurs foyers, conformément à la
résolution 194"301.
Pour ce qui est des réactions populaires, des milliers
de Palestiniens ont manifesté dans les rues de Naplouse, Tulkarm et
Ramallah contre le plan Clinton et pour appuyer la question du «droit au
retour » 302.
En 2001, lors des pourparlers de Taba, on avait
approché une solution concrète ; un texte remis par les
délégués israéliens aux
délégués palestiniens reconnaissait la
responsabilité de l'Etat d'Israël dans « le déplacement
et l'expropriation de la population civile palestinienne devenue ainsi
réfugiée », et ajoutait : « Un règlement juste
du problème des réfugiés palestiniens, en accord avec la
résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies,
doit conduire à l'application de la résolution 194 de
l'Assemblée générale des Nations Unies».
A partir de ces principes, des solutions concrètes
devaient être proposées aux réfugiés palestiniens,
tant au sujet du choix de leur pays d'installation (Israël pour un nombre
à déterminer, l'Etat de Palestine, le lieu de résidence ou
un autre pays prêt à les recevoir) qu'en matière
d'indemnisations financières. Mais le Premier ministre Ehoud Barak a
cependant interrompu les pourparlers de Taba en démissionnant,
provoquant ainsi les élections qui portèrent Ariel Sharon au
pouvoir.
Ces négociations ont démontré qu'a partir
du moment où l'on accepte de reconnaître l'histoire, les
responsabilités et les aspirations des peuples en conflit, une solution
peut être trouvée.
Il y a eu ensuite une initiative quasi-diplomatique, dite
"Initiative de Genève" car elle a été lancée
publiquement à Genève sous les auspices de la ministre suisse des
Affaires étrangères303. Ses protagonistes
étaient les négociateurs de Taba mais les partenaires
israéliens n'avaient plus de responsabilité officielle, et comme
à Taba, son élan a été brisé par Ariel
Sharon.
Le modèle d'accord qui en est sorti consacre son chapitre
VII à la question des réfugiés et leur propose quatre
options principales :
300 Palestine Ministry of Information, "Remarks and Questions
from the Palestinian Negotiating Team Regarding the United States Proposal",
(Jan. 15, 2001), (
www.minfo.gov.ps).
301 The New York Times, (Dec. 31, 2000).
302 Middle East Times (international edition), (Jan. 5, 2001).
303 (
http://www.confluences-mediterranee.com/spip.php?article2001)
- un certain nombre serait admis à retourner en
Israël,
- ceux qui le souhaitent rentreront en Palestine (après la
création de l'Etat),
- la plupart resteront dans leur pays d'accueil avec un statut,
selon les cas, soit de citoyen soit de résident étranger,
- enfin certains réfugiés pourraient demander
à immigrer dans un pays tiers.
Tous recevraient une indemnité.
Néanmoins, le "texte de Genève" n'est pas
satisfaisant car il n'est pas tranchant sur la question de la
responsabilité d'Israel dans l'exode palestinien, d'autant que l'Etat
hébreu accueillerait un quota de réfugiés dans la
même proportion -si ce n'est pas moins- par rapport aux autres
pays304.
Par conséquent, les Accords de Genève, comme les
négociations de Taba et les « Paramètres de Clinton »
avant eux, supposent que l'Etat palestinien serait la destination majeure de
ceux qui souhaitent retourner dans leur patrie305.
Après l'accord de Genève, il y a eu la Feuille
de Route306 du 30 avril 2003 et les Sommets d'Aqaba,307
de Charm El Cheikh308 et d'Annapolis309 mais aucun
progrès tangible sur la question des réfugiés n'a
été réalisé.
Depuis lors, nous suivons les chapitres de cette
comédie avec moins d'entrain, les développements variant entre un
gel et une poursuite de négociations.
Dans cette perspective, tout tend à faire croire qu'il
est nécessaire de maintenir le statu quo, celuici constituant la
situation idéale pour Israël, qui non seulement vise à
préserver ses acquis, mais aspire à de nouveaux gains, profitant
du temps perdu et de l'indifférence de la communauté
internationale, pour construire de nouvelles colonies.
La preuve du manque du sérieux de la part des
Israéliens envers le processus de paix est l'annonce faite par le
premier ministre israélien310 le 5 décembre 2007
-à peine plus d'une semaine après s'être engagé
à poursuivre des négociations de bonne foi avec l'OLP à
Annapolis- qui visait à construire 307 nouveaux logements dans une
colonie de Jérusalem-Est311.
A chaque étape du processus de paix, en échange
de lambeaux de territoires où installer l'Autorité, l'OLP
avait dü multiplier les concessions, sans pourtant être en mesure
d'obtenir la suspension des activités de construction juives en
territoire palestinien, qu'Israël poursuit envers
304 Ibid.
305 R. Brynen - R. El-Rifai, «Palestinian Refugees:
Challenges of Repatriation and Development», International Development
Research Centre, Ottawa, (2007).
306 La «Feuille de Route » (en anglais Road Map) a
été adoptée par le Quartette diplomatique réuni le
30 avril 2003 comme une proposition pour mettre un terme au conflit
israélo-palestinien.
Ce Quartette était composé de l'ONU, de l'Union
européenne, des Etats-Unis et de la Russie.
La Feuille de route était destinée à
aboutir, par étapes, à un règlement permanent du conflit
israélo-palestinien, sur la base du principe de l'existence de deux
États.
307 De juin 2003.
308 Du 25 Juin 2007.
309 Du 26 Novembre 2007.
310 Ehoud Olmert.
311 Z. Clot, «Il n'y aura pas d'Etat Palestinien»,
Max Milo, (2010), p.65.
et contre tout. La colonisation, la confiscation illégale
de nouvelles terres, la destruction des maisons palestiniennes se poursuivront
donc, parallèlement au processus de paix312.
Rien ne pourra exprimer cette situation tragique mieux que cette
fameuse citation d'Ève Curie: « La paix à n'importe quel
prix, ce n'est plus la paix».
§2- L'accord d'Oslo : Un «Versailles»
Palestinien ?
Ainsi, la solution de la question des réfugiées
étant la pierre angulaire de tout accord de paix, l'on se demande
pourquoi elle n'a pas été traitée par les accords d'Oslo
et ceux qui l'ont suivi. En effet, lorsque la Déclaration des Principes
a été signée à Washington, peu de personnes
savaient encore son contenu ou son impact sur le Moyen-Orient et principalement
sur le sort des Palestiniens. Le lendemain de la fameuse « poignée
de main » dans la Maison Blanche313, le peuple palestinien fut
poignardé par la réalité qu'Edward Said a bien
défini : « Appelons l'accord par son vrai nom: un instrument de la
reddition palestinienne, un «Versailles»314 palestinien
». Parmi ses multiples illusions et pièges, le processus de paix a
carrément ignoré les réfugiés palestiniens de 1948
; effectivement, plusieurs déclarations officielles de la part des
Etats-Unis et d'Israël ont confirmé que la résolution 194 de
l'AGNU n'a pas été la base pour la Conférence de paix de
Madrid qui a conduit au processus d'Oslo315.
L'accord d'Oslo a contribué à l'affaiblissement du
problème des réfugiés et cela pour les raisons suivantes
:
- En concentrant l'attention sur la création de
territoires autonomes confiés à une Autorité
Palestinienne, Oslo a été une tentative supplémentaire de
liquider « la question des réfugiés ». Le
règlement de la question du retour des réfugiés
était différé à des « négociations
finales » dont on espérait qu'elle se perdrait dans les sables de
la négociation des accords intérimaires.
En faisant de la construction de « l'Etat palestinien
indépendant » son objectif prioritaire, la direction de l'OLP
marginalisait la cause des réfugiés, qui était pourtant la
raison d'être du mouvement de libération de la
Palestine316.
- Le processus d'Oslo a été dominé par
une approche essentiellement politique, qui considère que le droit
international applicable et les dispositions relatives aux Droits de l'Homme
sont impraticables et constituent un obstacle à une solution
négociable de la question des réfugiés palestiniens.
L'exclusion du droit international des négociations a été
la cause majeure de l'échec du processus d'Oslo.
312 Ibid.
313 Entre Arafat et Rabin.
314 Le traité de Versailles de 1919 est le traité
de paix entre l'Allemagne et les Alliés de la Première Guerre
Mondiale qui a imposé des sanctions énormes à l'encontre
de l'Allemagne.
315 «Le droit de retour du peuple palestinien », (
http://members.tripod.com/~PSC_McGill/refugees.html).
316 Voir à ce sujet, P-Y. Salingue, « Pas de «
solution juste» sans le droit au retour des réfugiés
palestiniens », Mondialisation, (24 février 2008).
Dans ce contexte, nous notons que les Accords d'Oslo et la
création de l'Autorité palestinienne, qui vise à
établir un Etat palestinien, ont créé une grande confusion
sur le sens du « droit au retour » si bien qu'il est devenu courant
pour les experts internationaux de présenter l'établissement des
réfugiés palestiniens dans le nouvel Etat comme étant la
mise en oeuvre du « droit au retour » 317.
Il est donc nécessaire de préciser que les
négociations politiques et les accords entre Israël et
l'Autorité Palestinienne, n'invalident pas le droit international et les
résolutions des Nations Unies. Les négociations d'Oslo
représentent un effort pour obtenir une solution de facto de la question
des réfugiés en dehors du cadre du droit international et des
résolutions de l'ONU ; une renonciation explicite de ce droit par
l'Autorité palestinienne dans un futur accord politique avec Israël
ne peut pas délégitimer la revendication des
réfugiés.
- Parmi les graves erreurs de ces accords c'est l'adoption des
résolutions 242318 et 338319 comme fondement du
dénouement de la question palestinienne, alors qu'elles n'ont rien
à voir avec cette cause, et on ne trouve même pas dans leur
contenu le mot Palestine ou réfugiés palestiniens et cela parce
qu'elles ont été initialement adoptées pour lutter contre
les effets des guerres de 1967 et de 1973 entre Israël et les pays arabes.
En revanche les deux principales résolutions dans la question
palestinienne ont été exclues: la résolution 181
320 qui prévoit le droit des Palestiniens à un
État indépendant, et la résolution 194 de 1948, qui donne
aux réfugiés un « droit au retour » et à
l'indemnisation.
- Une autre omission importante à Oslo et, plus tard
dans les pourparlers de Taba et les Accords de Genève, est le manque de
référence pour un cadre régional qui comprend les pays
voisins et les pays d'accueil. Ceci est en partie le résultat du refus
d'Israël de négocier sur un accord de paix global,
préférant avoir une série de traités
bilatéraux.
Parmi les questions de statut permanent, seule la question des
réfugiés ne peut pas être discutée ou résolue
dans un contexte purement bilatéral ; Israël et l'Autorité
Palestinienne contrôlent la plupart des éléments des autres
questions et peuvent conclure des accords ou des compromis qui ne concernent
pas directement les autres parties ; mais tout compromis ou accord conclu entre
Israël et l'OLP sur la question des réfugiés va impliquer,
et éventuellement mettre en péril, les intérêts
vitaux des pays d'accueil et des réfugiés.
Il y a donc un risque qu'un arrangement bilatéral sur
les réfugiés serait réglé au détriment des
autres parties prenantes, à savoir les pays d'accueil et les
réfugiés eux-mêmes.
Les pays arabes avaient longtemps réclamé un
Accord de Paix « équitable » et « global » qui
impliquerait un cadre multilatéral de négociations (permettant
ainsi au pays arabes de mettre en commun leurs ressources de
négociations collectives).
317 Voir par exemple, D. Arzt, «Refugees into Citizens,
Palestinian Refugees and the End of the Arab-Israeli Conflict». New
York: Council on Foreign Relations, (1997).
318La résolution 242 du Conseil de
sécurité de l'ONU (22 novembre 1967).
319 La Résolution 338 (1973) du Conseil de
sécurité de l'ONU adoptée le 22 octobre 1973, après
le déclenchement de la guerre du Kippour.
320 Le plan du partage du 29/11/1947.
Israël (soutenue par les États-Unis), a longtemps
privilégié une dynamique de négociations
bilatérales (qui lui permettrait de tirer le meilleur parti de sa plus
grande puissance) et s'est opposée à toute intervention
extérieure autre que celle des États-Unis.
- Un autre aspect négatif d'Oslo, c'est qu'il a
divisé les Palestiniens entre population à l'intérieur du
territoire et réfugiés.
Cette division s'est produite lorsque les cadres politiques de
l'OLP se sont réinstallés dans le territoire au terme des accords
d'Oslo après 1993, devenant dans le processus : l'Autorité
Nationale Palestinienne, qui est uniquement responsable des Palestiniens en
Cisjordanie et à Gaza. Cela a eu des répercussions graves sur le
peuple palestinien dans son ensemble puisque l'OLP avait opéré
dans une relation étroite avec les associations de base des camps de
réfugiés. En effet, les Palestiniens ont toujours
résisté aux tentatives de séparer le «dehors» du
«dedans» et cela depuis l'occupation israélienne de la
Cisjordanie et de Gaza en 1967, lorsque Israël a tenté
d'établir une direction alternative à l'OLP en exil à
travers les «ligues des villages» ou d'autres mesures
collaborationnistes. Plutôt que de le faire, presque tous les
Palestiniens vivant sous occupation militaire dans les frontières de
1967, ont été depuis 1965 membres des mouvements qui composaient
l'OLP. Pourtant, l'une des conséquences du passage d'une grande partie
de l'appareil officiel de l'OLP à l'intérieur des territoires
palestiniens occupés en 1994, a été que ce mouvement n'a
pas seulement affaibli la représentation des réfugiés,
mais a ainsi créé de nouveaux clivages avec la population de
l'intérieur.
L'agression la plus grave à la souveraineté
collective du corps palestinien était l'interdiction des refugiés
de participer aux élections321 et de porter le passeport
palestinien. Par contre au cours de cette période on a
délivré des passeports au nom de l'Autorité Palestinienne
pour les Palestiniens de la Cisjordanie et la bande de Gaza. En effet, le
ministre de l'Intérieur a noté : « Le passeport a
été délivré sur la base de l'accord du gouvernement
autonome palestinien, selon les accords d'Oslo signés à
Washington le 13 Septembre 1993 »322.
Le sentiment d'exclusion et de marginalisation vécu par
les réfugiés a en outre été renforcée par le
décalage entre les textes des accords d'Oslo et les accords de paix qui
ont trouvé des solutions durables pour d'autres groupes de
réfugiés, comme ceux de Guatemala, Cambodge, Rwanda, Mozambique,
Bosnie et Kosovo. D'ailleurs, les instruments juridiques internationaux et les
résolutions de l'ONU ont fourni un cadre pour les accords de paix, et
l'élaboration de solutions durables pour les réfugiés.
Les accords d'Oslo ont rompu cette relation entre le droit et
la politique, puisque, dans le contexte du conflit israélo-palestinien,
le droit international et les résolutions des Nations Unies ont souvent
été perçus plus comme des obstacles que comme un outil
pour une solution politique négociée.
321 K. Nabulsi, «Participatory Models of Democracy and the
Refugee Issue», Nuffield College, Oxford University.
322 The Register of Depopulated Localities in Palestine. (
http://www.prc.org.uk/newsite/en/resources?start=40)
§3- Le Processus de Paix : L'Autorité
Palestinienne Face aux Réfugiés.
Après les accords d'Oslo, la vision que
l'Autorité Palestinienne a été fortement impliquée
dans un processus de renforcement de l'État et moins
préoccupée par la mise en oeuvre de la résolution 194, a
mobilisé les réfugiés.
Le projet de construction nationale palestinienne construite
en exil semblait menacé par le processus de paix. Les hypothèses
relatives à un transfert progressif des programmes d'aide aux
réfugiés, de l'UNRWA à l'Autorité Palestinienne,
ont été fortement contestées par plusieurs comités
des camps de réfugiés qui craignaient de perdre leur droit de
retourner à leurs foyers. Selon Riccardo Bocco323, au cours
des années d'Oslo et par la suite, la direction de l'AP/OLP a souvent
semblé percevoir les réfugiés plus comme obstacles et
menaces que comme de potentiels partenaires-clés ou des acteurs ayant un
aperçu crucial pour les négociations. La modification de cette
approche aurait pu contribuer à remédier au sentiment de
méfiance et d'opposition ressenti par de nombreux réfugiés
palestiniens et ainsi attirer le soutien des refugiés, ouvrant la voie
à une nouvelle dynamique de négociations
participatives324.
La communauté des réfugiés palestiniens
est devenue de plus en plus préoccupée par l'absence de
référence au droit dans les accords de paix signés entre
l'OLP et Israël ; ces réfugiés -qui constituent
l'écrasante majorité du peuple palestinien- ont eu l'impression
de ne plus être entendus et d'être abandonnés par leurs
dirigeants. Non seulement ils se voyaient mis à l'écart d'un
projet national centré sur l'expérience étatique en
Cisjordanie et à Gaza, mais, de plus, la perspective d'une
réinstallation permanente a réveillé de nombreuses
tensions avec la société d'accueil.
La réaction face à cette situation se manifesta
au milieu des années 90 : dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et en
Israël, les réfugiés s'organisèrent et mirent sur
pied des conférences populaires destinées à établir
l'agenda et les principes de base d'une campagne commune sur le « droit au
retour ». L'ampleur croissante de ces conférences aboutit, en 2001,
à la création d'une coalition palestinienne pour le « droit
au retour »325. Cette coalition de réfugiés
palestiniens des pays arabes, d'Europe, d'Amérique du Nord et
d'Amérique Latine, pousse les dirigeants palestiniens à prendre
leurs responsabilités, à représenter tous les
Palestiniens, à défendre les droits des réfugiés et
à ne pas les exclure des discussions326.
En septembre 2008, une lettre -intitulée : « Les
droits des réfugiés et les négociations du statut
permanent »- a été remise au président Mahmoud Abbas
au nom de 78 ONG palestiniennes ; cette pétition rappelle qu'aucun
reglement juste et durable du conflit israélo-palestinien n'est possible
sans le respect des droits des réfugiés, et au premier plan : la
reconnaissance et la mise
323 Professeur de sociologie politique à l'Institut des
Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID) de
Genève. Il travaille actuellement sur la question de la construction de
la paix et les politiques de réconciliation au Moyen-Orient.
324 R. Bocco, «UNRWA and the Palestinian Refugees: a history
within history», Oxford journals, (May 2010).
325 Al Awda:
www.al-awda.org.
326 M.van Belle - E. Lernout, « Mobilisation pour une paix
juste», Globo, numéro 21, (Mars 2008), p.9.
en oeuvre du « droit au retour ». Le document a
été signé par l'ensemble des fractions palestiniennes, y
compris le Fatah et le Hamas 327.
Il peut paraître surprenant que les
réfugiés n'aient jamais été sérieusement
considérés comme des acteurs à part entière du
règlement de paix.
Or, c'est là un élément crucial puisque,
quels que soient les termes exacts de l'accord de paix, sa validité
politique et opérationnelle est en fin de compte largement tributaire de
l'attitude des réfugiés face aux choix qui leur seront
proposés entre le retour, le rapatriement, la compensation,
l'implantation définitive dans le pays d'accueil ou l'émigration
vers des pays tiers.
Le « droit au retour », défini en 1948 par la
résolution 194 de l'AGNU en termes individuels, comme une solution
opérationnelle privilégiée au règlement de la
question des réfugiés palestiniens, a pris une dimension
collective depuis l'émergence de l'Organisation de Libération de
la Palestine (OLP) dans les années 1960, et est devenu un des ferments
de la construction nationale palestinienne sous la forme d'une «
idéologie du retour ».
Le dilemme se précise encore avec l'adoption par l'OLP
du principe d'un État limité aux territoires de Cisjordanie et de
la bande de Gaza: ce renoncement à la libération de la Palestine
entière inaugure-t-il une nouvelle acception de la notion de «
retour », limité à ces territoires et définitivement
déconnectée du lieu d'origine?
L'OLP a longtemps occulté ces questions fondamentales
au nom du maintien de l'unité du peuple palestinien entre
réfugiés et non-réfugiés, entre défenseurs
de la conception originelle du « droit du retour », qui se focalise
sur des territoires désormais situés en Israël, et militants
d'un État palestinien érigé « sur toute partie du
territoire palestinien qui sera libéré »328. Mais
le rythme même de ces négociations illustre clairement la
priorité accordée par l'AP à la récupération
des territoires occupés de Cisjordanie et Gaza pour y instaurer une
autorité politique palestinienne et édifier une entité
nationale. Dès lors, la question des réfugiés est
envisagée comme devant faire l'objet d'une solution
complémentaire à celle des territoires
occupés329.
Cette nouvelle conception « étatiste » de la
mise en oeuvre du « droit au retour » a été reprise
dans les divers plans de paix israélo-palestiniens informels qui ont vu
le jour depuis la suspension du processus de paix en février 2001, des
propositions de paix de Taba de janvier 2001 à l'initiative de
Genève de 2003.
Cette double acception, individuelle et collective, du
«droit au retour» n'est pas sans poser la question fondamentale de sa
représentation politique: comment l'OLP pourrait-elle se prononcer sur
des sujets qui relèvent avant tout du choix individuel des
réfugiés, à commencer par le choix,
préconisé dans la résolution 194 (III), entre le retour
à la terre d'origine ou la réinstallation en pays d'accueil
agrémentée d'une compensation.
327 Z. Clot, «Il n'y aura pas d'Etat Palestinien»,
Max Milo, (2010), p.189.
328 j al-Husseini « Visions palestiniennes du «droit au
retour» des réfugiés, sept ans après le début
de la seconde Intifada », a contrario, Vol. 5, No 2, (2008),
p.43.
329 S. Akram - T. Rempel, «Recommendations for Durable
Solutions for Palestinian Refugees: A Challenge to the Oslo Framework,»
Palestine Yearbook of International Law, (2000-2001).
Les résolutions relatives à la question des
refugiés palestiniens marquent la distinction que fait l'ONU entre,
d'une part, les droits collectifs330 qui ne peuvent être
exercés par aucune autre entité collective -en particulier le
droit à l'autodétermination et à l'indépendance- et
d'autre part, le droit inaliénable des Palestiniens au retour, droit
individuel331 qui appartient a chaque individu et son exercice ne
peut être négocié par personne.
Selon Salman Abu Sitta, cette option du négociateur est
un gadget ; et chaque réfugié a le droit d'user de ce droit
dès que possible car il n'a pas de date de péremption. L'article
13 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme affirme le droit
de chacun à quitter son pays et à y revenir ; il n'est soumis
à aucun accord ou négociation internationaux et personne ne peut
l'annuler.
Revenir aux racines du problème est devenue une urgente
nécessité après 18 ans de tromperie d'Oslo et la perte de
près d'un quart de siècle dans une lutte nationale qui a produit
des institutions nationales qui n'ont pour le peuple aucune
crédibilité.
Le premier axiome dans le coeur de chaque Palestinien, et dans
le droit international, est que le « droit au retour » pour les
Palestiniens n'est réalisé que par le retour des
réfugiés « sur la terre ou dans les maisons ou dans les
endroits d'où ils, ou leurs familles, ont été
expulsés en 1948 et où ils n'ont pas été
autorisés à revenir »332 .
Ilan Pappe fait remarquer que si les responsables politiques
espèrent faire participer les réfugiés palestiniens
à des futures opportunités dans leurs choix de retour, il n'y a
pas de meilleurs moyens que de les connecter à ce nouvel Etat :
- en les impliquant dans le processus même du renforcement
de la « future Palestine »,
- en les engageant ensemble avec les non-réfugiés,
à participer au choix de la nature de l'Etat futur qu'ils veulent
prendre part à créer et à habiter.
Selon ce même auteur, l'OLP/AP, doit être en mesure
de représenter avant de conduire.
L'écart dans la représentation des positions de
la population réfugiée a délégitimé le
processus de paix, a créé une rupture dangereuse et inutile entre
l'OLP et son peuple, et a conduit à la délégitimation de
l'AP.
- Enfin, l'implication de la communauté des
réfugiés est cruciale. La paix ne sera pas obtenue à moins
que ceux qui sont intéressés pourraient effectivement être
impliqués333.
La participation démocratique à son tour est
fondamentale pour sauver le processus de paix.
Les réfugiés, en tant que détenteurs de
droits, sont les seuls qui peuvent les compromettre: nul ne peut transiger sur
leur nom.
330 Par exemple, le 22 novembre 1974, dans sa
résolution 3236, et le 10 novembre 1975 dans sa résolution 3376,
elle réaffirme : « a) l'exercice par le peuple palestinien de ses
droits inaliénables en Palestine, y compris le droit à
l'autodétermination sans ingérence extérieure et le droit
à l'indépendance et à la souveraineté nationales
;
b) l'exercice par les Palestiniens de leur droit
inaliénable de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens,
d'où ils ont été déplacés et
déracinés. »
331 Surtout la résolution 194 de l'AGNU.
332 S. Abu Sitta, « Il est temps pour ceux qui ont les
clés de leurs maisons de se lever », Middle East Monitor,
(2011).
333 I. Pappe, «Were they Expelled? The History
Historiography and Relevance of the Palestinian Refugee Problem», in
«The Palestinian Exodus 1948-1998», G. Karmi - E. Cottran, London
Ithaca Press, (1998).
Section II
Résoudre le Problème des
Réfugiés Palestiniens.
§1- Le Rôle des Nations Unies dans la
Résolution du Conflit Israélo-palestinien.
Conçue en 1945, l'Organisation des Nations Unies a
fixé des normes élevées et épousé de nobles
principes qui consacrent sa responsabilité principale: maintenir la paix
et la sécurité. Pourtant, ses performances depuis sa
création ont été faibles, et l'ONU a rarement
été en mesure de faire appliquer les principes de sa Charte dans
des actions souhaitées.
Cela a été le plus évident à
l'égard du conflit au Moyen-Orient.
S'il y a une question qui engage la responsabilité
directe de l'ONU, c'est bien le conflit israélopalestinien.
Nul ne peut nier qu'avec la décision de créer
l'Etat d'Israël, l'ONU porte une responsabilité dans
l'évolution de ce conflit. Mais cette organisation tient plus de
responsabilités face à son incapacité à
résoudre ce conflit âgé de plus de six décennies ;
d'autant plus que certaines de ses résolutions sont le fondement de tout
accord plausible.
Soixante trois ans plus tard, il n'y a toujours pas d'Etat
palestinien, celui que l'on évoque devrait se satisfaire de 22% de la
Palestine historique, et rien de sérieux n'est dit pour la question des
réfugiés. A ce titre, les négociations apparaissent dans
leur vraie fonction : donner un habillage juridique aux violations du
droit334.
Le 24 novembre 2008 et à l'occasion de la «
journée annuelle de solidarité avec le peuple palestinien »,
le Président de l'Assemblée générale Miguel
d'Escoto Brockmann a estimé, que le fait de ne pas avoir
créé d'Etat palestinien comme il avait été promis,
est le plus grand échec dans l'histoire des Nations Unies ; et qu'il
était honteux que l'on ne puisse toujours pas célébrer la
naissance d'un Etat palestinien, 61 ans après l'adoption de la
résolution 181.
Nous ne pouvons pas éviter l'amère ironie que le
mois prochain (décembre 2008), nous célébrerons le 60e
anniversaire de l'adoption de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, qui consacre le droit à l'autodétermination de ces
mêmes personnes, a dit Mr. Brockmann, ajoutant que « La
communauté internationale ne devrait pas aujourd'hui ménager ses
efforts pour aider à atteindre une solution conduisant à la
coexistence de deux États ».
En fait, cette citation reflète une
vérité amère. C'est vraiment ironique que l'institution
qui a existé pour protéger les droits de l'homme, et qui
prône le droit à l'autodétermination des peuples, est la
même organisation qui a été responsable du
déracinement d'une population entière et de la négligence
de l'application des droits des Palestiniens pendant toutes ces
années.
334 G. Devers, « Les réfugiés palestiniens et
le droit au retour », ISM France (International Solidarity Movement), (7
septembre 2010).
Au cours des dernières décennies, au lieu de
chercher à améliorer sa capacité de négociation, de
médiation et de conciliation, l'Organisation des Nations Unies a
trébuché, sans trop de conviction, d'un artifice à
l'autre, et a rarement gagné la commande des événements ou
capitalisé sur son potentiel de ramener la paix et la
réconciliation dans la région, laissant les États-Unis
guider le Processus de Paix au Proche-Orient en dehors du cadre des Nations
Unies.
Ainsi, la question palestinienne a été
retirée de son lieu naturel de traitement, l'Organisation des Nations
Unies, pour être laissée entre les mains des États-Unis,
qui en tant que superpuissance, bénéficient d'un monopole sur la
dimension internationale.
Le processus de paix ouvert par la Conférence de Madrid
a complètement marginalisé l'ONU, pour l'exclure totalement avec
la Déclaration des Principes d'Oslo, qui a consacré les
Etats-Unis comme unique médiateur, mettant ouvertement de
côté toutes les résolutions onusiennes et les normes du
droit international qui ont été remplacées par une
négociation bilatérale ayant un rapport de force
complètement défavorable aux Palestiniens.
L'exclusion de l'ONU du processus de paix signifiait à
la fois sa marginalisation, et la suprématie de la force sur le droit ;
plus grave encore a été la décision de mener des
négociations de paix qui, ouvertement, mettaient entre parentheses non
seulement l'ONU, comme institution, mais les règles du droit
international et l'ensemble des résolutions onusiennes concernant le
conflit. Pour la première fois depuis 1945, la communauté
internationale donnait son aval à un processus négocié qui
contredisait les résolutions de l'ONU et les normes du droit
international. « Peu importe ce que disent les Nations Unies, ce qui
compte c'est ce que fait Israël », a été l'un des
slogans les plus populaires en Israël au cours des 15 dernières
années ; c'est l'essence même de
l'unilatéralisme335.
La conséquence de cette politique a été
que l'Organisation des Nations Unies s'est vue divisée à cause du
conflit israélo-palestinien ; on a eu d'un côté, les
organismes et les commissions onusiens des Droits de l'Homme336 qui
ont souligné à plusieurs reprises le droit des
réfugiés palestiniens à retourner dans leurs foyers
d'origine et à prendre repossession de leurs propriétés,
comme ils ont aussi condamné les violations par Israël des Droits
de l'Homme et du Droit Humanitaire ; quand de son côté, le Conseil
de sécurité, pendant plus de soixante ans, n'a jamais
cherché à prendre des mesures concrètes concernant ce
conflit.
Malgré tous ses défauts et faiblesses, l'ONU
offre toujours la meilleure chance de mener les parties au conflit dans le sens
d'un règlement négocié ; c'est vrai qu'elle a reçu
beaucoup de critiques pour son incapacité à apporter des
solutions à certains des plus graves problèmes dans les relations
internationales, mais cela ne signifie pas, toutefois, qu'elle est devenue
inutile ou obsolète.
335 M.Warschawski, « L'ONU peut-elle sauver la Palestine
?», du « Droit pour tous ou loi du plus fort, regards militants sur
les Nations Unies », CETIM, (2005).
336 Parmi eux le CESCR et le CERD.
Cette Organisation peut avoir échoué à
apporter la paix dans la région, néanmoins, c'est aussi le cas de
tous les autres acteurs engagés dans cet effort, mais en fin de compte,
l'ONU seule apporte la légitimité internationale et la
capacité de construire de vastes coalitions. L'Organisation des Nations
Unies est mieux placée qu'elle ne l'était dans le passé
pour remplir ce rôle, et cela pour des raisons politiques et
pratiques.
Politiquement parlant, seule l'ONU comprend des Etats arabes,
elle est donc la seule organisation qui peut fournir le plus large appui
possible à partir de ce groupe important. En effet, le monde arabe -
représentée par la Ligue arabe - a parcouru un long chemin depuis
la Conférence de Khartoum en 1967337. En effet en 2002 puis
en 2007, par le biais d'une initiative de paix338, les pays arabes
ont tendu la main à Israël, en offrant ce que cette dernière
a toujours souhaité et demandé: sa reconnaissance, sa
normalisation et sa légitimité aux yeux du monde arabe. Cette
initiative a été saluée par beaucoup de
personnalités en Israël, par contre, même celles qui sont
restées sceptiques, ont apprécié son importance comme un
tournant dans l'attitude des pays arabes envers l'Etat hébreux.
Du côté pratique, aucune solution au conflit ne
sera durable, si elle n'est pas largement soutenue sur le plan international ;
et l'Organisation des Nations Unies est la seule à pouvoir apporter de
l'ampleur et de la profondeur quant à l'appui qui est nécessaire,
afin d'arriver à un accord. Pratiquement, toutes les autres
possibilités ont été épuisées au cours des
années.
Quelles sont les mesures à prendre par l'ONU afin de
renforcer son rôle dans le conflit israélopalestinien ?
Il semble évident que les changements à la
Charte des Nations Unies, comme tous les changements constitutionnels, sont
souhaitables, mais il y a peu de chances qu'ils se produisent rapidement.
En dépit des déclarations publiques, les cinq
membres permanents de l'ONU sont satisfaits des arrangements actuels et
s'opposent à toute tentation d'élargir leur club. Selon nombreux
critiques, le Conseil de sécurité reste inflexible, oligarchique
et hors de contact avec le monde339. L'ONU ne peut espérer se
développer et atteindre son but qu'a condition d'être en mesure de
se soustraire aux pressions politiques qui l'entourent.
Cette Organisation doit «développer un esprit
d'équité et d'objectivité et favoriser
une atmosphère d'honnêteté intellectuelle et
d'intégrité, dans laquelle tous les gouvernements et tous
337 Où ils ont adopté les fameux «trois
non» (pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d'Israël,
pas de négociation avec Israël) comme leur politique envers le
conflit israélo-arabe.
338 L'Initiative de paix arabe est une initiative pour la paix
proposée au Sommet de la Ligue arabe 2002 de Beyrouth, et
confirmée au Sommet de la Ligue arabe 2007 de Riyadh. Elle a pour
objectif de résoudre le conflit israélo-arabe, en
améliorant les relations entre Israël et le monde arabe, en
échange du retrait total des Territoires occupés et d'une
solution viable pour les réfugiés palestiniens.
339
http://www.globalpolicy.org/security/reform/2005/0713theses.htm
les peuples se voient placer leur confiance. Dans le cas
contraire, elle ne peut pas espérer atteindre l'acceptation publique
comme un acteur sérieux dans le façonnement de
l'avenir»340.
Donc, pour atteindre son but, l'ONU doit puiser sa force non
pas des superpuissances mondiales, mais de la société civile,
c'est-à-dire l'ensemble des mouvements sociaux à travers notre
planète, qui jour après jour se mobilisent pour réimposer
le droit contre la force et la concertation internationale contre
l'unilatéralisme.
« Là où il y a loi et principe il y a donc la
force et la capacité de s'opposer », observe l'expert sur les
réfugiés Guy Goodwin-Gill341.
§-2- Quelle Solution pour la Question des
Réfugiés Palestiniens?
Sans aucun doute, la question des réfugiés
palestiniens et leur « droit au retour » a été la plus
obstinée des pierres d'achoppement qui empêchent la
résolution du conflit entre Israël et les Palestiniens.
Il en est ainsi parce que pour les deux parties au conflit, le
« droit de retour », plus que toute autre question, touche dans
l'essence de leur histoire et de leur avenir.
L'échec des efforts de paix de se pencher
sérieusement sur la question du « droit au retour » est un
reflet d'une question plus large de justice historique qui a été
évitée dans les diverses tentatives de résoudre le conflit
israélo-palestinien.
Toutefois, le cadre des négociations établi
à Oslo en 1993, qui a soigneusement évité les
considérations de justice, a amené les parties à une
impasse historique, résultant des dynamiques de violence sans
précédents.
Les considérations de justice historique sont
essentielles pour parvenir à la réconciliation dans le conflit
israélo-palestinien, et cette base moralement et politiquement saine,
pourrait et devrait être établie pour une solution viable à
la question du « droit de retour »342. Cela pourrait
être réalisé sur la base d'une conception de la justice non
pas simplement corrective ni compensatoire, mais plutôt transformative.
Cette conception, généralement appelée « justice
transitionnelle », ne cherche pas à atteindre un équilibre
entre les droits violés et les mesures compensatoires ; elle vise
plutôt à établir les principes qui devraient régir
la transition d'une société ou situation moralement
déficientes, à une situation moralement supérieure.
De l'Afrique du Sud au Maroc, de la Bolivie au Rwanda, du
Sierra Leone au Liberia et au Tchad, ces mécanismes de justice
transitionnelle, incluant des commissions dites « justice et
vérité » et
340 O. Englander, «Converging for Peace: The United Nations
and the Israel-Palestine Peace Process», The Atkin Paper Series,
(June 2009).
341 G. Goodwin-Gill, «Refugee Identity and Protection's
Fading Prospect,» Refugee Rights and Realities, Evolving International
Concepts and Regimes» by F. Nicholson - P. Twomey, Cambridge
University Press, (1999), p. 246.
342 Y. Peled, «The Right of Return & Transformative
Justice», (2004).
des institutions similaires où victimes et bourreaux
s'affrontent de façon pacifique, ont été
créés343.
Et puisque les droits des réfugiés sont
universels, les palestiniens doivent se voir offrir les mêmes solutions
qui sont systématiquement à la disposition d'autres
réfugiés dans le monde.
Ces solutions doivent s'inspirer du principe de la justice
transitionnelle qui a prouvé son succès dans la résolution
des conflits dont les parties, vivant côte à côte, avaient
des différences fondamentales, sectaires, ethniques, raciales et
religieuses etc.
Le thème de la justice transitionnelle est apparu ces
dernières années comme une des disciplines en plein essor des
champs plus vastes des Droits de l'Homme et de la résolution de
conflits.
Alex Boraine considère que « la justice
transitionnelle n'apparaît pas comme une contradiction de la justice
pénale mais plutôt comme une vision plus riche, plus profonde et
plus large de la notion de justice, cherchant à faire rendre des comptes
aux criminels, à répondre aux besoins des victimes et à
lancer un processus de réconciliation et de transformation qui donne
naissance à une société plus juste et plus humaine
»344.
Dans ces conditions, la justice transitionnelle se
révèle comme une série d'approches adoptées par les
sociétés pour résorber les conséquences des
atteintes graves et systématiques aux Droits de l'Homme, lesquelles
permettent de passer d'une période de conflit ou d'oppression à
la paix, la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits
individuels et collectifs345.
En théorie comme en pratique, l'objectif de la justice
transitionnelle est de faire face au lourd héritage des abus, d'une
manière large et holistique qui englobe la justice pénale, la
justice restauratrice, la justice sociale et la justice économique.
Cette justice transitionnelle est basée, de surcroît, sur
l'idée qu'une politique de justice responsable doit avoir des mesures
qui cherchent à la fois à établir la responsabilité
pour les crimes commis dans le passé et à dissuader la commission
de nouveaux crimes qui se produiraient, en tenant compte du caractère
collectif de certaines formes de victimisation, ainsi que du caractère
transnational de certaines autres346.
Même si la justice transitoire porte
nécessairement les injustices du passé, elle est l'avenir,
plutôt que le passé, elle est orientée vers tout ce qui
relève du moral.
Cette justice vise à « affirmer et à
restaurer la dignité des individus dont les droits relatifs à
leur personne ont été violés et dont les
propriétés ont étés volées. Elle vise aussi
à tenir les agresseurs responsables, en insistant sur le
préjudice qu'ils ont fait aux êtres humains et finalement à
créer des conditions sociales dans lesquelles les Droits de l'Homme
seront respectés347 ».
343 N. Odoukpe, «Reflexion sur la justice
transitionnelle», (2009).
344 A. Boraine, « La justice transitionnelle », dans
: « Les Ressources de la transition », Institut pour la
Justice et la Réconciliation, (2005), p 19.
345 Source : Centre International pour la Justice Transitionnelle
:
www.ictj.org.
346 M. Freeman - D. Marotine, « Qu'est ce que la Justice
Transitionnelle ? », International Center of transitional
justice, (2007), p.2.
347 E. Kiss, «Moral Ambition Within and Beyond Political
Constraints», in «Truth v. Justice: The Morality of Truth and
Reconciliation Commissions», R. Rotberg - D. Thompson, Princeton
University Press, (2000).
Ici donc, la pratique n'est pas une condition qui réduit
la morale, mais plutôt c'est sa fondation.
Selon Christine Bell, les Processus de Paix en Afrique du Sud,
en Israël-Palestine et en l'exYougoslavie sont parmi ceux qu'elle
identifie comme étant les plus récemment traités dans la
littérature de la justice transitionnelle. L'auteur a mis l'approche
sud-africaine, comme première parmi ses études de cas, dans un
classement sommaire des mesures des Droits de l'Homme inclus dans les
différentes offres de paix. L'accord israélo-palestinien est venu
en dernier. En fait, Bell soutient que « tant dans leur texte que dans
leur mise en oeuvre, les accords de paix israélopalestiniens
démontrent un divorce presque complet entre la notion de paix et la
notion de justice348 ».
Ainsi, un nouveau processus de paix fondé sur les
Droits de l'Homme et le droit international, est la seule base équitable
et raisonnable pour une solution juste et durable du conflit
israélopalestinien349.
Pour Mark Freeman, la justice transitionnelle, en tant que
discipline professionnelle, est essentiellement axée autour de quatre
mécanismes principaux :
- Les poursuites pénales (par des tribunaux nationaux,
internationaux ou hybrides) ;
- Les enquêtes visant à établir la
vérité sur les exactions passées (via les enquêtes
nationales officielles telles que les commissions vérité, ou les
commissions d'enquête internationales, les mécanismes des Nations
Unies ou les efforts des ONG) ;
- Les réparations (compensatoires, symboliques, sous forme
de restitution ou de réhabilitation) ;
- Les réformes institutionnelles (comprenant les
réformes du système de la sécurité et les
réformes judiciaires, la révocation des auteurs d'exactions des
postes de la fonction publique et la formation en droits de l'homme des
fonctionnaires).
La discipline englobe également plusieurs questions
communes à ces mécanismes, dont en particulier, les thèmes
de la mémoire et de la réconciliation350.
Pour parvenir à la réconciliation, la justice
transitionnelle repose sur deux autres lettres R: La reconnaissance et la
restitution.
D'une part, la reconnaissance du droit des
réfugiés palestiniens au retour est aussi une reconnaissance de
ce qui s'est passé pour eux, leur histoire individuelle et collective,
et la reconnaissance de l'injustice qu'ils ont subi.
Depuis soixante trois ans, et les réfugiés
palestiniens font savoir qu'ils ne seront pas en mesure d'accepter une
compensation financière au lieu d'une réparation complete, qui
inclut le « droit au retour » et à la restitution des
biens.
348 C. Bell, «Peace Agreements and Human Rights»,
Oxford: Oxford University Press, (2000).
349 L. Welchman, «The Role of International Law and Human
Rights in Peacemaking and Crafting Durable Solutions for Refugees» ,
BADIL, (2003)., p.6.
350 M. Freeman - D. Marotine, « Qu'est ce que la Justice
Transitionnelle ? », International Center of transitional
justice, (2007), p.2.
La création d'un Etat palestinien sans la pleine
reconnaissance aux réfugiés du droit de retourner dans leurs
foyers d'origine, ne leur offre pas des remèdes et des
réparations, il limite plutôt l'autodétermination en
réduisant la nation palestinienne et abandonnant de nombreux
Palestiniens à un état d'exil permanent.
Par ailleurs, il est de l'intérêt d'Israël
de reconnaître sa responsabilité directe dans l'expulsion massive
de la population palestinienne afin de gagner une reconnaissance
véritable : sa légitimité au niveau régional.
La clé d'une future paix israélo-palestinienne
réside dans une réconciliation de fond qui verrait une
reconnaissance de la part d'Israël de l'injustice grave qu'elle a commise
envers les Palestiniens, et cela depuis 1948. Cette paix véritable ne
peut naître par la force des armes, en exigeant que les
réfugiés et leurs descendants qui croupissent depuis plus de six
décennies dans des camps de réfugiés, acceptent que leur
« droit au retour » soit simplement enterré dans les
méandres de la négociation internationale. Car en
définitive, comme l'exprime si justement Ilan
Pappé351, politologue israélien post-sioniste: «
Le «droit au retour» est la feuille de route vers la paix
»352.
D'une autre part, l'option de retour ne peut être
exercée sans aborder la question de l'indemnisation et la restitution
des terres. La restitution est une façon d'accorder la reconnaissance
aux victimes, de l'injustice historique qu'ils ont vécue, et de les
indemniser pour leurs pertes matérielles réelles.
Une question importante à prendre en
considération dans la discussion sur la restitution, est la forme de
celle-ci. Il convient qu'elle prenne une ou plusieurs formes (parmi lesquelles
les réfugiés sont libres de choisir) : restauration du statut de
la citoyenneté, des biens expropriés, rapatriement et
compensation monétaire, etc. 353
La restitution ouvre de nombreuses possibilités de choix
pour les réfugiés :
- Le retour des refugiés dans leurs foyers d'origine et la
restauration de leurs biens et propriétés, avec une indemnisation
pour les dommages subis.
- Le retour dans un futur Etat palestinien, plus une
indemnisation pour tous les biens laissés et dommages subis.
- L'intégration dans le pays hôte, et
l'indemnisation pour tous les biens laissés et dommages subis.
- La réinstallation dans un pays tiers, et aussi
l'indemnisation pour tous les biens laissés et dommages subis.
(Sans oublier les indemnités pour les souffrances
vécues durant toutes ces années, et qui s'appliquent aux quatre
catégories)
351 Voir, The Palestine Right to Return Coalition, Al Awda,
Londres, (15 mai 2003).
352 « Le droit de retour du peuple palestinien », (
http://members.tripod.com/~PSC_McGill/refugees.html).
353Y. Peled - N. Rouhana, «Transitional Justice
and the Right of Return of the Palestinian Refugees», in «Theoretical
Inquiries in Law», Tel Aviv University, (2004), p.7.
En conclusion, pour comprendre l'importance de la question des
réfugiés pour les Palestiniens, nous devons savoir que ce
problème tel qu'il existe aujourd'hui, est né suite à
l'expulsion de plus de la moitié de la population palestinienne de sa
terre en 1948, et que l'un des aspects fondamentaux de la l'identité
palestinienne est le « refugeehood »354. Une telle
compréhension oblige toutes les parties à aborder le
problème des réfugiés comme étant fondamental pour
toute solution du conflit israélo-palestinien.
Il ya quatre raisons à cela355:
D'abord, aussi longtemps que les Israéliens ne prennent
pas en considération ce qui est arrivé aux Palestiniens en 1948
et leur expulsion de la population autochtone de 78% des terres de la Palestine
historique, ils vont continuer à négocier sur la
propriété des autres 22%356.
Il n'y a pas de solution à la question foncière
sans couplage avec la question des réfugiés. C'est
peut-être la raison pour laquelle les accords d'Oslo ont
échoué.
Ensuite, la résolution du problème des
réfugiés n'est pas seulement une question technique d'absorption,
ni une pure question de droit international ; il s'agit plutôt de
déconstruire le conflit israélo-palestinien de ses
prémisses pour bien comprendre comment ses causes ont conduit à
un certain type de pratique coloniale, et à reconnaître la
nécessité d'un débat pour admettre la
responsabilité historique qui lui est inhérente. C'est la
condition même d'une véritable réconciliation.
En outre, indépendamment du fait que la
résolution finale du conflit israélo-palestinien prenne la forme
d'un seul357 ou de deux Etats, la question des
réfugiés ne peut pas être considérée comme
secondaire ; les mesures prises par les ONG et la société civile
palestinienne, ont révélé l'importance de cette
question.
Enfin, et au-delà de la valeur morale et symbolique de
la réalisation du retour, le droit est utile pour la création
d'un cadre qui assurera aux réfugiés à choisir de rester
dans leur pays d'accueil, de retourner à leurs foyers d'origine ou dans
un futur Etat palestinien, ou d'être réinstallés dans un
pays tiers.
Le droit de choisir est une nécessité pour ceux
qui, pendant un demi-siècle, ont été forcés de
vivre en tant qu'étrangers et sans droits fondamentaux dans des camps de
réfugiés misérables.
Malgré tout, ces réfugiés n'ont jamais
perdu l'espoir de revoir leur patrie. En effet, le penseur palestinien Edward
Said a dit une fois qu'en dépit du long voyage des Palestiniens, il n'en
avait jamais rencontré un seul qui ne soit optimiste sur l'avenir.
354 L'état d'être un réfugié.
355 Voir, S. Hanafi, «Why a `right of
return' is necessary», Lebanon Daily Star, (7 October 2004).
356 Y compris, la Cisjordanie Jérusalem-Est et la bande de
Gaza.
357 Un seul Etat binational ou fédéral.
Jusqu'à l'avènement de ce jour tant attendu, les
palestiniens continuent à croire toujours et encore, et là le
poète Mahmoud Darwich voit une maladie : L'espoir.
Mal palestinien par excellence, il est l'ultime remède
à l'occupation :
« Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle
l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une
vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de
voir nos enfants aller sans danger à l'école. Espoir pour une
femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans
un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de
contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté
de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que
cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix ».
CONCLUSION
CONCLUSION
Au cours des deux dernières décennies, les
démarches adoptées pour trouver une solution au problème
des réfugiés palestiniens, ont reposé entièrement
sur une approche de realpolitik visant à mettre les droits
à côté pour des raisons de dures réalités.
Le cadre d'Oslo pour résoudre le problème des
réfugiés a été présenté comme la
solution pragmatique réaliste, et ceux qui cherchaient à le
critiquer étaient traités d'utopistes.
Dix-huit ans après ces accords, il n'y a toujours pas
d'Etat palestinien, les guerres et les affrontements ont multiplié et
les colonies israéliennes ont augmenté, mais surtout plus de six
millions réfugiés palestiniens ont été
abandonnés à leur sort.
Aujourd'hui, on évoque à l'unanimité
l'échec de l'accord d'Oslo à trouver de vraies solutions au
conflit israélo-palestinien. Cet échec, dü largement
à l'absence d'un dénouement au problème des
réfugiés, a renversé la théorie pragmatique
reposant sur des concessions sans fin, pour consacrer « Le Droit " comme
fondement de résolution des conflits.
La base de toute solution au conflit israélo-arabe
passe par la question du « droit au retour " des réfugiés
qui, eux, constituaient la pierre d'achoppement de toutes les
négociations antérieures.
En vue de contourner le sujet sous tous ses aspects, il a
été nécessaire d'étudier le « droit au retour
" à la lumière du droit international.
L'existence d'un «droit au retour " est désormais un
fait indéniable.
Consacré dans quatre sources du droit international
coutumier : droit international humanitaire - droit international des droits de
l'homme - droit de la nationalité - pratique des Etats -, le «
droit au retour » des palestiniens constitue une norme contraignante pour
Israël, puisque d'une part le droit international coutumier a un
caractère coercitif, et d'autre part il forme une question d'obligation
conventionnelle, surtout qu'Israël a déjà ratifié
plusieurs conventions prônant ce droit -dont la quatrième
convention de Genève-.
Dans une autre perspective, le droit collectif de toute
entité de retourner dans son pays, fait partie d'un droit plus large :
celui de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Pour ceux qui ont rejeté ce principe sous prétexte de l'absence
d'un Etat palestinien, la réponse catégorique a été
donnée en 1969 par L'AGNU358 qui a reconnu le « peuple
de Palestine », et en 2004 par l'avis consultatif de la CIJ qui a
considéré que l'édification du mur dans les territoires
palestiniens constitue une violation au droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
L'Organisation des Nations Unies dont l'histoire est intimement
liée au conflit israélo- palestinien, a consacré au
« droit au retour " des palestiniens un certain nombre de
résolutions ; la plus connue étant la résolution 194 de
l'AGNU qui a stipulé dans son paragraphe 11 : « Il y a
358 Dans sa résolution 2535.
lieu de permettre aux réfugiés -palestiniens- qui
le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible
».
Au fait, si les résolutions de l'AGNU sont
généralement dénuées de toute force obligatoire, ce
n'ai pas le cas de la résolution 194, qui, réaffirmée
annuellement depuis 1948, a passé du statut d'une simple «
recommandation » à une expression de la volonté
internationale.
Vient s'ajouter à tout cela, le fait que le retour a
été considéré par la pratique internationale comme
la solution durable préférée de la communauté
internationale.
Partout dans le monde, le retour des réfugiés
est devenu une priorité. D'ailleurs, le problème des millions de
personnes exilées a été traité dans les accords de
paix, mettant fin aux conflits dans leurs pays.
Cette pratique internationale réussie qui a su
intégrer les solutions durables au problème des
réfugiés dans un règlement final de paix, constitue une
expérience pertinente pour le cas palestinien.
A la lumière du droit international et de la pratique
internationale, il est primordial qu'un futur accord sur la question des
refugiés prenne en considération les éléments
suivants :
- La consécration du droit international comme
référence à tout accord futur.
- Le libre choix des réfugiés entre retour,
rapatriement, intégration dans le pays hôte et
réintégration dans un pays tiers.
En effet, le « droit au retour » ne consiste pas
seulement à retourner dans son pays mais plutôt à choisir
entre les diverses solutions durables (citées plus haut).
- Le lien étroit entre le retour, la réconciliation
et la paix durable.
- L'adoption des principes de la justice transitionnelle. Cette
justice ayant été appliquée avec succès dans des
conflits similaires, a prouvé que justice et paix peuvent se
concilier.
- L'inclusion des pays d'accueil dans un futur accord sur les
refugiés, étant aussi concernés dans cette question que le
pays d'origine.
- L'attribution à l'ONU du rôle de médiateur
principal dans les négociations, qui, malgré certaines
défaillances, reste la mieux habilitée à traiter du
conflit du Moyen Orient.
Mais en fin de compte, les véritables succès des
opérations de retour dépendent en définitive de la
volonté concrète de la communauté internationale ; une
communauté internationale qui prône le « droit au retour
» partout dans le monde, mais qui semble oublier qu'il existe six millions
de réfugiés palestiniens éparpillés à
travers cette planète. Ce qui a incité Edward Said à
commenter : « Il me semble indécent que Clinton soit parti en
guerre, entraînant avec lui toute l'OTAN et détruisant la Serbie
au nom du droit au retour des Albanais du Kosovo, et qu'il demande ensuite aux
palestiniens de renoncer à leur propre droit au retour
»359.
D'une part, cette citation traduit fidèlement la
politique de deux poids, deux mesures adoptée à l'égard
des réfugiés palestiniens. Mais d'une autre part, elle laisse
interroger sur l'étendue du
359 Le Monde, 18 Janvier 2001.
droit d'ingérence humanitaire. Cette opération de
l'OTAN en Serbie, a marqué le début de la consécration
d'une règle autorisant les interventions armées humanitaires.
Cependant, jusqu'à quel point les alliances
stratégiques des superpuissances jouent-elles un rôle dans ce type
d'interventions ?
Est-ce qu'on est devant une vision sélective où
certains Etats violateurs des droits de l'homme et des droits humanitaires
bénéficient d'une certaine immunité?
Sinon, de telles interventions pourraient-elles un jour
être envisageables pour agir contre le blocus de Gaza qui contrevient
directement aux lois internationales sur les droits de l'homme et le droit
humanitaire? 360
360 Selon le communiqué du Haut commissaire de l'ONU aux
Droits de l'Homme, la Sud-Africaine Navi Pillay, (novembre 2008).
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