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Ecriture et politique dans "en attendant le vote des bêtes sauvages " d'Ahmadou Kourouma

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par Kossi Wonouvo GNAGNON
Université de Lomé Togo - Maà®trise en lettres 2009
  

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2. De l'altérité dans l'oeuvre à l'alternance démocratique

Le concept de l'altérité est perçu généralement comme la considération habituelle de l'Autre. Le genre littéraire approprié pour réaliser l'absorption d'autres esthétiques, est le roman. Kourouma s'est servi de cette « souplesse absorbante »81 du roman pour créer un mélange générique qui s'identifie immédiatement aux principes esthétiques de la Démocratie.

2.1. Mélange générique et esthétique démocratique

Dans le roman de Kourouma, il existe un système générique où mêlent hybridation entre épopée et fiction, conciliation entre oralité et écriture, bref il y a dans l'oeuvre une inclusion ou une union des divers types de discours. Le récit est tantôt épique (les exploits guerriers de Koyaga), satirique (la dénonciation des dictateurs et de leurs actes), tantôt romanesque. On y note également deux systèmes de langue (le français et le malinké) qui sont conciliés.

79 René DUMONT, L'Afrique noire est mal partie, Paris, Seuil, 1962, p. 125.

80 Le général Meynier cité par René Dumont, L'Afrique noire est mal partie, Paris, Seuil, 1962, p. 25.

81 Jean-Jacques Séwanou DABLA, Nouvelles écritures africaines, romanciers de la seconde génération, Paris, Harmattan, 1986, p.244.

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Ce phénomène d'altérité dans l'entité du roman en général et de celui de Kourouma en particulier, montre une esthétique démocratique. Or la démocratie s'appuie sur le principe que l'autorité appelée à régir la vie collective repose sur l'ensemble des individus composant la collectivité, « gouvernement du peuple par le peuple » selon la définition Abraham Lincoln, la Démocratie permet la participation de tous, les gouvernants et les gouvernés, à la gestion des affaires publiques.

En fait, le roman est né à la fin du 18 siècle, à la même époque que la démocratie qui signifie essentiellement prise du pouvoir par le peuple et renouvellement du suffrage, c'est-à-dire changement périodique continuel. Ainsi, le roman de Kourouma se veut une oeuvre qui aspire à la Démocratie. L'oeuvre prône l'acceptation mutuelle en politique et propose aux hommes politiques africains le dialogue démocratique.

2.2. Discours dialogique et dialogue démocratique

Par le choix du donsomana, un genre polyphonique, Kourouma affirme la nécessité de la pluralité des idées. Aux antipodes des partis uniques qui ont poussé comme des champignons en Afrique après les indépendances, le récit purificatoire de Koyaga est fait dans un discours dialogique. Le dialogisme discursif est perçu d'entrée de jeu par le truchement de la précision du dispositif de la cérémonie : au centre du cercle formé par les sept plus prestigieux maîtres chasseurs, se font face Bingo, avec Tiécoura à sa droite, et Koyaga, avec Maclédio à sa droite. Nous avons précédemment vu en quoi sont opposés Tiécoura et Maclédio. Il en est de même pour Bingo et Koyaga.

En effet, ces personnages s'affrontent dans un dur combat dont l'unique arme est la parole, les idées et l'esprit. Le griot Bingo déconstruit la parole propagandiste de Maclédio, armé de l'art oratoire et non d'une « carabine 350 Remington magnum ». Ce qui prévaut, c'est la force de l'esprit plutôt que l'esprit de la force.

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Dans l'Afrique postcoloniale, les partis uniques ont servi à produire un discours politique de clôture, adynamique et monoptique (d'une perspective unique). Ce système dictatorial est dénoncé par Ahmadou Kourouma qui propose un pluralisme politique vrai, caractérisé par le dialogue démocratique.

Le dialogue suppose la transcendance des particularités individuelles et apparaît comme une forme de manifestation du discours en mutation et, par là, comme un facteur du sujet en voie de transformation.

Francis Jacques estime à ce propos que

« le dialogisme implique un dépassement des particularités individuelles qui est sans précédent dans la tradition philosophique. En effet, tant qu'on nourrit une conception non-dialogique du dialogue, on recommande à la subjectivité individuelle de s'ouvrir à autrui afin d'émerger de sa particularité. [...] La dialogicité requiert une véritable conversion à l'interpersonnel. »82.

Le dialogue démocratique permet donc une ouverture interpersonnelle, idéologique et politique. Il se fonde sur une conception dialogique du dialogue qui autorise des divergences de points de vue. Kourouma, à travers son roman, propose, pour tout dire, le dialogue, le pluralisme politique, l'altérité politico-culturelle (la coexistence de diverses conceptions politiques et culturelles, qui acceptent pacifiquement de s'imbriquer les unes dans les autres) en Afrique. En attendant le vote des bêtes sauvages, au carrefour de la traversée des cultures, est bien ce que Edouard Glissant appelle « l'aventure du multilinguisme et [...] l'éclatement des cultures ».

À partir de son choix de l'écriture, Kourouma propose également la liberté du vote démocratique.

82 F. JACQUES, Dialogiques. Recherches logiques sur le dialogue, Paris, P.U.F., 1979 ; L'espace logique de l'interlocution, Paris., P.U.F., 1985 ; Différence et subjectivité, Paris, Aubier, 1982.

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