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Les déterminants du faible taux de référence des CSI (centre de santé intégré) ruraux vers le CHD (centre hospitalier départemental), dans le district sanitaire de Tahoua, zone d'intervention du projet ALAFIA/GTZ au Niger.

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par Idrissa CHEIFOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise en sociologie 2003
  

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4.2- la barriere « culturelle »

Probablement la barrière « patient » ne doit pas être exagérée. La grande majorité des patients référés respectent la référence. Le non-respect est le plus souvent lié à des obstacles en dehors de leur pouvoir tels que le transport et l'argent nécessaire pour entamer un tel voyage. En même temps il faut relativiser ce constat puisqu'il pourrait exister un biais de sélection : les infirmiers ne proposent la référence qu'aux patients qui ne la refuseront pas. Les autres ne reçoivent simplement pas la proposition.

Cette logique, que les patients veulent toutefois utiliser les services semble trouver une confirmation dans le livre de J.P. Olivier de Sardan qui explique la situation paradoxale de la médecine occidentale dans les campagnes africaines : « très demandée comme itinéraire thérapeutique , elle ne constitue pas encore un `système de sens' alternatif aux systèmes de sens `traditionnels' qui se situent pour une part dans un registre de `l'imputation', à connotations `magico-religieuses', peuplé de génies et de sorciers, et pour une autre part dans un univers plus prosaïque de la `nomination'. » (de Sardan, 1995). En d'autres mots, bien que le patient ne se retrouve pas dans le cadre explicatif des maladies dans la médecine occidentale, il veut bien tenter sa chance si cela rapporte une amélioration de sa situation.

Plusieurs indices existent et prouvent que les patients ne comprennent que partiellement le système de référence. Ils n'auraient pas bien compris la hiérarchie qui devrait exister entre l'hôpital et les CSI. Ils estiment que la référence représente un échec au niveau de l'infirmier, échec ressenti comme tout naturel parce que l'être humain est limité de toute façon. Il n'y a aucun indice que la population reproche quoi que ce soit aux agents de santé si ces derniers avouent qu'ils n'arrivent pas à soigner la maladie et qu'aux yeux des patients, le prestige des infirmiers serait en jeu. Mais cette notion de voir la référence comme une suite logique après un échec, expliquerait partiellement pourquoi les patients insistent d'être pris en charge d'abord au niveau du CSI et qu'une référence immédiate est peu acceptable sans les explications des infirmiers sur la probabilité de recevoir une réponse favorable à leur problème. Ils pensent aussi que souvent les moyens manquent, mais qu'ils devraient être disponibles au niveau du CSI et que peut-être s'ils insistent, l'infirmier sortira quand même ses derniers médicaments de quelque part. Ceci est peu étonnant en perspective de la situation historique où les CSI, jusqu'à récemment, ne disposaient que de très peu de médicaments et que les médicaments étaient nécessairement dispensés à compte goutte.

Une autre barrière est constituée par l'angoisse du patient. Au niveau individuel mais aussi dans les focus groups, l'angoisse a été mentionnée comme une émotion forte qui pourrait émerger lors d'une référence. La peur peut jouer un rôle différent selon les circonstances et la personnalité du patient. Une personne peut utiliser son angoisse comme moteur pour agir, par contre, pour d'autres, il s'agit plutôt d'un facteur qui paralyse. Cette angoisse ne se trouve pas seulement au niveau du patient mais aussi au niveau de son entourage. L'angoisse est nécessairement subjective. Elle peut pousser les gens à réfuter la référence tandis que la situation n'est peut-être pas si désespérée que ça.

La plupart des patients mentionnent ne pas savoir pourquoi ils ont été référés. Les patients et la population en général indiquent qu'il faut « obéir » à l'agent de santé et que « c'est le papier qui parle ». Il s'agit d'une relation de soumission, plutôt que d'une relation qui permet la discussion et donc la compréhension. Les enquêtes n'ont pas pu dévoiler si la communauté ressent cette situation comme embarrassante ou pas.

La barrière de croyances traditionnelles est étroitement liée aux incompréhensions des maladies déjà mentionnées. Beaucoup de maladies sont dites `traditionnelles' et les gens consulteraient d'abord le guérisseur pour ces maladies. Mais même s'ils ne comprennent pas tout ce qui se passe au niveau de la médecine moderne, les gens tentent leur chance. Thierry Berche donne l'exemple de l'épilepsie pour expliquer que si l'offre est là, les patients utiliseront les services :

« Ces maladies (épilepsie, folie, lèpre, maladies dites traditionnelles) devraient donc théoriquement être prises en charge exclusivement par les guérisseurs spécialisés. Or, depuis fin 1988, un programme de prise en charge des malades épileptiques a été lancé par le service de santé (...), et très vite, « la demande a dépassé l'offre » et de nombreux malades ont afflué vers les centres de santé où ils suivent encore régulièrement un traitement chimiothérapeutique simple qui fait disparaître les crises en quelques mois, alors que le traitement « traditionnel » n'y parvenait pas... » ( Berche, 1998, p 113).

De nouveau, le cadre explicatif des maladies n'empêche pas aux patients d'utiliser les services.

L'étude a mis en exergue le recours des populations et des patients aux guérisseurs traditionnels. Non seulement, ceci peut constituer un retard important avant que le patient ne se présente au niveau du CSI, mais les patients y dépensent des sommes exorbitantes qui augmentent la barrière financière. Les patients ont mentionné des sommes comme 50.000 f CFA ou encore « 7 chèvres ». Pourtant, au regard des coûts secondaires élevés (pour le patient et pour la société), liés au système de santé moderne, il n'est pas si sûr que le guérisseur soit plus cher que l'hôpital.

Mais ces croyances traditionnelles n'empêchent pas réellement l'utilisation des services si les soins traditionnels n'ont pas donné de résultats satisfaisants.

Devisch (Devish,1993) écrit que `l'hospitalisation' au niveau d'un guérisseur symbolise le retrait du patient et une régression dans un état prénatal (la case du guérisseur est comparée à un utérus). La période de la maladie doit permettre au patient de se rétablir complètement sur tous les domaines, psychique, social et existentiel, avant de quitter la case et de renaître dans le monde. Est-ce à cause de cela que les patients ne voient pas clairement la différence qualitative entre une hospitalisation au niveau du CSI et au niveau d'un hôpital ? Ceci mériterait une étude anthropologique approfondie qui dépasse ce mémoire. Toutefois, on peut retenir que l'utilité de l'hôpital dans l'opinion de la population, et donc son utilisation, dépend de plusieurs facteurs culturels complexes et que notre compréhension reste sûrement incomplète.

D'autres barrières culturelles identifiées sont la tendance nette de la société à négliger relativement les maladies des petits enfants et l'obligation morale des villageois de visiter le malade hospitalisé. Le poids qui repose sur la population de visiter les malades hospitalisés rentre comme un des arguments réels dans la dynamique de la prise de décision par rapport au respect de la référence.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore