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Mémoire, identité et dynamique des générations au sein et autour de la communauté harkie. Une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation.

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par Emmanuel BRILLET
Université Paris IX Dauphine - Doctorat de sciences politiques 2007
  

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V. Annonce de plan : INVENTER, ETIQUETER, SUBIR, REAGIR : AU FIL D'UNE DESTINEE

Partie 1 : Ce que devenir harki veut dire

L'on ne saurait entreprendre une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation au sein et autour de la communauté harkie sans rendre compte, au préalable, du substrat historique qui en constitue la trame et, par là, remonter aux "sources" du stigmate. D'une part, parce que les anciens supplétifs de l'armée française ne sont pas nés "harkis" : ils le sont devenus dans un contexte où leurs choix ne pouvaient être détachés des stratégies d'influence exercés par d'autres acteurs interdépendants (Etat français et FLN). Comprendre leur destinée - y compris symbolique, à savoir le "travail de l'écart" entre l'advenu et ce qui en a été donné à voir rétrospectivement - implique donc de revenir sur les circonstances et les motifs (individuels) premiers de leur engagement, sur ce que fut leur emploi par les autorités civiles et militaires, et sur le sort qui leur fut réservé au cours de la phase finale de négociation puis de passation des pouvoirs. D'autre part, parce que leur catégorisation comme « traîtres » ou « collabos » correspond à une lecture adversative des circonstances et motivations ayant présidé à l'engagement des anciens harkis aux côtés de l'armée française au cours de la guerre d'Algérie, façonnée au prisme d'un imaginaire politique (à la fois propagande de guerre et mythe fondateur) dont il s'agira de restituer la « rationalité stratégique » (Jacques Sémelin). Un imaginaire qui, faisant accroire que les harkis se battaient non contre une certaine vision de l'Algérie mais contre les Algériens eux-mêmes, vise à gommer le caractère violemment hégémonique du soulèvement orchestré par le FLN et, par-là, à perpétuer le mythe de l'élan spontané et unanime des masses algériennes

Ainsi, au fil de cette première partie, il nous faudra rendre compte des formes de contrôle exercé par d'autres acteurs interdépendants (Etat français et FLN) sur les trajectoires des anciens supplétifs de l'armée française - qu'il s'agisse de les représenter, de les façonner ou de les contrer - et expliquer pourquoi cela a constitué, sur le moment, un enjeu politique majeur : enjeu pratique certes (les troupes supplétives ont constitué une force d'appoint non négligeable pour l'armée française), enjeu symbolique surtout, dans un contexte où l'implication des populations civiles dans la guerre était un objectif avoué des différents protagonistes de ce conflit. L'intérêt proprement politologique d'une telle mise en perspective, nous l'avons dit, est qu'elle permet de rendre compte du "travail de l'écart" entre les déroulements historiques et les dispositifs narratifs ou fictionnels qui prétendent leur donner sens : ce que Terry Cochran désigne comme la question de « l'historicité des figures de la pensée »190(*), de leur plus ou moins grande épaisseur historique.

D'où l'attention particulière accordée à ce que Béatrice Pouligny appelle les « stratégies de pouvoir et d'appropriation de l'imaginaire » à travers lesquelles ont été modelées et comprises les trajectoires considérées dans le contexte de la guerre d'Algérie et de l'immédiat après-guerre 191(*), à savoir : le rapport entre fiction et fondation en Algérie, fiction et stabilisation de l'ordre politique en France. Il nous faudra ainsi faire état des visées politiques et formes d'appropriation (ou de mise en sommeil) de l'imaginaire qui ont accompagné, côté français, le recrutement massif puis la démobilisation brutale (précisément au prix d'une vacance de tout imaginaire les concernant) des supplétifs musulmans de l'armée française et, côté algérien, le ciblage quasi-systématique des civils musulmans non inféodés au FLN pendant la guerre, puis le massacre de nombreux supplétifs fraîchement démobilisés après la guerre. Il s'agira par là d'objectiver les visions du monde et principes d'intervention qui, d'un côté et de l'autre, ont décidé indissolublement de l'invention d'une figure et de l'invention d'un destin. Nous verrons, à cet égard, que c'est dans l'examen du mouvement itératif entre pratiques de démonisation (violence symbolique) et d'éradication (violence armée), et dans la mise en exergue de la visée à la fois fondatrice (érection d'un Etat-nation indépendant) et hégémonique (instauration d'un parti-Etat) qui le sur-détermine, que doit être appréhendée la question de l'invention de la figure de l'"ennemi intérieur" par le FLN.

* 190 Terry Cochran, art.cit.

* 191 Cf. Béatrice Pouligny, « Faire la paix : du crime de masse au peacebuilding. Une approche transdisciplinaire », Compte-rendu de la réunion de travail inaugurale du groupe de recherche du CERI : « Faire la paix : du crime de masse au peacebuilding », 8 février 2001, p.14.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein