WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Situation actuelle et perspectives d'avenir des exploitations familiales face à  un développement rapide de l'agro-business: diagnostic agraire, canton de Quininde ( Equateur )

( Télécharger le fichier original )
par Romain JAVAUX
Ecole supérieure d'agro-développement international Cergy, France - Ingénieur agronome international 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.5.5.L'ACCES AU FONCIER DANS LE CANTON DE QUININDE

Après les réformes agraires et les différentes colonisations, la structure agraire de l'Equateur présente une accumulation de la terre : selon INDA, « 45% de la terre appartient à 0,4% des propriétaires terriens. En contre parti, avec le phénomène corrélatif de prolifération des minifundistes, seul 7% de la terre agricole du pays est partagé par 73% des producteur, soit plus 500 000 producteurs ayant une superficie moyenne de 1,45 ha en 2008.» (Brassel,2010)

La fragmentation des petites exploitations est un énorme problème entraînant en premier lieu une déstructuration de l'économie paysanne, puis une paupérisation de ces populations, obligées de vendre leur terre et d'émigrer vers les villes.

2.5.5.1. L'ACCES A LA TERRE AU NIVEAU NATIONAL

Bien qu'il existe des efforts de la part de l'Etat résultant en impacts économiques positifs (par exemple l'expansion de la palme africaine dans le canton de Quininde augmente beaucoup la richesse économique de cette partie de la côte), s'il n'y a pas d'accès à la terre pour chacun, base d'un développement économique et social, alors l'Etat ne pourra en aucune manière résoudre le problème de la pauvreté, ni enrayer l'exode rural.

En effet, un des grands problèmes lié à l'insécurité des producteurs est un manque de titre de propriété ; sans ce titre, il n'y a pas de garanties juridiques de leur terre ni d'accès aux crédits. Cette insécurité, principalement dans une zone en pleine expansion de palme, d'agro business, fait apparaître des conflits locaux, des déplacements de paysans en faveur des acteurs privés, donc des entreprises, s'implantant de façon « légale » mais sans morale vis-à-vis des paysans sur leur terre.

En rappel, l'IERAC, créé au moment de la réforme agraire de 1964, adjudiquait des lopins de terres aux agriculteurs (en fait les vendait par manque de fond propre pour perdurer). Pour autant, il n'y eu que 10% de cette population qui fit la démarche de légaliser sa terre dans les années qui suivirent : à leurs dires, le coût n'en valait pas la peine puisque le titre n'était pas ressenti comme une nécessité à cette époque (Cordelier, 2003).

Aujourd'hui, il devient indispensable de posséder un titre de propriété pour pouvoir effectuer une demande de crédit auprès des banques privées comme publiques. Actuellement le processus de légalisation des terres et donc d'obtention d'un titre de propriété est peu répandu car il est devenu plus coûteux du fait que l'INDA doit se financer par elle-même ; il n'y a pas de subvention de l'Etat. De plus, les frais perçus par INDA finissent par décourager l'agriculteur qui en fait la demande (Cordelier, 2003).

En revanche, un projet de « légalisation des terres communales » a été récemment mis en place. Cette légalisation consiste à définir un territoire pour l'ensemble de la communauté et à donner un titre de propriété pour ce territoire. Toutes les familles membres de l'association peuvent décider d'inclure leurs terres dans le territoire. Il est important de préciser que, bien que le titre soit communal, les terres des familles sont toutes individualisées à l'intérieur de ce territoire.

ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR

Les familles gardent donc un droit d'usage librement transmissible au sein de la famille. Par contre, la communauté a un droit de regard quand il s'agit de vendre la terre. Ceci a pour but de sécuriser les terres, notamment face à la vente à de grands entrepreneurs ou rentiers susceptibles de capter la rente foncière (Cordelier, 2003).

Si nous regardons les lois de la constitution équatorienne via les droits des communautés, il est écrit :

- Article 57 - il est reconnu et garanti aux communautés, communes, villages et nationalités indiennes, conformément à la Constitution, aux déclarations, [...], les droits suivants :

- 5 : conserver la propriété des terres communautaires est un droit inaliénable, insaisissable et indivisible. Ces terres seront exemptées des taxes et impôts.

- 6 : Maintenir la possession des terres et territoires ancestrale et obtenir gratuitement leur légalisation.

Au niveau de la constitution de INDA, il est écrit :

- INDA est le propriétaire de toutes les terres en relation avec les lois de l'Etat équatorien, les mêmes terres qui servent à développer les populations indiennes, [...], et afro équatorienne. En faveur de ces populations, la légalisation se fera gratuitement si ces communautés et ethnies respectent leurs traditions, cultures et organisation sociale propres. (article 3.1.2.1 Legalizacion)

- L'Etat protègera les terres de l'INDA qui sont destinées aux populations [...] afro équatoriennes et légalisera leurs terres gratuitement à la condition qu'ils respectent leur tradition, culture et organisation propre. Sous la responsabilité de INDA, les éléments qui vont améliorer leurs systèmes de production, d'obtenir de nouvelles technologies, récupérant et diversifiant leurs semences, ou autres facteurs permettant d'élever leur niveau de vie, doivent préserver le système écologique. (Article 49)

57

Dans notre zone d'étude, il y a de nombreux conflits de terre, principalement entre des communautés afro-équatoriennes, représentant la majorité des exploitations familiales de notre zone d'étude, et des grands agro-exportateurs. Le grand problème de ces populations vient du fait qu'elles n'ont pas de titre de propriété.

Parmi les 40 % de la population n'ayant pas légalisé la terre, la part des petits producteurs et principalement des communautés afro-équatorienne est en majorité. Pourquoi ?

Si nous nous appuyons sur les textes de lois ci-dessus, on constate que l'Etat s'est engagé à ne pas faire payer les titres de propriété à ces populations, ni d'impôts sur le foncier. De plus, l'Etat insiste que ces terres ne puissent pas être fragmentées, ainsi qu'exploitées par des populations extérieures.

ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR

En revanche, les lois de INDA sont floues au travers de la légalisation gratuite des terres des afro équatoriens entre autres. En effet, il est écrit que tout développement et changement des modes de productions doivent être en respect avec l'écologie. Est-ce une manière de dire que si une communauté ancestrale (plus de trois générations) associe du cacao national avec un hybride dans le but de contrer la progression des maladies, cela signifie donc que cette communauté n'est plus perçue comme ethnie afro-équatorienne par l'INDA ?

Ce manque de lisibilité dans les textes de loi et cette différence entre la constitution de l'Equateur et INDA sur la légalisation des terres, est un énorme problème pour la majorité des communautés afro-équatoriennes dans le canton de Quininde, n'étant pas reconnu comme tel par l'Etat. Cela induit qu'ils doivent payer pour la légalisation de leur terre.

Voici un exemple des démarches à suivre pour tenir son titre de propriété :

Le producteur voulant légaliser son terrain doit passer par 7 niveaux différents de démarches administratives réparties en 3 offices différentes :

1 Il doit réaliser une « Inderacion », c'est-à-dire réaliser une cartographie de son terrain (coûtant entre 150$ et 180$ pour un terrain de moins de 30 ha).

2 Il doit certifier que son terrain ne fait pas partie d'un espace protégé et qu'il n'est pas déjà occupé par quelqu'un d'autre.

3 Il doit faire une sollicitude pour un titre de propriété (il doit transmettre des informations avec preuve à la clef de son exploitation, depuis combien de temps il est ici, etc.).

4 Son exploitation est ensuite visitée et inspectée par un inspecteur de l'INDA faisant le déplacement.

5 Toutes ces informations remontent jusqu'à Quito où on va lui remettre le prix de la terre de son exploitation.

6 Il doit ensuite aller notarier ses documents pour enregistrer sa propriété.

7 Enfin, il doit faire de même au niveau de la commune.

58

En exemple concret, pour un producteur voulant légaliser sa propriété ne faisant que 8,1 ha, il devra en plus du temps des démarches qu'il perdra au détriment de son travail, débourser plus de 550$, ce qui représente un coût énorme et le plus souvent impossible à payer.

Du fait des incohérences dans les textes de lois, ces producteurs sont véritablement vulnérables à perdre leur terrain, surtout dans un contexte de croissance fulgurante d'agro exportateurs dans ce canton.

ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR

Voici ci-dessous en résumé les problèmes actuels des producteurs, principalement les
exploitations familiales de la zone voulant légaliser leur terre afin d'en assurer leur pérennité
:

- Les offices pour légaliser la terre sont situés seulement à Quininde qui est difficile d'accès pour des producteurs isolés, sans moyen de transport, dans le canton, à plus de six heures de « rancherra » (petit bus passant deux fois par jour au mieux).

- Les exigences administratives sont difficiles pour le producteur à se procurer (manque de ressources et de documents à la ferme).

- Le prix du dossier INDA coûte cher, ce qui est impossible à payer sans aides pour la majorité de petits producteurs.

- La réalisation des démarches représente beaucoup de temps perdu (les allers-retours à l'office) ; il faut compter environ un an pour obtenir son titre de propriété.

- Les informations allant entre les offices INDA communales, cantonales, nationales sont perdues facilement, ce qui annule le dossier. Il y a un manque de coordination entre les offices.

Aujourd'hui, l'INDA manque de fonds propres. L'INDA est en remise en question par l'Etat voulant complètement résoudre ce problème de concentration et fragmentation de la terre ; cela se traduisant par la création de nouvelles réformes au niveau des systèmes de titularisation. De plus, il est question de rendre publique cette institution qui permettra à l'Etat une marge d'action plus importante et directe.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite