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Le graffiti à  Beyrouth : trajectoires et enjeux dà¢â‚¬â„¢un art urbain émergent

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par Joséphine Parenthou
Sciences Po Aix-en-Provence - Diplôme de Sciences Politiques 2015
  

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A. Une utilisation renouvelée de l'espace urbain

La précarité de la ville de Beyrouth, en terme de planification urbaine, a été abordée à plusieurs reprises déjà. En conséquence, nous ne reviendrons que très brièvement sur ce qui permet aux graffeurs de réutiliser un espace largement hostile, aux habitants en général et aux piétons plus particulièrement. C'est, justement, cette hostilité qui est interprétée comme un « feux vert » aux graffeurs et est réutilisée pour faire partie intégrante de leurs réalisations.

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1. Un contexte urbain opportun

La destruction de la ville de Beyrouth, à plusieurs reprises lors de la guerre civile de 1975-1990 ainsi que durant la guerre israélo-libanaise de 2006, n'appartient jamais vraiment au passé. Premièrement parce que les attentats à la bombe, parfois revendiqués par le Hezbollah ou, plus récemment en novembre 2015 par Daesh (OEI), continuent de dégrader ou de détruire des bâtiments et quartiers. L'arrivée massive de réfugiés, d'abord palestiniens puis syriens, était à l'origine temporaire. Au fil des ans, cet aspect temporaire s'est matérialisé, en particulier via les camps de réfugiés, passés de tentes précaires à des habitats et quartiers de fortune, dont le plus connu est celui de Chatila, mais aussi Burj el-Barajné ou Mar Elias. En conséquence, l'élaboration d'un plan d'urbanisme à Beyrouth apparaît comme superflu, inutile ou impossible, tant que cet état temporaire est rythmé au son d'une constante construction - destruction. L'abandon d'anciennes maisons et immeubles ne s'est pas toujours traduit par une reconstruction de celles-ci ou l'édification de nouveaux immeubles : Gregory Buchakjian note à ce propos que les propriétaires de ces maisons, souvent construites sous le mandat français, se refusent à léguer ou vendre ce qu'il reste de ces vieilles demeures à des entreprises privées. Pour ceux qui l'ont fait, comme pour les terrains complètement détruits ou laissés à l'abandon, les gratte-ciels fleurissent à grande vitesse. Les chantiers de ces immeubles en construction, lorsqu'ils ne sont pas fermés au public, sont autant de murs qui viennent s'ajouter à ceux déjà cités. Viennent enfin les bords de route, les maisons et immeubles inachevés le long du bord de mer, ou finalement n'importe quel parpaing constitue une surface potentiellement utilisable. Ainsi, l'espace urbain reflète ce sentiment d'instabilité, où rien n'est acquis, rien n'est garanti. La prolifération du béton et l'absence de plan d'urbanisme à long terme permettent dès lors d'investir une grande, si ce n'est la majeure partie de la ville ; investissement d'autant plus simple que face à une telle « incohérence » urbaine les autorités n'ont pas défini le graffiti comme illégal. De fait, il apparaît très clairement que « la morphologie urbaine conditionne le développement de la pratique »167.

Cette précarité à l'échelle de la ville se traduit également pas une absence, littérale et figurée, d'espace(s) public(s). Avant 1975, la place des Martyrs ou les souks du centre-ville offraient des lieux convivialité et de rencontre entre populations propices au mode de vie libanais, axé sur la rencontre en extérieur. Depuis 1990, les espaces publics ont en revanche largement disparus. Lorsque Liliane Barakat et Henri Chamussy rédigent, en 2002, un article sur les espaces publics à Beyrouth168, ils pensaient que la reconstruction du centre-ville par Solidere allait permettre aux jeunes de retrouver des espaces de convivialité. Avec le recul, le constat est tout autre, ce quartier étant largement déserté, tout comme le Saïfi village, reconstruit récemment, et seul quartier où un café dispose d'une terrasse en extérieur. Pour ce qui est des parcs ou jardins publics, ils sont inexistants et, comme dans ces deux quartiers reconstruits, ils ont provoqué une

167 PRADEL, Benjamin, op. cit., p. 19.

168 BARAKAT, Liliane, CHAMUSSY, Henri, « Les espaces publics à Beyrouth », Géocarrefour, 2002/3 (vol. 77), p. 275-281.

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ségrégation plus accrue encore de la population et sont très peu fréquentés. Seul le parc des Pins, à l'extrémité de la rue de Damas, apporte une touche de verdure dans le paysage de béton qu'est Beyrouth ; néanmoins, il est inaccessible aux moins de 32 ans et son entrée largement conditionnée par le pouvoir discrétionnaire des gardiens. Les individus ne satisfaisant pas à ces critères sont relégués à une infime parcelle du parc, qui est en réalité elle aussi bétonnée et fréquentée par les populations les plus pauvres. Pour ce qui est des restaurants, cafés et autres, la dynamique reste la même : les conditions d'entrée et les prix excluent ipso facto une large partie de la population. Comment cela peut-il favoriser l'activité des graffeurs ? Il apparaît, selon eux, que c'est justement cette absence d'espaces de convivialité qui les pousserait à graffer dans la rue, sur les ronds-points et, en particulier lors des jam sessions, à recréer des espaces ouverts au public, au moins pour un temps : ces jam sessions sont présentées sous la forme de happening, en plein air, et s'accompagnent parfois d'animations à proximité du mur choisi pour l'occasion.

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