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Communication politique et séduction à  travers la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck à  l'Assemblée nationale le 03 février 2003

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par Mamadou THIAM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Dea Science du langage 2005
  

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2.2.2.2 Mécanismes de conditionnement

Nous assistons, par le biais du discours télévisuel, à une tentative de conditionnement du public au profit du Premier ministre Idrissa Seck. Plusieurs séquences en attestent.

D`abord, le passage consacré à l'enfance du Premier ministre avec, notamment, les témoignages à son endroit lors desquels on insiste sur son apprentissage coranique couronnée de succès. Le choix des mots met l'accent sur la performance ainsi accomplie. Car en lieu et place d'une « maîtrise du coran », le journaliste parle de « sa parfaite maîtrise des 6666 versets coraniques sans faillir ». Le syntagme nominal « parfaite  maîtrise » s'avère une construction pléonastique. En outre, l'antéposition de l'adjectif qualificatif « parfaite » véhicule l'idée d'une intelligence hors pair. Cette idée est renforcée par le souci de la précision, avec le choix remarqué et remarquable de l'adjectif numéral cardinal « 6666 ».

Dans une société laïque et pourtant fortement encrée dans le religieux, cette séquence est un clin d'oeil lancé aux sénégalais qui sont majoritairement musulmans. Elle pose les jalons d'un contrat moral entre un Premier ministre au fait de la morale religieuse et un peuple majoritairement croyant.

Une deuxième séquence viendra compléter ce tableau. Elle tente de mettre l'accent sur l'équilibre de l'homme qui, certes, peut compter sur ses connaissances religieuses pour s'astreindre à une gestion orthodoxe juste et équitable des affaires de la Cité, mais saura surtout s'appuyer sur son savoir et son savoir-faire d`éternel premier de la classe. Pour ce faire, rien de tel que d'interviewer ses anciens professeurs, à l'image d'un responsable du Collège Saint Gabriel, où le Premier ministre à fait une partie de son cursus scolaire, qui dira : « il tenait toujours à être le 1er de sa classe ». Cette phrase est en elle-même remplie de sens. Elle renseigne sur l'intelligence du concerné, mais met surtout l'accent sur sa volonté, pour ne pas dire sa soif, de leadership. Et comme si le discours à lui seul ne suffisait pas, on fait appel à la preuve, en exhibant le registre scolaire dans lequel sont consignées les notes de l'élève.

Ainsi se profile, déjà, quelques uns des éléments structurants sur lesquels va jouer le Premier ministre : le savoir et la vertu. Or ces deux composantes ne sont-elles pas les attributs principaux du philosophe-roi ?

Un troisième axe sera exploré, celui des hauts faits d'armes du premier ministre que le commentateur rappellera en partant de son statut de « jeune directeur de campagne » en 1988 à celle d' « éminence grise du PDS ». 

Mais le travail de légitimation ne se résume pas uniquement à la mise en valeur des côtés « positifs » du concerné. Il est aussi déconstruction et réfutation des représentations négatives dont souffrirait l'image du Premier ministre et dont la plus récurrente est celle d'un homme suffisant, trop imbu de sa personne. Pour détruire cette image, un des reporters rappellera la démarche participative du Premier ministre qui a pris le soin de rencontrer l'ensemble des composantes de la société. Une façon de démontrer son ouverture d`esprit, son sens de l'écoute et sa disponibilité.

Cette nécessité d'être à l'écoute du peuple est légitimée par le reportage, sous forme de micro-trottoir, par lequel la parole est donnée aux citoyens par la télévision, afin qu'ils expriment leurs besoins.

Une quatrième séquence, plus intime, se déroule au domicile même du Premier ministre. Le téléspectateur peut ainsi avoir une idée de la maison, de son goût etc. Le reporter décide d'interviewer un jeune garçon, fils du Premier ministre. Au journaliste lui demandant s'il savait ce à quoi va se livrer son père, il répond : « oui, il va prononcer son discours à l'Assemblée Nationale ; je l'ai félicité et encouragé ».

Cette immixtion dans le cercle intime du Premier ministre met à nu l'effacement des frontières entre sphère publique et sphère privée. Elle participe d'une volonté manifeste d`actionner la fibre familiale, donc sentimentale, par l'intermédiaire d'un fils proche et complice de son père.

Un autre axe de légitimation est celui tendant à justifier la place de choix occupée par le Premier ministre auprès du Chef de l'Etat. Les commentaires des journalistes à ce propos sont fort évocateurs : « un Premier ministre en phase avec le Chef de l'Etat » ; « un chef d'orchestre d'une musique dirigée par le Chef de l'Etat » etc.

Le processus de légitimation de la part de la télévision va s'accompagner d'une mise en scène de l'événement à travers le choix dans le cadrage, la sélection de certaines séquences particulières au détriment d'autres. L'entrée du Premier ministre offre un aperçu pertinent de cette mise en scène télévisuelle. Ainsi, peu avant le début de la déclaration, la télévision nous a fait vivre l'entrée en scène du Chef du Gouvernement. Les images de la télévision insistent particulièrement sur l'animation folklorique, les chants et cris à la gloire du Premier ministre de la part de militants présents, pour certains, depuis la veille. L'accent est mis sur les pancartes portant des slogans favorables au parti au pouvoir et au Premier ministre. De même, les images s'attardent sur le port vestimentaire des militants présents. Certains d'entre eux portent des tee-shirts à l'effigie du Premier ministre Idrissa Seck et aux couleurs du PDS (le bleu et le jaune), couleurs que l'on retrouve, en partie, dans le port vestimentaire du Premier ministre. En effet, il est habillé d'un costume sombre à cheval entre le noir et le bleu de nuit, qui n'est pas sans faire penser à la couleur principale du Pds, le bleu. Ainsi, l'impression d'une fusion totale entre les trois entités que sont le Premier ministre, le parti et les militants est donnée. Cette impression de fusion est renforcée par l'image, en gros plan, du Premier ministre sacrifiant au rituel consistant à saluer les militants en levant de temps à autres les bras et en leur gratifiant d'un sourire en signe de satisfaction et de sérénité. A cela, répond simultanément l'image d'une foule aux anges. La restitution de cette entrée « fracassante » de Idrissa Seck est en phase avec l'événement qui consacre, d'une part, le triomphe du Parti démocratique sénégalais, par la présence de ses responsables à toutes les stations de pouvoir, et d'autre part l'ascension d'un homme présenté comme providentiel.

L'entrée en scène est capitale dans une entreprise de séduction. Elle permet à l'acteur politique de donner la première impression à son auditoire. C'est pourquoi tout est mis à contribution : sourires, bras levés, remerciements, démarche etc. En outre, c'est tout le sens de la mobilisation des militants dont le rôle est de « chauffer la salle », d'encourager leur leader, d`intimider éventuellement ses détracteurs et d'influencer l'opinion publique.

Toutes choses qui confirment l'affirmation selon laquelle :

La matière première d'une information ......n'est jamais, malgré une idée reçue, une réalité quelconque, mais des mots, toujours, une matière langagière, des représentations que les acteurs sociaux ont préalablement élaborées, ce qui permet de voir dans l'information le miroir, la scène ou l'écran (selon les variables des chercheurs) où s'élabore le sens, négocié sans cesse par lesdits agents sociaux. (Tétu 1993 : 715)

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand