WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L''installation de la chambre de métiers du Rhône, années 1920-années 1930


par Fabrice FLORE-THéBAULT
Université Lyon 2 - Maitrise d'histoire 1998
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.5 La sauvegarde des intérêts professionnels et économiques des métiers

La Chambre de métiers est chargée de « sauvegarder les intérêts professionnels et économiques des métiers » 168 . Elle reprend donc d'une certaine manière le travail des syndicats en matière de défense des intérêts professionnels de leurs membres. Il ne peut être ici question de déterminer l'ampleur du travail accompli par les différentes organisations artisanales, et d'envisager une comparaison précise entre les actions entreprises par la Chambre des métiers du Rhône, et celles des syndicats. Il nous sera donc très difficile d'évaluer, sauf dans quelques cas isolés, la qualité des relations entre le syndicalisme lyonnais et la Chambre des métiers du Rhône On peut cependant estimer que dès qu'il s'agit de la défense de métiers isolés, le rôle initiateur revient aux syndicats, alors que l'action de la Chambre des métiers du Rhône est première dans toutes les questions touchant l'artisanat dans sa généralité, spécialement lorsqu'il s'agit de réagir aux nouvelles lois sociales, de modifier la fiscalité artisanale ou de mettre en place des institutions de solidarité telles que les caisses d'allocation familiale, de chômage ou de retraite. Dans ces

168. Loi du 27 juillet 1925.

situations, les syndicats semblent surtout dépourvus de moyens d'action: la force de chaque profession seule est faible, alors que le caractère interprofessionnel de la Chambre de métiers ne peut que l'avantager.

3.5.1 La défense ponctuelle des métiers en crise

La défense de l'artisanat est complétée par la défense de métiers isolés. Elle n'intervient que lors des crises importantes touchant une branche. La soierie, le bâtiment et le petit commerce sont les branches qui retiennent le plus son attention. Ses revendications à l'égard des artisans de l'alimentation tranchent sur le reste de son action.

Le fil directeur de ses prises de position, c'est le respect de la loyauté de la concurrence. Les grandes entreprises disposent de moyens dont ne peuvent disposer les artisans. La réglementation du droit du travail est le moyen privilégié par la Chambre de métiers pour essayer de rétablir cette concurrence loyale. Les industriels sont les premiers visés. La réglementation du travail des artisans est un corollaire de cette action: il faut donner à l'artisanat une réglementation propre, différente de celle valable pour les industriels.

Les artisans n'entendent pas être oubliés lors des classifications de tout genre, et veillent toujours à ce que leur statut spécifique soit reconnu. Les «petits artisans électriciens » demandent ainsi une classification spéciale dans le tableau établissant les patentes 169; les cordonniers protestent contre la radiation des listes prud'homales en tant que patrons des artisans cordonniers travaillant seuls 170.

L'essor des grand magasins inquiète énormément les artisans. Ce n'est pas une nouveauté: la naissance des mouvements de petits commerçants à Paris à la fin du XIX`eme siècle doit beaucoup à la nécessité de lutter contre les grands magasins 171 . Le premier voeu de la Chambre des métiers du Rhône est dirigé contre les «magasins à prix unique », qui font de la concurrence déloyale aux artisans, «notamment aux artisans de l'alimentation » par leur politique de bas prix. Il demande le vote de la loi Massimi les concernant par le Sénat 172 . Cette inquiétude débouche pourtant rarement sur une action. On se rappelle que c'est le spectre de la concurrence de l'industrie et des grands magasins qui avait poussé la Chambre de métiers à protester contre la création d'un cours de bricolage. Une seule fois, la Chambre des métiers du Rhône cherche à attaquer de manière frontale un grand magasin: c'est en soutenant les électriciens de la région de Roanne qui demandent « l'interdiction à la Compagnie Loire et Centre de la vente et de l'installation d'appareils électriques en dessous des tarifs normaux » 173 . Les moyens de lutte des artisans contre les grands magasins et la baisse des prix qu'ils provoquent sont donc très limités. Ils en restent le plus souvent à la simple déploration de la déloyauté de leur concurrence. La lutte contre les magasins à prix unique reste tout de même l'un des thèmes de la campagne électorale de la Fédération des artisans du sud-est en 1936 174.

169. Assemblée plénière 22 du 24 avril 1939 [ADR 9M32].

170. Assemblée plénière 22 du 23 avril 1939 [ADR 9M32].

171. [NORD 1981]

172. Assemblée plénière 2 du 15 avril 1934 [ADR 9M32]. 173. Assemblée plénière 10 du 19 avril 1936 [ADR 9M32].

Les artisans de la chaussure sont les plus ouvertement protectionnistes. Ils demandent un régime d'exception à l'application de la loi Le Poullen du 22 mars 1935 175 . Selon ce voeu les mesures de contrainte prévues par la loi contre les vendeurs de chaussures confectionnées ne seraient pas appliquées aux artisans vivant principalement du produit de la réparation et vendant occasionnellement de la chaussure confectionnée. Elle serait par contre applicable aux industriels spécialisés dans la réparation de la chaussure et aux magasins servant d'intermédiaire à ces ateliers. Le voeu est cependant rapidement retiré par leurs auteurs, qui ne demandent ensuite que l'application des mesures prises pour la protection de la chaussure, lesquelles semblent les satisfaire 176.

Dans l'industrie de la soierie, les limites du temps de travail journalier valables pour un atelier artisanal sont repoussées par le système du travail en double ou triple équipe. De plus, les limites légales imposées par la loi de Huit heures sont tournées par l'attribution de dérogations. La non réglementation de la production cause une « surproduction intense », elle même cause de la baisse des prix de façon, et de la détresse des artisans de la soierie. Le nombre des façonniers est en baisse: 60% des métiers sont inoccupés. La Chambre de métiers entre en action à ce sujet dès 1934: elle se rallie aux propositions de la Fédération nationale des industries de la soie. Elle demande la suppression du système du travail en double ou triple équipe et de toutes les dérogations à la loi de Huit heures. Les industriels ne sont pas les seuls visés: la protection des artisans passe par aussi par la limitation des horaires à 54 heures par semaine dans tous les ateliers de famille pratiquant le tis sage de la soie177.

Les plus nombreuses interventions de la Chambre des métiers du Rhône touchent les artisans du bâtiment. Dans le bâtiment, la grosse entreprise est avantagée par son caractère généraliste. Conclure un contrat unique pour l'ensemble des travaux à réaliser est une solution de facilité pour celui qui souhaite faire bâtir. La Chambre de métiers s'oppose au système de « l'entreprise générale » en vigueur dans les adjudications. Ce système permet l'adjudication en bloc des travaux, forçant l'artisan à s'adresser à un entrepreneur général pour obtenir du travail correspondant à sa spécialité. La Chambre de métiers demande que les travaux soient divisés en lots de petite et moyenne envergure, correspondants aux différents corps de métiers. Elle demande aussi la substitution du système des « offres- rabais » par celui du devis détaillé, appliquant le principe du juste prix et non celui du prix le plus bas 178 . Les liens informels entre certains adjudicateurs et entrepreneurs lais sent aux artisans peu de chance. Les indiscrétions lors du dépôt des soumissions de travaux sont chose fréquente. La Chambre de métiers se contente d'observer le phénomène et de conseiller à ses ressortissants de s'assurer de l'inviolabilité de l'enveloppe contenant les propositions «par un cachet de cire par exemple » 179.

à partir de fin 1935, le quart des travaux doit être consenti aux coopératives artisanales dans les adjudications de travaux publics 180 . Mais les plus petits chantiers échappent aux adjudica-

174. Programme de la Fédération des artisans du sud-est [ADR 9M37, sous-dossier V].

175. Assemblée plénière 10 du 19 avril 1936 [ADR 9M32].

176. Assemblées plénières 11 du 21 juin 1936 et 13 du 22 novembre 1936 [ADR 9M32].

177. Assemblée plénière 3 du 15 avril 1934 [ADR 9M32].

178. Assemblée plénière 9 du 1er mars 1936 [ADR 9M32].

179. Assemblées plénières 11 du 21 juin 1936 et 19 du 25 juin 1938 [ADR 9M32].

tions. La Chambre de métiers envisage un moment de demander que les travaux inscrits aux budgets des départements et communes soient soumis à une adjudication publique dès que leur valeur dépasse 1 500 F 181 . Des garanties spéciales sont demandées aux artisans: ils doivent être en possession d'un certificat de la Chambre de métiers donnant toutes garanties sur leurs capacités techniques, et d'une attestation de leur affiliation à une Caisse de garantie caution. Cette attestation remplace le certificat d'architecte que les entrepreneurs doivent produire, les artisans travaillant très rarement pour le compte d'architectes. La création d'une telle caisse est envisagée par la Chambre des métiers du Rhône en août 1937, sans qu'une suite soit donnée au projet 182.

La participation des artisans aux adjudications de travaux des collectivités publiques ne se met pas en place avant 1938. Lors de la mise en adjudication d'un hôpital à Amplepuis au printemps 1938, des lots sont spécialement réservés aux artisans. La nouvelle est saluée comme une première. Mais l'affiliation des artisans à une caisse de garantie caution est une des conditions nécessaire au dépôt de leur candidature. La Chambre de métiers est forcée de créer rapidement une telle Caisse 183 . La participation d'artisans àla construction d'un hôpital à Amplepuis est bientôt suivie par une participation similaire à la construction d'un groupe scolaire à Champagne-auMont-d'Or184. La Chambre de métiers estime alors que le département du Rhône est sans doute le seul dans lequel la participation des artisans aux adjudications de travaux des collectivités publiques ait reçu une application pratique.

Le phénomène ne s'est pas généralisé dans tout le département: en 1939 des adjudications d'HBM ne donnent aucun lot aux artisans 185 . La mise en place des institutions prévues pour le bon déroulement de la participation des artisans aux adjudications se fait lentement. En 1939, la création d'une Caisse nationale de caution de l'artisanat est freinée par la complexité des dispositions et le coût élevé des frais nécessaires à sa création et à son fonctionnement 186 . Au même moment est refusée par la Chambre des métiers du Rhône la création d'une commission chargée de l'étude et de la répartition des travaux réservés aux artisans. Cette commission serait inutile puisque les artisans sont touj ours en concurrence avec les entrepreneurs, sauf pour des marchés minimes de gré à gré qui n'intéressent pas les entrepreneurs, et que les artisans n'ont aucun intérêt à discuter avec les grosses entreprises 187.

Dans un tout autre état d'esprit, la Chambre de métiers revendique la liberté du travail pour les boulangers. Cette prise de position va à contre courant des voeux de réglementation qu'elle multiplie à l'égard des autres branches. Les boulangers veulent conserver la liberté de travailler la nuit. La mise en place des conventions collectives en 1936 est l'occasion de l'affrontement. La Chambre syndicale de la boulangerie lyonnaise demande, soutenue par la Chambre des métiers

180. Assemblée plénière 8 du 15 décembre 1935; le décret du 30 octobre 1935 est à l'origine de cette me-sure [ADR 9M32].

181. Assemblée plénière 8 du 15 décembre 1935 [ADR 9M32].

182. Lettre du 30 août 1937 du président de la Chambre des métiers du Rhône au ministère du travail [ADR 9M33].

183. Assemblée plénière 19 du 25 juin 1938 [ADR 9M32].

184. Assemblée plénière 21 du 5 février 1939 [ADR 9M32].

185. [ADR 9M32, assemblée plénière 21 du 5 février 1939]

186. Assemblée plénière 22 du 23 avril 1939 [ADR 9M32].

187. Assemblée plénière 22 du 23 avril 1939 [ADR 9M32].

du Rhône et l'Assemblée des présidents de chambres de métiers de France, que: «les patrons boulangers restent libres eux-mêmes de travailler personnellement dans les conditions qu'ils jugeront être les meilleures pour concilier tout à la fois les exigences techniques de leur métier et la satisfaction de leur clientèle » 188 . La non observation par la boulangerie de la loi sur le travail de jour189 est la raison invoquée par la commission consultative départementale pour décider de ne pas examiner l'incidence sur la marge de panification des charges nouvelles résultant du contrat collectif190. Les boulangers demandent au préfet de revenir sur cette décision, cette loi ayant depuis 19 ans été reconnue inobservable191.

à cette action des Chambres de métiers en faveur de la boulangerie répond toute un série de voeux provenant des métiers de l'alimentation en 1937, ayant tous pour thème la fermeture des commerces et la durée du travail. La Chambre des métiers du Rhône se fait alors l'écho de ces propositions émanant de la Chambre de métiers du Maine-et-Loire auprès des syndicats intéressés, à savoir les bouchers, les boulangers et les pâtissiers 192.

Deux systèmes antagonistes de défense des intérêts professionnels de ses membres caractérisent donc la Chambre de métiers: à l'action réglementaire de protection de l'artisanat concurrencé par l'industrie répond une action libérale opposée à une réglementation stricte. Cette dernière ne concerne que des métiers peu concurrencés par l'industrie et la grande entreprise. Elle concerne aussi des métiers pour lesquels l'adhésion à l'artisanat a été la plus opportuniste: les syndicats des métiers de l'alimentation ne sont pas des syndicats strictement artisanaux, mais des syndicats regroupant des petits et moyens entrepreneurs, appartenant à l'association des chambres syndicales patronales de Lyon. Dans tous les cas il est demandé un régime d'exception pour la petite entreprise.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite