WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Regard sur l'agir de la société civile en Afrique

( Télécharger le fichier original )
par Davy Dossou
Faculté de philosophie saint Pierre Canisius affiliée à l'Université pontificale grégorienne - 1ère année de philosophie 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III - L'agir de la société civile africaine

En Afrique subsaharienne, les différentes organisations de la société civile mènent des activités de plaidoyer selon leur domaine d'intervention. Certaines sont très avancées et d'autres viennent de commencer. Leurs domaines d'intervention concernent l'éducation, la santé, la bonne gouvernance, les droits humains, l'environnement, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics.

Dans le domaine de la décentralisation, la société civile a mené des plaidoyers pour la relecture des textes relatifs aux chefs de quartiers, de villages, et à leurs conseillers, pour l'implication des femmes dans la gestion des ressources de la commune, pour l'effectivité de la libre administration des collectivités décentralisées et le transfert des ressources et des compétences, la prévention de conflits entre autorités communales et autorités villageoises en matière de gestion des ressources naturelles. Cette décentralisation traduit bien le rejet de plus en plus grandissant d'une situation « de plus d'Etat » au profit d'une situation de « moins d'Etat », car l'omnipotence de l'Etat avait créé d'énormes problèmes, entre autres : l'expansion de la pauvreté, la concentration du pouvoir entre les mains d'une minorité, la mauvaise gestion du développement, l'absence d'une distribution équitable du revenu national, la détérioration des conditions de vie, l'hypothèque sur un développement durable de la société. Des pays comme le Bénin, le Mali, le Sénégal, le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana, la Tanzanie, le Kenya, la Zambie, le Botswana, l'Île Maurice etc ont adopté cette politique avec le concours et le dynamisme des organisations de la société civile comme moyen adéquat pour la promotion d'une démocratie participative.

Dans le domaine de la santé et de l'éducation, les organisations de la société civile fournissent des services alternatifs là où l'action de l'Etat est inexistante ou insuffisante. Elles sont souvent plus flexibles que les pouvoirs publics et elles sont plus proches de la base et des cultures locales. Dans de nombreux pays en développement et en particulier ceux de l'Afrique, elles prennent en charge des programmes d'éducation non formelle. Grâce à des démarches à l'écoute des besoins et des conditions de vie des populations défavorisées, ces organisations ont un meilleur accès aux personnes exclues et marginalisée. Leur efficacité dans les domaines tels que la participation communautaire, l'autonomisation, l'alphabétisation, les écoles communautaires, la santé génésique et l'éducation de la petite enfance est particulièrement appréciée. Leurs démarches novatrices font d'elles des sources de réflexion et de pratiques nouvelles, indispensables à l'évolution du concept de l'Education Pour Tous et à sa capacité d'adaptation au changement.

Sur le plan politique, les organisations de la société civile se sont beaucoup investies avec les autres forces vives de la nation, vers la fin des années 1990, dans la lutte contre le pillage et l'exploitation néocoloniale, la corruption des élites au pouvoir, les partis uniques, pour l'instauration du multipartisme, de la démocratie et pour un contrôle démocratique des affaires du / des pays. D'une part, elles ont joué un rôle capital et ont représenté près de 40% des participants lors des conférences nationales souveraines tenues au Bénin, au Zaïre, au Congo-Brazzaville, au Togo, au Niger etc qui ont ouvert la voie au processus de la démocratisation; leur participation active aux divers accords pour la résolution des conflits armés a été significative. Tel est le cas de la société civile de la RDC aux accords du Dialogue Inter-Congolais de Sun City même si cette dernière a pris un tournant particulier à l'horizon des négociations politiques auxquelles elle a été associée. Par ailleurs, elle n'avait cessé, pendant la guerre de septembre 1996 et celle d'Août 1998, de prêcher contre vents et marées et en dépit des incompréhensions de l'époque la nécessité de sortir du cercle vicieux de la prise de pouvoir par les armes et d'y croire. Nous pouvons aussi citer en exemple la société civile du Burundi qui a fortement dénoncé ce qu'elle qualifie de génocide d'octobre 1993, et en particulier, l'holocauste de Kibimda, de Butezi, de Butaganzwa. D'autre part, la société civile ne cesse d'apporter sa contribution à la bonne gouvernance, en menant des activités de plaidoyer, lesquelles aboutissent à la mise en place, dans bon nombre de pays africains, d'une convention collective. Celle-ci porte entre autres sur le processus électoral, le code électoral, la décentralisation, les projets d'appui à l'instauration d'un cadre de concertation formelle entre les acteurs socio-économiques. Par ailleurs, leur lutte ne s'arrête pas simplement sur le plan national. Elles vont plus loin en tirant la sonnette d'alarme pour faire entendre la voix des muets qu'elles représentent sur l'échiquier international.

Depuis son intégration forcée dans la mondialisation néolibérale, l'Afrique traverse une crise structurelle grave. Cette intégration forcée, à mon humble avis, ne lui permet pas encore de prendre en main son destin. Le néocolonialisme veut imposer une vision selon laquelle la libéralisation des énergies individuelles, grâce à l'économie de marché, pourrait favoriser l'essor économique du continent africain. Il convient cependant de souligner que la gestion de la dette a été le levier essentiel pour obliger les dirigeants africains à accepter les politiques de mondialisation économiques néolibérales, imposées par le G8, sous les formules de Consensus de Washington ou de Programme d'Ajustement Structurel. Entre 1980 et 1996, le montant de la dette extérieure a triplé passant de 84,3 milliards de dollars à 235 milliards de dollars. Et chaque année, pour le service de la dette, l'Afrique subsaharienne transfère l'équivalent de quatre fois ses budgets sociaux. Malgré ses transferts colossaux, les arriérés de paiement ne cessent d'accroître cette dette. L'Afrique semble prise dans un cycle infernal d'endettement. Il y a un faisceau de contraintes et des mécanismes mis en place pour perpétuer cette situation devenue insupportable pour les peuples africains. L'effondrement de nos Etats sous le poids de la mondialisation libérale a non seulement permis une intrusion massive des capitaux mais il a surtout renforcé la logique du pillage caractéristique des relations entre l'économie mondiale et l'Afrique depuis le 16è siècle. L'irruption des conflits armés a permis aux seigneurs de guerre de contrôler les ressources minières et diamantifères des zones sous leur contrôle et de se livrer à une exploitation effrénée en complicité avec les marchands d'armes et de drogue, les banques offshore et les transnationales pour promouvoir les intérêts stratégiques étrangers. Devant cette situation, les organisations de la société civile africaine ne peuvent que crier au scandale et sonner la sonnette d'alarme pour manifester leur indignation. A ce sujet, l'une des organisations de la société civile qui a réussi ce travail sur le terrain est la Coalition Nationale du Mali jubilé 2000. En 1996, les Organisations de lutte citoyenne pour la justice économique et sociale lance la campagne mondiale jubilé 2000 pour l'annulation de la dette injuste des pays pauvres. Mise en place en 2001 et regroupant ONG, Syndicats, Associations féminines, Associations de jeunes, d'opérateurs économiques, de confessions religieuses, organisations paysannes, Jubilé 2000 / Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement, s'est engagé à poursuivre non seulement la campagne pour l'annulation inconditionnelle de la dette africaine, mais aussi de travailler sur d'autres questions et règles telles que le commerce inéquitable, la mondialisation néolibérale, le NEPAD, les accords ACP / UE ... Les objectifs qu'elle s'est fixée sont les suivants :

· poursuivre la campagne pour l'annulation inconditionnelle de la dette publique extérieure des pays du Tiers-Monde

· Contribuer par l'information, la communication et la formation au renforcement des capacités d'analyse et d'action des mouvements sociaux et des autres acteurs du développement sur les mécanismes de construction de la pauvreté, de l'injustice et leurs conséquences socioéconomiques, politiques, et environnementales

· Lutter pour une participation active et efficace des mouvements sociaux dans le processus de la planification, de l'utilisation, du suivi et de l'évaluation des fonds publics pour la satisfaction des droits les plus fondamentaux des populations (santé, éducation, emploi...)

· Contribuer au changement des systèmes, des politiques et des structures de développement qui maintiennent les pays du Tiers-Monde, dans la spirale de la dette et la misère

· Collaborer avec les mouvements sociaux, les réseaux et les alliances qui militent pour la justice sociale et économique au niveau local, régional et international en vue de développer des consensus sur des positions et des activités en faveur d'une nouvelle société ayant comme centre l'homme et non le capital

· Contribuer au niveau local, régional et international aux réflexions et définitions de nouvelles stratégies et alternatives panafricaines de développement principalement fondées sur nos valeurs sociales, culturelles et économiques, lutter pour le rapatriement des objets volés en Afrique et pour la réparation des dommages causés (dette historique, coloniale et odieuse).

Toujours au plan international, nombreuses sont les organisations de la société civile africaine qui ont étroitement travaillé et qui travaillent encore en réseau avec le comité pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde. Cette action a contribué d'une part à la réalisation du 1er Tribunal populaire des peuples sur la dette au forum social mondial de Porto Alegre au Brésil et d'autre part elle a effectivement contribué à l'annulation totale de la dette extérieure de vingt-quatre pays du Tiers-Monde dont dix-huit en Afrique subsaharienne1(*).

A la lumière de toutes ces actions abattues, que dire alors du rôle de nos sociétés civiles africaines dans la promotion de la démocratie? Dans son livre Ethique et société civile, le professeur Yves Naudet assigne deux missions à la société civile. Premièrement, elle doit être le catalyseur des aspirations démocratiques des individus en contrôlant l'Etat, et deuxièmement, elle doit être un producteur de services (assurances, soins, éducation, culture, etc). Selon lui, la société civile répond à une volonté démocratique de faire connaître la voix de la « grande muette », cette partie de la population qui ne peut pas s'exprimer comme le fait la partie bien protégée, celle des fonctionnaires et des agents politiques. La société civile doit faire marcher la démocratie en dehors de la sphère technocratique, exercer une forte influence sur le monde politique en l'obligeant à tenir compte des volontés des individus. Contenir l'Etat et le corps politique, encourager la création des richesses et contrôler les dépenses publiques, tels sont les buts de la société civile. Cette analyse revient à dire que la croissance d'une culture démocratique dépend de la croissance d'une société civile vivante ayant la capacité d'agir comme un lien de communication entre la population (avec les intérêts complexes qui s'enchevêtrent) et l'Etat. Autrement dit, les acteurs de la société civile, en l'occurrence les leaders doivent se réorganiser en vue de pallier aux insuffisances de la classe politique non dans un élan concurrentiel, mais dans une approche de complémentarité, les uns éclairant la lanterne des autres. Pour ce faire, la société civile africaine, dans son rôle de catalyseur des aspirations démocratiques doit être à l'avant-garde de la promotion de la démocratie participative, gage d'une réelle démocratie. En d'autres mots, s'organiser en se dotant de structures rationnelles avec des fondements juridiques, clairs et transparents de manière à susciter la libre adhésion de tous les citoyens patriotes convaincus de la cause commune : sortir le continent africain de son marasme chronique et permettre à chacun de disposer du minimum vital pour son bien être individuel et pour une meilleure intégration sociale, tels sont les défis que la société civile doit s'efforcer de relever.

Mais il convient aussi de relever quelques handicaps qui démontrent ses faiblesses ou limites.

* 1 Les dix-huit pays ayant bénéficié de l'annulation totale de la dette extérieure sont le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Madagascar, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Niger, le Rwanda, Sao Tome Principe, le Sénégal, la Tanzanie, l'Ouganda, la Zambie

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984