WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'impact des décisions administratives sur le suivi éducatif des mineurs étrangers isolés et des jeunes majeurs en France

( Télécharger le fichier original )
par Roland TCHOUAGA
Institut national de formation et d'application - Diplome d'état d'éducateur spécialisé 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4) La situation juridico - administrative

Pour comprendre la situation juridico administrative des mineurs isolés, on peut faire appel à deux sources du droit : il faudra ensuite distinguer ceux qui relèvent du droit commun et ceux qui relèvent de la demande d'asile.

a) Le droit national

a1) L'ordonnance du 02 novembre 1945

Sur le plan national nous avons l'ordonnance du 02 Février 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers qui dans son article 35 quater stipule que les mineurs pourront être amenés à séjourner pendant 4 jours renouvelables en zone d'attente. Ceux-ci se retrouvent en compagnie des majeurs, en attendant que leur situation soit examinée. la plupart des aéroports et port internationaux tels que Roissy et Marseille qui sont des lieux d'arrivée des mineur isolés étrangers isolés ont leurs zone de rétention dite zone d'attente. Beaucoup de ces mineurs sont souvent refoulés vers leurs pays d'origine, ou vers des pays d'arrivée, en marge de l'état de droit.

Il faudrait bannir la pratique de délivrance des sauf-conduits. Ce sont des documents remis lors de sa libération au mineur, par la police de l'air et des frontières, d'une durée de 8 jours. Il apparaît que celui-ci se retrouve très vite seul et sans aucun document, puis il est récupéré par des filières de trafiquants de drogue et de prostitution. Un projet de loi permettant aux administrateurs ad hoc a été soumis à la commission nationale consultative des droits de l'homme, alors que la protection des mineurs est déjà règlementée sur le territoire.

Le droit des étrangers, dans une approche rétrospective nous montre que celui-ci est lié l'histoire des flux migratoires, à l'évolution de la demande d'asile et à la situation des étrangers en France ; la loi Chevènement du 11 mai 1998 est la 25è modification de l'ordonnance du 02 novembre 1945. Ce texte a été modifié plusieurs fois, notamment lors de la décolonisation, à l'arrêt de l'immigration et la construction de l'Europe.

D'une part la législation française, dans une vision d'égalité pour tous interdit toute discrimination entre étrangers et nationaux, d'autre part applique un principe protection de l'état qui réserve bon nombre d'avantages et prérogatives aux seuls citoyens français.

Pourtant le droit français a tendance à transformer les étrangers en nationaux et tend ainsi vers une égalité des droits dans la plupart des domaines, même si l'évolution du droit actuel montre que ce n'est pas toujours le cas dans les domaines droit du travail, des prestation sociales et du droit de vote.

Les restrictions apportées aux droits des étrangers sont néfastes et ne se justifient plus aussi aisément. Nous comprenons qu'en matière de droit des étrangers, la même règle ne s'applique pas pour tous. Certains sont soumis à des règles particulières en fonction de leurs nationalités d'origine(ressortissants de l'union européenne, algériens) d'autres sont soumis à des règles particulières en raison de leurs statuts (comme les réfugiés ou encore les mineurs).

a2) Le code civil

Lorsque le parquet est saisi à l'arrivée des mineurs étrangers sur le territoire français, il doit à son tour saisir le juge des enfants et le juge des tutelles.

Le juge des enfants va intervenir pour prononcer une ordonnance de placement provisoire, qui est une mesure d'assistance éducative au titre de l'article 375 du code civil. Il statue sur le droit d'hébergement et du mineur en danger. Le juge des tutelles, pour sa part au titre de l'article 433 du code civil peut ouvrir une tutelle. Il nomme un tuteur quand celle-ci est vacante. Le tuteur permet au mineur d'exercer ses droits, notamment pour faire une demande d'asile politique.

Cette pratique n'est pas courante au sein des tribunaux français. A Paris, les juges de tutelle ne sont pratiquement jamais saisis dans le cas des mineurs étrangers isolés, ni le parquet, ni l'Aide Sociale à l'Enfance, ni même par le juge des enfants alors que ce sont les voies normales d'ouverture d'une tutelle.

Une note de l'Aide Sociale à l'Enfance du 7 mars 2000 indique que sur 209 mineurs accueillis en 1999, seules 8 tutelles ont été prononcées. La plupart du temps, le parquet se déclare incompétent pour protéger ces mineurs ou prononce un non-lieu à assistance éducative.

Ces exemples mettent en évidence les conflits de compétences entre professionnels, une crainte que la protection des uns attire de plus en plus de mineurs isolés. Le non respect de la loi met des mineurs, qui demandent l'aide et la protection de l'Etat, en situation de précarité et d'insécurité.

En ce qui concerne le département de Paris qui centralise une part importante des arrivées de mineurs, l'Aide Sociale à l'Enfance rencontre de graves problèmes techniques liés à l'afflux, sans cesse croissant, mais aussi éthiques. Beaucoup de travailleurs sociaux s'avouent débordés et manquent de savoir- faire face à des jeunes qui ne correspondent pas aux profils de jeunes accueillis habituellement.

Certains départements estiment que les jeunes ne peuvent dépendre que de la solidarité nationale. Ils évoquent le droit d'asile et la compétence de l'Etat pour poser la question de la pertinence de la protection de ces mineurs au titre de l'enfance en danger.

La loi SARKOZY du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure dit que la personne prostituée (même mineure), qui dénonce un réseau, peut prétendre à un titre de séjour.

a3) Le code de l'action sociale et des familles

Le mineur isolé sur le territoire français doit pouvoir parler de ses souffrances, de ses craintes ou des persécutions qu'il a subies. Une prise en charge légale s'avère nécessaire dans ce sens. Mais tous n'ont pas la chance d'en bénéficier. Pourtant les articles L112-alinéa 2 du code de l'action sociale et de la famille stipulent que « les personnes de nationalité étrangères bénéficient des prestation sociales de l'aide sociale à l'enfance, et de l'aide médicale d'état »,

L115 alinéa 2, dit que « la lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les être humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation »

Et L223 alinéa 2 prévoit qu' « en cas d'urgence et lorsque le représentant légal est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui avise immédiatement le procureur de la république. Si à l'issue du délai de 5 jours, l'enfant n'a pu être remis à sa famille ou si le représentant légal n'a pas donné son accord a l'admission de l'enfant dans le service, ce dernier saisit l'autorité judiciaire »

Le mineur qui se présente dans le service peut avoir des documents d'identité qui paraissent faux ou contestables. Je tiens à préciser qu'il n'appartient pas à l'éducateur, au travailleur de contester la validité d'un document. Seuls les autorités consulaires du pays d'origine peuvent authentifier les documents. De part la loi, toute personne se déclarant mineure n'est pas expulsable, à condition de pouvoir justifier de sa minorité.

b) Le droit international

Il y a aussi des textes internationaux que la France a ratifiés et qui s'appliquent aux mineurs isolés étrangers sur le territoire.

Selon la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, l'intérêt supérieur doit être une considération primordiale.

Pourtant je me suis rendu compte lors de mon stage, de certaines rencontres et d'échanges avec des professionnels d'autres départements que tous ne bénéficient pas du même traitement devant la loi. Le ministère de l'intérieur estime que la minorité légale ne dispense pas à une personne de produire les documents de voyage que la loi exige.

b1) Les mineurs isolés et la demande d'asile.

Les textes qui règlementent le droit d'asile sont rassemblés dans la loi relative au droit d'asile du 25 juillet 1952, modifié par la loi Chevènement du 11 mai 1958. On distingue deux formes de protection accordées sur deux bases juridiques s'appuyant à la fois sur des textes nationaux et les conventions internationales ratifiés par la France.

La convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés qui stipule que « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays »5(*)

Le préambule de la constitution française du 27 octobre 1946 prévoit que « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la république »

L'asile territorial est régi par l'article 13 de la loi relative à l'asile : « dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté menacée dans son pays, ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées »

Le statut de réfugié relève de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, (L'OFPRA), sous le contrôle de la Commission des Recours des Réfugiés (CRR).

En 2000 il y a eu 38747 demandes de statuts de réfugiés, et 30278 décisions prises .sur ces décisions, 17,1 pour cent des demandeurs d'asile ont obtenu le statut. À titre indicatif 82 pour cent de demandes avaient reçu une demande favorable en 1982.

L'obtention du statut de réfugié permet la reconnaissance des persécutions et des traumatismes subis, et ouvre droit à des protections contre le risque de retour forcé qui menace toute personne déboutée du droit d'asile. Il permet le droit au séjour et au travail en pays accueil avec la carte de résident de 10 ans. Il permet aussi la protection sociale par les dispositifs de prise en charge et d'accompagnement des réfugiés reconnus.

La convention de Genève du 28 juillet ne fait aucune distinction de l'âge des personnes contraintes à l'exil. Les personnes qui demandent l'asile peuvent s'appuyer sur des persécutions directes ou du fait de la situation sociale, de l'appartenance ethnique ou religieuse, ou l'engagement politique de leurs parents.

La difficulté dans l'accompagnement des mineurs dans cette procédure peut résider dans l'expression des craintes des persécutions, et nécessitent la prise en compte de la maturité  du jeune et de son état psychologique.

Cependant l'acte final de la convention recommande aux états « de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la famille du réfugié, notamment les enfants isolés et les jeunes filles, en ce qui concerne la tutelle et l'adoption »

La convention de la Haye du 05 octobre 1961 traite de la compétence des autorités et de la loi applicable en matière de protection des mineurs, qui est ratifiée en 1972 par la France, et prévoit dans son article 8 que «les autorités de l'état de la résidence habituelle d'un mineur peuvent prendre des mesures de protection pour autant que le mineur est menacé dans sa personne ou ses biens. »

D'autre part, la convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'assemblée générale des nations unies le 20 novembre 1989, et notamment l'article 3 pose le principe de « l'intérêt supérieur de l'enfant » comme une considération primordiale.

Les enfants réfugiés « bénéficient de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir de ses droits », et « l'enfant isolé se voit accordé la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que se soit. »

b2) L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

En France, c'est l'organisme chargé d'appliquer la réglementation et de statuer sur le sort des réfugiés.

Le statut du réfugié est défini par la convention de Genève de 1951, ratifiée par la France en 1954 et s'est dotée dès 1952 de l'Office civil Français des Réfugiés et Apatrides. C'est un organisme autonome financièrement et administrativement, qui relève du Ministère des Affaires Etrangères. Il recueille et détermine la qualité du réfugié politique au demandeur d'asile, conformément à l'article 1er de la convention de Genève. La Commission de recours des réfugiés contrôle les déterminations de l'OFPRA. Le réfugié l'est à partir de 4 éléments : la crainte, la persécution, les raisons de race ou d'opinion politique, le fait de se trouver hors du pays d'origine ; critères précisés par les différentes jurisprudences.

5) L'administration montre ses limites

Je vais expliquer ce qui engendre la réponse administrative ou judiciaire lors d'une prise en charge éducative. Soit en amont du droit commun par une association, soit par l'institution.

Comme je le mentionnais avant, les mineurs qui sont rencontrés dans la rue et ceux qui se présentent au sein des associations qui travaillent en amont du droit commun, sont pris en charge, puis selon certains cas, accompagnés, sans aucun mandat administratif, ni judiciaire. Les professionnels chargés de venir en aide à ce public sont amenés à être confrontés à des situations où se pose la question de la vérité sur l'âge du mineur. La question se pose aussi lorsque le dit mineur présente des papiers contestables ou lorsqu'il n'a pas de papiers.

Il se pose donc les questions de la détermination de l'âge et de l'authentification des documents d'identité, ou la recherche des documents d'identité au pays pour déterminer l'âge du mineur.

Les jeunes se présentent avec ou sans papiers

L'authentification des documents est une étape incontournable et se fait lorsque les documents que le mineur présente sont « contestables » soit parce qu'ils ne sont pas probants (absence de photo ou qu'ils ne sont pas écrits dans les formes usitées en France.

Le mineur sera accompagné au consulat de son pays. Ce consulat va faire des recherches dans le pays afin de prouver ou non l'authentification du document.

Les éducateurs vont aussi permettre au jeune de téléphoner au pays afin de se faire envoyer certains documents justifiant de sa minorité lorsque celui-ci n'a pas ses papiers. Cela n'est efficace que si le jeune se sent suffisamment en confiance pour donner le numéro d'une personne à contacter.

De part la loi, toute personne se déclarant mineure n'est pas expulsable, à condition que le jeune soit en mesure de justifier de sa minorité pour rendre plus lisible la situation.

Soit les mineurs qui ont leurs papiers, de fait, sont pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance, par un mandat de prise en charge administrative, soit par une saisie du procureur ou du juge qui délivre une ordonnance de placement provisoire (OPP).

Le mineur sera donc placé dans un foyer éducatif, dans un établissement internat de formation professionnelle. On se base sur le code civil pour répondre aux différentes questions auxquelles les mineurs sont confrontés Lorsque le mineur étranger est reconnu comme isolé, se posent les questions des structures adaptées pour héberger et assurer un suivi éducatif. Il faut aussi les scolariser. Certains, au vu de leur histoire, de la situation dans leur pays, relèvent de la demande d'asile et seront orientés vers les structures de demande d'asile.  Les majeurs ou déclarés comme tels lors de l'Examen de maturation osseuse dépendront du Haut Commissariat aux Réfugiés et de l'OFPRA à leur majorité.

Tandis que ceux qui venus en France pour des raisons économiques pourront à leur majorité, bénéficier du suivi éducatif, d'un contrat jeune majeur jusqu'à l'age de 21 ans.

À sa majorité ou à la fin de sa prise en charge, le jeune aura acquis une formation. Mais, avec des papiers et sans aucune formation, ou sans papier et sans formation, se posent les questions de la prise en charge du jeune et/ou l'accompagnement éducatif du jeune, ou de son retour en famille lorsque les conditions de cette prise en charge ne sont pas réunies. Je me pose la question de savoir quel suivi éducatif et quelles démarches entreprendre?

La décision de prise en charge ou non peut s'avérer arbitraire et répond à plusieurs critères.

Il arrive que le travailleur social décide de l'authenticité des papiers que lui présente le mineur, comme j'ai pu le constater et scelle ainsi le sort du mineur part une réponse rapide et négative. Tout dépend donc de la représentation que le travailleur social peut avoir du mineur, de sa taille, de souffrance ou non, de son aspect.

Un exemple illustratif

J'ai été amené à accompagner un jeune qui allait faire une demande de prise en charge à l'aide sociale à l'enfance.

Ce jeune originaire d'Afrique Centrale avait quitté son pays après l'assassinat de sa famille.

L'éducateur qui nous reçoit demande au jeune de raconter son histoire une fois de plus, puis l'interroge sur certains aspects de son histoire apparaissant comme des failles à exploiter pour motiver tout refus de prise en charge. Lorsque le jeune montre des papiers, à la demande du travailleur social, celui-ci décrètera que c'est un faux, sans toute autre forme de discussion. Ce qui scellera l'accord de prise en charge du jeune à une réponse médicale : L'examen de maturation osseuse.

Le travailleur social m'a expliqué qu'au vu de l'histoire du jeune, de sa corpulence physique et des papiers qu'il présente, cela n'était pas cohérent et qu'il s'en remettait à l'examen de maturation osseuse.

Ce jeune a d'ailleurs été déclaré mineur.

Cet exemple illustre les deux courants législatifs qui se confrontent actuellement au sujet des mineurs étrangers isolés, tout en mettant en évidence les limites de certaines décisions administratives, et la subjectivité dont sont sujets les travailleurs sociaux qui prennent ces décisions.

Nous avons d'une partie ceux qui disent que les mineurs isolés relèvent de l'article L223-2 du Code de l'action sociale. Les mineurs seraient isolés certes, mais pas en danger, car ils sont suivis par des dispositifs en amont du droit commun.

Et d'autre part ceux qui affirment que le fait que les représentants légaux soient absents ou incapables de se manifester, leur milieu de vie actuel les met en situation de vulnérabilité, et devrait inciter l'état à organiser leur protection conformément aux articles 375 et suivants du Code Civil.

Dans tous les cas si l'aspect administratif ou judiciaire, dans le travail de l'éducateur apporte des réponses inadaptées ou inappropriées aux besoins des mineurs, nous avons tous besoin de travailler en conformité avec la loi, les décisions judiciaires et administratives.

L'éducateur qui est un référent du mineur est aussi confronté à deux dilemmes :

Tenir compte du danger que court le mineur, prendre soin de lui et l'accompagner dans son parcours

D'autre part l'éducateur doit être vigilant à ce que celui qui se présente comme mineur ne soit en fait un adulte qui veut usurper la place d'un « vrai mineur » et pour cela je dois parfois accepter ou légitimer des décisions qui vont aller à l'encontre des intérêts ou de la demande de celui qui m'est confié. L'enjeu de part et d'autre, est de taille.

Pour l'usager il s'agit d'être reconnu comme mineur, puis à sa majorité, d'avoir un titre de séjour ou de résidence, voire la nationalité française. Ces documents sont des sésames pour une amorce d'intégration. (Par exemple pour l'accès à des formations professionnelles).

Pour l'administration, il s'agit d'une volonté de filtrer ou de limiter l'accès aux dispositifs de protection de l'enfance, face aux soupçons d'instrumentalisation du système par certains « vrais faux » mineurs, ou par des trafiquants.

Le jeune doit avoir des documents d'identité pour rester en France. Les démarches à la préfecture incombent au jeune majeur. Et la décision d'accorder ou non un titre de séjour dépend du préfet.

Est-ce que l'éducateur accompagne le jeune en espérant son intégration en France, ou le forme t-il à devenir un clandestin ? Intégrer le jeune c'est lui permettre de rester et d'y construire de nouveaux repères, et l'insérer c'est l'aider à trouver sa place.

Comment réussir l'insertion du mineur étranger isolé au sein de la société française ? Le projet éducatif peut-il être envisagé ?

L'éducateur est- il responsable de l'avenir du jeune en France alors que l'obtention d'un titre de séjour dépend du préfet ?

L'expérience fait qu'en tant qu'éducateur, je dois utiliser le temps de la minorité, le temps passer en France pour élaborer le projet de vie du jeune.

Face à la problématique de société que représente la question des mineurs étrangers, la réponse 'administrative va permettre de poursuivre ou non le suivi éducatif. Ce suivi prend la forme d'un travail de recentrage sur le jeune et les difficultés « internes » qu'il rencontre.

En l'absence de papiers les jeunes ne peuvent ni prétendre à un stage, ni à un travail.

Certains jeunes reçoivent un titre de séjour ne les autorisant pas à travailler. Or nous savons qu'il faut une autorisation de travail pour effectuer une formation professionnelle.

6) La question de la culture

Ces mineurs et majeurs reviennent nous voir au centre. Ils sont en pertes de repères. Le centre devient comme un lieu de repères où ils rencontrent des personnes familières comme leur éducateur, ou un jeune de la même promotion. Beaucoup de ces jeunes reviennent au centre parce que c'est le lieu où ils ont connu la sécurité,les soins,un suivi socio-éducatif et le respect de leur personne, de leurs histoires et de leur histoire,mais aussi le lieu qui a marqué un nouveau départ pour beaucoup de jeunes. Ces jeunes reviennent au centre parce qu'ils ne connaissent personne. La plupart n'ont pas de liens avec leur communauté d'origine. Le fait que ces jeunes reviennent peut donner au centre une connotation identitaire à plusieurs points de vues, dont notamment le fait qu'ils aient tous un référent qui parlent leurs langues et connaissent leurs pays entre autre. Le fait que leurs cultures respectives soient prises en compte dans le fonctionnement du service ; Le fait d'articuler leur culture avec la culture de la France leur permet de garder leur culture, comme la marque de leurs identités multiples. Il faut les mineurs qui souhaitent rester en France ne perdent pas leurs acquis. Je dois les aider à aménager des espaces où ils vont pouvoir intégrer les deux cultures. Je ne souhaite pas qu'ils s'assimilent. C'est l'abandon par une personne de ses particularités, tout en adoptant le système, et les habitudes du pays qui l'accueille.

J.Costa-lascoux (6(*)) dit que « l'assimilation représente  le processus par lequel un être vivant en transforme un autre en sa propre substance, synonyme de l'absorption d'un corps étranger jusqu'à le faire disparaître ».

Assimiler, c'est imposer les normes de la culture dominante, or je dois les aider à vivre en symbiose avec leur nouvel environnement, sans nier, rejeter ou abandonner leurs acquis d'avant.

Avant de venir en France, les mineurs étrangers avaient une place, un rôle, un statut dans leurs sociétés respectives. Ils ne peuvent reproduire leurs statuts en France, et doivent s'adapter aux moeurs françaises. C'est une perte que les jeunes pensent pouvoir compenser en gagnant un statut valorisant, comme celui d'étudiant ou de salarié.

Il est demandé à l'adolescent en construction, se retrouvant confronté à une autre culture, de s'adapter à cette dernière. Beaucoup ont perdu contact avec leur familles, et ont développer la « culture de la rue » qui désigne par la même occasion leur non appartenance à des structures sociales. Les plus chanceux finissent par créer un mixage entre la culture française, celle d'origine et la culture «  de la rue ».

Ces mineurs étrangers devenus majeurs en France, ne sont plus reconnus dans leurs pays d'origine dans le statut d'avant. Ils sont en manque de reconnaissance en France. Beaucoup de ces jeunes considèrent qu'ils n'ont leur place nulle part. En France on les considère comme des étrangers, et ils n'ont plus leur place dans leurs pays d'origines, sauf sans doute au regard de la mission qui leurs est assignée.

Les démarches administratives qui jalonnent le parcours du mineur isolé en France sont des démarches auxquelles nous sommes tous assujettis mais néanmoins habitués. Avec le mineur étranger qui ne connaît pas nos us, cela peut être traumatisant s'il n'est pas informé des tenants et des aboutissants avant toute démarche. À travers toutes les multiples facettes que prend le rôle de l'éducateur, les démarches administratives sont un support à la création de la relation éducative.

La culture que ces jeunes élaborent se situe entre les traits empruntés à la culture d'accueil et la culture d'origine. Il crée ainsi un troisième espace où s'exprime ce mixage. Cette construction est ambiguë, dans la mesure où ces jeunes seraient tentés de reconstituer en France le modèle culturel du pays d'origine. Mais il est très difficile de garder intacte sa culture. Ils recréent un mode identitaire adapté à leurs systèmes de valeurs, cohabitant avec leurs cultures. Le mineur isolé en France, dépourvu de liens familiaux, affectifs, vit sans ses repères quotidiens, et sans ses amis. Il subit par conséquence une situation de non existence, mais aussi de « double non identification »il est à la fois immigré et émigré.7(*) Il a un statut provisoire  mais « continuant à jouir des attributs et des compétences politiques de son pays », tout en étant exclu de fait par sa résidence à hors de son pays. Le mineur étranger a du mal à être reconnu dans le pays d'accueil, et il n'a plus sa place dans son pays d'origine. Comme le dit Alain Moreau sur la faculté d'adaptation des étrangers, il est d'abord un adolescent d'une « culture donnée ...vient -il à le quitter ; pour se retrouver dans une culture différente, et le voilà dépourvu de référents qui assuraient le noyau dur de son identité »8(*).

a) L'identité du mineur isolé.

Comme toute personne en situation de migration en France, le sort des mineurs étrangers est l'enjeu de débats politiques nationaux entre ceux qui ont le pouvoir de décision sur leur avenir et ces adolescents. Ils ne maîtrisent pas forcément l'identité qui leur est attribuée par le fait de leur extranéité, et qui ne tient pas compte de leurs histoires, de leur parcours, de leurs besoins et de leur situation réelle.

Charles Taylor dans une approche sur le multiculturalisme pense que « l'identité est partiellement formée de la reconnaissance ou par son absence, ou encore de la mauvaise idée qu'en ont les autres »9(*)

Didier Lapeyronie s'interroge sur la place l'identité comme facteur d'intégration. L'auteur pense que la façon dont est accueilli et intégré un immigré ou non détermine son identité. Il pense que les identités sont construites dans les rapports sociaux inégalitaires du fait de la frontière qui existe entre ces mineurs qui arrivent et ceux qui sont déjà là. Il y a d'emblée des barrières sociales, géographiques, linguistiques, psychologiques et psychosociologique qui les distinguent de nous. « Il y a eux et nous »10(*)

L'opposition entre eux et nous est une dimension fondamentale de leur identité. Le mineur isolé pris dans cette dynamique d'opposition doit mobiliser des ressources pour intégrer les éléments constitutifs de la culture identitaire d'accueil et se faire accepter. La culture d'accueil étant la culture dominante, il tentera de ne pas perdre son identité propre, cherchera plus à intégrer plus qu'à assimiler. Le mineur arrive en France dans un contexte où la revendication de l'identité retrouve celle des migrants des générations précédentes, qui sont devenus des français à part entière, venus d'origines diverses. Pour aider le mineur étranger isolé, en équipe, nous avons aménagé un espace de rencontres institutionnalisé où se côtoient et s'exprime la diversité culturelle à travers les ateliers d'expression artistiques, la cuisine, le sport, la rencontre avec l'autre. L'idée est d'aider les mineurs à vivre entre deux ou plusieurs cultures.

L'acculturation

La mode des adolescents en France tend actuellement vers la culture hip-hop, qui à l'origine est la culture des pauvres de ceux qui sont dans la galère. Ces jeunes pour la plupart s'identifient le plus souvent à cette culture. Ce qui fait que le jeune indien, le jeune albanais et le jeune de Côte d'Ivoire vont trouver un terrain d'entente à travers cette culture hip-hop. Chacun peut ainsi s'autoriser des va et vient entre sa culture d'origine et cet art considéré comme spécifique à la jeunesse.

C'est l'ensemble des phénomènes résultant du contact direct et combiné entre des groupes et individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les modèles originaux de l'un ou des deux groupes. De ce contact prolongé et direct, un des aspects culturels va être modifié en essayant de réinterpréter, ou en modifiant les conceptions des rapports à l'autre, à la nature et à ses représentations. Les individus adoptent d'autres comportements que ceux des pays d'origine. C'est souvent la source de conflits ambivalents que l'éducateur ne doit pas ignorer.

b) l'Intégration des mineurs pour une prise en charge

- Qu'est ce que L'intégration ?

C'est un processus qui concerne, les moyens d'interaction qu'emploie la personne pour être et se positionner dans une société. L'enjeu se situe dans la reconnaissance d'une place ou d'un statut. Le processus d'intégration est soumis à un contrôle interne par l'individu et à un contrôle externe par la société. Il s'agit pour l'individu de mélanger ses valeurs et ses représentations d'origine avec celle de la société d'accueil. Il va tenter de gommer tout malentendu avec la société qui l'accueille, tout en tentant de conserver ses valeurs d'origines.

Pour le mineur isolé il s'agit de négocier un compromis entre des systèmes de fonctionnements et des règles différents. Il va donc inventer des stratégies pour résoudre les multiples problèmes qui le renvoient à sa condition d'exilé. J'ai pu constater que certains jeunes, pour se sentir acceptés, peuvent faire ou accepter des choses qui vont à l'encontre de leurs convictions. C'est ainsi que certains jeunes de confession musulmane mangeaient du porc pour, semble t-il, être mieux acceptés. Ils croyaient que « pour être intégré en France, il faut faire comme les français ». Je lui ai expliqué qu'il pouvait s'intégrer en France tout en choisissant de vivre selon ses convictions, mais en respectant aussi celles qui sont différentes de la sienne.

En France le modèle républicain d'intégration est basé sur l'égalité.

Mais Faiza Guelamine11(*) estime que le modèle d'intégration à la française ne correspond pas à la réalité des personnes accueillies. L'intégration concerne la participation de tous à la vie de la cité, tout en dépassant la question de l'origine culturelle

De part la convention des droits de l'enfant, un mineur bénéficie d'une protection sur le territoire français.

À la vue de ce fait pourquoi ce dispositif peine à intégrer les mineurs étrangers en danger sur le territoire français ?

Au cours de mon stage, une analyse approfondie de la prise en charge des mineurs isolés étrangers par l'Aide Sociale à l'Enfance, a fait apparaître une double argumentation de la notion d'enfant en danger.

Nous avons vu précédemment que certains affirment que le dispositif de protection à l'enfance a été conçu pour un travail de retour du jeune en famille.

Ce qui fait que le dispositif peine à intégrer des mineurs sans parents et sans famille en France, est que ces jeunes sont seuls et par définition autonomes. La seconde raison est liée au fait que les prises en charges, quand elles ont lieu, s'arrêtent à 18 ans. Le jeune devient sans papiers.

Ce qui est décourageant pour les équipes éducatives qui ont l'impression de sauver quelqu'un de la noyade, de les sécher puis de les noyer à nouveau.

A partir de ces exemples, la prise en charge, puis l'accompagnement du mineur se présenteront sous trois aspects :

-La prise en charge, l'accompagnement éducatif de l'adolescent.

-La réponse administrative, à laquelle est suspendue la décision ou non de poursuivre cet accompagnement éducatif.

-les conséquences positives ou négatives de cette réponse sur le travail accompli par l'éducateur, sur la relation éducative ; et sur l'avenir du jeune.

Il apparaît que la situation des mineurs isolés pose une double problématique ;

-soit la contradiction entre l'éthique et le juridique, puis celle entre les principes éthiques de l'éducateur, et la relation éducative.

c) L'approche interculturelle

Le travail interculturel permet à l'éducateur de faire des allers et retours d'une culture à l'autre en tenant compte des interactions entre la culture du jeune et la nôtre. Il s'agit malgré tout d'aider le jeune à voir le verre à moitié plein et non à moitié vide. C'est à dire qu'il peut vivre sa présence en France comme sources de rencontre, de production de l'altérité, et donc comme une source de richesses, d'apprentissage, de tolérance, d'apprentissage et de respect des différences. La prise en compte de la culture, constitutive de l'identité des mineurs étrangers isolés leur permet de s'intégrer en France. Ils doivent accepter la culture française, en acceptant notamment le mode de vie, tout en gardant et en préservant leur identité propre. Quelque chose qui les lie à leurs racines, pour atténuer les effets de la rupture, en lui permettant de remodeler son propre modèle identificatoire.

Le jeune doit non seulement s'adapter à la culture française, mais aussi à celles des autres jeunes tout en préservant la sienne.

Ce qui n'est pas évident car dans un contexte de déculturation, ils peuvent perdre les valeurs qui identifient leur culture pour se conformer à des valeurs qu'ils nomment « la culture de la rue ».

C'est le cas des enfants errants qui ont connu une vie sans repères stables et qui se retrouvent dans un cadre éducatif inconnu de leur schéma de vies habituelles avec la demande de se conformer à des règles qu'ils ne connaîssent pas. C'est à l'éducateur d'aménager le cadre et les règles de manière parfois à ce que ceux-ci soient le moins violents et permettent la vie ensemble dans le respect mutuel et le partage des tâches quotidiennes. Pour le jeune, les règles de fonctionnement ne sont pas les mêmes que celles qu'il connaît habituellement. C'est pour cela que certaines peuvent être violentes pour certains jeunes. Je me souviens de ces jeunes Afghans qui ne supportaient pas d'être assis à une même table que les filles, ou qui refusaient de faire la vaisselle parce que selon leurs dires, c'est aux filles de la faire. Il faut sans cesse ré expliquer les règles, car beaucoup de ces jeunes, marqués certainement par les moeurs de chez eux, refusent les consignes qui viennent des collègues de sexe féminin. Ils tentent de cantonner la femme dans le rôle qui lui est attribué chez eux.

Selon Alain Moreau « toute migration met jeu un pays d'origine et un pays d'installation, une culture d'origine et une culture d'adoption »12(*)

Les mineurs isolés arrivent en France avec un vécu constitutif de leur identité à prendre en compte, dans leur accueil au sein de la communauté française.

Au début des années 90, face à l'émergence du phénomène des mineurs étrangers seuls sur le territoire, dont beaucoup en errance. Le secrétariat d'état à la lutte contre les exclusions et la précarité a contribué à la création du « service mineurs isolés étrangers ».

La rencontre avec beaucoup de ces mineurs se fait dans les périphéries de Paris, les bois, les lieux à forte fréquentation de populations immigrées, les squats.

Certains sont orientés par la brigade des mineurs, le commissariat de quartier.

La problématique des mineurs étrangers trouve une amorce de réflexion, de réponse pour une prise en charge, puis un accompagnement, au sein d'une association.

Cette association a été créée dans le but de sortir les enfants de la rue, des trafics humains.

La mise en place d'un dispositif de plusieurs associations partenaires, toutes travaillant sur la problématique des mineurs étrangers permet d'apporter un début de réponse à la question des mineurs errants.

* 5 FRANCE TERRE D'ASILE, « les instruments juridiques du droit d'asile », JOURNAL OFFICIEL DE L'UNION EUROPEENNE DU 3O SEPTEMBRE 2004.

* 6JACQUELINE COSTA-LASCOUX « De l'immigré au citoyen » la documentation française. 1989, Notes et études documentaires, n° 4886.

* 7ABDELMALEK SAYAD, « la double absence, des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré », PARIS, SEUIL, 1999, P 114

* 8 ALAIN. MOREAU, « Culture de l'entre-deux et adaptation psychique des migrants » dans « immigration et intégration, l'état des savoirs ».sous la direction de PHILIPPE.DEWITTE. PARIS, 1999, LA DECOUVERTE.

P 248.

* 9 CHARLES TAYLOR, « Multiculturalisme » UNIVERSITE DE PRINCETOWN, traduction française par AUBIER, PARIS, 1996, P 41.

* 10 DIDIER LAPEYRONIE : « de l'altérité à la différence .l'identité facteur d'intégration ou de repli? » CADISS-EHESS, PARIS, UNIVERSITE SEGALEN BORDEAUX, P 252

* 11 FAIZA GUELAMINE : «  intervenir auprès des populations immigrées » PARIS, DUNOD, 2000

* 12 Ibid p 17

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway