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Le droit à la guerre préventive: essai de réflexion sur la légalité et la légitimité du concept

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par Tohouindji G. Christian HESSOU
Université d'ABOMEY CALAVI - Cycle I de l'ENAM 2005
  

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Paragraphe 2 : Les implications de la théorie sur la notion de la guerre préventive

Les implications que nous allons étudier découlent de l'une et l'autre des thèses que nous venons de présenter. La thèse catholique de la guerre juste fait prévaloir trois conditions pour que la guerre soit juste : le juste titre, la juste cause et l'intention droite. Parmi ces trois conditions, nous privilégierons la juste cause et l'intention droite car elles donnent le plus lieu

à interprétation. De son côté, la thèse séculière met en vogue comme condition à une guerre juste, la violation d'un droit fondamental des Etats.

Nous retiendrons deux types d'implications sur la guerre préventive : les implications

en rapport avec les notions de la juste cause et de l'intention droite d'une part (A), et d'autre part, les implications en rapport avec les droits fondamentaux des Etats (B).

1Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet. Droit international Public. 6ème édition. Paris : LGDJ, 1999, p. 56

2Il est tentant de voir une symétrie entre ces deux notions au moins du point de vue de leur ampleur et de leur nature. Elles

ont toutes une valeur fondamentale et découlent toutes d'un droit naturel qu'on ne saurait arracher à l'individu ou à l'Etat.

A- Les implications en rapport avec les notions de la juste cause et de l'intention droite

La notion de juste cause suscite beaucoup d'interrogation de notre part. La principale

interrogation est la suivante : une menace d'agression, de la part d'un Etat à l'égard d'un autre, peut-elle constituer une juste cause de sorte à justifier le déclenchement d'une guerre dite préventive ?

Lorsqu'on se réfère aux écrits de St Augustin et de St Thomas d'Aquin, on peut se borner à dire que la juste cause est une injustice grave dont un Etat s'est rendu coupable et dont seule la guerre est le remède. La grande question revient donc : préparer une agression contre un autre Etat et ses populations constitue t-il une injustice ? Ou bien c'est le fait d'exécuter cette agression qui constitue l'injustice ?

Si la préparation d'agression est une injustice, alors la guerre préventive qui prétend réparer cette injustice, répond pleinement au critère de juste cause. Sous réserve des autres conditions de la doctrine de la guerre juste, elle peut être considérée comme une guerre licite. Mais si par contre, la préparation d'une agression ne constitue encore en rien une ``infraction internationale'', c'est-à-dire une injustice, la guerre de prévention devra être considérée hors

la loi et injuste. Compte tenu de cette ambiguïté il est donc très difficile de prendre position.

Des éléments de réponse à cette question seront trouvés dans l'ouvrage de Jean

Bethke Elshtain qui est intitulé : Just War Against Terror: The Burden of American Power in

a Violent World1. Dans cet ouvrage, l'auteur a estimé qu'une intervention préventive peut satisfaire les critères d'une guerre juste. S'inspirant de St Augustin et St Thomas d'Aquin2,

elle insiste que « prévenir les innocents de certains maux pourrait constituer un casus belli

justifié - les innocents étant ceux qui sont incapables de se défendre eux-mêmes ». Ainsi pour

1 La guerre juste contre la terreur: le fardeau de la puissance américaine dans un monde violent, actuellement indisponible

en français. Mais le résumé et l'analyse en français du livre sont disponibles sur la page Web suivante :

www.terrorisme.net/p/article_148.shtm (page consultée le 31 août 2005)

2 Il est dit dans la Somme théologique (Question 40 article 2 : Est-il permis aux évêques de faire la guerre ?) : « Les guerres

ne sont licites et justes qu'autant qu'elles protègent les pauvres et toute la nation contre les injures de l'ennemi. Or ce devoir paroît surtout regarder les prélats ; car saint Grégoire dit : « le loup tombe sur les brebis, lorsqu'un injuste ravisseur opprime les fidèles et les humbles ; mais celui qui paraissoit être le pasteur, et ne l'étoit pas, abandonne les brebis et prend

la fuite, parce que, craignant quelque danger pour lui-même il n'ose résister à une injuste agression. » Donc la guerre est permise aux prélats et aux clercs... Les prélats doivent résister, non seulement aux loups qui égorgent spirituellement le troupeau mais encore aux ravisseurs et aux tyrans qui le vexent matériellement. »

(Cf. Thomas d'Aquin. Ibidem, p. 138)

elle, tous les civils sont à ranger dans le groupe des innocents ; d'où la force utilisée pour les épargner serait licite. Le recours à une guerre de type préventif serait donc licite s'il est destiné à servir une cause noble : prévenir les innocentes populations d'une souffrance injuste

qui est entrain d'être organisée contre elles. Et si la défense préventive des innocentes populations n'était qu'un alibi destiné à masquer une intention immorale et inavouable du Prince ? Serait-elle toujours licite ?

Dans ce cas, la guerre préventive devrait être perçue comme une agression en bonne et due forme parce qu'elle procèderait, d'une menace imminente inexistante. Le casus belli que constitue la préparation d'agression par l'Etat ennemi a toutes les chances d'avoir été surestimé ou même d'avoir été concocté de toutes pièces. Mais sur ce point, les positions des théoriciens sont encore quelque peu divergentes, surtout si la faute commise par l'Etat ennemi

est vérifiable, et que l'intention malsaine ne modifie en rien le caractère répressible de cette faute.

Les critères qui permettent de définir le caractère répressible de cette faute, peuvent être retrouvés dans la notion des « droits fondamentaux des Etats ».

B- Les implications en rapport avec la notion des droits fondamentaux des Etats

Ici, il est question de savoir d'abord, ce que l'on entend par «les droits fondamentaux

des Etats» et ensuite, si la violation potentielle de l'un de ces droits serait si grave jusqu'au point d'entraîner une réplique préventive (légitime défense préventive).

Pour Grotius, les droits fondamentaux des Etats sont : droit à l'égalité, droit à l'indépendance, droit à la conservation (c'est-à-dire qu'un Etat ne peut se voir déposséder de quelque chose qui lui appartient sans en avoir décidé ainsi), droit au respect (aucun Etat n'a

pas le droit d'humilier un autre, en vertu du principe de l'égalité des Etats), droit au commerce international.

Mais pour De Vattel, l'Etat est le seul interprète de ses droits fondamentaux.Ainsi, chaque Etat souverain aurait le droit absolu d'apprécier seul, ce qu'il doit faire dans l'accomplissement de ses devoirs internationaux : « il appartient à tout Etat libre de juger en conscience de ce que ses devoirs exigent, de ce qu'il peut faire ou non avec justice. Si les

autres entreprennent de le juger, ils donnent une atteinte à sa liberté et ils le blessent dans ses

droits les plus précieux »1. Bien que reconnaissant l'existence de droits fondamentaux pour

les Etats, De Vattel relativise ces droits, contrairement à Grotius qui les énumère de manière objective.

En conséquence de cette interprétation discrétionnaire de leurs droits fondamentaux,

les Etats auraient dès lors, le droit d'apprécier eux-mêmes quelles sanctions infliger aux violations de ces droits. Ils peuvent ainsi décider de recourir à la guerre. De Vattel affirme à

ce sujet qu'en raison de leurs divergences dans l'appréciation de la justice qui légitime la guerre, les Etats conviennent simplement que la guerre juste est celle qui revêt certaines formes, soit une guerre conduite ouvertement et non une guerre clandestine et non avouée2. Pourvu que l'Etat qui fait la guerre accepte de se soumettre à cette forme, sa guerre sera jugée juste. Peu importe la valeur de ses buts de guerre. Selon De Vattel, l'Etat est donc entièrement libre de juger de ce qu'exige de lui, la défense de ses droits fondamentaux, d'apprécier s'il doit ou non recourir à un certain type d'usage de la force.3

Si l'Etat décide de recourir, pour la défense de ses droits fondamentaux, à une prévention par voie de force (c'est-à-dire à une intervention préventive), il est libre de le faire pourvu que l'intention de procéder ainsi soit déclarée à l'avance pour qu'on en connaisse les raisons. Ainsi ne constituant pas une guerre par surprise, la guerre préventive menée par cet Etat, devrait être licite aux vues de la théorie de De Vattel.

En définitive, la future violation des droits fondamentaux peut entraîner une réplique préventive si l'Etat en a décidé ainsi en vertu du libre arbitre dont il jouit d'après De Vattel. Mais chez Grotius, il y a un malaise à affirmer la légitimité d'une défense préventive car cette défense irait dans tous les cas, contre certains droits fondamentaux des autres Etats tels que le droit à l'égalité, le droit à l'indépendance et même le droit au respect. Aucun Etat ne pourrait donc violer les droits fondamentaux d'un autre en premier, sous prétexte qu'il défend les siens

qui n'ont même pas encore été violés.

Il y a donc une nette différence entre les arguments de Grotius et ceux de De Vattel. Dans l'écart de temps entre ces deux auteurs, la théorie de l'état de nature a eu son éclosion

1 De Vattel. Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliquée à la conduite et aux affaires des nations et des

souverains. Publié en 1758 (Cité par Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet. Op cit, p.57)

2 Les guerres par surprise seules seront illicites. Toutes les autres guerres, quelles que soient leurs formes seront licites, pourvu qu'elles soient ouvertement déclarées.

3Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet. Ibidem, p.58

avec la sortie du Léviathan de Thomas Hobbes. Cette doctrine n'a donc pas manqué d'influence sur De Vattel, ce qui explique ses interprétations libertaires des droits fondamentaux des Etats. Nous étudierons la doctrine de l'état de nature et ses implications sur

la guerre préventive dans notre section 2.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery