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L'incitation aux actes de terrorisme

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par Joseph Breham
Université Toulouse 1 - Master II Juriste International 2006
  

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i.Le cadre du contrôle par la Cour européenne des droits de l'Homme

La détermination de la première condition, « la prééminence du droit » soulève

quatre interrogations127 : Le système juridique interne sanctionnetil l'infraction ? La disposition juridique pertinente estelle accessible au citoyen ? Estelle suffisamment précise pour permettre raisonnablement au citoyen de prévoir les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (en l'espèce un acte qualifié d'incitation au terrorisme) ? La loi prévoitelle des garanties adéquates contre des atteintes arbitraires à

la liberté de pensée et à la liberté d'expression ?

·Le système juridique interne sanctionnetil l'infraction ?

Le système juridique interne inclut non seulement la loi au sens stricte mais aussi, les actes réglementaires, les décisions judiciaires (tant dans les pays de

« common law » que dans les pays de droit romanogermanique) et les

125En effet, le nombre de page de cette réflexion est limitée, en sus la jurisprudence de la Cour est, de loin, la plus fournie sur ces questions.

126Lire à ce propos le complet, instructif et intéressant article de Steven Greer « Les exceptions aux articles 811 de La Convention Européenne des Droits de l'Homme » édition du Conseil de l'Europe. Les développements qui vont suivre doivent beaucoup à cet article.

127Arret Kruslin c/ France du 24 avril 1990, série A n°176 A, paras. 27 à 36.

obligations internationales s'imposant aux Etats. Puisque les organes nationaux sont les mieux placer pour juger si les procédures législatives internes ont été correctement respectées, la Cour leur accorde une importante marge d'appréciation. Ainsi, en ce qui concerne une incrimination de l'incitation à la commission d'actes terroristes en France, celleci doit être le fait du législateur128 (c'est le cas de l'article 24 de la loi de 1881 sur la presse) et respecter les principes généraux gouvernants le droit pénal.

·La disposition juridique est elle accessible au citoyen ?

La Cour estime129 qu'une disposition juridique est accessible par le citoyen lorsqu'il peut disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. Une disposition légale qui ne serait pas suffisamment accessible ne pourrait être considérée comme une loi. Ainsi, la disposition d'un ministre de l'intérieur britannique aux directeurs de prison nonpubliée, nontransmise dans les prisons et aux dispositions nonexpliquées aux prisonniers ne peut pas être considérées comme une loi130.

·La précision de la disposition juridique et sa prévisibilité pour le citoyen :

Pour la Cour le degré de précision nécessaire des lois dépend du contenu de la loi, de son champ d'application, du nombre de personne visé et de leur statut131. Pour déterminer le degré de précision de la loi, il est possible de consulter des directives ou des instructions administratives. Ainsi, les directives non considérées comme des lois dans l'arrêt Silver ont été prise en compte pour déterminer si la condition de précision et donc de prévisibilité étaient remplies.

128article 34 de la constitution : La loi fixe les règles concernant (...)la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables; la procédure pénale(...)

129Arrêt Sunday Times c/ Royaume uni du 26 Avril 1979, Série A n°30 para 49

130Arrêt Silver et autres c/ Royaume Uni du 25 mars 1983, série A no 61.

131Arrêt Sunday Times c/Royaume uni, ordre public cit. para 49, Arrêt Wingrove c/ Royaume uni du 25

novembre 1996, paras. 4044.

Pour l'incitation, au vu du contenu potentiellement très dangereux de la loi et du nombre important de personnes que cette loi peut impacter, toute loi d'incrimination devra donc être particulièrement précise et prévisible.

·Des garanties efficaces contre des atteintes arbitraires au droit substantiel existent

elles ?

Dans l'arrêt Malone132, la Cour rappelle que les termes « prévue par la loi » impliquent que le droit interne doit offrir une certaine protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis. Le degré de protection que doit atteindre le droit interne n'est pas déterminé de façon abstraite, in abstracto. Tout diffère dans chaque cas d'espèce. Elle reconnaît la grande importance de telles mesures de précaution lorsque le pouvoir exécutif jouit d'un large pouvoir d'appréciation. Ainsi, il est indiqué dans l'arrêt Herczegfalvy qu'une loi conférant à la puissance publique un large pouvoir d'appréciation doit en fixer la portée ; le niveau de précision requis dépend du domaine considérée.

La seconde condition « la nécessité dans une société démocratique » est moins bien définie que la première et laisse une très importante marge d'appréciation aux juges. Ce critère représente à lui seul une part importante du problème auquel les démocraties doivent faire face en luttant contre le terrorisme. Afin de mener une lutte efficace, elles risquent de devoir abandonner la mise en application pratique d'une partie des droits de l'homme proclamés dans leurs textes fondamentaux. Toutefois, cet abandon doit être réduit au minimum nécessaire sous peine d'abandonner les valeurs qui font de nos Etats des démocraties, des Etats de droit et ; ce faisant ; de légitimer le terrorisme.

La Cour a défini un cadre d'interprétation composé de trois caractéristiques afin d'évaluer le respect de ce critère.

132Arrêt Malone c/ RoyaumeUni du 2 août 1984, série A no 82.

·La nature de la nécessité :

Dans l'arrêt Handyside contre RoyaumeUni du 7 Décembre 1972, la Cour

indique que la nécessité est intermédiaire entre « indispensable », « absolument nécessaire », « strictement nécessaire » et « opportun, normal, admissible ». Ainsi, la nécessité ne doit pas être comprise comme étant l'ultime recours. De plus, l'ingérence de l'Etat dans les libertés prévues par la Convention doit être justifiée par un ou plusieurs buts légitimes prévus par la Convention. Les limitations portées à la liberté de conscience, en raison de l'incitation, pourront être justifiées par les nécessités d'ordre et de sécurité public ; celles de la liberté d'expression pourront l'être par la sécurité nationale, la sûreté publique, la défense de l'ordre et la prévention du crime. Pour juger si les motifs invoqués par

les Etats pour justifier les limitations existent, il convient de tenir compte des circonstances particulières de l'affaire et de l'atmosphère du pays au moment des faits. L'action de l'Etat doit également se fonder sur une appréciation acceptable des faits pertinents133. La liberté d'expression et la liberté de conscience sont considérées par la Cour comme des fondements essentiels de nos sociétés démocratiques. Les buts légitimes prévus par les paragraphes 2 des articles 9 et

10 de la Convention doivent, en conséquence, être interprétés restrictivement.

·Proportionnalité au but légitime poursuivi et charge de la preuve :

Les atteintes aux droits de l'homme doivent être proportionnées aux buts

légitimes poursuivis, variant suivant les affaires, les droits en cause et la nature

de l'ingérence. Les deux droits en cause sont particulièrement importants, ainsi

les limitations devraient être strictement proportionnées. Il est permis de douter que cette approche soit suivie par la Cour. En effet, même si aux termes certaines décisions les exceptions doivent être interprétées strictement134, une

133Arrêt Oberschlick c/ Autriche du 23 mai 1991, série A n°204, para. 60.

134Arrêt Sunday Times c/ Royaime uni para 65.

partie de la jurisprudence penche en faveur de l'équilibre entre les droits et les exceptions135. D'autant que dans sa Déclaration sur la liberté d'expression et d'information dans les médias dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe considère que le terrorisme a des conséquences dramatiques pour les pleines jouissances de droits de l'homme, (...) qu'il menace la démocratie, qu'il vise notamment à déstabiliser les gouvernements légitimement constitués et à saper la société civile pluraliste. Ces considérations sur le terrorisme semblent indiquer que les Etats du Conseil de l'Europe considèrent le terrorisme comme un danger public menaçant l'expression démocratique de nos Nations. En toute hypothèse, la Cour considère que l'Etat doit apporter la preuve que les limitations sont justifiées136.

·La marge d'appréciation des Etats et la portée du contrôle européen :

La marge d'appréciation des Etats correspond à leur marge de manoeuvre dans le

respect des droits et dans l'application des diverses exceptions prévues par la Convention. Cette marge d'appréciation détermine la portée du contrôle exercé par les juges de Strasbourg. Il s'agit là du coeur du critère de nécessité dans une société démocratique. La Cour estime qu'il lui revient en dernier ressort (...), de déterminer si le but et la nécessité d'une atteinte à des droits en vertu d'une ou plusieurs exceptions prévues pour sauvegarder l'intérêt public sont compatibles avec la Convention137. Pour M. Van Dijk et M.Van Hoof138, la Cour, pour appliquer la notion de marge d'appréciation, procède en deux étapes. En premier lieu, elle va examiner le comportement de l'Etat. Elle peut ne lui laisser aucune

135Arrêt B c/France du 25 mars 1992 série A n° 232 para 63.

136Requête n°22414/93 Chahal c/ Royaume Uni, para. 136 ; Arrêt Observer et Guardian du 02 août 1994, série A n°82

137Steven Greer Ibidem

138P.Van Dijk et G.J.H. Van Hoof, Theory and Practice of the European Convention on Human rights,

DeventerBoston, 1990 p 404

marge d'appréciation et détailler l'ensemble des actions entreprises ou lui reconnaître une faible marge. En second lieu, elle détermine si le comportement

de l'Etat est raisonnable, en se fondant sur le résultat des investigations de la première phase. Pour ce faire, la Cour peut demander à l'Etat de prouver le caractère raisonnable des restrictions qu'il a imposé ou, encore, demander au requérant de prouver leurs caractères déraisonnables.

À travers ces deux conditions, la Cour européenne a mis en place un système perfectible mais cohérent et efficace. Il reste à espérer que malgré les risques terroristes existant aujourd'hui en Europe et sous les coups conjugués de l'opinion publique et des gouvernements, les juges de Strasbourg continueront à jouer leur rôle de protecteur des droits de l'homme en général et des libertés de conscience et d'expression en particulier.

·Quels « buts légitimes » peuvent légitimer les limitations portées aux principes ?

Les buts qui peuvent légitimement être invoqués pour limiter l'expression de la

liberté de pensée sont la sécurité publique, la protection de l'ordre, la santé ou la morale publiques, ou la protection des droits et libertés d'autrui. Concernant l'article 10,

les buts légitimes sont la sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté publique,

la défense de l'ordre et la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale,

la protection de la réputation ou des droits d'autrui, empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. Le caractère « moins absolu » de la liberté d'expression, comparé à la liberté

de pensée, s'exprime aussi par ces buts légitimes : ils sont assez limités pour la liberté de pensée et beaucoup plus nombreux s' agissant de la liberté d'expression.

Ces buts peuvent se ranger en deux catégories : les buts touchant à l'intérêt public ou de

la société en général et les buts concernant l'intérêt privé.

Les premiers recouvrent évidemment la protection de l'ordre, la santé ou la morale publiques, la sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense

de l'ordre et la prévention du crime.

Les seconds incluent logiquement la protection de la réputation, des libertés ou des droits d'autrui, empêcher la divulgation d'informations confidentielles. La question de la volonté de garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire est plus problématique. Évidemment, le respect de ces deux principes bénéficie à l'ensemble de

la société, même si un intérêt privé est directement en cause lorsqu'il y a atteinte à ces deux principes et un classement dans la seconde catégorie semble donc justifié. Parmi ces droits, aucun ne semble pouvoir arguer à une éventuelle limitation des libertés garanties aux articles 9 et 10 relative à l'incitation aux actes de terrorisme.

La sécurité nationale ne peut être invoquée que pour limiter la liberté

d'expression. Dans le cadre du sujet de cette réflexion, son invocation semble difficile. Il

en est de même pour la protection de la santé et de la morale publique ainsi que pour l'intégrité territoriale. En conséquence, seules la sécurité publique, la défense de l'ordre

et la prévention du crime semblent pouvoir être invoqués.

Ces trois critères sont, en réalité, invoqués pèlemêle par les Etats et il n'est pas possible

de définir clairement où s'arrête la sécurité publique et où commence la défense de l'ordre et la prévention du crime. Dans de nombreux arrêts139 où les Etats invoquent ces justifications, la Cour n'a pas clairement défini ces trois notions. Elle s'est contentée d'une étude des faits, de rappeler la notion de prééminence du droit et le critère de la nécessité dans une société démocratique, avant de conclure que les buts invoqués

139Par exemple arrêt du 28.10.1994, A 300A, Requête no 8170/78, X c/ Autriche, Annuaire XXII (1979),

p. 308. Requête no 5488/72, X c/ Belgique, Annuaire XVII (1974), p. 222; requête 530/59, X c/ République Fédérale d'Allemagne, Annuaire III (1960), p. 184; Requête no 9237/81, B. c/ Royaume Uni, D & R 34 (1983), p. 68. Requête no 8290/78, A, B, C et D c/ République fédérale d'Allemagne, D

&R 18 (1980), p. 176. Requête no 17505/90, Nydahl. Z. c/ Finlande, du 25.2.1994, requête no

22009/93 ; Arrêt Boughanemi du 24.4.1996, requête no 22070/93; arrêt C. c/ Belgique du 7.8.1996, requête no 21794/93; arrêt Bouchelkia du 29.1.1997, requête no 23078/93 ; Arrêt Schönenberger et Durmaz du 20.6.1988, série A no 137, Arrêt Niemetz du 16.12.1992, A 251B. Arrêt Vereinigung Demokratischen Soldaten Österreichs et Gubi du 19.12.1994, A 302.

justifient les limitations (souvent) ou bien l'inverse (rarement). Ce manque de définition

au niveau européen n'est pas de très bon augure, risquant de laisser la place à une interprétation extensive de ces limitations. Espérons que la Cour se prononcera rapidement sur le sens exact de ces principes afin d'en indiquer clairement le champ d'application !

Plus on luttera sérieusement contre le terrorisme, plus l'ensemble de nos libertés

et droits fondamentaux devront être respectés. Les Etats devront, en ce sens, donc ne pas enfreindre l'ensemble des droits qu'ils se sont engagés à respecter.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King