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L'incitation aux actes de terrorisme

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par Joseph Breham
Université Toulouse 1 - Master II Juriste International 2006
  

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3.Respecter l'Etat de droit :

L'expression « Etat de droit » est un terme galvaudé, utilisé dans divers contextes

et diverses circonstances, au risque de le vider de son sens. Ainsi, avant de s'intéresser à

la lutte contre le terrorisme et au respect de l'Etat de droit, il convient de rechercher ce qu'il recouvre.

·Qu'est ce que l'Etat de droit ?

Ce terme (Rule of law en anglais) a été utilisé pour la première fois en 1884 par

A.V. Dicey, constitutionnaliste anglais140. Il serait fastidieux et inutile (dans le cadre de cette réflexion) de retracer l'évolution de cette notion et il suffira simplement d'en tracer

les grandes lignes actuelles. Il peut se définir comme la situation résultant pour une société de sa soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée. En

un sens plus restreint, il s'agit du nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du Droit est réellement garanti aux sujets de droits, notamment contre

140A.V. Dicey, Introduction to the study of the law of the constitution, All souls College, Oxford, 1885.

l'arbitraire141. C'est dans ce sens plus restreint que nous utiliserons cette notion dans la suite de cette réflexion. L'Etat de droit est un Etat où, dans les rapports avec les citoyens, l'administration est soumise à des règles de droit. Les citoyens disposent en général d'une possibilité de recours contre les décisions de cette dernière. Il suppose donc l'existence de juridictions qui jugent des différents entre les citoyens et l'Etat et l'indépendance du pouvoir judiciaire afin que l'Etat souverain respecte les règles de droit qu'il s'est lui même imposé. L'Etat de droit s'oppose à l'Etat policier.

Pour R. Carré de Malberg : l'Etat de police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par ellemême l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre

à chaque moment les fins qu'elle se propose142. Il serait particulièrement dangereux de laisser un tel état de chose réapparaître dans nos démocraties.

Les Etats de droit doivent donc respecter l'ensemble des obligations qui pèsent sur eux par leurs engagements internationaux ou régionaux ou par leurs lois nationales. En plus des libertés mentionnées cidessus, l'Etat se doit, pour mériter le titre d'Etat de droit (d'Etat assujetti au droit), de respecter certains autres droits qui, même s'ils peuvent paraître moins fondamentaux, délimitent le cadre dans lequel doit être maintenue la lutte contre le terrorisme.

·Quels droits doivent être respectés dans la lutte contre le terrorisme143 ? :

L'interdiction de la torture doit être respectée en toutes circonstances. Elle est proclamée

141G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 1987, (p. 325).

142Cité par J. Chevallier, L'Etat de droit, Editions Montchrestien, Coll. Clefs, 3ème édition, 1999 (p. 16)

143 Il s'agit d'un inventaire nonexhaustif. Ainsi le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe liste dans Les Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme l'obligation, pour

les Etats, de protéger toute personne contre le terrorisme (le droit à la sécurité), l'interdiction de

l'arbitraire, la nécessaire légalité de toute mesure antiterroriste. Ces ligne directrices fixent également

un cadre juridique en ce qui concerne, notamment, la collecte et le traitement de données à caractère personnel, les mesures d'ingérence dans la vie privée, l'arrestation, la garde à vue et la détention provisoire, les procédures judiciaires, l'extradition ou le dédommagement des victimes.

par l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l'article 3

de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait maintenant partie du jus cogens impératif. Ces deux instruments ne prévoient aucune restriction à cette interdiction et n'y autorisent pas non plus de dérogation en cas de danger public exceptionnel (article 4 du Pacte) ou en cas d'état d'urgence (article 15 de la Convention). Ainsi, les diverses forces impliquées dans la lutte contre le terrorisme doivent se refuser à toutes formes de tortures quelles que soient les circonstances. Il peut sembler inutile de rappeler de telles évidences mais l'actualité antiterroriste, tant dans la base de Guantanamo qu'en Irak, nous montre que

ce paragraphe n'est malheureusement pas inutile, s'agissant même des pays a priori

respectueux des droits de l'homme.

Le droit à la vie est reconnu tant par le Pacte (Article 6) que par la Convention européenne (Article 2). Il est possible d'y déroger aux termes du droit international, pour les crimes les plus graves et conformément à la législation en vigueur au moment

où le crime a été commis dans le pays. Le droit européen a, par deux protocoles, complètement aboli (pour les Etats signataires de ces protocoles) la peine de mort. Le Protocole n°6 du 28 avril 1983 abolissait la peine de mort sauf pour des actes commis

en temps de guerre ou de danger imminent de guerre. Le Protocole n°13 du 3 mai 2002, qui n'est pas encore entré en vigueur, déclare que la peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. Pour les Etats membres signataires144, le respect du droit à la vie est donc absolu et ne saurait connaître la moindre exception, même en temps de guerre et a fortiori en aucun cas pour la lutte contre le terrorisme.

Les garanties de procédures telles l'impartialité et l'indépendance des tribunaux (article

141 du Pacte, article 61 de la Convention), le respect de la présomption d'innocence

(article 142 du Pacte, article 62 de la Convention) et l'ensemble des droits que comprend la notion de procès équitable (qui sousentend que les suspects aient, au

144Le quorum de 10 signatures nécessaire à l'entrée en vigueur du Protocole n°13 n'est pas encore atteint.

On ne peut qu'espérer qu'il le soit rapidement.

moins, droit à un procès) (article 141 du Pacte, article 61 de la Convention) doivent évidemment, elles aussi, être respectées. Ces notions sont certainement les plus sensibles.

Par exemple, la présomption d'innocence, qui est un principe fondateur du droit pénal, semble être partiellement remis en question dans certains cas spécifiques. Pour illustrer

ce propos, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée prévoit dans son article 127 que Les États Parties peuvent envisager d'exiger que l'auteur d'une infraction établisse l'origine licite du produit présumé du crime ou d'autres biens pouvant faire l'objet d'une confiscation, dans la mesure où cette exigence

est conforme aux principes de leur droit interne et à la nature de la procédure judiciaire

et des autres procédures. Les Nations Unies légitiment donc la création d'une présomption légale145 de culpabilité dans certains cas. La France connaît déjà certains cas de présomption de culpabilité. Dans sa décision N° 99411 DC du 16 juin 1999 sur la Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs146, le Conseil constitutionnel a validé le principe des présomptions de culpabilité à quatre conditions : cellesci doivent être exceptionnelles, elles ne doivent pas avoir de caractère irréfragable, elles doivent respecter les droits de la défense et leur vraisemblance doit être déduite des faits. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a aussi accepté le recours à de telles pratiques notamment depuis l'arrêt Salabiaku147 pour peu qu'elles soient exceptionnelles, inscrite dans des limites raisonnables, prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'en matière de terrorisme des présomptions légales de culpabilité apparaissent

de plus en plus nombreuses.

Néanmoins, cette érosion de certaines garanties « classiques » de la procédure pénale ne

va pas à l'encontre de l'Etat de droit strictement défini, car les règles de droit sont modifiées et l'Etat respecte ces nouvelles règles.

145Par opposition aux présomption du fait de l'homme où un juge déduit d'un fait connu un fait inconnu

qui lui semble vraisemblable.

146Décision disponible sur http://www.conseilconstitutionnel.fr/wcconsti/WCC_debut.ow

147Arrêt Salabiaku c/ France, 07 octobre 1988, série A141A.

Les divers organes internationaux (Secrétaire général des Nations Unies, Conseil de sécurité...) et régionaux (Conseil de l'Europe...) rappellent le nécessaire respect de l'Etat

de droit dans la lutte contre le terrorisme. Ils considèrent, en effet, que l'Etat de droit est souvent mis à mal. Ces violations répétées par diverses nations signifieraientelles qu'il existe un antagonisme entre Etat de droit et lutte efficace contre le terrorisme ?

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