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Révision de la Constitution sénégalaise de 2001

( Télécharger le fichier original )
par Mahmoud Khamal Dine BAYOR
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maîtrise de Droit des Relations Internationales 2007
  

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Paragraphe II

Cumul de fonctions et la transhumance parlementaire.

Une autre manifestation de la ferme volonté du Constituant de 2001 de procéder à des innovations importantes réside dans les réponses tranchées à des questions contenues dans certaines dispositions de la Constitution de 1963. Il en est ainsi de la question incontournable en matière politique de la position du Président de la République face à son parti. En d'autres termes, le Président de la République peut-il être chef de parti ?

Au regard de la tradition constitutionnelle ou de la pratique politique, l'on ne serait nullement dans le faux d'y répondre par l'affirmative ; car aucun des trois présidents que le Sénégal a connus depuis son indépendance n'a guère cessé d'être chef de son parti une fois l'accession à la magistrature suprême réalisée. Mais si la pratique traditionnelle, sur cette question particulière de cumul de fonctions présidentielle et de chef de parti, a jusqu'ici été respectée pour des raisons purement politiques, elle n'en est pas restée pour le moins une violation des règles constitutionnelles entre 1960 et 2001 avant d'être légalisée par la Constitution du 22 janvier 2001.

En effet, la Constitution de 1960 et celle de 1963 prévoyaient que le Président de la République ne pouvait occuper, pendant toute la durée de sa législature, d'autres fonctions publiques ou privées. A titre justificatif, nous pouvons citer les dispositions des articles 23 et 32 respectivement tirées de la première Constitution du Sénégal indépendant et de celle de 1963 : « la charge du Président de la République est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction publique ou privée » ; puis, « la charge du Président de la République est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction publique ou privée même élective ».

Ainsi qu'on peut le constater sans produire de gros effort, la formule choisie par le Constituant de 1963 ne se différencie de la précédente que par la mention « même élective ». Une telle précision n'est cependant pas fortuite ; elle avait pour dessein de dissiper le doute que la première formule laissait planer sur la question de savoir si la fonction de chef de parti était visée par le Constituant de 1960 ; puisque la fonction de chef de parti est bien une fonction privée élective qui rentre dans le champ d'application de l'article 32 de la Constitution de 1963. On serait donc amené à se demander pourquoi en dépit de cette interdiction clairement formulée les Présidents Senghor et Diouf n'ont cessé d'être les chefs du parti socialiste ; et ce, jusqu'à la fin de leur règne. D'ailleurs, Seydou Madani SY écrit dans « L'alternance politique au Sénégal », que « l'expérience politique au Sénégal a montré que le texte n'a pas été respecté ni par le Président Senghor, ni par le Président Diouf : l'un comme l'autre était resté chef du parti socialiste alors que le texte visait également des fonctions électives, publiques ou privées ». Mais la réponse à une telle interrogation est ce qui a déterminé le Constituant de 2001 à modifier le droit en vue de le conformer au fait, à la réalité, à la pratique ou à la tradition : dans le système politique sénégalais, il difficile, voire impossible, au Président, qui veut se maintenir au pouvoir, de quitter la direction d'un parti qui lui a permis de conquérir ce pouvoir. C'est ici une réalité presque toujours inhérente aux régimes présidentialistes. A contrario, le régime parlementaire, dans lequel le Président n'a nul besoin d'être chef de parti, reste incontestablement un cadre où l'interdiction constitutionnelle du cumul des fonctions présidentielles et partisanes garde encore sa pertinence et ses chance d'être respectée. C'est sans doute ce qui a justifié le choix du Constituant de 2001 qui retient dans l'article 38 de la nouvelle Constitution que « la charge de Président de la République est incompatible avec l'appartenance à toute assemblée élective, assemblée nationale ou assemblées locales, et avec l'exercice de toute autre fonction, publique ou privée, rémunérée. Toutefois, il a la faculté d'exercer des fonctions dans un parti politique ou d'être membre d'académies dans un des domaines du savoir ».

Parallèlement à la question du cumul des fonctions, la Constitution du 22 janvier 2001 solutionne le problème de transhumance des parlementaires. « C'est une question classique du système politique depuis la restauration du pluripartisme et l'entée de l'opposition au Parlement »12(*). Il s'agit de se demander si le député qui démissionne de son parti conserve son mandat ou non.

La solution consacrée par la pratique institutionnelle sénégalaise antérieure à 2001, et confortée par une déclaration du Président de l'Assemblée nationale en date du 12 janvier 1980 -- solution qui, du reste, a fait jurisprudence en la matière -- consiste à considérer que « les députés exclus de leur parti ou démissionnaires restent encore députés de l'Assemblée Nationale »13(*). Cette solution s'appuie sur la théorie de la souveraineté nationale et le mandat représentatif, en vertu desquels « l'élu représente le peuple et non pas un parti, une faction ou une section »14(*) ; mais elle reste tout de même dépourvue de toute éthique, pouvant ainsi entraîner des glissements de majorités en cours de législature, préjudiciables à la stabilité institutionnelle. C'est cette éthique que restaure la Constitution de 2001 par le biais de son article 60 qui prévoit que tout député qui démissionne de son parti est automatiquement déchu de son mandat. En ce sens, on peut dire que l'article 60 constitue un acquis démocratique.

* 12 FALL (M. I.), opcit. pp. 138-139

* 13 Voir Le Soleil des 12-13 janvier 1980. Cité par M. Gounelle, « Les effets pervers du multipartisme constitutionnellement limité », Revue Penant 1981, pp. 44-52.

* 14 Extrait de l'article 3 de la Constitution sénégalaise du22 janvier 2001.

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