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Première alternance politique au Sénégal en 2000: Regard sur la démocratie sénégalaise

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par Abdou Khadre LO
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - DEA Science Politique (Sociologie Politique) 2001
  

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4. L'équation : Crise ouverte + Défections de cadres = Défaite

Donc le départ de plusieurs de ses responsables nationaux et régionaux, qui ont suivi Djibo KA en 1998, puis Moustapha Niasse en 1999, avait montré l'étendue des divisions au sein d'une formation que l'on savait déchirée par des querelles de « tendances ».

Seul le maintien d'une position électorale dominante avait permis jusqu'ici de garder un semblant de consensus. En fait, depuis au moins la fin des années 1980, la mission essentielle du parti était, essentiellement, de constituer un relais électoral au profit d'un leader, lui-même doté des pleins pouvoirs pour faire et défaire ses équipes dirigeantes.

Le PS avait déjà connu des remous et des désillusions avant les élections présidentielles de 2000. Comme nous l'avons vu, dès 1988, après des élections marquées par l'affermissement de l'opposition derrière Abdoulaye Wade, et l'irruption d'une contestation urbaine de plus en plus difficile à circonscrire, le parti socialiste avait dû passer par une série de remises en question. Elles étaient illustrées par la difficulté grandissante à tenir les congrès successifs du PS sans étaler au grand jour les divergences de stratégies. On peut penser cependant que le plus grand ébranlement pour le PS est venu de l'expérience des gouvernements de majorité élargie qui, à partir de 1991, a permis d'associer plusieurs partis d'opposition à la gestion des affaires.

Habitués à la fusion des pouvoirs entre le parti et l'Etat, les socialistes sénégalais ont eu du mal à digérer cet amoindrissement, surtout symbolique, de leur position. Mais les reculs électoraux successifs ont montré toute la validité de leurs inquiétudes. La volonté de Diouf, dès ces années-là, de « prendre de la hauteur » et de s'écarter de la gestion du parti, a accru la déstabilisation d'un parti qui supportait dès lors de moins en moins de se voir considérer comme une simple machine à faire voter, où un centralisme pesant tuait toute velléité de débat. Le choix formulé dès 1995 de transmettre les clés du parti à l'homme de confiance du Président, Ousmane Tanor Dieng, a cependant été fatal.

Les autres prétendants à la succession, aussi bien que les « barons » du PS n'ont pas supporté d'être marginalisés par la faute d'un homme dont la ténacité et le manque de diplomatie leur semblaient être les principales caractéristiques. La suite est connue : tentés de faire apparaître leur différence tout en restant dans la maison, les chefs de file des courants « légitimistes » ou « rénovateurs » étaient désavoués.

En initiant son « renouveau démocratique », surtout dirigé contre les nouvelles instances dirigeantes mises en place par Tanor Dieng, Djibo Leyti KA s'est vu montré la porte de sortie. Il entraîna avec lui quelques cadres, et emportait aussitôt un franc succès aux élections législatives de 1998. La défection de Moustapha Niasse était encore plus retentissante, s'agissant d'un des hommes politiques du PS les plus chevronnés, à la tête de vastes réseaux d'amitié et d'intérêts au sein du pays.

Nombreux avaient été auparavant les socialistes à s'inquiéter des conditions dans lesquelles Abdou Diouf avait procédé, en 1998, à une refonte constitutionnelle qui l'autorisait à se représenter pour un troisième mandat, en l'an 2000. Conjugué avec l'adoubement d'Ousmane Tanor Dieng comme successeur désigné, la décision a paru dangereuse et inique car Diouf qui se posait lui-même en candidat de transition, ne laissait dans le même temps aucune chance à la compétition loyale entre prétendants socialistes. Les dénonciations devenues criantes, du « centralisme démocratique », y compris parmi les fidèles de Diouf, ont montré quel était l'état d'esprit dominant.

Au sortir des élections, les socialistes ne savaient plus à quoi se raccrocher. « Ils espèrent que la déroute des présidentielles sera sanctionnée par le départ de Ousmane Tanor Dieng » (Alioune Fall, du quotidien Wal Fadri).

Conclusion

Au Sénégal, plus qu'ailleurs, on a le souci de la convenance institutionnelle, et on a su, bien mieux qu'ailleurs, tirer tous les fruits diplomatiques d'une excellente image de marque du pays. Une image qui paraît excessive car Senghor n'a certainement pas inventé le multipartisme en Afrique. Mais, il a su diffuser, avec élégance, une belle image doté d'un vrai contenu : le Sénégal était réputé pour sa culture, pour son enseignement supérieur, pour sa justice et son administration. Cependant, les étudiants révoltés de mai 68 à Dakar, aujourd'hui au pouvoir, le savent bien, il en était tout autrement pour son libéralisme politique.

Abdou Diouf a créé en 1981 la démocratie sénégalaise, ou plutôt une forme adaptée de socio-libéralisme, en instaurant le multipartisme intégral. Mais le climat libéral ne fut jamais dans les années Diouf le synonyme d'un jeu démocratique régulier.

Les élections de 1988 (comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises) se sont tenues dans la violence pour se prolonger dans l'arbitraire avec l'arrestation des leaders d'opposition. Elles ont surtout permit à Abdou Diouf d'affermir ses positions au sein du « Parti-Etat » socialiste.

Les « gouvernements de majorité élargie », ont abusivement été qualifiés de « gouvernements d'union nationale ». Ils ont surtout servi au maintien du statu quo, en brouillant aux yeux de l'opinion les possibilités d'une alternance. Les élections de 1993 ? Elles sont manifestement « entachées de fraude » (selon nos interviewés), et donnèrent comme les scrutins suivants l'exemple d'une faible maîtrise logistique des opérations électorales. La modification constitutionnelle de 1998 ? Elle parut « scandaleuse, et ne fut qu'une manipulation institutionnelle aux seules fins d'ajouter un ultime mandat de sept ans à deux décennies de règne sans partage de Diouf » (Demba N'Diaye, rédacteur en chef du journal, Sud Quotidien). A quoi on ajoutera une tradition de violences pré et post-électorales endémiques, et surtout cet immobilisme tragique d'un système socialiste vieux d'un demi-siècle, avec son lot de corruption régulée et de clientélisme parasitaire, le déclin économique fournissant une illustration dangereuse de ce blindage politique. Pendant ce temps, et les intellectuels sénégalais n'ont cessé de dire, relayés par une presse dont le professionnalisme est à souligner (nous y reviendrons), que l'Afrique changeait, quand le Sénégal se banalisait.

Les présidentielles de 2000, même si le recul manque encore, sont exemplaires et dans la lignée des législatives de 1998. Elles sont beaucoup plus satisfaisantes que les précédents exercices.

Pour la première fois un observatoire (l'ONEL) a joui d'une réelle indépendance. Pour la première fois, un effort louable de « nettoyage » du fichier électoral a été entrepris par un ministre de l'Intérieur, dans une rare transparence (soulignons que le fichier était accessible sur Internet) malgré la polémique des cartes d'électeurs. Surtout, pour la première fois, le Parti Socialiste trouvait sur sa route certains de ses anciens dirigeants, parfaitement conscients des méthodes et ficelles du passé en matière de manipulation électorale. Aussi, la fraude a paru spécialement limitée, malgré quelques accrocs, au moment où la société civile et les partis politiques montraient un remarquable savoir-faire dans le quadrillage et le contrôle des procédures de vote sur tout le territoire.

Tout ceci constitue beaucoup de points positifs. A quoi on ajoutera le geste de Diouf, saluant la victoire de son adversaire avant la proclamation officielle des résultats. Un beau geste (politique). Abdou Diouf désarmait ainsi l'acrimonie et les envies de revanche de ses ennemis d'hier et coupait court à toutes les velléités de résistance extra-électorale de son camp. Il se donnait une figure de digne démocrate au moment du retrait. Les sénégalais ont fait leurs délices de cet acte politique, en oubliant que d'autres ont pu l'accomplir, il y a déjà longtemps, en d'autres circonstances. En 1990, Aristides Pereira, Président du Cap-Vert, adressait par anticipation ses félicitations à son challenger.

Pour comprendre cet enthousiasme, il faut voir ce que représente ces élections pour les sénégalais et surtout, après les cadres politico-institutionnels, les conditions sociales de cette alternance.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote