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Première alternance politique au Sénégal en 2000: Regard sur la démocratie sénégalaise

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par Abdou Khadre LO
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - DEA Science Politique (Sociologie Politique) 2001
  

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II / UNE SOCIETE CIVILE ACTIVE

« les régimes démocratiques se distinguent par l'existence, la légalité et la légitimité d'une variété d'organisations et d'associations qui sont réellement indépendantes par rapport au gouvernement aussi que l'une vis-à-vis de l'autre. »36(*)

Bertrand Badie considère qu'une société civile dans sa construction repose sur trois principes : « La différenciation des espaces sociaux privés par rapport à l'espace politique ; l'individualisation des rapports sociaux qui confère ainsi à l'allégeance citoyenne une valeur prioritaire ; l'horizontalité des rapports à l'intérieur de la société qui fait préférer la logique associative à la structure communautaire et qui, à ce titre, marginalise les identifications particularistes au profit de l'identification stato-nationale. »37(*) Cela semble limiter considérablement la possibilité d'existence de sociétés civiles sous les tropiques, or, dans le cadre sénégalais, il y a bien eu une manifestation de la société civile.

Il faut dire que l'effritement progressif du pouvoir socialiste s'est accompagné, depuis la fin des années 1980, d'une perte d'influence du mouvement syndical officiel, représenté par la Confédaration Nationale des Travailleurs Sénégalais (CNTS), de plus en plus battue en brèche par des syndicats autonomes. Parmi les secteurs les plus sensibles, le syndicat des travailleurs de l'électricité, dont est issu Mademba Sock (candidat aux présidentielles de 2000), ou le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES) ont mené de nombreuses actions ces dernières années. La grève générale de juin 1999, la troisième de l'histoire du Sénégal, suivie très massivement, a montré, dans un contexte économique déprimé, la force de mobilisation des travailleurs, qui ont obtenu un certain nombre de concessions du gouvernement.

Plus ou moins structurée, la contestation étudiante est aussi une constante du paysage politique sénégalais, même si sa vigueur est moins grande qu'au début de la décennie.

La presse, réputée l'une des meilleurs du continent, a vu sa physionomie se stabiliser ces dernières années avec plusieurs quotidiens indépendants à la parution régulière, en plus du quotidien officiel, Le Soleil. Si la presse écrite touche une élite urbanisée, le développement de radios FM et la diffusion de programmes en langues nationales a beaucoup étendu l'influence d'une presse volontiers critique à l'égard du pouvoir, et constitue désormais un vecteur du pluralisme non négligeable.

Les changements qui sont intervenus au Sénégal ont été imposés aux anciens dirigeants du pays car l'ancien gouvernement ne pouvait pas continuer à tromper le peuple pour se maintenir au pouvoir. Ce n'était plus possible parce qu'il y avait une évolution sur le plan international mais aussi et surtout au niveau local notamment avec l'émergence d'une société civile consciente à travers les ONG, les syndicats, des groupements de différentes catégories socio-professionnelles. Il s'agit principalement des groupements de femmes, d'intellectuels, de journalistes etc. En fait tout ce qui fait parti, un peu, de la gouvernance locale. Les différents groupements ont exercé, à un moment donné, dans un secteur précis, des pressions sur le gouvernement.

Les intellectuels sénégalais, très conscients des enjeux politiques, trouvent à s'exprimer dans la presse et participent à nombre de conférences ou réunions de réflexions. Certains occupent des postes importants au sein de l'administration, tout en gardant une certaine liberté de ton. Leur critique, de plus en plus acerbe, de la démocratie sénégalaise qu'ils ont longtemps qualifié de « démocratie sans alternance » est illustrée par les travaux ou les prises de position d'universitaires comme Mamadou Diouf, Momar Coumba Diouf, Kader Boye, Amady Ali Dieng, ou encore l'histoirenne Penda Mbow. Les écrivains et les artistes sont généralement plus en retrait, à l'exception notable de la valeur montante de la littérature sénégalaise, Boubacar Boris Diop.

Cependant, il faut relativiser, la force de cette société civile. Les militants des droits de l'Homme, réunis notamment au sein de l'ONDH, savent se faire entendre, mais ne contribuent que marginalement au débat politique, encore largement assumé, c'est une constante dans ce pays où le multipartisme est une réalité ancienne, par les partis constitués. En effet, cette société civile n'est pas très appréciée par les partis politiques. Un exemple illustre parfaitement ce dépit des politiciens.

Le 27 juillet 2000, le tribunal correctionnel de Dakar condamne le directeur de publication d'un quotidien sénégalais à trois mois de prison avec sursis et 5 millions de F CFA de dommage et intérêts. Les faits remontent au 17 Septembre 1999, lorsque ce quotidien titrait : « Les ONG se jettent sur les dollars de l'Usaid .» (Une agence américaine pour le développement international). Jean-Paul Diaz, le chef d'un parti politique y faisait une sortie virulente contre un collectif d'ONG. Onze d'entre elles avaient, en effet, perçu 160 millions de F CFA de l'Usaid pour mener une campagne destinée à inciter les sénégalais à s'inscrire massivement sur listes électorales, en vue de la présidentielle de février-mars 2000.

« Cet argent, écrivait J.-P Diaz, également député, sert à enrichir les responsables de ces ONG, alors que ce travail, les partis politiques le font très bien. » Se sentant diffamées, les ONG ont porté plainte mais le député, protégé par l'immunité parlementaire, ne s'est jamais présenté au tribunal et c'est le journal qui a été condamné. Cette affaire illustre bien les relations heurtées entre les partis politiques et les ONG qui font connaître leurs droits et leurs devoirs aux citoyens.

- « Ma carte d'électeur, ma force »

Pour ces organisations, l'élection présidentielle a été un temps fort. Pendant plusieurs semaines, le collectif a organisé des rencontres dans les quartiers, notamment populaires. Causeries, débats et sketchs étaient au menu pour pousser les gens à s'inscrire et à retirer leur carte d'électeur.

Pour évaluer leurs activités, les ONG avaient une astuce : contre la présentation de son récépissé d'inscription, le futur électeur avait droit à des cadeaux, notamment des tee-shirts sur lesquels on lisait : « ma carte d'électeur, ma force », avec en surimpression le baobab, emblème du Sénégal. Des millions d'autocollants ont aussi été distribués avec ces puissants slogans : « s'inscrire, c'est choisir l'avenir de son pays » ou « je retire ma carte et je vote ». Collés sur les pare-brise des véhicules, dans les lieux publics et dans les foyers, ces messages n'ont laissé personne indifférent. D'autant que ces tee-shirt, épinglettes, autocollants, affiches didactique ont aussi été distribués dans les campagnes.

De fait, les électeurs se sont inscrits en masse d'où le taux de participation record de 61,12% enregistré aux élections. Ces acteurs de la société civile ne se sont pas arrêtés là. Le Forum civil, une émanation du collectif des ONG, a aussi invité les candidats à la présidentielle à présenter leur programme devant des experts afin de les mettre devant leur responsabilité et éviter les sempiternelles promesses politiciennes. Il a combattu pour la transparence du scrutin dont le fichier électoral, pomme de discorde entre l'opposition et le parti au pouvoir, constituait le pivot.

Pour éviter les violences post-électorales, ce collectif a même réussi à décrocher les signatures d'Abdou Diouf et de son challenger Abdoulaye Wade, les engageant à accepter le verdict des urnes quelle qu'en soit l'issue. Ce qui fut fait : vaincu, le président Diouf a félicité Wade ; ceci à un moment critique où tous les sénégalais s'attendaient à « un coup de force » d'autant plus que depuis 1988, ils étaient habitués à ce que des violences ponctuent toutes les élections au Sénégal. « Aujourd'hui c'est un sentiment de fierté qui m'anime. Nous sortons d'élections non contestées et sans violences... » se glorifiait Mazide N'Diaye, président du Front d'action de la société civile (FASC), au lendemain des élections.

* 36 Robert. A. Dahl, in V. Bogdanor (dir. Publ.), The Blackwell Encyclopaedia of Political Institutions, Oxford, Blackwell Référence, 1987, p. 167.

* 37 Bertrand Badie, L'Etat importé. L'occidentalisation de l'ordre politique, Fayard, 1992, p. 86.

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