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Culture et traumatismes psychiques; comprehension et prise en charge psychologique du PTSD

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par Simon NSABIYEZE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Psychologie Clinique 2004
  

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0. INTRODUCTION GENERALE

0.1. QUESTION DE DEPART

La majorité des intervenants et chercheurs en santé mentale, à l'exception de quelques courants innovateurs, se préoccupent de classifier des troubles dans des « nosographies » et de proposer des thérapeutiques stipulées dans des manuels et inspirés de l'expérience clinique, souvent sans tenir compte d'un élément important dans le façonnement du psychisme : la culture.

Des questions persistent sur l'existence d'un psychisme universel. G. DEVEREUX (1972, 1980) nous donne une issue. Il fait la thèse d'une uniformité de la psyché humaine mais reconnaît la diversité des cultures. Il postule que ce qui fait la différence des peuples, c'est la façon dont ce psychisme universel se manifeste à travers la culture de chaque société, dans son lieu, sa logique et son langage (expressions au sens large) propres.

Dans une logique déductive, nous proposons un postulat selon lequel la structuration et l'expression du psychisme de tout peuple et en l'occurrence des Rwandais revêtent des particularités relatives à la culture partagée par tous les Rwandais.

Nous voudrions comparer la structure de ce psychisme à un cristal en référence à la métaphore de cristal brisé de S. FREUD. Celui-ci, dans ses « Nouvelles conférences » cité par J. BERGERET (1986, p.15) nous dit : «Si nous laissons tomber à terre un bloc de minéral sous forme cristallisée, il se brise mais pas d'une façon quelconque; les cassures s'opéreront selon les lignes de clivage dont les limites et les directions bien qu'invisibles extérieurement jusque- là, se trouvaient déjà déterminées de façon originale et immuable par le mode de structure préalable dudit cristal ».

Partant du postulat que la structure du psychisme Rwandais serait différente de celle des psychismes irakien, togolais ou américain, etc.; une question se pose : Si ce psychisme Rwandais se "cassait'', - pour diverses raisons: Guerres, génocides, etc. -- se briserait-il de la même façon que ces autres dont il diffère par leur structure et n'ayant pas les mêmes prédispositions au clivage ? Et si une phase de réparation arrivait, devrait-t-on recoller les morceaux de la même façon ? A toutes ces questions, il semble logiquement difficile de répondre oui .

Le psychisme Rwandais a subi de très violents secousses, a été jeté par terre (restons dans la même métaphore) et les clivages se manifestent sous diverses formes de pathologies mentales : allant de simples angoisses en passant par des troubles du comportement et autres troubles psychiatriques de gravité et complexité extrêmes mais aussi et surtout les troubles du registre du traumatisme psychique. Ces troubles sont d'une épidémiologie accrue dans notre pays ces derniers temps. Les clivages vont également s'observer dans les liens interpersonnels hypothéqués et dans la tentative problématique de la communauté de s'auto reconstruire.

Toujours dans notre logique de questionnement, permettez- nous de nous poser encore quelques autres questions : faut-il chaque fois chercher à calquer les clivages de « notre cristal » (le psychisme Rwandais) à ceux d'un cristal autre que le nôtre ? Ne devrions nous pas, sans faire fi de ce qui est décrit dans des manuels internationaux,(le DSM et l'ICD par exemple), penser une compréhension et une prise en charge rigoureusement contextualisées?

N'entendez pas en ce questionnement une remise en cause des acquis de la science, de la psychiatrie en particulier, ni une aventure visant à discréditer l'universalité de certains principes médicaux et thérapeutiques. Notre idée en est que la culture devrait être le socle à partir duquel devrait se faire tous les diagnostics dans le domaine de la pathologie mentale. Car, comme l'a soutenu LINTON, c'est notre société qui nous fournit des « modèles d'inconduites ». Il est certes évident qu'il existe des points de comparaison entre diverses organisations psychiques issues des cultures différentes, mais les spécificités inhérentes à chaque culture influencent remarquablement la clinique. Nous pensons que cela doit être sérieusement tenu en considération dans le contexte Rwandais .

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0.2. PROBLEMATIQUE

L'être humain est un être social par essence qui ne peut pas vivre en dehors de la société dont il est acteur et produit. Sa santé etIou sa pathologie, sa façon normale ou perverse d'être et d'agir sont à la fois déterminées et codifiées par son environnement, son contexte socio-historique et culturel.

Le Rwanda a connu le génocide qui a pratiquement tout endommagé, qui a détruit le matériel et l'immatériel, les vies humaines et surtout le tissu social. Le génocide a détruit l'homme au sens biologique et s'est attaqué à ce qui fait l'humain au-dessus du biologique; qui pourtant était le pilier de l'existence. La construction que la société avait faite de l'homme a été démolie.

En ces moments de l'après génocide, nous assistons à des souffrances traumatiques consécutives au vécu de beaucoup de Rwandais durant la guerre, le génocide et les massacres de 1994. Ces souffrances sont si complexes et diversifiées qu'elles méritent d'être étudiées dans leurs divers contextes. Nous rencontrons de nombreuses personnes qui présentent des signes d'état de stress post-traumatique (PTSD) parfois l'ignorant, des personnes ayant perdu le sens de la vie parce que tout ce qui donnait sens à la vie pour eux a été foulé au pied.

Les gens ont perdu les membres de leurs familles et leurs proches, les parents ont été obligés à violer, tuer ou enterrer vivants leurs enfants et vice-versa. Les humains furent cruellement maltraités par d'autres humains qui pourtant avaient une obligation morale et socioculturelle de les protéger. Beaucoup de gens vivent un état d'insécurité et d'inconfort psychologique et social, de désespoir et d'incertitude quant à l'avenir.

A titre d'illustration, les statistiques sur le PTSD au Rwanda sont alarmantes. Le rapport annuel 2003 de l'HNP- CARAES NDERA montre que plus de 18% des consultations sont des troubles névrotiques où se classe le PTSD et plus de 5% de consultations en 2003 au SCPS ont été les troubles post- traumatiques. Le problème est sans doute sous estimé en raison de la difficulté liée au diagnostic. En effet, la dimension culturelle n'est pas souvent tenue en compte et le phénomène de complication du trouble est mal connu. Le PTSD devient de plus en plus multiforme et polymorphe et se complique en troubles psychiatriques divers .

Malgré le nombre accru de personnes souffrant ou potentiellement pouvant souffrir de PTSD, les professionnels de santé compétents et les institutions de soins sont comptés au bout des doigts.

La situation se complique aussi par le manque de support théorique pouvant sous tendre les interventions dans ce sens. L'importance et la gravité de la problématique de maladie mentale sont modulées par l'histoire antérieure du sujet, sa personnalité sous-jacente d'une part et par le type de réseau familial, social et culturel dans lequel il s'inscrit d'autre part. Il s'avère donc que la compréhension intégrale du PTSD n'est pas exclusivement une affaire de la psychiatrie classique ni de la psychologie individuelle, mais aussi l'affaire d'une approche éclectique incluant des aspects d'Anthropologie, d'Ethnopsychiatrie, de Psychiatrie transculturelle et de Psychologie clinique évidemment.

En effet, au Rwanda, l'expérience traumatisante a bousculé les fondements psychologiques et sociaux de la normalité (coutumes, interdits, valeurs sociales, habitudes, croyances, etc.). Sûrement que, quoique non encore bien élucidé; cet aspect se manifeste dans le vécu des personnes souffrant de PTSD. La culture Rwandaise, dans ce qu'elle avait de plus essentiels : la part de l'enfant dans la vie communautaire, la naissance ou la mort, la sexualité et le mariage, les relations parents- enfants, la protection de la fille et de la femme etc., a connu d'intenses secousses. Cela aussi, même si non encore démontré par des études, se répercute dans l'après génocide et se traduit dans la souffrance de beaucoup de gens.

Certaines facettes de la problématique ont été étudié part Espérance UWANYIRIGIRA (1995, 2002), Naasson MUNYANDAMUTSA (2001,2003), Béatrice STOKLI (2004), Eugène RUTEMBESA (2004), Vincent SEZIBERA(2004) entre autres, mais le vide théorique dans la compréhension et la prise en charge contextuelles du PTSD au Rwanda se fait encore sentir actuellement.

Chercheur débutant et futur clinicien, nous nous proposons d'entreprendre la présente étude pour fournir un outil à la fois théorique et pratique sur le PTSD et sa prise en charge au Rwanda. Nous étudions le domaine jusqu'alors très peu exploré au Rwanda: La part de la culture dans la compréhension et la prise en charge des maladies mentales. Nous espérons impulser une réflexion dans ce domaine et rompre le statu quo qui entraînerait à la longue l'effondrement psychologique de la communauté Rwandaise .

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0.3. QUESTIONS DE RECHERCHE

1. Existe-t-il des rapports entre la culture et les maladies mentales ? Qu'en est-il au Rwanda ?

2. Quels rapports peut-on établir entre les indicateurs du processus évolutif de la culture et les manifestations du PTSD au Rwanda ?

3. Quelle serait la thérapeutique contextuelle du PTSD au Rwanda ?

0.4. OBJECTIFS DU TRAVAIL

1) Montrer des rapports entre culture et santé mentale au Rwanda ;

2) Établir des relations entre les indicateurs du processus de destruction de la culture et du tissu social Rwandais et les manifestations du PTSD au Rwanda;

3) Proposer des principes et orientations de base d'une thérapeutique du PTSD au Rwanda tenant compte du potentiel socioculturel Rwandais.

0.5. HYPOTHESES DE TRAVAIL

a. Hypothèse générale

Nombreuses sont des théories qui ont été émises et défendues sur les causes des maladies mentales et leur thérapeutique. Dans le domaine de la pathologie mentale, plusieurs recherches ont montré la nécessité de tenir en considération le problème de la subjectivité du patient, de la question fondamentale des rapports du sujet malade avec le monde des valeurs, d'attitudes et croyances, de rites et cérémonies, de symboles et représentations ainsi que ses réalités socio-historiques. Par ce fait, cette étude est menée partant du postulat selon lequel : « la santé et la maladie mentale sont intimement liées au contexte culturel au sein du quel ses phénomènes sont étudiés ».

b. Hypothèses opérationnelles

En guise de réponses provisoires à des questionnements précédemment soulevés sur le PTSD au Rwanda et en guise de compléments et clarifications à l'hypothèse principale, deux hypothèses opérationnelles sont posées. La première est : « le processus de destruction de la culture et du tissu social Rwandais se traduit à travers divers comportements des membres de la société, les manifestations du PTSD au Rwanda en sont un indicateur éloquent» .

La seconde hypothèse est formulée comme suit : « l'efficacité et la pertinence des modèles de traitement du PTSD dépendent de la maîtrise des phénomènes de destruction de la culture et du tissu social ainsi que des stratégies de reconstruction de ces instances au sein de la société Rwandaise ».

0.6. CHOIX ET INTERETS DU SUJET

Le choix du sujet a été motivé par des statistiques alarmant sur le PTSD et par la situation généralement inquiétante des souffrances post traumatique consécutives au génocide de 1994 et aux événements qui s'en sont suivis. Ces personnes sont toujours à la merci de cette souffrance inintelligible et souvent impartageable sans prise en charge adéquate.

La présente recherche s'alimente d'une triple motivation : personnelle, sociale et académique. En effet, compatissant à la souffrance de ces personnes, nous voulons apporter une modeste contribution à leur soulagement. Par la présente recherche nous voulons mettre à profit des aptitudes acquises durant notre formation académique pour fournir aux professionnels un éclairage à travers ce travail de Mémoire.

0.7. METHODOLOGIE

La méthodologie utilisée consiste en une analyse documentaire complétée par des séries d'entretiens semi- directifs avec les personnes ressources (Inararibonye), les soignants et les patients souffrant de PTSD. Les manuels de classification internationale (DSM et ICD) ont servi de référence principale dans notre travail de lecture exploratoire et de vérification des diagnostics posés. Trois guides thématiques d'entretien ont été utilisés ; un pour chaque catégorie d'interviewés. Au total cinq personnes ressources de formation et expériences variées ont été abordées. Elles sont issues de l'IRST, Inteko izirikana, ARPA, AMI et il y a parmi eux un pensionné ancien agent de l'Etat. Cinq soignants ont été abordés. Ils sont de CHUB, HNP Caraes Ndera, Caraes Butare, Hôpital de Ruhengeri et du SCPS.

Les critères d'inclusion pour les patients ont été : souffrir du PTSD, le diagnostic ayant été retenu par un soignant habilité de l'institution et être soigné dans l'une des deux institutions de recherche choisies : Le SCPS et l'Hôpital de Ruhengeri. Sur un grand nombre de patients rencontrés au départ, cinq ont été préférentiellement retenus et été objet d'entretiens supplémentaires eu égard à notre logique de recherche, aux objectifs et hypothèses de l'étude .

De plusieurs situations cliniques suivies, il ressortait que certains renseignements étaient en quelque sorte superposables d'où nous avons pris un cas pour chaque situation clinique spécifique. Ainsi ont été retenus trois cas les plus illustratifs des cas cliniques suivis à Ruhengeri et deux au SCPS.

Les deux institutions (SCPS et l'Hôpital de Ruhengeri) ont été choisies pour leur caractère urbain pour le premier et rural et réputé traditionaliste en matière de pratiques et rituels culturels pour le second. Nous voudrions confronter les informations issues des deux milieux. L'enregistrement a été utilisé en cas de consentement de l'interviewé et l'analyse thématique de contenu utilisée dans le traitement des informations récoltées. Signalons pour terminer que la rencontre des trois catégories de participants à notre recherche s'est déroulée dans une période de cinq mois : de juin à novembre 2004.

0.8. LIMITES DE L'ETUDE.

Notre recherche s'est délimitée aux théories suivantes :

- L'ethnopsychiatrie

- La théorie psychanalytique et plus spécifiquement l'Anthropologie psychanalytique.

- La psychologie clinique inter et transculturelle

- Les théories cognitives et comportementales.

Quant à la délimitation pratique, la présente recherche devait concerner les soignants, les personnes ressources et les patients. Chaque catégorie compte cinq personnes. Nous reconnaissons humblement avoir travaillé avec des échantillons réduits, à cela il faut rappeler que nous nous inscrivons dans une approche qualitative et nous nous proposons, par cette voie, mener un travail en profondeur et engager une analyse bien structurée dans les limites de nos possibilités.

0.9. DIVISION DU TRAVAIL

Hormis l'introduction générale, la conclusion et les recommandations, notre travail est divisé en deux grandes parties : le cadre théorique et conceptuel et le cadre pratique. Le cadre théorique comprend trois chapitres : Le premier parle de la théorie sur la culture, le second fait une compilation des théories sur le PTSD et le troisième parle de la culture et les maladies mentales. Le cadre pratique contient le chapitre quatre sur la méthodologie, le chapitre cinq sur la présentation des résultats, analyse et compréhension des cas étudiés. Le sixième et dernier chapitre traite des considérations thérapeutiques .

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld