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Place et rôles des temples protestants malgaches dans la construction d'une communauté à Paris

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par Hery Andry I.V RAKOTONANAHARY
Université Denis Diderot Paris 7 - DEA Sociologie 2002
  

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2.2 Trois facettes de l'offre institutionnelle

2.2.1 Une Facette Religieuse

Une Ritualité

« La FPMA a ses pratiques cultuelles, utilise une liturgie rituelle et des cantiques fixés par le règlement »95. Je prends trois pratiques où le rituel est fortement marqué. Il s'agit de la pratique de la liturgie, l'utilisation des différents postes à responsabilité au sein d'un Temple et les réunions cultuelles quasi-liturgiques des revivalistes96 (fifohazana), une section au sein du Temple de la rue CHAUCHAT.

La liturgie protestante suivie par les Malgaches protestants des deux Temples combine deux traditions majeures, celle des protestants réformés de Madagascar (FJKM) et celle des luthériens malgaches. Les chants et les manières même de réaliser un dimanche suivent ces deux tendances.

A CHAUCHAT, la liturgie est formalisée et chaque membre a une feuille dans laquelle est imprimée la séquence des moments liturgiques entre autres les chants, les prières et la quête. A DANTON, la feuille pour la liturgie est publiée et distribuée tous les dimanches. Le pasteur cherche à diversifier les tendances : un dimanche, ils suivent la liturgie luthérienne et le prochain dimanche celle qui se rapproche des réformés.

Mais la liturgie proprement dite a son préliminaire, c'est l'accueil et la préparation du lieu. Les responsables s'affairent pendant ce temps là à terminer leurs tâches avant le commencement du culte.

Dans mes notes d'observation j'écrivais « À DANTON, le Temple a la surface triangulaire, les gens observaient le silence tout en se regardant.

95 L'article 6 du statut de la FPMA, intitulé : « rites et pratiques »

96 Jean BAUBEROT décrit les Réveils dans son livre « Histoire du Protestantisme » (1998,) pp86-99.

Ils se saluent doucement en malgache ou en français. Une personne essaie de répéter sur les claviers de l'orgue les chants qui vont probablement être chantés tout à l'heure. On est treize dans la salle et le pasteur vient de retarder pour quelques temps le commencement du culte. Sur les bancs se trouvent les feuilles qui annoncent le déroulement du culte. Je prends une des feuilles qui se trouvait par là et voici mes descriptions. La feuille est une moitié d'une feuille A4 avec en haut le logo de la FPMA, la date et l'adresse, tout est écrit en malgache. Pour chaque séquence de la liturgie est marquée la section responsable, pour aujourd'hui, la section jeune va lire avec la section musique la Bible. Une personne de la section Eveil va prier etc.... En bas de la feuille se trouvent la date, l'heure et le lieu où va se dérouler le culte pour la semaine sainte. Les chants sont référencés selon le numéro et le titre dans cette feuille. Les bruits du clavier m'empêchent d'entendre la conversation des gens».

Dans la liturgie on constate une forte gestion de la participation de tous. C'est le pasteur qui a rédigé la liturgie à suivre. J'ai eu l'impression que les gens qui se trouvent à DANTON se sont rencontrés depuis longtemps. Ils se connaissent c'est peut être parce qu'ils sont peu nombreux (ils étaient au maximum 47 individus). Mais ceci vient aussi du fait de les avoir fait participer lors des liturgies.

Le culte à travers la liturgie est une cérémonie religieuse. « A CHAUCHAT, l'emplacement des gens est significatif: les maîtres de la cérémonie se trouvent devant, ils sont composés de diacres habillés ou non d'un costumes appropriés (de couleur blanche). La chorale se place dans les premiers bancs. J'ai mainte fois vérifié que les gens ont tendance à garder les mêmes places (a droite, à gauche, devant, derrière). Le pasteur monte à la chaire pour faire le sermon et uniquement pour le sermon. La salle est sonorisée. Les gens sont endimanchés »

L'aspect religieux des rites est marqué dans les lieux. La religiosité et son maintien sont dictés par l'offre liturgique. La répétition de la liturgie fait que les gens incorporent des habitudes et des manières d'être dans les Temples.

La participation des gens lors de la liturgie est une forme des participations possibles offertes par les Temples. A CHAUCHAT, les sections ont des tâches d'intérêt général comme le fait de balayer l'église après les cultes. Chaque section a son tour. Mais les tâches de chaque section sont déjà identifiées et identifiables par les réglementations intérieurs de chaque temple.

A travers des postes à responsabilité, les membres97 sont appelés à adhérer. Le discours commun étant celui tout le temps répéter : « pour le Temple ».

Des membres sont élus pour être membre du diacre98 et ils sont invités pour être responsables de section ou pour être chorale. Les postes à responsabilité sont nombreux. C'est ce qui donne une variété de possibilité de participation pour les membres. La réalisation des responsabilités pour le Temple est facilement observable et contrôlable pour les leaders qui gèrent la communauté. La religiosité se démontre ici par la pratique et la prise de responsabilité.

Le rituel, intitulé Travail et foi (asa sy finoana), est un rite mené par la section d'Eveil99, tous les deuxièmes dimanches du mois dans le Temple de CHAUCHAT. C'est une sorte de deuxième culte après le culte. L'expérience que j'ai vécue une fois dans le cadre de cette recherche m'a fait voir que le culte des revivalistes est très fort en émotion et pleinement riche en religiosité. Je notais dans mon carnet : « les personnes habillées en blanc se trouvent devant et ils se tiennent debout, une vingtaine. Ils lisent quelques versets en malgaches puis la traduction séquentielle par une autre personne. Deux trois chants et puis ils avancent vers le public (une trentaine) en criant tous vade retro satana (« Miala ny satana »). Je crois que c'est le moment fort de cette réunion- culte. Il y a tellement de cris, de pleurs et de mouvements. Après, ils reviennent avec leur cri et au retour deux personnes se trouvent sur le sol pour une séance individuelle d'exorcisme. Ces personnes me font rappeler les gens possédés par des esprits (en particuliers ceux des ancêtres) à Madagascar. Cataplexiques. Après la séquence de l'exorcisme, c'est un temps plus calme : les revivalistes distribuent la bénédiction en mettant leurs mains sur la tête de quelques membres qui vont volontairement un par un devant eux pour demander une bénédiction. Pathétique».

La religiosité s'exprime ici par un partage d'émotion forte et la pratique de l'exorcisme. La scène est terriblement spectaculaire. Ce partage d'émotion renforce la cohésion du groupe et de la communauté. Les leaders responsables de cette réunion tiennent leur discours sur l'aspect spirituel de leur pratique.

97 Il existe deux catégories de membres selon le statut de la FPMA les membres simples (a reçu le baptême, est inscrit sur la liste, reconnaît et adhère à la FPMA), et les membres responsables ou à part entière (admis à la sainte cène, ont suivi une instruction religieuse adéquate, voix délibérative dans les activités du Temple, responsables)

98 Un des rôles des diacres selon RAISON-JOURDE : « il est enfin reconnu que les diacres doivent mettre leur aisance personnelle au service de la paroisse : le diaconat est une institution de la redistribution que les plus démunis attendaient déjà de la famille large comme un devoir des parents riches à leur égard ». (1992) p364.

99 4 mouvements d'Eveil existent à Madagascar, chaque mouvement porte le nom du lieu de leur centre : Ankaramalaza, Soatanana, Manolotrony, et Farihimena. A CHAUCHAT, les revivalistes sont d'Ankaramalaza dont le centre en France se trouve à Gardagne.

Des Dispositifs Visibles Et Constatables

Pour qu'un rite trouve bien sa ritualité et dans cette recherche sa religiosité, il faut observer les dispositifs visibles et constatables mis en oeuvre. Je prendrais comme faisant partie de ces dispositifs : les chants, une revue publié par la FPMA (le « vatsy »), et les temps des actions particulières.

Les chants constituent un dispositif particulier pour faire vivre le rituel cultuel. A travers les chorales, certainement, mais aussi par le fait que les Malgaches peuvent chanter ensemble et en langue malgache dans les Temples à Paris. Chaque chant exécuté ressemble à une performance communautaire. HUYGHUES-BELROSE Vincent (2001, p339) trouve dans son livre cette importance des chants religieux pour les Malgaches : « deux facteurs ont concouru à donner au chant religieux une importance exceptionnelle à Madagascar : les dispositions culturelles et le goût des Malgaches pour le chant choral d'une part, la technique d'enseignement et conversion des missionnaires et leur propre arrière-plan culturel et religieux d'autre part ». Ce ne sont peut être pas les seuls facteurs qui expliquent cette ritualisation des chants religieux. Il y a aussi le fait que ces chants sont tout le temps modelés pour être exécutés dans une autre version plus folklorique : le 100zafindraony. Tout cela semble être fait pour faire sentir dans chacun présent dans les cultes un sentiment malgache.

Aussi, la FPMA s'est dotée d'une revue « vatsy »101. Une revue rédigée en malgache et en français pour les membres. Cette revue regroupe des nouvelles venant des Temples FPMA, mais aussi elle informe sur l'histoire des Temples choisis et les idées religieuses de la FPMA.

Lors des liturgies, il existe des moments particuliers. Ce que j'ai appelé le temps des actions particulières. Il s'agit du temps de la quête, du temps des informations et du temps des voeux. Ces moments sont remarquables. Pour la quête, tout le monde se lève à CHAUCHAT, pour apporter sa contribution devant et quelquefois il y a deux quêtes pour un seul dimanche. C'est un temps pour voir les gens qui sont présents et donc un temps aussi pour marquer sa présence.

Le temps des informations est aussi capital car c'est là que les activités à réaliser et déjà faites sont rapportées. La participation de chacun peut être nommée lors des informations. Chaque nouvelle porte un verset de la Bible ou un extrait de texte de chants protestants. C'est un temps mémorable qui a une portée historique. Les événements comme les décès, mariage, baptême sont rapportés lors des temps des informations. C'est aussi un temps du devenir car les activités et projets du futur sont annoncés. C'est un temps pour les appels à la construction.

100 Nom d'un style de chant originaire du centre de Madagascar, particulièrement dans la région de Fianarantsoa, une région à forte implantation de congrégations catholiques. Une dizaine de chants protestants existent, à ma connaissance, actuellement en zafindraony. RAISON-JOURDE définit le Zafindraony comme « l'art du chant métissé ». (1991). p546

101 Publié à 500 exemplaires.

Enfin, il y a le temps des voeux (voady). Qu'on veuille faire un voeux ou qu'on ait vu réaliser son voeux, le temps des voeux qui se trouve juste après le temps des informations marque une autre forme de participation au rite liturgique. Chaque voeu est accompagné d'une somme d'argent et quelquefois de son attribution (exemple : tel pourcent pour le pasteur et tel autre pour une autre section). C'est aussi un moment particulier pour celui qui le fait, car il s'agit de reconnaissance si le voeu est exaucé et d'acte de confiance s'il est à exaucer. Je rappelle que les Malgaches sont des gens qui font beaucoup de voeux à travers des rituels divers102. Faire un voeu se valorise dans les cultes comme un temps religieux, un temps sacré parce que c'est un engagement vis à vis des autres, de toute la communauté présente et vis à vis de Dieu.

Un Espace Du « Donné à Croire »

« Les institutions religieuses ne sont pas les seules à offrir du « donné à croire » » (Willaime, 1998). Ceci est vrai dans le sens où riche de croyances traditionnelles, les gens qui débarquent dans les Temples ont la possibilité de se retrouver dans une « fidélité paradoxale » à ces traditions ou avec d'autres croyances. Ceci est vrai pour les Malgaches et rappelons- le encore au passage que la religion traditionnelle est majoritaire à Madagascar et que le fait de s'affilier à la religion chrétienne ne signifie nullement que la référence aux valeurs des ancêtres soit impossible.

Les Temples sont des lieux où se réalise , pour reprendre l'expression de Michel de Certeau (1984)103, un « mouvement de l'espace vers la place ». Toutes les références se façonnent pour être incarnées dans les rites cultuels. A la fois, les Temples se refèrent aux messages de l'Evangile mais aussi ils se réfèrent aux caractères de la spiritualité attendue par la FPMA, aux valeurs de cette institution. Ce qui ne peut pas être forcement contradictoire mais plutôt complémentaire et cumulatif.

On peut voir la religiosité ici dans son aspect essentiel qui est le contenu de la croyance. La valeur des croyances est mise en scène lors des présences dans les cultes. Pour certains, la valeur de la malgachitude, de l' « âme malgache » est aussi importante que la valeur du protestantisme. Pour d'autres c'est plutôt l'inverse. Ce propos veut juste faire admettre une possibilité. Là où, d'autres voient réaliser un mouvement de l'espace communautaire malgache vers la place religieuse104, certains voient un mouvement de l'espace religieux vers la place communautaire. En tout cas c'est un mouvement où la répétition et la commémoration tiennent leur place respective.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille