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Place et rôles des temples protestants malgaches dans la construction d'une communauté à Paris

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par Hery Andry I.V RAKOTONANAHARY
Université Denis Diderot Paris 7 - DEA Sociologie 2002
  

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2.2.2 Une facette sociale

Place Des Rencontres

Les temples sont des « nouveaux » territoires communautaires. Beaucoup d'activités y sont menées à part les cultes : les écoles de dimanches, les différentes réunions des sections de l'église (les chorales, les revivalistes et autres regroupements). Pour mieux apprécier la valorisation de la présence sur le Temple et la valeur du Temple et de ses représentations, je pense singulariser trois expériences vécues. A chacune de ces expériences, les leaders se montrent être les acteurs principaux et gèrent les changements qu'y prévalent.

La première expérience, est celle de l'accueil des nouveaux membres. Pour les Malgaches de passage ou avec les convertis, les premières présences au Temple sont toujours remarquables. En tout cas les leaders tiennent à créer une sorte de moment particulier pendant lequel, ils évoquent ces nouvelles présences. A CHAUCHAT, les nouveaux inscrits sont priés de se lever pour être vus de toute l'assemblée. A DANTON, le pasteur m'a offert une fiche à remplir pour pouvoir être compté parmi les siens. Ces comportements sont de véritables appels à l'adhésion qui déterminent les prochaines participations.

La gestion des premières présences des nouveaux venus par les leaders se fait donc par ces appels à l'affiliation. La participation dans la communauté paroissiale est alors modulée en plusieurs degrés, de la simple présence dominicale à la présentation de soi devant l'assemblée, dans une réunion de section ou avec un responsable du lieu. On peut participer aussi en tant que responsable de section ou simple membre de ces sections. Les premiers temps, les leaders savent que les gens ont besoins d'un maximum d'information sur le Temple et les activités (participations) existantes. Dans ce rapport de dépendance, les responsables cherchent avant tout à fidéliser ces nouveaux venus.

Le Temple est présenté comme une place commune, nouvelle pour celui qui est arrivé en dernier, mais aussi nouvelle par le fait que le dernier occupant est arrivé là bas et il fait partie de la communauté maintenant, ce qui renouvelle la communauté toute entière. Le pasteur précisait que « La présence des nouveaux donne toujours une nouvelle vie spirituelle (aim-panahy vaovao ho an'ny fiangonana) à l'église ». Et par dessus tout, le Temple est une nouvelle place car il se trouve « en terre étrangère » (an-tanin'olona).

Quelques caractéristiques du Temple sont décrites dans le petit livret « Ce qui fait la FPMA ». Ce livret qui est une présentation de la FPMA, démontre l'identité voulue (une auto-définition) de l'institution FPMA . « La FPMA est une église de mission et une église universelle, on peut voir cela de deux manières : géographiquement, l'église n'est pas déterminée sur un

seul lieu car elle se trouve partout. Et puis, il est de sa responsabilité de ne pas se fermer sur une seule mission (par exemple : uniquement pour les affaires religieux) car elle concerne la vie toute entière. Ces deux aspects évoquant son universalité sont visibles dans la vie de la FPMA ».105Un regroupement des anciens de la FPMA (Maintimolaly FPMA) est crée à Madagascar pour continuer la perpétuation des valeurs de cette institution.

La deuxième expérience démontrant le rôle particulier des leaders dans la création de ces lieux concerne le processus de validation d'un regroupement d'une communauté priante malgache par l'institution mère, la FPMA. Il s'agit de l'expérience des communautés malgaches de la rue DANTON. Selon le statut de la FPMA, il est du ressort d'un comité nommé Permanent et d'une assemblée nommée Synode Géneral de proposer, de décider de radier une paroisse. DANTON est une paroisse qui attend son adhésion à la FPMA, elle est déjà reconnue comme « assemblée » par l'institution mère. De nombreux fidèles de DANTON, jeunes majoritairement, se trouvaient avant dans la paroisse FPMA Montrouge (Val-de-Marne). Cette dernière était radiée de la liste des Temples FPMA car les leaders locaux avaient décidé de créer une nouvelle église en France, en important telle qu'elle l'église réformé de Madagascar. Le petit déplacement à DANTON est vu comme une grande chose marquante pour les fidèles et surtout pour les leaders. Répondant à ma question : « pouvez vous choisir deux ou trois événements qui vous ont marqués, des moments historiques de votre église? », le pasteur m'a répondu deux dates « le trois septembre 1999 et le quatre juin 2000 ». Le premier est la date du premier culte de ce qui va créer plus tard la communauté de DANTON (ce culte n'était pas fait à DANTON). La seconde date est l'ordination des pasteurs et la célébration du jubilée (40e anniversaire de la FPMA). C'est la première fois que les pasteurs de la FPMA ont été ordonnés. La première réponse met en avant la naissance de la communauté priante et la seconde valorise le poids symbolique des leaders des Temples, ce qui valorise ensuite la communauté qu'ils dirigent.

Dans l'histoire des Eglises à Madagascar, on trouve toujours cette image de Temple et avant- temple (ou « presque Temple »). Les premiers missionnaires distinguaient déjà les structures institutionnelles entre un « fiangonana » (église) et les « preaching-stations »106. Les premiers ont une durée et une permanence, les seconds sont provisoires .

Le pasteur de DANTON définit « l'assemblée » comme différente des paroisses (dans le langage officiel et folklorique, on a « Tafo » ou toit en français pour désigner les paroisses et « assemblée » pour désigner les communautés priantes qui ont émis la volonté de devenir FPMA).

105 Dans « Ce qui fait la FPMA ». p14.

106 Voir RAISON-JOURDE (1993), KOERNER (1994).

« L'assemblée est une église qui a encore besoin d'être dirigée (tantanana), elle n'a pas droit normalement à avoir des diacres comme dans les paroisses. Nous sommes sous encadrement du Temple de Paris (CHAUCHAT), mais on n'a jamais vu venir les responsables de ce Temple par ici. Ils sont préoccupés par leur problème ». Seuls les églises reconnues sont retenues comme officielles. Et elles devraient être reconnaissantes107 à leur tour vis à vis de la grande structure de l'église mère. Les leaders s'y impliquent pour pouvoir terminer le processus d'adhésion à la FPMA.

La troisième expérience est aussi démonstrative des rôles majeurs des leaders dans la mise en valeur du Temple . Le Temple est un espace social source de divers conflits et de problèmes sociaux pour la communauté qui s'y abrite. Je crois que l'expérience du conflit à CHAUCHAT (« l'affaire CHAUCHAT ») mérite d'être exposée. « L'affaire CHAUCHAT » a commencé par l'annonce des règles de l'élection des nouveaux diacres, ces responsables officiels des paroisses, en septembre dernier. Comme chaque paroisse à son propre Règlement intérieur108, les responsables ont défini des critères pour ceux qui peuvent voter et ceux qui sont éligibles. Ces critères sont vus par une partie des membres comme exclusifs et non démocratiques.

C'est à partir de là qu'est installée une instabilité. L'élection n'a pas eu lieu et un groupe se constituait en s'opposant au bureau en place. Ce groupe se constituait pour le report d'une nouvelle éléction et le changement des critères d'éligibilité et de droit au vote des diacres et aussi pour le renouvellement du bureau. Mais, les premiers organisateurs de l'élection se fixant sur le fait que la paroisse est indépendante et reconnue comme une association indépendante devant l'Etat français jouait sur cet élément pour limiter l'ingérence des personnes qui mettaient en avant l'appartenance de CHAUCHAT à la FPMA. Ils ont fait appel à la justice française qui leur a donné raison, l'ancien bureau est remis en place. Ils ont immédiatement organisé une élection en avril 2002.

« L'affaire CHAUCHAT » est un exemple de conflit qui impose son temps. Les leaders des deux groupes s'exprimaient devant la communauté chaque dimanche pendant ces six mois. Soit à travers des tracts distribués aux gens qui viennent au Temple, soit les cas échéants dans l'église devant tout le monde. Les deux parties s'échangeaient des mots durs. Chacun se proclamait légale. Tout est pris pour justifier sa position. Quelquefois, les « raisons » se trouvent dans le sermon. L'autre fois, une

107 Le pasteur RABARY, une des figures historiques du protestantisme malgache écrivait dans le journal missionnaire protestante malgache MPAMAFY, n°1 du janvier 1904 « Les fiangonana sont encore des poussins nouvellement éclos, des enfants encore au sein. L'époque actuelle est encore l'enfance pour ces Malgaches. S'il ya des gens qui nous excitent à nous séparer de ceux qui nous conduisent, ceux là nous trompent. Je vous dis chers membres des fiangonana malgaches, que si vous vous séparez des missions qui sont votre père/mère, vous resterez nains et finalement vous mourez étant encore petits ». (KOERNER 1994p 138).

108 Selon le statut FPMA

personne âgée bousculée par une personne du groupe adverse méritait d'être racontée à tout le monde. On assignait à l'autre groupe tous les maux sensés le représenter. Dans un des tracts1°9, je notais les mots qu'un des groupes ont choisi et écrit pour assigner l'autre : « direction intégriste », « agresseur », « fasciste », « secte », « intolérance », « fanatisme », « au temps des Talibans », « dictature », « ce qu'ils appellent leur « guerre sainte» (hetraketraka masina), « brigands », la liste est longue si on ajoute tous les mots des autres tracts.

Dans ce conflit, les deux parties tentent d'influencer les membres de la communauté priante réunis dans le Temple. Les membres du Temple suivent tous ces événements, non pas uniquement comme spectateurs mais aussi comme faisant partie prenante du déroulement de ces événements. Une fois, alors qu'un des leaders d'un groupe annonçait une nouvelle devant l'assemblée, une partie des gens qui approuvaient ont applaudi. Une autre partie rouspétait. C'était très animé et spectaculaire.

Je retiens de cette expérience quelques conclusions : le conflit

interpersonnel dans ce Temple a été une source d'interaction considérable. Les leaders créaient des moments pour pouvoir communiquer avec l'assemblée et le groupe adverse. Ils renforcent leur propre appartenance et attendent de l'autre une identification. Toute la communauté se structure de la sorte, sur une base conflictuelle. Les leaders tentent toujours à tout moment de l'existence du Temple de transmettre des idées et des valeurs qui méritent d'être défendues et peut-être aussi vécues. La communauté priante vit cette transmission d'une manière fortement conflictuelle comme ce qui s'est passé à CHAUCHAT. La communauté est donc en structuration permanente et les éléments figés dans les statuts ne peuvent pas annoncer la face dynamique (constat) de la réalité de la communauté. Le groupe dominant cherche à garder sa place dans l'adversité. Si le conflit a l'apparence première de diviser les gens, ici, on remarque que c'est ce conflit qui crée une dynamique de rassemblement.

Les conflits au sein des Temples existent aussi à Madagascar. Il s'agit surtout des conflits entre ceux qui se disent « fondateurs » du Temple et ceux qui par l'efficacité de leur leadership ou par opportunité arrivent aux postes à responsabilité au sein des Temples. Bref, un conflit à l'intérieur d'une communauté d'immigrés est toujours perçu comme différent d'un conflit qui aurait pu se passer dans un temple quelconque à Madagascar. Leur résolution peut être aussi différente11°.

109 Tract en avril 2002 distribué à la sortie du Temple. Intitulé « F3'F » (fifankatiavana, fahamarinana, firaisana : littéralement, amour, vérité, unité)

110 « Le patronage de l'élément andriana [de la noblesse mérina] (pouvoir d'un leadership traditionnel historique), était estimé essentiel dans la réussite du projet (église) et on lui laissait entendre qu'il se devait de donner un terrain et de se muer en Mpitarika [dirigeant le rite cultuel] de la congrégation » RAISON-JOURDE (1993) p359.

Des Activités De Regroupement

Les deux Temples offrent des activités connexes aux cultes dominicaux. A travers les sections et autres regroupements au sein de chaque Temple. Ces activités ne se situent pas directement dans la partie religieuse car elles cherchent plutôt à satisfaire les désirs de regroupement communautaire des membres. Les chorales par exemple se voient deux fois toutes les semaines, de même que les scouts. Les Temples proposent aussi des rencontres hors du Temples comme les excursions111. Ces moments sont remplis de commémorations. On essaie de reproduire les manières de travailler à Madagascar et les occupations de chacun dans les différentes sections. Mais quand les gens reproduisent le contexte local, les contingences de l'histoire font qu'ils produisent inévitablement des nouveaux contextes112.

La langue malgache reste la langue utilisée lors de ces activités connexes. Les leaders cherchent à transmettre les valeurs défendues par la FPMA, à savoir, en particulier, la réalisation de la culture malgache. Cet aspect est aussi constatable dans les quelques tâches réalisées par le pasteur pendant la semaine : il s'agit de visiter les membres de l'église, de se mettre en relation tous les membres, donc d'être une personne pivot de la relation interpersonnelle dans le Temple. Relier chacun dans une « grande famille » paroissiale (fianakaviambe) pour essayer de vivre une idée de parenté universelle : le « fihavanana »113.

Ces activités de raccrochement ont une importance pour les protestants qui n'ont pas mis une importance fondamentale à la pratique cultuelle114.j'ai remarqué que les gens arrivent massivement au Temple pendant les grands événements uniquement. A CHAUCHAT par exemple, un dimanche ordinaire regroupe entre 120 et 200 individus alors que dans les dimanches où on prend la sainte cène, le Temple peut arriver à regrouper jusqu'à 500 individus.

Ces activités de racrochement ne sont jamais indépendantes des valeurs partagées sous le Temple. L'offre sociale de l'institution religieuse s'aligne et se confond avec les autres offres sociales existantes à Paris. La présence dans le Temple est aussi donc une manière de vivifier ses autres filiations : les amitiés, les mariages, les affaires commerciales et les réseaux du marché de l'emploi se trouvent en partie dans les Temples. Une étude plus approfondie des réseaux sociaux existants à Paris

111 A CHAUCHAT, deux excursions ont eu lieu dans un intervalle de temps de cinq mois.

112 Voir SAHLINS (1989) et aussi APPADURAI (1996)

113 Il est très difficile de définir cette notion de fihavanana, mais elle contient généralement l'idée d'amitié, d'alliance et de paix. C'est à la fois une valeur que beaucoup de Malgaches croient et c'est surtout une idée véhiculée dans les discours. BOUILLON (1981) critique aussi cette notion : « Mais qu'est ce que ce « fihavanana »? L'étranger avance le concept d'amitié, mais le fihavanana, lui dit-on, est « autre et mieux » Alors est-ce du « parentalisme »? En fait c'est moins et plus (c'est essentiellement du Fraternalisme humanitaire) ». p344.

« L'assistance au culte n'ayant aucune caractère d'obligation dans la théologie protestante »

WILLAIME (1998 p51)

114

permettra certainement de distinguer les différentes stratégies d'affiliation des Malgaches dans la Capitale française.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon