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Place et rôles des temples protestants malgaches dans la construction d'une communauté à Paris

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par Hery Andry I.V RAKOTONANAHARY
Université Denis Diderot Paris 7 - DEA Sociologie 2002
  

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1.2 DE LA MIGRATION MALGACHE : protestantisme et rapports avec la France

1.2.1 Quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de Madagascar

La première présence des missionnaires protestants à Madagascar date de la fin du 18e siècle. Cette présence était exclusivement anglaise. Le but des Anglais n'était pas uniquement de faire du commerce avec Madagascar mais c'est surtout une évangélisation protestante, menée périphériquement au début dans l'Est de l'île. Cette évangélisation anglaise a trouvé sa force stratégique en s'ancrant après au centre de l'île chez les Merinas5.

Le roi RADAMA I, règnant de 1810 à 1828, très favorable à une ouverture aux étrangers engagea un dialogue avec ces derniers. Ce qui a bien arrangé les deux parties car « Les Anglais, soucieux d'encourager dans l'Océan Indien des gouvernements hostiles à la traite des esclaves, favorisèrent l'unification de Madagascar sous l'égide d'une monarchie mérina avec laquelle ils passèrent un traité en 1817 »6. En contre partie, les Anglais promettaient aux Merinas de les faire reconnaître comme Nation « civilisée » et de les aider à assurer une hégémonie dans toute l'île. Deux fils de RADAMA I sont envoyés à Londres pour étudier. On trouve ici un exemple illustrant la doctrine en usage dominant à cette époque, celle des missionnaires qui pour « traduire dans les faits l'abolition de la traite, prône la doctrine des « trois

C » : christianisme, commerce, civilisation. C'est par une initiative économique que le christianisme arrivera à détruire l'institution économique de l'esclavage ». (BEAUBEROT, 1987)7. Théoriquement, le commerce d'esclaves entre Madagascar et les Iles Mascareignes (Réunion, Maurice et dépendances) cesse en 1817, par ce traité signé entre RADAMA I et le Général Robert Farquhar. Pratiquement, d'une manière ou d'une autre, La Réunion continua à importer illicitement des esclaves venant de Ma d ag asca r8.

L'une des organisations missionnaires anglaises la plus influente a été la London Missionary Society (LMS), crée en 1795, qui à travers un traité daté de 1817 a pu traduire la Bible en langue malgache quelques années après. « C'est, en effet, le premier janvier 1827 que les missionnaires protestants purent mettre entre les mains de leurs catéchumènes le premier Chapitre de l'Evangile de Luc dans leur langue »9 (ESCANDE, 1923)10.

5 Le missionnaire anglais David Jones arrive à Antananarivo le 3 Octobre 1820. Les Merinas étant des habitants des Hauts Plateaux de Madagascar, dans la région d'Antananarivo.

6 Crenn 1 p169 (Raison-Jourde)

7 p102

8 Voir COLE Jennifer p305

9 ESCANDE p 15

La présence de la Bible a été déterminante dans l'Histoire de Madagascar11. «Pour eux (les Malgaches), elle est plus douce que le miel et plus désirable que l'or » (ESCANDE, 1923)12. C'est surtout dans la vie politique malgache que l'utilisation de la Bible semble jusqu'à nos jours, la plus remarquable10.

Cette présence de la Bible a été renforcée par des mythes qui assimilaient les Malgaches à une lignée descendante des Prophètes bibliques. Andrew BURN, un prébystérien écossais, de cette époque, évoquait dans son rapport13 que « selon la Bible, les Malgaches sont des descendants des Cananéens qui ont passé vers la mer (Genèse, X, 18) mais qui, après une période de plusieurs années seront réintégrés dans le sein du peuple de Dieu (Ezechiel, XXVI, 18-21) » (HUYGHUES-BELROSE, 2001)14. L'usage de l'écriture selon l'alphabet dans la langue malgache s'apprenait de plus en plus vite avec la diffusion de la Bible en langue malgache.

Après la mort de RADAMA I, la Reine RANAVALONA I (1828-1861), ferma Madagascar et elle se montra anti-européens et anti- chrétiens. La Bible a été interdite et elle a été perçue comme un talisman. Les baptêmes furent interdits et les missionnaires ont été expulsés. C'était le temps de la persécution et des premiers martyrs malgaches15. Ce régime a été suivi jusqu'à la mort de la Reine.

Après 1861, Madagascar a vécu une période précoloniale marquée par un retour du christianisme et un nouveau rapport avec les étrangers16. Le protestantisme voit le catholicisme prendre et conquérir le terrain avec lui à Madagascar. Les deux successeurs de la Reine RANAVALONA I, se montraient favorables au christianisme. Le premier envoya une lettre au Pape PIE IX, rendit hommage aux architectes étrangers qui apportèrent les

10 Avant fin 1827 : 1500 exemplaires de Saint Luc étaient tirés. En 1930, c'est le Nouveau Testament tout entier qui est imprimé et 300O mis en vente. Le 26 juin 1835, La Bible entière était imprimée, reliée et mise en vente. En 1886, il y a eu 40.335 Bibles, 112..192 Nouveaux Testaments et 276.706 fragments du Livre Saint. En 1904, On était arrivé à 95.858 Bibles. (Source : ESCANDE, 1923)

11 La référence est l'ouvrage de Françoise RAISON-JOURDE, « Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe siècle. Invention d'une identité chrétienne et construction de l'Etat (1780-1 880) ». Eds Karthala, 1991.

12 p 26

10 Voir « L'usage de la Bible dans le discours politique malgache depuis l'indépendance (1960-1990)", in J.-D.Durand et R. Ladous dirs. Histoire religieuse. Histoire globale - Histoire ouverte. Mélanges offerts à Jacques Gadille, Paris, Beauchesne, 1992, p. 199-220.

13 dans Evangelical magazine, « memories of the life of Maj Gen Andrew Burrn « , Christian's Biography of religion tract Society. N°22, 1817.

14 p 186

15 Le premier martyr protestant malgache la plus connue est une femme : Rasalama en 1837. Elle est une figure importante dans le protestantisme malgache. La commémoration du 150e anniversaire e sa mort en 1987 a été un évènement historique pour le pays. La première Bible en malgache a été traduite en 1835, sous le règne de Ranavalona I, peu de temps avant que son anti-christianisme a été radical.

16 1865 : un nouveau traité d'amitié malgacho-anglais

soutiens technologiques à la fabrication des palais, des écoles, des hôpitaux, des temples et églises.

Tous les écoliers de Madagascar se souviennent encore de la devise d'ouverture du roi RADAMA II, « tout pour le peuple et pour les Blancs ». Les écoles missionnaires commencèrent à fleurir dans toute l'île et principalement dans la Région d'Antananarivo, « Ce fut alors une poussée, une rage d'enseignement comme jamais, certes, pays barbare n'en avait vu. Et des temples ou des églises, qui servaient en même temps d'écoles, s'élevèrent dans tous les villages des hautes vallées »17(CAROL, 1908).

La reine RANAVALONA II, dans un contexte de rivalité franco-anglaise, se convertit au protestantisme. Elle s'est faite baptiser en 186918 et imposa le protestantisme comme religion d'Etat, tout en tolérant la présence catholique. 19

La stratégie protestante anglaise devançait largement celle des catholiques soutenues par les Français. « Pasteur ELLIS aurait touché jusqu'à 1,3 millions de francs de son gouvernement pour faire progresser la cause anglaise. Le traité anglo-malgache, conclu en 1865, sous RASOHERINA, comprendrait des clauses secrètes défavorables au catholicisme. L'afflux des missions anglaises, puis norvégienne a le don de les exaspérer : Church Missionary Society, Society for the Propagation of the Gospel, les Friends Foreign Mission Association et la Norvegian Missionary Society » 20(KOERNER, 1994).

La présence protestante se renforce avec l'arrivée de nouveaux missionnaires luthériens : le Norvegian Luthérian Church of America (1888) et le Lutherian Board of Mission (1890). L'expansion de ces missions à travers l'île a été globale, les luthériens s'emparent du Sud de l'île, chez les « Betsileo », à Fort Dauphin et à Tuléar, les Anglais travaillaient à l'Est de l'île et à Antananarivo depuis 1875

La Mission Catholique a eu un moindre impact par rapport aux Anglais,
quoique leur progrès a été sensiblement ressenti21. Les catholiques arrivent à
s'installer en Imerina (Région d'Antananarivo) en 1861. On peut citer

17 p318 « chez les Hovas », Paris 1908

18 D.RALIBERA : « recherche sur la conversion de RANAVALONA II » in OMALY SY ANIO, N° 5-6, pp303-31 2

19 D'après un traité franco-malgache du 8 août 1868, qui considère la liberté des cultes à Madagascar

20 p 15

21 En 1871, 5 églises construites à Antananarivo et une quarantaine de « stations » dans les campagnes environnant. Un corps missionnaire de 114 personnes qui ont pu formé 700 instituteurs. (Source : KOERNER, 1994)

l'arrivée des soeurs de Saint- Joseph de Cluny suivies quelques temps après par les frères Jésuites, les soeurs Franciscaines et bien d'autres encore.

L'aide politique venant de la France pour la Mission Catholique a été réelle en ce temps là. Des députés et sénateurs de La Réunion22 en voulaient à cette tiédeur catholique pour le cas des Missions sur la Grande Ile. La Réunion s'intéressait déjà à Madagascar. La région Est de Madagascar abritait des plantations de colons vazaha23 pendant cette période précoloniale24.

A partir de 1861, une véritable concurrence intermissionaire a eu lieu entre les protestants et les catholiques surtout sur le plan de la scolarisation des nouveaux fidèles. « A travers les enfants, on visait des objectifs plus lointains et d'abord à former l'adulte non seulement en tant qu'homme mais surtout en tant que catholique ou protestant » (RAVELOMANANA, 1985)25. Les journaux périodiques d'obédience confessionnelle de cette époque s'échangeaient des propos critiques l'un sur l'autre26. Le premier usage de la notion de péché mortel a eu lieu en langue malgache (fahotana mahafaty), il s'agissait des mariages mixtes.

L'annexion de Madagascar est proche, « de 1894 à 1896, certains évêques du Midi de la France sont animés d'un véritable esprit de croisade »27 (MONDAIN, 1968). L'annexion de Madagascar par la France a été faite en 189628, mais cela n'a pas beaucoup aidé la Mission Catholique « très déçue par la politique de Gallieni qui fait appel à la Mission Protestante de France pour « protéger » les missions anglaises et instaure l'école laïque »29 (KOERNER, 1994).

Il est important de rappeler, ici, le congrès d'Edimbourg (1910) qui est déterminant sur l'évolution du rapport entre les Français qui détenaient le pouvoir à Madagascar et les Missions chrétiennes, majoritairement protestantes. Ce congrès a été le résultat des efforts de regroupement et de coordination des entreprises missionnaires protestantes mondiales.

22 L'île de la Réunion dépendait économiquement des commerces avec l'Est de Madagascar à cette époque.

23 Le mot vazaha désigne ici des Réunionnais, des Allemands et des Mauriciens

24 Jennifer COLE rapporte en parlant de son terrain, la region de Mahanoro à l'Est de Madagascar : « By 1882, a Réunionais named Fourbon had already built ten buildings « modern for the time » and had two hundred slaves as laborers. That same year, Reverend R.P Lacomme wrote that there were as many as one hundred indigenous Catholics and around fifty whites livings in the area. » (COLE, 2001)

25 p63, La femme et la politique. Recueil de recherches; Ministère de la culture et de l'art révolutionnaire

26 « Resaka » (catholiques) et « ny teny soa », « ny mpanolotsaina », ou « ny mpivahiny » (protestants)

27 p311, G.MONDAIN, Histoire du protestantisme

28 Voir Virginia THOM PSON et Richard ADOLF (1965), avec l'ouverture du canal de Suez, les Anglais ont voulu éliminer l'influence française en Egypte, ils ont accepté que la France ait main libre sur Madagascar. En 1890, La Grande Bretagne et la France ont conclu un accord que la France puisse contrôler Madagascar et que l'île de Zanzibar soit sous contrôle anglaise.

29 p21

Les missions françaises et anglaises qui se déployaient à Madagascar ont dû accepter l'esprit oecuménique et les valeurs de laïcité insufflés et renforcés lors de ce congrès. Le Gouverneur Victor Augagneur qui gouvernait l'île opta pour une politique anti-religieuse. Comme son prédécesseur le Général « Gallieni qui s'appuya sur l'église dissidente Tranozozoro30 comme ralliement des églises qui rejetaient la tutelle des missions européens » (KOERNER, 1994)31, il contribue lui aussi, à faire vivre dans la Grande Ile un Etat laïc. Au début de la colonisation française, la laïcité de la vie publique, en particulier, de l'enseignement était prioritaire. L'idéal républicain pratiqué à Madagascar veut que l'Etat soit le nouveau missionnaire.

La présence protestante s'est révélée dans la résistance à l'administration française colonisatrice. Les intellectuels malgaches (médecins et pasteurs) du mouvement VVS32 étaient majoritairement des protestants. Ceci ne signifie pas que les protestants étaient absents dans le rang des favorables à la naturalisation française.

Pendant la colonisation deux missions restent très importantes, la LMS et le FFMA. Elles se sont mises en confédération deux ans avant l'indépendance en 1960, en créant la FFPM (Fédération des églises protestantes de Madagascar) avec la Mission Protestante Française et les Eglises Luthériennes. Cette période est marquée par le commencement de l'abandon des missionnaires protestants du terrain malgache. Les missions catholiques de leur côté s'appliquaient à organiser politiquement et plus fortement encore ses assises. Elles soutenaient entre autres actions les premiers syndicats de travailleurs malgaches.

Actuellement, on constate que les écoles protestantes, vestiges du temps colonial, sont devenues modestes et très peu entretenues. Il n'y a presque plus de construction de nouvelles écoles confessionnelles. Les protestants malgaches investissent depuis quelques années maintenant dans la rénovation des temples33. De leur côté, les installations catholiques (écoles, hôpitaux, organisations non gouvernementales, églises) à Madagascar sont légions et elles sont en progression.

Après l'indépendance, la branche protestante existe en trois tendances
principales, les reformés (FJKM), les luthériens et les anglicans. L'église

30 Dissidente de la Mission Protestant de France

31 p67, « tant de remous crées autour de Madagascar depuis 1895 décidèrent les Missions protestantes à choisir la Grande île comme champs de l'expérience de « l'esprit d'Edimbourg » »

32 Vy Vato Sakelika, un mouvement nationaliste malgache, un des plus important. Avant 1920. On peut aussi citer ici le parti politique indépendantiste MDRM qui existait quelques années après et comptait dans ces rangs des leaders majoritairement protestants.

33 De nombreux temples protestants sont centenaires à Madagascar. Et la décision de rénovation de ces temples se fait le plus souvent lors des jubilées.

catholique continue à s'étendre sur toute l'île. Les statistiques avancent des approximations sur la quasi-égalité des effectifs des fidèles. Et avec les églises indépendantes, les institutions chrétiennes, toutes confondues, n'arrivent pas à faire adhérer jusqu'à maintenant plus de la moitié34 des Malgaches. Une majorité des Malgaches vivent encore hors des pratiques et croyances chrétiennes35.

A la fin des années soixante dix, les principales églises chrétiennes se sont fédérées en une organisation oecuménique : la FFKM. Une puissante organisation d'influence politique à Madagascar, qui menait les mouvements populaires de 1991 dont on a vu la fin du premier régime Ratsiraka36 . Et cette organisation a été aussi un des lobbies influents dans l'arrivée au pouvoir du nouveau président de Madagascar, Ravalomanana37.

Saisir ces quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de Madagascar est important car elle permet de comprendre le contexte et les dimensions qui sont encore présents dans la migration malgache en France et contribue à lui donner sens. Je note que mon terrain est peuplé de protestants « fidèles » de l'Eglise Protestante Malgache d'« Outre Mer » (ou la FPMA) et dont la présentation sera faite dans le chapitre II. L'histoire du protestantisme malgache se sert donc comme une explication des conditions de l'émigration des migrants malgaches en France.

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