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La dimension culturelle dans l'élaboration et la mise en oeuvre des stratégies d'internationalisation de l'entreprise

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par Cheikh Mbengue
Université Paul Cézanne, IUP MIIX, Faculté d'Economie Appliquée - Master 2Pro Stratégies Industrielles et Commerciales Internationales 2007
  

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2. Expatrier ou recruter au niveau local

L'internationalisation des entreprises a eu pour effet d'élargir le domaine de compétences et d'action de la direction des ressources humaines. Les différences culturelles dans les marchés étrangers font que l'entreprise, les recruteurs ne peuvent plus se contenter de raisonner localement, ils doivent aussi prendre en compte toutes les unités d'implantation des filiales. Il en va ainsi en ce qui concerne le recrutement des collaborateurs, leur expatriation dans les filiales étrangères ou encore la politique de formation, qu'il faut adapter au contexte international.

Pour franchir encore une fois la barrière culturelle entre les pays, les directeurs des ressources humaines se basent sur la question du recrutement interne ou externe. La problématique du recrutement à l'international est d'autant plus complexe que les pratiques sont variées.

Le recrutement international est le fait de recruter une personne dans le pays d'origine de l'entreprise pour l'envoyer travailler dans une filiale étrangère, ce qui s'apparente à l'expatriation. Le directeur des ressources humaines opère un arbitrage entre le recrutement interne et le recrutement externe. Le recrutement interne consiste à recruter un cadre de l'entreprise que l'on va expatrier. Le recrutement externe peut revêtir deux formes : il s'agit soit de recruter une personne du siége spécialement pour être

expatrié, soit de recruter une personne dans le pays d'implantation. Dans les deux premier cas, il s'agit de personnes expatriées, c'est-à-dire des personnes qui quittent temporairement l'entreprise de son pays d'origine pour une affectation dans un pays étranger avec une forte perspective de retour.

Le recrutement à international possède des spécificités qu'une entreprise s doit de connaître. L'entreprise doit définir clairement ce qu'elle veut réaliser dans le pays d'implantation et avec quels moyens, avant même de lancer le processus de recrutement.

Pour un recrutement interne, les qualités du candidat devront être ceux, classiques, d'adaptabilité, de capacité d'intégration, d'autonomie, d'esprit d'équipe et d'initiative, de disponibilité, de rigueur, d'ouverture d'esprit, etc. Mais surtout la maîtrise de la langue du pays ou au minimum l'Anglais, et sur des préoccupations comme la nourriture ou le mode vie qui varie d'u pays à un autre. L'avantage du cadre recruté à l'intérieur de l'entreprise est qu'il la connaissance de la société et une crédibilité auprès de sa hiérarchie. Lorsque l'entreprise choisit de recruter directement à l'étranger, il faudrait les candidats retenus s'imprègnent de la culture de l'entreprise pour avoir un minimum de connaissance de la maison mère.

Tableau comparatif entre recrutement direct et indirect

 
 

Avantages

Inconvénients

Recrutement

 

Connaissance de

 

Choix de

interne

 

l'entreprise (culture,
produits, techniques

 

candidats plus restreint en

 
 

Connaissance du

 

interne

 
 

candidat

appartenant à l'entreprise

 

Analyse des critères spécifiques à

 
 

Nouvelle voie pour la bourse de

l'emploi interne

 

l'international, en particulier celle de l'environnement familial

Recrutement

 

Pour les entreprises

 

Connaissance

externe

 

n'ayant pas de vivier interne de candidats

expatriables

 

moins

immédiate de la société par le candidat, temps

 
 

Mise en concurrence

 

d'adaptation

 
 

de candidats internes et externes

 

Compétences,
savoir-faire et

Regard neuf et loyauté du

dynamique porté candidat

par un candidat méconnus par

externe l'entreprise

La notion de recrutement international est beaucoup plus large que le recrutement interne ou externe. La mondialisation a changé la donne. Si au début des années 80, la mode était surtout à l'expatriation, l'internationalisation a permis de multiplier les pratiques de recrutement international. Chaque entreprise adopte la stratégie la mieux adaptée à sa structure organisationnelle.

La tendance est de recruter au niveau local pour être au plus près des consommateurs, les managers locaux appartenant à la culture locale. Le coût de l'expatriation est également un facteur qui freine le recours l'expatriation. En plus les résultats attendus ne sont pas toujours au rendez- vous du fait des difficultés rencontrés par les expatriés (choque culturel, éducation des enfants, intégration et réintégration au retour). Les entreprises tentent de limiter l'expatriation en faisant recours aux ressources locales. Il s'agit là d'une démarche managériale entre « contrôle et subsidiarité ». Les entreprises qui s'internationalisent vers des pays proches culturellement ou historiquement, comme France Télécom en Afrique, ont appris à éviter une approche « coloniale » de l'internationalisation et cherchent d'abord à s'intégrer dans l'univers économique, culturel et social du pays d'accueil, à être proches des clients et des partenaires locaux qui se sentiront mieux compris par des salariés et des managers locaux.

Recruter des managers locaux est devenu un objectif en soi. Cependant, le choix d'accorder sa confiance aux managers locaux ne correspond pas systématiquement à une logique de baisse des coûts.

Si la culture influe sur le choix et le recrutement des ressources humaines, elle a impact non négligeable sur la négociation.

II. L'impact de la culture dans la négociation

internationale

La question de la culture revient à toutes les étapes de l'internationalisation de l'entreprise, tant la dimension culturelle est incontournable. La culture définit les valeurs, les comportements d'un peuple. Ces valeurs et ces comportements surgissent dans la négociation. Il est donc crucial de connaître la culture des collaborateurs étrangers avec qui on travaille. Il faut savoir interpréter les comportements et même les gestes. Ceci passe par

une compréhension des usages et des codes culturels qui régissent la vie quotidienne d'un pays. Pour une négociation réussie avec des collaborateurs étrangers, il faut savoir et accepter que les systèmes de références ne sont pas les mêmes dans tous les pays et qu'il faut prendre la peine et le temps de les comprendre. Ce qui n'est pas offensant et humiliant dans notre culture peut l'être sans aucune évidence dans une culture. Le phénomène de « saving/losing face[10] » est très manifeste dans les cultures asiatiques. Il importe pour le négociateur de cerner les points sensibles pour l'autre partie. En plus de la culture dans son sens habituel, il faut également apprendre à connaître la « business culture » des pays avec qui l'entreprise souhaite faire des affaires. Le « guanxi chinois »[11] est l'exemple le plus parlant dans les « business culture ».

Exemple[12]

Alors que les Saoudiens, le fait de regarder droit dans les yeux son partenaire traduit l'instauration d'un contrat direct et continuel, il en va de la même façon dans d'autres cultures. Ainsi, si les Anglo-Saxons regardent dans les yeux leurs interlocuteurs, ils peuvent être gênés par l'instance d'un regard qu'ils jugent trop intimistes dans le cadre de relations formelles. Inversement, nombre de cultures africaines évitent le contact visuel en guise de respect. Les américains et les canadiens peuvent interpréter ce geste comme un signe de fourberie ou de malhonnêteté.

Il importe donc que les négociateurs apprennent à comprendre les pratiques, les comportements et les langages des cultures des collaborateurs pour améliorer leur sensibilité culturelle et éviter de heurter la sensibilité culturelle de collaborateurs étrangers.

Exemple[13]

Dans certains pays scandinaves et en Asie du sud-est, il est d'usage d'écouter patiemment son interlocuteur, sans l'interrompre. Ce comportement est considéré dans ces pays comme une marque d'attention et de respect à l'égard de l'autre personne. D'ailleurs, ces cultures accordent de la valeur au silence et aux pauses qui permettent aux individus de mieux comprendre et intégrer les messages. Les codes de communication américains sont de ce point de vue très différents et peuvent entraîner de réelles incompréhensions dans le cadre de réunions internationales. En effet, les négociateurs américains auront tendance à intervenir fréquemment dans la discussion, en cherchant à accélérer le rythme des négociations, créant par là même un sentiment de frustration et de rancoeur chez l'autre partie.

1. Les caractéristiques et les enjeux de la négociation internationale

La négociation commerciale internationale est une situation dans laquelle les parties sont confrontées à des divergences et des interdépendances. L'objectif premier de la négociation est donc de trouver un terrain d'entente mutuellement acceptable pour les parties. Aucune partie ne doit se sentir léser d'où la nécessité de trouver une situation gagnant-gagnant qui permettrait une collaboration fructueuse et durable. Il faut comprendre par là que la situation gagnant-perdant est à éviter à tout prix dans les négociations commerciales puisqu'elle favorise des situations de frustration inconfortable pour la partie qui s'est sentie léser. Afin de parvenir à un accord commercial favorable et avantageux pour toutes les parties il convient d'étudier et de comprendre les caractéristiques et les enjeux des relations commerciales qui lient les parties. Cette étude permettra d'identifier les facteurs de succès et d'échec de la négociation internationale. Lambin 1998 identifie six éléments qui interviennent dans la négociation internationale :

1) Le face-à-face : Il peut être soit direct confrontant physiquement les parties ou indirect impliquant des moyens de communication à distance. Dans tous les cas des modalités de communication variées (verbales, écrites, formelles, etc.) sont utilisées par les parties. Lors des négociations face à face, les parties échanges, utilisent des rites et des procédures qui sont fortement influencés par la culture et par conséquent peuvent être différents d'une culture à une autre. Les codes culturels et les usages commerciaux étant différents d'un pays à un autre, (même s'il existe une tendance à l'établissement d'un code standard des usages commerciaux) les négociateurs internationaux doivent être conscients de l'impact de la culture dans les relations commerciales internationales. Si en chine et pour les chinois il est coutume d'accorder des faveurs à ses collaborateurs ou futurs collaborateurs dans le but d'établir des relations qui faciliteront les affaires, les cultures occidentales considèrent cela comme une corruption et une pratique déloyale. Le guanxi chinois et les pots de vins sont des pratiques commerciales qui peuvent prêter à confusion et heurter la sensibilité culturelle de la partie dont la « culture awareness [14]» n'est pas très développée.

2) La perception d'un avantage réciproque à contracter avec l'autre: dés lors que les parties consentent à entamer une négociation, cela suppose que chaque partie y voit son intérêt et espère en sortir gagnante. Ceci traduit la situation gagnant-gagnant qui est l'essence même de la négociation.

3) L'existence d'un conflit d'intérêt entre les parties: quand l'acheteur veut acheter à un prix relativement bas, alors que le vendeur souhaite vendre ses produits à prix relativement élevé, il y a conflit d'intérêt. C'est justement pour trouver une solution à ce conflit qu'ils s'engagent à négocier.

4) La volonté de parvenir à une solution mutuellement acceptable: cet engagement à négocier laisse sous-entendre que chaque partie est prête à faire des concessions pour trouver une solution gagnant-gagnant.

5) L'enclenchement d'un processus d'engagement réciproque pour recherche un arrangement: les concessions que chaque partie et prête à faire est fonction des concessions que l'autre partie est prête à faire, ce qui se traduit par une relation d'interdépendance entre les parties.

6) La mise en place d'un système d'échanges et de mobilisation de ressources entre les parties: pour parvenir à cet accord mutuel les parties doivent s'investir aussi bien en ressources financière, humaine, technique et logistique en vue d'honorer leur engagement à négocier. La réussite de l'opération de négociation internationale repose alors sur des points sur lesquels les interactions des parties vont opérer.

2. Les facteurs de succès à la négociation internationale

La négociation internationale est caractérisée par des particularités des points sensibles qui doivent attirer l'attention du négociateur international. Seule une préparation soigneuse et une ouverture d'esprit qui éloigne tout sentiment de supériorité de sa propre culture (culture biais), permet au négociateur international de réussir cette tâche complexe et difficile.

La préparation doit être rigoureuse sur le contenu. Les objectifs doivent être fixés de façon clairs et sans ambiguïté. Ils doivent être classés par ordre de priorité pour faciliter de déroulement de la négociation. Des objectifs bien définis, classés de façon claire par ordre de priorité permettent au négociateur de décider sur quels points céder et pas sur d'autres. De ce fait, la positon du négociateur sera claire et ne sera pas facilement influencée par celle de l'autre partie.

Alors qu'elle doit être rigoureuse sur le contenu, la préparation doit être fine et approfondie sur les aspects juridiques, économiques et relationnels. Le négociateur international ne doit pas négliger ni n'ignorer aucun de ces aspects. Une bonne connaissance du milieu des affaires et des pratiques coutumiers et commerciales du pays de son collaborateur passe nécessairement par des recherches sur le pays concerné dans la préparation de la négociation.

3. L'approche de la dimension culturelle dans la négociation internationale

Dans la pratique du commerce international, les situations de négociations se multiplient davantage comme la vitesse de la concurrence s'accélère. Bien se préparer pour la négociation internationale devient alors une question de survie pour l'entreprise internationale. Il convient alors de se poser et répondre un certain nombre de questions. Dans quelles circonstances la culture nationale devient-elle une variable explicative du processus de négociation ? Comment décrire et comprendre son influence réelle ? Quelles sont les conséquences de cette alchimie complexe ? Nous allons essayer de répondre à ces questions en vue d'améliorer la compréhension du phénomène de négociation internationale, mais aussi de gagner en efficacité dans la conduite même des négociations.

La mondialisation a vu l'ouverture des frontières qui a favorisé l'approchement des populations grâce au raccourcissement des distances rendu possible par le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ces échanges multiples entre les nations se font dans la plupart du temps dans un environnement interculturel. C'est la rencontre des cultures. Une négociation intelligible ne serait alors impossible sans appréhender le sens que les acteurs accordent à leurs activités et saisir leurs perceptions de la situation et d'autrui.

Pour bien comprendre les événements qui interviennent dans une négociation, il convient d'être ouvert d'esprit d'être empathique. Chaque acteur introduit dans le jeu toute une panoplie de particularités de la condition humaine, notamment sa culture, avec son opacité, ses ambiguïtés et sa complexité.

á La nature de la culture

L'une des définitions les plus pertinentes et ingénieuses de la culture est celle proposée par Edouard Herriot : « la culture, c'est tout ce qui reste lorsqu'on a tout oublié ». Paradoxale soit-elle, cette définition exprime les caractéristiques les plus importantes de la culture. La culture est avant tout une manière de penser et d'être avant d'être un contenu. Par conséquent, la culture détermine notre façon de penser, de se comporter et de réagir par rapport aux événements de la vie. La définition proposée par Gert Hofstede : « la culture est le logiciel d'exploitation du cerveau » reflète cette réalité. Les individus agissent alors en fonction de croyances et de valeurs fournies par leur culture. La culture conditionne notre façon de penser. Si l'on en croit Alkoun, 1989, la culture offre un cadre de compréhension et son rôle est de « répondre aux questions avant même qu'elles ne soient posées ».

Dans les négociations comme dans les actions humaines, la réflexion précède la réaction. Dans un environnement interculturel, chaque culture génère des approches cognitives très différentes. Par exemple, les Japonais partent dans le contexte, alors que les américains s'engagent immédiatement dans ce qui leur paraît le plus important, c'est-à-dire l'interaction elle-même. L'approche intellectuelle du chinois est de nature holiste et repose sur l'évidence empirique (Chen, 1999), tandis que le mode de pensée occidentale est analytique et se fonde sur une logique abstraite. Face à un même problème, les personnes issues de cultures différentes réagissent différemment. Elles vont avoir une façon différente de cadrer le problème, d'identifier la cause et d'envisager une solution. La culture constitue la variable explicative de cette différence dans le traitement des problèmes.

Hall (1976) distingue deux grandes catégories de cultures, celles à contexte fort et celles à contexte faible. Dans les cultures à contexte fort, le contenu du message dépend fortement du contexte dans lequel il est délivré. Dans les cultures à contexte faible, l'importance est accordée au message et non pas au contexte. Les Chinois et les Japonais entrent dans la catégorie de cultures à contexte fort, les occidentaux dans la catégorie de cultures à contexte faible. Dans un contexte de négociation, un oui prononcé par un japonais ne veut pas forcément dire oui je suis d'accord, mais oui j'ai compris.

Les dimensions culturelles mises en évidence par Hofstede peuvent aider à saisir le comportement du négociateur. La distance hiérarchique conditionne les relations autour de la table de négociation ; à l'instar du rapport à l'incertitude lié à la capacité à supporter le stress, à recourir aux documents écrits ; de l'individualisme qui définit le rapport de la collectivité ; et enfin de la masculinité pour exprimer l'ambition, le désir de réalisation.

Salacuse (1991) identifie dix facteurs caractérisant un style de négociation, chacun situé sur un axe bipolaire : les buts (contrats ou relation), l'attitude général (gagnant-gagnant), le style personnel (formel ou informel), le mode de communication (direct ou indirect), l'importance accordée au temps (élevée ou faible, la forme de l'accord (spécifique ou générale), le processus d'atteinte de l'accord (inductif ou déductif), l'organisation de l'équipe de négociation (un véritable leader ou la recherche permanente de consensus), la capacité à prendre des risques (élevée ou faible).

La culture nationale ou ethnique contribue à la formation d'un « style national de négociation » avec l'héritage de l'histoire et de l'influence du système politique. Des cultures telles que la culture familiale, religieuse ou celle de l'organisation peuvent également tenir un rôle important en fournissant des normes de conduite, des symboles et des significations. Elles

peuvent véhiculer des valeurs en opposition à celles de la culture nationale, posant à l'individu un véritable dilemme culturel. L'activité professionnelle du négociateur, sa formation initiale génère aussi des cultures spécifiques. Les managers, les ingénieurs, les commerciaux ont chacun leur manière de penser la négociation et de traiter les difficultés. Lang (1993) et Sjöstedt (2003) proposent des observations significatives dans ce domaine. Par exemple, les ingénieurs se conçoivent comme des constructeurs et porteurs de solutions aux problèmes ; les juristes comme des défenseurs de la justice et de l'équité ; les économistes comme planificateurs et conseillers en matière de politique ; les élus comme représentants de l'intérêt général.

Dans la même personne, normes et valeurs se combinent pour entrer dans des formes relationnelles gouvernées par des « tensions dialectiques » (Janosik, 1987). S'organise un véritable management intérieur de ces tensions afin de parvenir à un état d'équilibre toujours susceptible d'évoluer dans le temps. Par exemple, Blaker (1977) met en évidence deux modes contradictoires de résolution de conflit au sein de la culture japonaise, la coopération fondée sur l'harmonie et l'éthique guerrière. Ce sont les circonstances qui déterminent laquelle de ces deux approches peut être légitimement employée.

á Comment la culture influe sur la négociation

Souvent l'influence de la culture sur l'action d'un négociateur s'avère peu perceptible (Zartman), 1993). Cette qualité subtile ne réduit en rien son importance mais l'inscrit dans le registre des facteurs invisibles (Faure et Rubin), 1993). Il apparaît indispensable d'organiser l'étude de l'impact de la culture sur la négociation selon des catégories permettant d'introduire un certain nombre d'évidence. L'appartenance à une culture dominante tend souvent à renforcer l'insensibilité culturelle et à dénier son importance. En fait, c'est par ses manifestations extérieures que les effets de la culture sur les différentes dimensions de la négociation peuvent être saisis. En l'occurrence elle s'exprime par les acteurs, dans la structure de la négociation, dans les stratégies, dans les processus et, enfin, au regard des résultats.

á Les acteurs de la négociation

La culture est introduite dans les négociations par les acteurs eux-mêmes. Elle conditionne la manière dont ceux-ci conçoivent l'interaction. Est-ce par exemple une confrontation, un exercice de la coopération mutuelle, un débat, un rituel à accomplir ou bien encore une aventure humaine? Pour un Américain, la négociation est d'abord une procédure d'échange tandis que pour les Japonais c'est essentiellement une relation entre personne (Kiruma,

1980). La perception d'autrui varie également selon les cultures à travers notamment les stéréotypes. Les intentions perçues et les valeurs qui sous- tendent l'action de l'autre sont interprétées à travers le filtre culturel. L'interprétation même d'une situation a une dimension culturelle ainsi que le souligne Triandis (1994) dans l'anecdote suivante. Pendant la grosse chaleur de l'après-midi de l'été chinois « deux Anglais transpiraient et suffoquaient en jouant une partie de tennis. Lorsqu'ils eurent terminé, un de leurs amis chinois compatissant leur demanda pourquoi ils ne recouraient pas à des serviteurs pour une tâche aussi ardue ». Dans l'espoir de négociation, la valeur symbolique des actes peut également faire sens et introduit de l'irrationnel dans l'interaction.

Enfin, le négociateur introduit des valeurs et de l'éthique dans l'interaction car la culture fixe la frontière entre les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas. Cette frontière varie d'une culture à l'autre et des moyens d'actions tels que la menace, le mensonge, le fait accompli, la trahison ou la corruption peuvent être ou ne pas être considérés comme légitimes.

á La structure de la négociation

Les composants structurels de la négociation tels que le cadre juridique ou l'organisation dans laquelle se déroule le processus sont des produits sociaux et culturels. Le nombre de personnes composant chacune des parties est lié à des habitudes culturelles. Par exemple dans les négociations commerciales en chine, la partie étrangère dépasse rarement 3 à 5 personnes tandis que la partie chinoise fait volontiers participer 15 à 30 personnes. La répartition du pouvoir peut être très inégale et dans ce cas la culture tend à légitimer certaines situations et à en invalider d'autres. Par exemple la position hiérarchique, la possession de ressources, le statut, l'âge ont dans certaines sociétés une influence primordiale. Ainsi en Chine ou au Japon, c'est l'acheteur qui a la prééminence. On ne vend pas à la Chine mais c'est la Chine qui achète aux étrangers. Si le vendeur traite son interlocuteur comme égal, il sera perçu ayant une attitude arrogante (Fang, 1999 ; Faure, 1999). Dans l'ex-Union Soviétique, le Parti avait toujours raison. Dans les villages africains, s'il y a discussion, c'est le plus âgé qui aura le dernier mot.

4. La stratégie de la négociation

L'action du négociateur vise à mettre en oeuvre un ensemble de moyens destinés à parvenir à un but. L'orientation générale donnée à l'action, autrement dit l'organisation des tactiques, constitue la stratégie. Ici les choix d'ordre stratégiques sont dictés soit par des intérêts, soit par des valeurs qui elles-mêmes renvoient à la culture. Dans certaines cultures, l'action est directe, le conflit reconnu et accepté. Dans d'autres, le jeu est indirect, le

conflit toujours masqué et les problèmes sont approchés de manière allusive ou oblique. Par exemple, les Russes tendent à négocier à partir d'une situation de force qu'ils font sentir par leur comportement, tandis que les Japonais s'avèrent extrêmement réticents à s'engager dans un mouvement de confrontation.

Les buts que s'assigne chacune des parties sont dans une certaines mesure affectés par les cultures respectives. Par exemple, les occidentaux sont préoccupés par l'équité et par le respect des règles et des principes. Les Chinois sont beaucoup plus soucieux de maintenir l'harmonie parmi les partenaires de la négociation, de préserver la face de chacun plutôt que de satisfaire à des règles et des principes abstraits. Ainsi les règles peuvent n'avoir qu'une importance très secondaire. La culture conditionne la manière de procéder pour parvenir à un accord. Ainsi, la culture française ou allemande privilégie la méthode déductive par laquelle on s'entend d'abord sur des principes que l'on applique ensuite pour traiter chacun des points à négocier. La culture américaine procède par une approche inductive et avance de façon pragmatique au fur et à mesure des difficultés rencontrés. L'approche séquentielle américaine s'oppose également à l'approche japonaise, qui consiste à saisir le problème de façon holiste c'est-à-dire comme un système d'éléments interconnectés qu'il faut traiter par une démarche d'ensemble.

5. Le processus de la négociation

La négociation est d'abord une interaction c'est-à-dire un processus mettant en oeuvre des tactiques destinées à échanger de l'information, créer des options, diviser une ressource ou encore échanger des concessions. Tous ces actes sont liés à des valeurs dans la mesure où ils peuvent être légitimes dans une culture et proscrits dans une autre. Il est par exemple des sociétés dans lesquelles les exigences en matière de politesse l'emportent sur celles d'exactitude, voire de vérité. Ainsi mentir peut être un acte moral. Adler (1986) établit une liste de 15 tactiques considérées dans la culture nord- américaine comme des « coups tordus ». Cette liste n'aurait pas la moindre validité dans la culture chinoise. On y trouve par exemple le fait de ne pas se regarder dans les yeux. En Chine, un tel comportement n'est nullement le signe d'un affrontement psychologique mais plutôt l'indication d'une attitude modeste et polie, fruit d'une bonne éducation. Revenir sur des points antérieurement traités est une pratique courante en Chine. Elle n'est pas le fruit d'un calcul machiavélique mais plutôt l'élément révélateur d'une conception différente de la négociation. Dans un tel cas, l'accord n'est pas un aboutissement, mais un jalon dans un processus beaucoup plus long qui est l'ensemble des relations entre les parties.

La communication est un moyen essentiel au déroulement du processus de négociation. Les différences culturelles peuvent grandement affecter celle-ci notamment lorsque la communication est indirecte, allusive, son contenu ambigu, le feed-back rare. La négociation devient largement un exercice de décryptage. Il s'agit de donner la bonne interprétation des signaux perçus. A la faveur d'une étude de terrain sur des négociations américanojaponaises, Graham (1993) observe que les Américains s'avèrent incapables de décoder les expressions de leurs interlocuteurs et considèrent à tort ces derniers comme impassibles. La signification à attribuer à un sourire japonais ou chinois présente un niveau considérable de difficulté, car il peut conduire à des conclusions radicalement opposées : un masque qui entretient la distance, un mur destiné à se protéger, un signe de joie ou de colère, de certitude ou d'ignorance, de confiance ou de méfiance, de satisfaction ou d'embarras.

Le rituel peut occuper une place importante dans certaines cultures. Il s'agit là d'un acte formel porteur d'une signification symbolique. Souvent considérés par les Occidentaux comme inutile et vide de sens, il est en Chine le garant de la qualité de la relation. C'est la capacité à accomplir convenablement les rituels qui distingue le civilisé du barbare. Les actes rituels jalonnement le processus de négociation : remise de cartes de visite à deux mains en s'inclinant, cadeaux de bienvenue, banquets incluant discours et toasts, règles de préséance dans les rencontres, formules de politesse, recours à des symboles visuels, à des nombres propitiatoires, cérémonies de signature de contrat.

La conception du temps influe sur le processus de négociation. Dans la culture occidentale, le temps est perçu comme une ressource rare dont il faut user avec parcimonie. En orient, il est considéré comme une ressource quasi inépuisable, à l'image de l'air que l'on respire. Ainsi la pression du temps, les échéances n'auraient que peu d'effets sur le comportement du négociateur de cette partie du monde. A un Occidental qui s'impatiente de voir aboutir un projet de transfert de technologie, son interlocuteur chinois lui répondit : « la Chine a vécu 5 000 ans sans votre technologie, elle peut attendre quelques années de plus » (Faure, 1999).

L'humour peut agir comme facilitateur dans la négociation. Il peut contribuer utilement à la qualité de la relation mais il passe parfois difficilement d'une culture à l'autre. La différence entre l'ironie voltairienne et l'humour anglais n'est pas que de l'ordre de nuance. Il s'agit de constructions d'une nature différente.

6. Le résultat

Le produit ultime d'une négociation est fonction des différents éléments qui la composent. L'influence de la culture sur ces éléments se retrouvera dans le résultat. Elle a aussi une influence plus directe en contribuant à définir, voire à modifier la zone des accords possibles. Ce faisant elle contribue à changer la valeur du jeu.

Sur la forme, il est des cultures où l'on ne signe un accord que lorsque l'on s'est entendu sur chaque détail et que ceci a été mis sur le papier de façon très précise, tandis que dans d'autres cultures on se contentera de termes beaucoup plus vagues. Ainsi un contrat de joint-venture en Chine dans l'optique occidentale doit comporter plusieurs centaines de pages, alors que la partie chinoise aurait volontiers recours à un simple formulaire à remplir d'une demi douzaine de pages (Faure, 2000). Ce qui est compris implicitement dans l'accord varie d'une culture à l'autre. Les occidentaux tendront à l'évaluer en intégrant les coûts de transaction, tels que le temps passé et les dépenses afférentes à la négociation. Les Japonais considéreront le degré de confiance mutuelle auquel on est parvenu et la qualité de la relation comme des éléments importants dans l'accord.

Le sens accordé au contrat signé fait l'objet d'interprétations très différentes. Dans certaines cultures l'accord final est considéré comme gravé dans le marbre et doit être observé à la lettre. Dans d'autres, le texte écrit était sans doute valide le jour où il a été signé puis les circonstances ayant changé, il devient normal de le réexaminer. Ainsi en Chine la signature d'un contrat ne clôt pas la négociation mais pose un jalon dans une relation à beaucoup plus long terme. Parvenir à un accord signifie pour les négociateurs avoir satisfait à une norme d'équité. L'équité est en soi une norme sociétale c'est-à-dire culturalisée et sa perception différente d'une culture à l'autre. Les principes de justice établissant l'équité s'expriment dans certaines cultures par l'égalité soit des gains obtenus, soit des concessions faites. Dans d'autres cultures, on valorisera davantage des gains inégaux mais répartis en fonction des besoins des parties. Lorsque l'accord a été signé, il s'agit de le mettre en oeuvre. Dans la culture occidentale, cela se fait dans un cadre juridique précis doté de mécanismes institutionnels, tels que tribunaux et cours arbitrales. Dans d'autres cultures, ceci est perçu comme une preuve flagrante de manque de confiance et dans tous les cas, on préféra engager une négociation ou faire appel à une médiation plutôt que d'aller en justice.

La négociation internationale est en soi une exploration dans l'interculturel. Comme le souligne Hall, toute trajectoire dans l'interculturel commence par la perte de ses propres repères. Cette « longue marche » peut finir contre la « grande muraille invisible », la culture de l'autre. Heureusement, la négociation est souvent un processus long dans lequel le sentiment de s'être

perdu ne perdure pas indéfiniment, car les occasions d'établir de nouveaux repères sont multiples. Cette activité ambivalente conduit à l'acquisition de nouvelles connaissances mais dans le même temps fait naître des doutes, conséquences inévitables d'un itinéraire dans l'interculturel. La négociation internationale rassemble les individus dans leur diversité autour de la même table, du même tapis ou sous la même tente. Elle propose davantage qu'une confrontation des cultures en générant des combinaisons visant à l'atteinte d'une certaine efficacité. De chaque côté, cultures nationale et organisationnelle cimentent la cohésion interne, tandis que les cultures professionnelles divisent. De part et d'autre de la table de négociation, les cultures nationales et organisationnelles séparent alors que les cultures professionnelles rapprochent.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery