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La corruption dans la gestion des deniers publics à Cotonou: Analyse socio-anthropologique de la persistance du phénomène

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par Vinagbo Barnard AGBANGLA
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en sociologie-anthropologie 2008
  

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2.2. La normalisation de la corruption

L'unanimité avec laquelle la totalité des acteurs condamnent les actes de détournements de deniers publics, cède le pas à une diversité de réactions lorsqu'il s'agit des actes de corruption opérés par les agents publics. Si les acteurs de la lutte contre la corruption et, plus particulièrement les acteurs de la société civile réprouvent toutes les pratiques qui ne correspondent pas à l'éthique bureaucratique, les autres acteurs émettent des avis différents suivant le type de corruption. Exiger de l'argent avant de rendre un service dont l'accomplissement n'implique aucune transgression des règles établies est considéré par tous comme un rançonnement, une extorsion. Par contre, lorsque la transgression de la règle revêt un certain intérêt pour l'usager, l'agent public est perçu comme un bienfaiteur. Dans ce cas, la commission qui lui est versée apparaît comme la manifestation de la gratitude de l'usager à l'égard d'un bienfaiteur. Les données recueillies révèlent que la perception de la corruption n'est pas toujours en phase avec la définition opératoire qui lui a été donnée : << ensemble de pratiques concourant à des formes illicites d'enrichissement et relevant d'agents investis de pouvoir public. Le douanier, l'inspecteur des finances seront << bons >> ou << mauvais >> en fonction de leur << humanité >>, c'est-à-dire selon qu'ils soient en mesure de donner satisfaction à de << pauvres >>usagers dont les préoccupations sont éloignées des normes et procédures << complexes et encombrantes >> de l'Etat. Il s'ensuit que les agents publics vivent en permanence une pression sociale les incitant à déroger à la règle. La perception sociale définie donc un seuil de normalité des pratiques corruptrices. Le tableau X et le graphique n°4 rendent compte de la perception de la corruption.

Tableau X: Perception sociale de la corruption

Type de corruption

Détournement de deniers publics ;

Surfacturation ;

Rançonnements

Népotisme ;

Favoritisme

Clientélisme politique

Arrangements

Pourcentage

60

15

10

10

5

Source: Données de l'enquête de terrain, septembre 2007. Graphique 4 : Perception sociale de la corruption

10% 5%

10%

15%

Détournement de denier public Rançonnements

Népotisme

Clientélisme politique Arrangements

60%

Mieux, cette perception, dans ses rapports à l'administration publique a conduit à l'instauration de normes pratiques en remplacement des normes officielles. Toutes les pratiques relevant de la corruption normalisée tendent à devenir des faits sociaux. Divers éléments du contexte socio culturel servent à en définir le caractère coercitif, qu'il s'agisse des réseaux sociaux ou de la menace sorcelaire1. La substitution des normes pratiques aux normes officielles devient, dans ces conditions, le mode de fonctionnement par excellence de l'administration publique béninoise. Les propos de l'enquêté M., receveur des impôts, sont récurrents : « nous devons nous montrer compréhensif avec les contribuables, discuter de leurs problèmes avec eux et

1 Cela ne veut aucunement dire que l'initiative de la corruption incombe toujours au contribuable et que les agents publics n'y ont aucune responsabilité. Nous tenons simplement à souligner que certains aspects de la corruption ne constituent pas, aux yeux de certains citoyens, un obstacle au développement.

envisager les solutions qui les arrange et qui ne portent pas préjudice à l'Etat ».

La normalisation de la corruption, si elle est le fait d'acteurs « d'en bas »1 qui y trouvent une façon efficace de s'adapter à un Etat contraignant qui ne ferait qu'exiger sans rien offrir en retour, sert de support à la grande corruption et contribue ainsi à reproduire le cercle vicieux. La thèse de CROZIER sur le management des organisations (CROZIER, 1977) s'applique bien à propos. En effet, il établit que, dans l'exercice de ses prérogatives, tout responsable s'appuie sur l'application des règles en vigueur au sein de l'organisation. Bien souvent, l'efficacité de l'organisation nécessite que certaines règles qui arrangeraient les subordonnés ne soient pas appliquées (par exemple l'interdiction de travail supplémentaire au-dessus d'un certain seuil). Pour être en mesure de violer ces règles, le responsable se trouve contraint de laisser les subordonnés en violer eux-mêmes quelques unes. Ce faisant, il se donne un moyen efficace de chantage en menaçant désormais d'appliquer toutes les règles si les subordonnés ne se montraient pas coopératifs. Appliquée au contexte béninois, cette théorie permet de comprendre les mécanismes de reproduction de l'entreprise de la corruption. En permettant aux agents publics « d'en bas » de s'adonner à des pratiques corruptrices dont ils ont connaissance, les hauts fonctionnaires d'Etat et les responsables politiques se donneraient ainsi un moyen de les rendre « coopératifs ». En effet, dans bien de cas, les opérations de surfacturations et les différents mécanismes de détournements ne peuvent se faire qu'avec la complicité active ou passive de certains agents publics. L'exécution des dépenses publiques étant régi par le principe de la séparation des pouvoirs de l'ordonnateur et du comptable, il s'ensuit que le ministre et le directeur de société n'ont pas directement accès

1 Cette terminologie se situe dans la perspective de Jean François BAYART qui désigne par là tous les acteurs qui n'ont pas accès aux instances de décision et qui subissent, d'une manière ou d'une autre, les décisions prises. Ce terme intègre aussi bien les citoyens que les agents publics qui ont la charge d'exécuter les ordres des pouvoirs publics.

aux comptes. Il leur faut pour cela, le soutien et la collaboration de leurs subordonnés. Cette même analyse pourrait être rapportée au fonctionnement général de l'Etat. Incapable de payer les fonctionnaires à l'indice réel, l'Etat ne les laisserait-ils pas s'adonner à des pratiques leur permettant de recouvrer la partie impayée de leur salaire ? Le fait qu'aucune mesure d'éradication de la corruption dans la douane dont tous s'accordent à reconnaître l'existence et l'acuité, n'est-il pas imputable à un accord tacite entre l'Etat et les douaniers cela ? Le ralentissement de l'élan de la CMVP suite à la grève de dénonciation de ses méthodes organisée par les douaniers en 1999 et qui coûta plusieurs centaines de millions à l'Etat1 rend plausible une telle hypothèse. D'ailleurs, force est de constater qu'aucune mesure véritable n'a été prise depuis lors pour lutter contre la corruption dans ce secteur et les faux frais continuent d'avoir droit de cité au port autonome de cotonou.

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