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Fondements juridiques des dispositions relatives à la propriété industrielle dans l'accord d'association entre la Tunisie et la Communauté Européenne

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par Maher EL EUCH
Université El Manar de Tunis - mastère professionnel en droit de la propriété intellectuelle 2008
  

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CHAPITRE II- LES RAPPOR TS A VEC LA NOUVELLE

POLITIQ UE DE VOISINA GE

Le 1er mai 2004, l'Union Européenne a été élargie à travers l'adhésion définitive de dix nouveaux pays.55 Suite à cet élargissement, le nombre des pays de l'Union a augmenté à vingt cinq.56

L'effet immédiat de l'élargissement est le changement du paysage européen aux yeux de ses partenaires de la rive sud de la méditerranée aussi bien sur le plan de la coopération régionale que bilatérale. C'est dans l'objectif de limiter les éventuelles conséquences négatives d'un tel changement que la nouvelle politique de voisinage a été conçue par l'Europe des quinze et validée l'Europe élargie à travers les institutions communautaires. En mars 2003, la Commission a présenté une communication intitulée «L'Europe élargie - Voisinage : Un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l'Est et du Sud». Cette initiative a été saluée par le Conseil européen qui a invité la Commission et le Conseil à la poursuivre. A la fin 2003, la Commission a engagé des discussions exploratoires avec certains partenaires d'Europe de l'Est et du Sud de la Méditerranée, y compris la Tunisie. Ces pays ont confirmé l'intérêt qu'ils portent à la politique européenne de voisinage. Par la suite, le 12 mai 2004, la Commission a adopté et publié un document stratégique appelé : « Politique européenne de voisinage. Document d'orientation ».

55 Les dix nouveaux membres sont : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie

56 Actuellement, et suite à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, l'Union Européenne compte vingt sept (27) membres.

Pour les droits de la propriété industrielle, « l'élargissement risque d'accroître les risques de contrefaçon, d'une part, en faisant entrer dans l'Union européenne des pays encore peu familiarisés au respect des droits de propriété industrielle, d'autre part, en multipliant, pour les marchandises litigieuses, les points d'ouverture au marché européen. En effet, le danger est double : non seulement des États comme la Pologne, la Tchéquie ou la Hongrie sont fabricants, distributeurs et consommateurs de copies en tout genre, mais ils sont aussi perméables à la pénétration de contrefaçons en provenance d'Asie, de Russie ou de Turquie ».57

Il est à préciser, à ce propos, que « le dispositif du voisinage constitue un complément de l'offre européenne qui doit consolider le partenariat et non s'y substituer... ».58

Avant d'évaluer l'harmonie entre la nouvelle stratégie de 2005 et la nouvelle politique de voisinage (section 1), il convient de présenter les grands axes de cette dernière, notamment en matière de propriété industrielle (section 2).

Section 2- les grands axes de la nouvelle politique de voisinage

Selon le document stratégique, «la nouvelle politique de voisinage vise... à offrir à [aux voisins] l'occasion de participer à diverses activités de l'UE par le biais d'une coopération étroite sur les plans politique, économique et culturel, ainsi qu'en matière de sécurité ».59

La protection des droits de la propriété industrielle a été considérée comme étant une question liée au commerce. Le document stratégique précise que « la mise en convergence de la réglementation dans des disciplines-clés liées au commerce procurera des avantages économiques, tant en termes de réformes dans les pays partenaires qu'en termes d'amélioration du climat d'investissement. Une protection plus efficace des droits de la propriété intellectuelle et industrielle, ainsi qu'une application effective de ces droits, en association avec une mise en convergence réglementaire et une amélioration de l'accès au marché dans le domaine des marchés publics devraient avoir un effet de levier important sur le développement économique et sur les niveaux d'investissement ».

57 « Les conséquences de l'élargissement européen pour les titulaires de droits de propriété industrielle ». Article publié par Catherine Druez-Marie. Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois. Mai 2005. P 8. Disponible sur : http://www.irpi.ccip.fr/fichiers/Etudes/05-Elargissement.pdf

58 Rapport du FEMISE 2006 sur le partenariat euro-méditerranéen. Septembre 2006.p 2.

59 Source : http://europa.eu.int/comm/world/enp/index en.htm

Les deux dimensions de la coopération entre les deux rives de la méditerranée ont été prises en compte par cette nouvelle politique de voisinage : la dimension régionale (§1) et la dimension bilatérale (§2).

§1- la dimension régionale de la nouvelle politique de voisinage

La principale question qui a été posée dans ce cadre est de savoir quelle est la nature de l'intégration régionale prévue par la nouvelle politique de voisinage? S'agit-il d'une forme d'intégration profonde ?

Cette question a été traitée par les auteurs du rapport du FEMISE 2006 sur le partenariat euro-méditerranéen. 60

D'abord, les auteurs ont commencé par définir la notion d'intégration profonde qui «va beaucoup plus loin [que la zone de libre échange] dans la mesure où, comme en Europe :

- elle repose en général sur un projet politique, qui conduit à passer de l'union douanière au marché commun, puis à l'union économique et monétaire, pour finir par l'intégration complète ;

- elle implique à chaque étape des évolutions institutionnelles lourdes ;

- elle impose de mener des actions de convergence significatives au niveau de l'ensemble de la région ». 61

Ensuite, ils ont constaté qu'« avec la PEV, nous ne sommes pas encore dans le cadre d'une vision d'intégration profonde de la région Euro-Med qui pourrait servir de référence normative claire à atteindre ».62

Enfin, ils ont conclu que l'offre européenne s'appuie sur la démarche de transposition des directives européennes à travers la mise en place d'un jalon dans le marché intérieur de l'Union ("stake in the internal market").

Partant de cette identification de la nature de l'intégration régionale dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage, les auteurs du rapport ont démontré le processus nécessaire pour sa réussite. Selon eux, «trois étapes sont indispensables :

> La première étape consiste à faire une typologie des directives européennes susceptibles d'être transférées (celles jugées les plus importantes pour le développement économique) selon le degré d'implication du sociétal national.

60 FEMISE : Forum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques

61 Rapport FEMIS. p. 26. Disponible sur : http://www.femise.org/PDF/Femise A2006fr.pdf 62 Rapport FEMIS. p. 28

> La seconde étape est d'examiner le degré de compatibilité entre les directives européennes et les institutions et pratiques locales.

> La troisième étape traitera la question du contenu du jalon, dans diverses hypothèses de rapprochement avec l'UE, tentera de hiérarchiser les priorités et de donner une idée des niveaux principaux de responsabilité ».63

§2- la dimension bilatérale de la nouvelle politique de voisinage

Sur le plan bilatéral, le document stratégique sur la nouvelle politique de voisinage précise que la méthode proposée pour réaliser les objectifs de la politique européenne de voisinage « consiste, en accord avec les pays partenaires, à définir une série de priorités dans des plans d'action arrêtés conjointement, qui permettront à ces pays de se rapprocher autant que possible de l'Union européenne. Ces plans d'action reposent sur l'engagement en faveur de valeurs communes... dans le domaine du commerce, la PEV prévoit une ouverture accrue du marché, conformément aux principes de l'OMC, et une convergence par rapport aux normes de l'UE. Les plans d'action définiront la marche à suivre pour les trois à cinq années à venir. La prochaine étape pourrait consister à proposer un nouveau partenariat privilégié sous la forme d'accords européens de voisinage destinés à remplacer la génération actuelle d'accords bilatéraux, une fois que les priorités des plans d'action auront été réalisées».

Pour ce qui des relations entre la Tunisie et l'Union européenne, les deux partenaires ont établi conjointement un plan d'action dont l'objectif est de « donner une nouvelle dimension à l'Accord d'association dans tous ces volets... ». Sur le plan économique, le plan d'action vise « le développement de conditions propices à l'investissement direct étranger, à la croissance et au développement durable ».

Dans le domaine de la propriété industrielle, le point 36 du plan d'action avec la Tunisie rappelle l'objectif général d'«as surer un niveau de protection conforme aux plus hauts standards internationaux et renforcer l'application effective de ces dispositions, conformément à l'article 39 de l'accord d'association ».

En outre, le même plan d'action fixe un ensemble d'objectifs à court terme et à moyen terme. L'essentiel de ces objectifs prend la forme d'obligations incombant à la partie tunisienne.

63 Rapport FEMIS. p. 3 1-32

Les obligations de court terme ont été fixées comme suit :

> l'adhésion aux principaux accords internationaux - y compris les conventions prévues par l'article 39 de l'accord d'association - et appliquer les plus hauts standards internationaux ;

> le renforcement de l'application de la réglementation, notamment en matière des sanctions afin d'assurer une protection efficace aux titulaires de droits ;

> le renforcement de la coopération administrative entre les autorités tunisiennes compétentes et celles des pays tiers ;

> le renforcement des capacités de la structure de suivi qui permet d'enregistrer, d'accorder et de gérer des droits ;

> le renforcement de la lutte contre les produits contrefaits/piratés dans des secteurs très ciblés ;

> le renforcement des actions qui permettent : la création d'un environnement propice au développement de la propriété industrielle en Tunisie ; la consolidation des services du département de la Propriété industrielle à l'Institut National de la Normalisation et de la propriété Industrielle ; la promotion des brevets et de l'activité inventive.

Quant aux obligations à moyen terme, elles tournent autour des axes suivants :

> le renforcement des structures chargées notamment des brevets ;

> la possibilité d'une collaboration renforcée avec d'autres partenaires Euromed ;

> la progression vers l'application d'un niveau de protection similaire à celui de l'UE.

Après avoir passé en revue les grands axes de la nouvelle politique de voisinage, une évaluation de l'harmonie de la stratégie de 2005 avec cette nouvelle politique aidera à identifier les traits de la tendance basée sur la communautarisation des fondements juridiques des dispositions relative à la propriété industrielle dans l'accord d'association.

Section 2- Harmonie avec la nouvelle politique de voisinage

Il est utile de remarquer tout d'abord que la nouvelle stratégie communautaire ne fait pas référence à la nouvelle politique de voisinage. Toutefois, et dans la mesure où cette dernière constitue le cadre général au tour duquel doit s'articuler tout projet destiné à la promotion des relations de coopération entre les parties concernées, la stratégie européenne visant la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers devrait être en harmonie avec les axes et les objectifs de cette politique et refléter son esprit.

Certains axes reflètent l'esprit de l'association et du voisinage. La stratégie a choisi d'éliminer certaines attitudes (§1) et de fixer la démarche que la Commission Européenne doit suivre pour sa mise en oeuvre (§2).

§1- Les attitudes à exclure

La nouvelle stratégie a choisi d'exclure certaines attitudes de la démarche à suivre pour la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers. Il s'agit notamment du rejet de l'unilatéralisme (A) et de la standardisation des modèles de protection (B).

A- Rejet de l'unilatéralisme

La stratégie a mis le point sur le fait qu'elle « n'entend pas imposer des solutions unilatérales ». Le document explique ce choix en rappelant qu'« il est évident que les solutions proposées ne seront efficaces que si le pays bénéficiaire les juge prioritaires et reconnaît leur importance » et que « la Commission est disposée à aider à l'instauration de telles conditions ».

L'approche européenne se propose une nouvelle vision différente de celle des EtatsUnis marquée par son attitude unilatéraliste. Ainsi, et dans la cadre de leur lutte contre le phénomène mondial de la contrefaçon, les Etats-Unis ont mis en place « une législation musclée qui a doté le Représentant du Commerce (USTR) d'une arme puissante de pression internationale (la Section 301), et institué une Commission du commerce international (ITC) chargée d'enquêter et de déférer auprès d'une juridiction parallèle ad hoc - le Tribunal (américain) du commerce international (ITC) - toute pratique commerciale déloyale selon les lois américaines, y compris en matière d'atteinte à des DPI (Section 337) ».64

Le rejet de l'unilatéralisme dans la stratégie européenne n'est qu'une confirmation du refus des pouvoirs de sanctions reconnues aux autorités américaines en vertu des lois des Etats-Unis. Nous pouvons, à cet égard, rappeler que la Communauté Européenne a déjà contesté la loi américaine « spécial 301 » devant l'organe de règlement des différends de l'OMC en invoquant son atteinte à la prévisibilité du commerce international.65

Selon la logique européenne, la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers doit être le résultat d'un volontarisme politique exprimant la conviction de

64 VIDON (Patrice). « Le chantier de la régulation internationale du commerce par le droit de la propriété intellectuelle ». p. 4. Disponible sur : http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/vidon2000.pdf

65 Affaire DS 152 .Disponible sur : http://www.wto.org/french/tratop f/dispu f/cases f/ds152 f.htm

la nécessité d'une telle protection. L'adhésion volontaire à tout système de protection, par un pays tiers, constitue la source de légitimité recherchée par la stratégie communautaire.

Une telle logique trouve son fondement dans l'esprit de partenariat qui inspire l'accord d'association et le bon voisinage qui constitue la base et la finalité de la nouvelle politique européenne. Les deux notions de partenariat et de bon voisinage n'auront de sens que si elles seront accompagnées d'un respect de la souveraineté des Etats qui est incompatible avec toute attitude unilatéraliste.

Toutefois, le rejet communautaire de l'unilatéralisme a été mis en cause par certains. Par ailleurs, et « pour couvrir la propriété intellectuelle, l'UE a également eu recours à un mécanisme d'examen dans le cadre du Règlement sur les obstacles du commerce, qui a un rôle similaire à celui de l'examen annuel des représentants pour les négociations commerciales américains (dans le cadre de l'article spécial 301 de la Loi sur le commerce extérieur) ».66

L'harmonie entre la démarche à suivre par les institutions communautaires (notamment la Commission) et les valeurs attachées au bon voisinage suppose le recours aux instruments conventionnels.

B- Rejet de la standardisation des modèles de protection

La stratégie a précisé qu'elle n'entend pas « proposer une approche standardisée et uniforme pour promouvoir le respect des DPI ».

La comparaison avec le modèle américain est également possible à ce propos. Le bilatéralisme américain se caractérise par une standardisation et uniformisation des dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Ces dispositions ont été insérées dans deux catégories d'accords bilatéraux conclus par les Etats-Unis en matière économique et commerciale, à savoir les traités bilatéraux sur l'investissement (TBI ou BIT en anglais) et les accords de libre échange. Les négociateurs américains procèdent touj ours par référence à un modèle prédéterminé. Dans le domaine de l'investissement, un nouveau modèle américain de traités bilatéraux (le modèle de 2004) a remplacé celui de 1994. Les droits de la propriété intellectuelle ont été inclus dans la définition de l'investissement afin de les faire bénéficier des normes de traitement et des mécanismes de libéralisation. Les gouvernements des pays importateurs d'investissement direct étranger (IDE) sont contraints d'accepter l'approche américaine qui lie le traitement juste et équitable au droit international coutumier et à la protection et sécurité intégrales, d'une part, et qui consacre

66 « La propriété intellectuelle dans les accords d'investissement : les répercussions des mesures ADPIC-plus sur les pays en développement ».Document précité. p. 11.

la confusion entre traitement et libéralisation en prévoyant le traitement national pour les deux phases de pré-investissement et de post-investissement, d'autre part. Dans l'esprit de continuité qui caractérise la diplomatie économique américaine, la standardisation de la protection des droits de la propriété industrielle dans sa relation avec le droit conventionnel de l'investissement international doit s'effectuer selon le système de l'«open door policy ».

Sur le plan commercial, la consécration d'un chapitre entier pour la protection des droits de la propriété intellectuelle dans le modèle américain des accords de libre échange vise la consolidation de la standardisation au niveau bilatéral. En effet, un accord de libre échange, en tant que forme d'intégration régionale, permet aux deux parties contractantes d'échapper à l'effet de généralisation des avantages résultant de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) telle qu'elle est prévue par l'article 1er du GATT.

Cette pratique peut, de prime abord, s'avérer contraire à l'objectif de généralisation du modèle américain mais en tenant compte du pragmatisme américain, nous pouvons affirmer que cela renforce davantage la position des Etats-Unis dans la mesure où les concessions octroyés par la partie américaine ne vont pas être généralisées aux autres membres de l'OMC et les principaux standards sont confirmés dans tous les accords bilatéraux conclus par elle.

A titre d'exemple, le chapitre 15 de l'accord de libre échange conclu entre les EtatsUnis et le Maroc prévoit les standards suivants : traitement national, obligation de transparence, adhésion aux instruments internationaux de protection, et moyens de faire respecter les droits.

Sur le plan régional, la vision américaine est également vérifiée dans l'Accord de libre échange nord-américain de 1992 (ALENA) et notamment le chapitre 17 qui impose le traitement national et des niveaux élevés de protection du droit d'auteur, des brevets, des marques de commerce et d'autres droits, au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

La standardisation des modèles de protection n'est en fait qu'une forme d'unilatéralisme. Le rejet communautaire affiché d'une telle attitude au niveau des principes va être vérifié au niveau de la démarche que la stratégie propose pour leur mise en oeuvre.

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