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Le régime juridique de l'arbitrage commercial international

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par S. T. Abdel- Kader FADAZ
Université de Lomé - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2006
  

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§2- Difficultés liées à l'immunité d'exécution des personnes publiques parties à l'arbitrage

Le privilège de l'immunité d'exécution des Etats et de leurs démembrements continue par entraver l'efficacité paisible des sentences arbitrales. Les personnes publiques résistent encore à honorer leur engagement en phase d'exécution de la sentence (B) en faisant fi de la renonciation à ce privilège qu'implique la stipulation de la convention d'arbitrage (A).

A - La renonciation de principe au privilège d'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage

La renonciation des personnes publiques au privilège d'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage apparaît comme un corollaire du principe de renonciation à l'immunité de juridiction inhérente au choix des personnes publiques de recourir à l'arbitrage.

A la différence de ce principe dont elle dérive logiquement et qui a fait l'objet d'une consécration dans certaines législations relatives à l'arbitrage commercial international, la renonciation des personnes publiques à l'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage est un principe d'origine jurisprudentielle228(*). Il a été clairement posé dans la jurisprudence suisse et se retrouve précisément dans un arrêt du Tribunal fédéral suisse rendu dans le cadre du différend opposant le Royaume de Grèce et la banque Julius Bär. L'Etat grec en l'espèce, s'opposait à l'exécution de la sentence rendue à son encontre en brandissant son immunité d'exécution. Le Tribunal fédéral rejeta cet argument et motiva clairement sa décision en ces termes : « dès l'instant qu'on admet dans certains cas qu'un Etat étranger peut être partie devant les tribunaux suisses à un procès destiné à fixer ses droits et ses obligations découlant d'un rapport juridique dans lequel il est intervenu, il faut admettre aussi qu'il peut faire en Suisse l'objet des mesures propres à assurer l'exécution forcée du jugement rendu contre lui. Sinon ce jugement serait dépourvu de l'essence même de la sentence d'un tribunal, à savoir qu'elle peut être exécutée même contre le gré de la partie condamnée »229(*).

Le principe ainsi posé de la renonciation au privilège d'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage repose sur l'idée selon laquelle l'immunité d'exécution étant la conséquence logique de l'immunité de juridiction, la renonciation à la première induit celle de la seconde. Ce raisonnement opérant un lien indissociable entre les deux principes est d'une cohérence imparable : on ne saurait en effet concevoir qu'un Etat accepte de se soumettre à la justice pour ensuite en renier les conséquences.

Mais la présomption de renonciation des personnes publiques à l'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage ne concerne que les biens affectés à une activité commerciale et économique. Les biens des personnes publiques destinés à une activité de service public et relevant des prérogatives de puissance publique étant exclus du domaine du principe, seule une renonciation expresse pourra permettre des mesures d'exécution forcée sur ceux-ci. Cette précision a été notamment apportée par la Cour de cassation française dans l'arrêt Eurodif c/ Iran230(*). Elle correspond à la distinction classique opérée entre l'Etat souverain et l'Etat commerçant dans la délimitation du domaine des immunités. Le principe de la renonciation à l'immunité d'exécution en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage a encore été affirmé par la jurisprudence française dans des litiges assez récents survenus entre des Etats et des multinationales étrangères231(*).

Ces conflits récemment réglés par la jurisprudence française reflètent bien le sérieux obstacle que constitue la réticence des personnes publiques à honorer leur engagement dans la phase d'exécution de la sentence arbitrale.

B - Les obstacles découlant de la réticence des personnes publiques à honorer leurs engagements dans la phase d'exécution de la sentence

Les comportements des Etats parties à une convention d'arbitrage commercial international tendant à empêcher la mise en oeuvre des obligations découlant des sentences rendues à leur encontre constituent de sérieuses entraves à l'efficacité internationale des sentences arbitrales. Ces comportements qui se fondent essentiellement sur la remise en cause de la renonciation à l'immunité d'exécution, connaissent des illustrations significatives en jurisprudence qui méritent d'être rappelées. Trois cas jurisprudentiels retiennent particulièrement notre attention parmi les nombreux exemples existant sur la question à savoir, les célèbres affaires LIAMCO, SEEE, et Ipitrade.

Dans l'affaire LIAMCO qui opposait la Libyan American Oil Company (LIAMCO) à la Libye, un litige était né de la nationalisation d'une concession pétrolière accordée à LIAMCO par l'Etat libyen. Le litige ayant été soumis à un arbitrage dont le siège était fixé à Genève, une sentence fut rendue, qui condamnait la Libye à verser une indemnité à LIAMCO. LIAMCO obtint une saisie sur des comptes de l'Etat libyen ouvert auprès de six banques à Zurich. Mais le Tribunal fédéral suisse annula les ordres de séquestre provenant d'un tribunal zurichois. Allant au-delà de l'immunité d'exécution excipée par l'Etat libyen en l'espèce, la juridiction suprême estima curieusement que le fait que le siège du tribunal arbitral ait été fixé par l'arbitre et non par les parties en cause dépouillait l'arbitrage d'un rattachement suffisant avec la Suisse232(*). La sentence LIAMCO a fait l'objet d'autres procédures d'exequatur plus ou moins tumultueuses aux Etats-Unis, en France et en Suède. En France notamment, des saisies arrêts ordonnées par le Tribunal de grande instance de Paris le 7 février 1979 furent levées par décision du même tribunal le 5 mars 1979 dans l'attente des résultats d'une mesure d'information devant permettre de faire une ventilation entre les fonds affectés aux activités de service public et ceux liés aux activités commerciales et économiques.

Dans l'affaire SEEE ayant mis aux prises la Société Européenne d'Etudes et d'Entreprises S.A et l'Etat yougoslave, la société avait sans succès essayé de faire exécuter en France une sentence prononcée en Suisse contre la Yougoslavie. Le Tribunal de grande instance de Paris jugea que la renonciation à son immunité de juridiction par la Yougoslavie résultant de l'arbitrage, ne pouvait automatiquement entraîner un abandon de l'immunité d'exécution233(*).

Le litige entre la société Ipitrade et le Nigeria donna lieu en 1978 aux mêmes blocages en France où les juges avaient estimé que les comptes bancaires du Nigeria en France bénéficiaient d'une immunité absolue même après la reconnaissance donnée à une sentence arbitrale rendue en Suisse234(*).

Les cas jurisprudentiels qui précèdent illustrent à quel point le privilège d'immunité d'exécution conféré aux Etats et à leurs démembrements peut servir d'obstacle redoutable à l'efficacité internationale des sentences arbitrales. On se rend compte de la latitude qu'ont les Etats de prendre malicieusement appui sur la distinction classique entre les biens affectés au service public et ceux destinés aux activités commerciales pour dissimuler leurs biens et les faire échapper à toute mesure d'exécution forcée.

Cela amène à s'interroger sur la réelle opportunité du maintien du privilège de l'immunité d'exécution des personnes publiques en matière d'arbitrage commercial international. Le contexte actuel du commerce international marqué par la mondialisation ne semble guère se prêter à l'admission de ce principe. Plusieurs arguments d'ordre contractuel et procédural nous poussent à suggérer l'abandon de ce principe, particulièrement dans l'arbitrage commercial international.

D'un point de vue contractuel, l'immunité d'exécution des personnes publiques heurte le principe de bonne foi qui gouverne les affaires et les intérêts du commerce international. L'Etat partie à un arbitrage commercial international qui se réfugie derrière le principe d'immunité d'exécution des personnes publiques, au moment de l'exécution de la sentence à son encontre, galvaude la règle pacta sunt servanda et engage de ce fait sa responsabilité et sa crédibilité en raison du manquement à la parole donnée dans la convention d'arbitrage.

D'un point de vue procédural, la justice arbitrale consacre et impose le respect du principe d'égalité des parties universellement admis dans toutes les formes de justice. Le privilège d'immunité d'exécution ne saurait dès lors être accordé à la justiciable personne publique sans violer les principes fondamentaux de justice équitable. Il importe donc de rétablir l'équité afin que la justice s'exerce pleinement et efficacement pour toutes les personnes qu'elles soient publiques ou privées.

La position audacieuse adoptée par la Cour de cassation française dans l'arrêt Etat du Quatar c/ Société Creighton en juillet 2000, permet de nourrir l'espoir - aussi infime soit-il - d'une évolution future des mentalités vers l'abandon du principe de l'immunité d'exécution des personnes publiques en matière d'arbitrage commercial international. En l'espèce, la haute Cour décida en effet que : « l'engagement pris par l'Etat signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence dans les termes de l'article 24 du règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale impliquait renonciation de cet Etat à l'immunité d'exécution »235(*).

Comme l'écrit justement Monsieur LALIVE dont nous approuvons ici les sages propos, «tout justiciable devrait avoir le droit de soumettre une réclamation ou un litige, même contre un Etat, à une juridiction neutre et impartiale. Il faut ensuite qu'il soit en mesure d'obtenir l'exécution de la décision prise. Ces principes devraient prévaloir en tout cas lorsqu' il y a (une) clause arbitrale, et devraient l'emporter sur le concept d'une souveraineté, anachronique dans le monde actuel et dans le domaine du commerce international »236(*).

La  Convention de New York et les textes postérieurs ont considérablement amélioré le régime de l'exécution internationale des sentences arbitrales. Des difficultés résultent cependant, ainsi que nous l'avons observé, des applications locales de la Convention de New York. Il s'agit notamment de l'application de la doctrine de forum non conveniens aux Etats-Unis pour empêcher l'exequatur des sentences étrangères et de la restriction des conditions d'exécution des sentences étrangères opérée par l'article 34 de l'Acte uniforme de l'OHADA relatif au droit de l'arbitrage. Des difficultés sont aussi liées à l'immunité d'exécution des personnes publiques parties à l'arbitrage.

Eu égard à ce bilan mitigé, une évolution des textes régissant l'exécution des sentences est souhaitable pour corriger les imperfections actuelles et assurer un avenir meilleur à l'efficacité internationale des sentences arbitrales.

* 228 L'AUA notamment pose en son art. 2 al. 2 le principe de renonciation des personnes morales de droit public à leur immunité de juridiction en cas de stipulation d'une convention d'arbitrage puisqu'elle les autorise à « être parties à un arbitrage sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité du litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage ».

* 229 Cf. Aff. Royaume de Grèce c/ Banque Julius Bär, Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédér. (ATF) 82 I. 75

* 230 Cass. Civ 1ère 14 mars 1984, JCP 1984 II. 20205

* 231 Cf. entre autres : Cass. Civ 1ère 6 juillet 2000, Quatar c/ sté Creighton, JCP 2001, II. 10512, Kaplan et Cuniberti ; Paris,10 août 2000, Ambassade de Russie en France c/ Cie Noga, JDI 2001. 121, Pingel-Lenuzza.

* 232 Trib. féd. suisse, 30 juin 1980, ATF 106 I.a, 142 s.

* 233 Décision rapportée par Jean Flavien LALIVE, « Quelques observations sur l'immunité d'exécution des Etats et l'arbitrage international », Kluwer Academic Publishers, 1989, p. 381, note 22.

* 234 V. Clunet 106 (1979), p. 857.

* 235 Citée par Philippe THERY, « Feue l'immunité d'exécution ? », in GP2001 n°163, p.18.

* 236 J. F. LALIVE, op. cit. p. 380.

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