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La diversité culturelle dans le procès international relatif aux droits de l'homme

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par Titine Pétronie KOUENDZE INGOBA
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Droits de l'homme et Action Humanitaire 2004
  

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B- Devant les Comités des droits de l'homme

La diversité culturelle est autant présente devant les Tribunaux que devant les différents Comités et Commissions de protection des droits de l'homme. En effet, ceux-ci sont chargés de contrôler la mise en oeuvre des conventions internationales par les Etats les ayant ratifiées56(*). Toutefois, il reste encore qu'on ne peut refuser ou exclure un certain particularisme reconnu aux Etats, encore que, les droits de l'homme ne sauraient avoir une interprétation unique dans le monde entier. Comme nous l'avons vu avec Bedjaoui: « Chaque homme, chaque communauté, récite le répertoire des droits de l'homme avec son propre accent, en fonction de ses acquis et de ses besoins, à la lumière de ce qu'il attend, et avec sa propre perception changeante du prix qu'il attache, suivant le lieu et le moment, au droit à préserver ou au droit à revendiquer. »57(*) La situation distincte des Etats ne saurait permettre une application identique des droits de l'homme.

Il est intéressant d'aborder cette question en examinant la dignité humaine en tant qu'elle constitue le socle même de l'universalité des droits de l'homme.58(*)S'il est vrai que tout être humain, dans n'importe quelle partie du monde est reconnu avoir une dignité, la perception que chacun a (au fond) de cette dignité pourrait poser problème. Car il est irréfutable que la perception de l'expression « dignité humaine » est diverse d'une partie à l'autre des cinq continents, compte tenu de la diversité culturelle.

En outre, si « dignité humaine » implique égalité de sexe, peut-on dire que l'humanité entière ait convenu sur le sens de ce nouveau concept « égalité » ? Il faut admettre que ces concepts, au-delà du fait d'avoir été proclamé et reconnu universellement, demeurent un terrain de désaccord dans le domaine des droits de l'homme. En se fondant sur ces réflexions, nous comprenons combien la diversité culturelle, au-delà de toute proclamation d'universalité, reste la question centrale des droits de l'homme. C'est ainsi qu'il est immanquable que le juge international devant les Comités de protection des droits de l'homme ne soit confronté à des difficultés pratiques dans ce sens.

Sur les questions d'égalité de sexe et de discrimination, les peuples africains sont loin de partager le point de vue européen. Certaines discriminations à l'égard des femmes sont estimées normales dans certaines sociétés africaines. Comment alors le juge peut-il protéger un individu contre ce sur quoi celui-ci ne s'estime pas lésé? Comment le juge peut-il parvenir à articuler cette perception dérivant d'une culture, avec les normes internationales en cause ?

Le comportement africain pourrait simplement être qualifié de distinction, c'est-à-dire que, c'est pour montrer la différence qui existe entre les deux sexes, que certains principes discriminatoires existent dans les traditions africaines. En effet, comme l'écrit un juriste contemporain : « toute distinction n'est pas forcément discriminatoire et l'égalité de traitement n'est pas synonyme d'identité de traitement »

On pourrait s'interroger sur l'attitude du juge face au traitement infligé à certaines femmes dans certaines coutumes africaines. En s'appuyant sur la norme le juge pourrait estimer qu'une femme battue par son mari est victime de violation au regard de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes59(*). Cependant, dans ces sociétés, ce mal se trouve être un mal nécessaire. En effet, des sondages effectués auprès des femmes au Congo ont révélé que huit femmes sur dix estiment qu'il est tout à fait normal qu'un homme batte sa femme, et que ce la fait partie des rapports normaux dans un foyer conjugal.60(*) Comment, un juge international peut-il apprécier ce genre de particularisme ? Devrait-il considérer ce phénomène comme normal, et comme constituant l'identité propre à cette société ? Lorsque l'on sait que toute atteinte à l'intégrité physique, peut entraîner des conséquences néfastes sur la santé de la victime, donc porter atteinte au droit à la vie qui est l'un des droits le plus important.

Etre digne, est-ce être libre d'user à son aise de son corps ? Si les Européens libertariens estiment que l'homme est libre de faire ce qu'il veut de son propre corps, les Africains, eux sont encore très réservés sur cette question. En effet, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples avait été saisie par William Courson sur les discriminations qu'opérait la législation du Zimbabwe à propos des homosexuels.61(*) Bien que cette plainte ait été retirée par son auteur, l'un des commissaires rapporteurs déclara qu'« en raison de la nature délétère de l'homosexualité, la Commission saisit cette occasion pour faire une déclaration sur la question. Bien que l'homosexualité et le lesbianisme aient obtenu droit de cité dans certaines parties du monde, il n'en est pas de même en Afrique. L'homosexualité est une offense à la dignité et à la moralité en Afrique, elle est incompatible avec les valeurs africaines positives. »62(*) Face à ce genre de cas, le juge est partagé entre l'application des articles 2 et 3 de la Déclaration des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales du 20 novembre 196363(*), remettant ainsi en cause l'éthique et la morale africaine et, protéger les valeurs africaines en rappelant comme l'a fait ce rapporteur, les valeurs culturelles africaines. On peut estimer que si l'Europe appelle «  dignité humaine », le droit de faire librement, le droit d'agir librement, l'Afrique elle considère la dignité humaine comme le droit de ne pas faire ce qui pourrait de « son point de vue » ( du point de vue africain), avilir.

Cela nous reporte à toutes les critiques portées à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, pour avoir attribué à l'homme en plus des droits, des devoirs. Pourtant, cet élément, il faut le reconnaître fait la particularité et l'originalité même de la Charte africaine. Il exprime simplement qu'au-delà du fait d'avoir des droits, l'Africain a des devoirs envers les valeurs coutumières et traditionnelles, qui font son identité.

En Europe, la question du statut et de la nouvelle identité sexuelle des transsexuels, s'est posée avec beaucoup d'acuité, devant la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour après des difficultés certaines « a fini par imposer aux pouvoirs publics la reconnaissance de la nouvelle identité sexuelle des personnes concernées »64(*)O n pourrait se demander si la Cour a effectivement le droit de remettre en cause des agissements qui relèvent proprement de la morale et de l'éthique donc de la culture d'une société. Jusqu'où devrait aller le pouvoir du juge international ? Cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme ne porte t-elle pas atteinte au droit à la culture ? Dans cette décision du 25 mars 199265(*), le juge utilise le droit à la vie privé66(*) pour garantir le droit aux transsexuels d'être reconnus officiellement.

Une autre question intéressante se pose, à savoir, comment les comités de protection des droits de l'homme devraient-ils juger des affaires se rapportant aux droits de certains groupes religieux. La Cour européenne des droits de l'homme a été amenée à se prononcer sur le refus d'accorder le visa de distribution d'un film vidéo jugé blasphématoire, dans l'affaire Wingrove contre Royaume Uni67(*). Il n'a pas été facile pour le juge de se prononcer sur cette question, d'autant plus qu' « en matière de morale, les pays européens n'ont pas une conception uniforme des exigences de protection contre des attaques à des convictions religieuses »68(*). C'est pourquoi dans le cas espèce le juge va observer la législation anglaise sur les restrictions à la liberté d'expression. Il va finalement se prononcer en faveur des autorités ayant pris la décision faisant grief, en reconnaissant toutefois que compte tenu des divergences en la matière, les autorités nationales étaient mieux placées pour apprécier «  l'impact probable d'un tel film »69(*). Les obstacles que le juge international rencontre dans sa mission, ressortent clairement dans cette décision. Mais est-il seulement possible qu'une haute instance renvoi une affaire vers une juridiction nationale pour incompétence, dans la mesure où le principe d'épuisement des voies de recours internes, indique bien que la victime n'a pu obtenir gain de cause devant la justice de son Etat. Et encore que les juridictions internationales sont supérieures aux juridictions internes. Le problème est à prendre avec beaucoup d'intérêt.

* 56 Voir préambule du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civile et politiques, in, NATIONS UNIES, La Charte internationale des droits de l'homme, Fiche d'information n°2, novembre 2001, p. 63.

* 57 M. BEDJAOUI, « La difficile avancée des droits de l'homme vers l'universalité », CONSEIL DE L'EUROPE, Universalité des droits de l'homme dans un monde pluraliste, Strasbourg, Ed NP. Engel, 1990, p. 47.

* 58 A.D. OLINGA, « La notion de dignité en droit international des droits de l'homme », Cahier de l'UCAC, Yaoundé, Dignité humaine en Afrique, 1996, p. 234 et 235.

* 59 NATIONS UNIES, Discrimination à l'égard des femmes : La convention et le comité, Fiche d'information, Droits de l'homme, n°22, p. 49.

* 60 Association des femmes juristes de Brazzaville, Rapport 2001, inédit.

* 61Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Affaire William Courson c/ Zimbabwe, Communication n°136, 1994, J.D. BOUKONGOU, « Introduction à la protection internationale des droits de l'homme », op.cit, p. 17.

* 62 E.A. ANKUMAH, La commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Pratiques et procédures, Sadic, Londres, 1995, p189, J.D. BOUKONGOU, Idem

* 63 NATIONS UNIES, Déclaration sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales, Recueil d'instruments internationaux, Droits de l'homme, Vol.I ( première partie ), Instruments universels, 1994, p. 63.

* 64 A.D. OLINGA., « La notion de dignité en droit international »,  op.cit, p. 239.

* 65CEDH, B c/ France, 25 mars 1992.

* 66 Convention européenne des droits de l'homme, article 8.

* 67 V. BERGER, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Paris, Dalloz Sirey, 6é Ed, 1998, p. 454.

* 68 Idem, p. 455.

* 69 Idem.

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