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La diversité culturelle dans le procès international relatif aux droits de l'homme

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par Titine Pétronie KOUENDZE INGOBA
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Droits de l'homme et Action Humanitaire 2004
  

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Section 2 : L'interprétation des faits et l'application du droit

Nous examinerons dans une première sous-section comment le juge procède pour faire une interprétation des faits qui se sont déroulés dans un contexte culturel précis (§1) avant d'examiner l'analyse qu'il en fait (§2).

Sous-section 1 : L'interprétation des faits 

L'étape de rassemblement des éléments et d'observation des faits passée, le juge devra procéder à une interprétation des faits, il s'agit en fait de qualifier juridiquement les griefs soumis à son appréciation. L'analyse de cette interprétation se fera selon que nous nous trouvons devant les juridictions belges de compétence universelle et devant les comités de protection des droits de l'homme.

A- Devant les juridictions belges

« La compétence pénale d'une juridiction nationale est dite `universelle' quand elle s'étend en principe, à des faits commis n'importe où dans le monde et par n'importe qui ; lorsque par conséquent, un tribunal que ne désigne aucun critère ordinairement retenu- ni la nationalité d'une victime ou d'un auteur présumé, ni la localisation d'un élément constitutif d'infraction, ni l'atteinte portée aux intérêts fondamentaux de l'Etat- peut cependant, connaître d'actes accomplis par des étrangers, à l'étranger ou dans un espace échappant à toute souveraineté. Pour que s'exerce cette compétence, il suffit théoriquement, des hasards d'une arrestation, d'une plainte ou d'une dénonciation. »48(*)Mais aussi que l'Etat qui engage la procédure se soit préalablement doté d'une Loi de compétence universelle. C'est le cas de la Belgique avec la Loi du 10 février 199949(*), relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire, dite «  compétence universelle ». Cette loi a donc attribué compétence aux juridictions belges à se prononcer sur le Génocide Rwandais en 2001. Si l' « on s'accorde à reconnaître que le procès, dont on avait souvent dit qu'il serait celui de tous les dangers, a été un modèle de justice sereine ... »50(*), cela n'exclut pas les difficultés rencontrées par les juges tout au long du procès.

En effet, il faut reconnaître que le procès du Génocide, comme le désignent les journalistes, a été le terrain de toutes les confrontations et difficultés dues aux diversités culturelles. Le juge Damien Vandermeerch51(*)se trouve dans une situation particulièrement difficile, il juge une période de l'histoire qui n'est pas la sienne. Malgré les efforts qu'il engage, il se trouve très limité. Comment parvenir à interpréter des faits si lointains. Comment optimaliser le pari de la vérité dans ce tourbillon d'incertitude ? On retrouve, parmi les avocats, les spécialistes, les experts, les sociologues convoqués à l'audience, des personnes elles-mêmes impliquées dans le génocide52(*). Tel fut le cas de Mathias Ruzindana, expert en sociolinguistique, contre qui la défense s'était farouchement opposée devant le TPIR dans le procès des anciens responsables « des médias de la haine » en mars 200053(*). Les rapports d'audience, mais aussi les médias, ont présenté l'atmosphère assez lourde dans laquelle se déroulait le procès. «...Le juge s'adresse aux jurés dans un langage simple et direct ...le juge d'instruction explique qu'il est lui aussi tenaillé par la crainte de condamner un innocent. Il est lui aussi soumis aux aléas de l'interprétation et de la traduction »54(*) La peur de se tromper est croissante dans ce tumulte et il est bien à craindre que le juge incapable de trouver une issue dans ce climat d'incertitude ne trouve refuge dans la seule technicité du droit.

L'une des difficultés qui se présentait au juge dans cette affaire était bien celle de condamner. Pourtant, les témoignages et les autres preuves rapportées ne faisaient aucun doute aux griefs portés contre les accusés. Mais, il est des faits difficiles à admettre pour un juge national, en l'occurrence le juge belge. L'on constate à ce stade la confrontation entre deux cultures, la culture du juge et celle des parties en présence. C'est justement l'influence de sa propre culture qui le freine dans l'interprétation de la situation. Il recherche une signification à ces comportements.

Enfin, il est bien difficile de scinder le procès du génocide et le procès des accusés, il n'est pas aisé de se faire une opinion sur les faits. Toutes ces péripéties ont rendu bien difficile l'interprétation des faits. En effet, l'on remarque dans la décision de la Cour d'assises qu'il y est fait simplement un report des actes d'accusation, sans pour autant qu'une interprétation claire y soit portée. On se demande finalement si le juge a tenu compte du cadre de terreur dans lequel se trouvaient les accusés ? Où est l'intérêt que le juge accorde à la diversité culturelle dans ce procès ? Des difficultés trop grandes l'ont conduit à se réfugier dans la technicité du droit, las de rechercher une compréhension tenant compte du cadre culturel du génocide.

Finalement, n'est-il pas logique de penser comme le professeur Verhoeven que :  « la compétence universelle est une farce »55(*). Le juge belge est compétent de par la norme - la loi de compétence universelle- mais est-il véritablement compétent, lorsqu'il est lui-même sidéré et ébahi par l'ampleur et la cruauté des massacres ; lorsqu'il n'arrive pas à imaginer les récits que lui rapportent les témoins qui passent devant lui à tour de rôle. Ce, simplement parce que d'après sa culture un homme ne saurait être capable d'autant de cruauté. Comment est-il possible dans de telles situations, qu'un juge soit impartial ? Son interprétation se limite finalement à copier / coller le droit dont il sait si bien se servir, sans plus rechercher à répondre aux mille et une questions qui lui taraudent l'esprit. La décision à prendre dans ces conditions pourrait-elle être considérée comme un vrai dire le droit ?

* 48 G. DE LA PRADELLE, « La compétence universelle », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, Paris, A.Pedone, 2000, p. 905.

* 49 P. MARTENS, « L'expérience belge de compétence universelle », Gaboriau.S., Pauliat H., La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2002, p. 192.

* 50 Idem, p. 194.

* 51Juge d'instruction près la Cour d'assise de Bruxelles, chargé de l'instruction dans l'affaire du Génocide rwandais.

* 52F.X. NSANZUWERA, «  Quelles leçons tirées des deux Tribunaux pénaux internationaux? », www.ridi.org/adi/archives.htm, 20 juillet 04.

* 53Kayishema et Ruzindana, le verdict, www.fondationhirondelle.org , 20 août 2004.

* 54P. TAVERNIER, « Observation sur le procès du génocide en Belgique », www.cicr.org, 20 août 2004.

* 55« Le vif/l'express » du 18 mai 2001, p16 ; cité par P. MARTENS, « L'expérience Belge de compétence universelle », op.cit, p. 194.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand