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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

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PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE

LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE

DE BONNE FOI

Il est nécessaire de garantir une protection au contribuable de bonne foi. La notion de bonne foi évoque, en premier lieu, la « croyance erronée »51. Une croyance erronée mais sincère (ou légitime) en l'existence d'une situation juridique régulière. Elle privilégie donc une attitude passive du sujet de droit en l'occurrence le contribuable qui ignore l'obstacle légal empêchant de donner plein effet à une situation juridique52.

La bonne foi évoque en deuxième lieu, un « comportement loyal », une attitude d'intégrité et d'honnêteté et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui53. Elle privilégie ainsi une attitude active pouvant s'apprécier eu égard au comportement effectif du contribuable54.

Cette dualité de sens qu'embrasse la bonne foi nécessite une dualité corrélative de protection au profit du contribuable ; une protection de la bonne foi en tant que croyance erronée (Chapitre I) et une protection de la bonne foi en tant que comportement loyal (Chapitre II).

51 Selon le professeur KORNPROBST on pourrait admettre à titre d'axiome, l'existence de deux sortes de bonne foi : une bonne foi de connaissance et une bonne foi d'action ; la première résulte d'une croyance et la seconde d'un certain comportement. Or, « Lorsqu'il s'agit de la bonne foi connaissance, encore faut-il qu'elle soit fondée sur une croyance erronée, car comme le remarque à juste titre Breton « si la croyance est conforme à la réalité, c'est la réalité et non pas elle qui produit effet (...) la croyance n 'a d'action particulière que quand elle est erronée », KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi : application au droit fiscal français », thèse précitée, p. 4 cite BRETON (A) : « Des effets civils de la bonne foi », Revue critique, 1926, p. 86.

52 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.

53 CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique », Op. Cit., V° Bonne foi, p.1 05.

54 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.

CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE CROYANCE ERRONEE DU CONTRIBUABLE

« Dans la formule « croyance ou opinion erronée » ce qui compte c'est l'idée d'erreur. La bonne foi c'est l'erreur sur la régularité ou l'irrégularité d'une situation ou d'un acte juridique »55. Cependant, il arrive souvent que l'erreur reprochée au contribuable ne soit pas de son propre fait56. Elle peut être due notamment aux changements de doctrine administrative57.

55

LYON -CAEN (Gérard) : « De l'évolution de la notion de bonne foi », Revue trimestrielle de droit civil, 1946, p.99.

56 L'erreur reprochée peut être due également à la rétroactivité du texte fiscal. La situation est la suivante : un contribuable ayant appliqué la réglementation fiscale en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt, se trouve, en vertu d'un nouveau texte, menacé d'un rehaussement d'impositions. La menace est d'autant plus sérieuse que « l'administration fiscale a la fâcheuse habitude, lorsqu'elle pressent que sa position va être condamnée par le juge, de demander au législateur par une validation rétroactive ou par une disposition interprétative, de ratifier sa position ou sa propre doctrine. Or, l'une des premières exigences du contribuable est de pouvoir connaître les règles fiscales à l'avance et de ne pas être victime devant le juge de nouvelles mesures rétroactives qui l'imposent dans des conditions différentes de celles qu'il avait prévu », (PHILIP (Loïc) : « Le procès équitable dans la jurisprudence du conseil constitutionnel », R.F.F.P, n° 83, Septembre 2003, p. 5). Le contribuable peut-il alors invoquer sa croyance d'être dans son bon droit pour contrecarrer l'exercice, par l'administration, de son droit de reprise ? En l'état actuel du droit, la non rétroactivité des normes fiscales moins favorables au contribuable, n'est pas consacrée. En effet, l'article 13 de la Constitution, tel que modifié par la loi constitutionnelle n°2002-51 du 1er juin 2002, n'interdit les dispositions législatives rétroactives qu'en matière répressive, et ce, sauf en cas de texte plus doux. Cela signifie donc que le législateur fiscal demeure libre d'adopter des lois rétroactives. Dès lors, sera écartée l'étude de la protection du contribuable contre la rétroactivité de la norme. Une telle protection ne devrait pas dépendre du comportement du contribuable ; tout contribuable, même de mauvaise foi, mériterait protection. C'est le minimum de protection requis dans un Etat qui se veut de droit. En revanche, s'agissant de la protection du contribuable contre la rétroactivité de la doctrine administrative, cette protection devrait être l'apanage du contribuable de bonne foi puisqu'il s'agit dans ce cadre de faire prévaloir la croyance du contribuable d'être dans son bon droit.

57

Il n'existe pas, en droit positif tunisien, une définition de la notion de doctrine administrative. En effet, cette notion n'est reconnue que de manière accidentelle par simple décret, et ce, uniquement à travers sa version française. Il s'agit de l'article 18 du décret n° 91-556 du 23 avril 1991 (J.O.R.T. n° 30, 134e année, 3 mai 1991, p. 952) portant organisation du ministère des finances qui attribue à la direction générale des études et de la législation fiscale le rôle « d'interpréter les textes législatifs et réglementaires fiscaux en vigueur et d'élaborer ainsi la doctrine administrative». Le même article ajoute que la direction est chargée notamment «d'élaborer la documentation fiscale et d'assurer la publication du bulletin officiel des impôts ». Il est à noter cependant, que la version arabe (étant celle qui fait foi) du même article 18 du décret susmentionné, n'a pas employé l'équivalent de l'expression « doctrine administrative ». Le texte arabe parle de « la fixation de la méthode à suivre par l'administration à cet effet »".3.1.-.1113A <4i 1;.)1.3,>1 14.L.1 <4:1 ~J~#S~1 " , pour exprimer ce que la version française du décret appelle « doctrine administrative ». Pour plus de détails sur le fondement juridique accidentel de la doctrine administrative en Tunisie voir : GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Paris, L'Harmattan, 2007, p.36 et suivants.

Toutefois, il importe, de prime abord de signaler que dans le domaine fiscal, plus que dans les autres domaines, la doctrine de l'administration, en tant que « l'ensemble des commentaires que fait l'administration des textes fiscaux», participe au fonctionnement du système fiscal58. En effet, face à la complexité et à l'hermétisme des textes fiscaux, la doctrine administrative assure un rôle incontournable dans l'interprétation du texte fiscal ainsi que dans sa vulgarisation. Cependant, il arrive souvent qu'elle glisse vers l'exercice d'un véritable pouvoir réglementaire. En effet, sous couvert d'interprétation, l'administration peut être tentée de donner à la mesure législative ou règlementaire le contenu qu'elle voudrait qu'elle ait. Elle peut, soit ajouter des conditions non prévues par le texte et dont l'effet sera de restreindre le champ d'application de la loi, soit au contraire, renoncer à certaines conditions du texte, modifiant de la sorte ses conditions d'application. Cette doctrine administrative semble être illégale dans la mesure où elle présente un caractère réglementaire et s'approprie, de la sorte, d'un rôle dont elle n'est pas investie. Ainsi, elle est en principe, inopposable au contribuable. Ce dernier a la possibilité, s'il justifie (entre autres) d'un intérêt à agir, d'exercer un recours pour excès de pouvoir en vue de l'attaquer.

Cependant, il arrive souvent que le contribuable n'attaque pas la doctrine administrative mais plutôt s'en prévaut, et ce, à l'occasion d'un revirement de position de la part de l'administration en sa défaveur puisque, rien n'empêche l'administration fiscale de revenir sur sa doctrine et de substituer une doctrine favorable au contribuable par une doctrine plus sévère59.

Cette substitution est susceptible d'engendrer au moins deux conséquences pour le contribuable : « Tout d'abord, le régime fiscal auquel il est soumis pour l'avenir se trouve durci. En outre, l'administration fiscale peut user de son droit de reprise pour opérer un redressement portant sur des exercices non prescrits, en se fondant sur l'interprétation nouvellement donnée au texte pertinent »60.

58 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p.21 9. Selon BARILARI (André) et DRAPPE (Robert), la doctrine administrative est définie comme : « L'ensemble des documents, circulaires, instructions, documentation fiscale, réponses ministérielles par lesquels l'administration fiscale fait connaître son interprétation des textes, en particuliers fiscaux », «Lexique fiscal », Op. Cit., p. 69. A côté de ces documents énumérés, il faudrait ajouter, dans le contexte tunisien, les notes communes ainsi que les réponses de l'administration fiscale aux demandes de renseignements qui lui sont adressées par les contribuables. Outre ce qui précède, le contribuable a parfois été confronté à la pratique administrative, ce que le juge fiscal désigne sous l'appellation « doctrine administrative de fait ». Voir en ce sens : Tribunal de première instance de Tunis, 18 novembre 2004, requête n° 819, voir annexe 3 p.200 et spécialement p.204.

59 S'agissant des mesures favorables, les contribuables qui en sont bénéficiaires ne vont pas les contester du moment qu'elles introduisent des assouplissements à leurs obligations fiscales.

60 MARCHESSOU (Philippe) : « L'interprétation des textes fiscaux », Paris, Economica, 1980, p. 105.

Cette faculté ouverte à l'administration est depuis toujours objet d'indignation61. D'autant plus que ce phénomène de changement de doctrine administrative est, dans la pratique, assez courant, et que contrairement au droit comparé, le législateur tunisien n'a pas prévu de dispositions juridiques régissant sa mise en oeuvre, son application ou encore son changement.

Cette situation contraste avec le développement, depuis quelques années, d'une doctrine administrative foisonnante. On a même pu constater que « la doctrine administrative en Tunisie évolue en dehors de tout cadre législatif »62.

La protection contre le changement de la doctrine administrative se justifie par la nécessité d'assurer aux contribuables un climat de sécurité juridique et d'instaurer, de la sorte, la règle de la certitude. Ainsi, il y a lieu d'étudier dans un premier temps la nécessité d'établir un certain degré de protection de la croyance erronée du contribuable (Section I). Cette protection doit en outre être encadrée afin de garantir son effectivité (Section II).

SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR

La protection de la croyance erronée du contribuable est fonction de certains impératifs que le système fiscal en place se doit d'observer. Ces impératifs sont dictés par la nouvelle conception du pouvoir politique et plus précisément de l'Etat de droit auquel la Constitution tunisienne proclame son attachement depuis 200263. Au coeur même de ces impératifs figure la sécurité juridique (Paragraphe 1). En outre, un Etat de droit suppose un devoir de loyauté imposé à l'administration (Paragraphe 2).

61 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p. 222.

62 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Op. Cit., p. 189.

63 BACCOUCHE (Néji) : «De la nécessité du contrôle fiscal», Revue tunisienne de fiscalité, n°1, 2004, p. 13.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery