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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

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B- L'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine

Afin d'atténuer les conséquences pratiques susceptibles de porter atteinte aux intérêts du contribuable en cas de changement de sa doctrine, l'administration fiscale française - plus précisément l'administration des contributions indirectes et de l'enregistrement - avait émis, dans un premier temps, une instruction en date du 31 janvier 1928, dans laquelle elle avait prévu que : « dans le cas de changement de la jurisprudence, ou de modification de la doctrine administrative, les suppléments d'imposition que pourraient justifier les nouvelles règles ne doivent pas être réclamés et ces règles ne doivent être appliquées que pour l'avenir»108. Cette instruction a été suivie, en matière d'impôt sur le chiffre d'affaires, par une note interne de l'administration diffusée auprès de ses agents sous le n° 442, le 28 mars 1928 qui a prévu à son tour qu'« Il est des cas où la bonne foi du contribuable est tellement évidente qu'il apparaît injuste de réclamer l'impôt rétroactivement. Il en sera ainsi lorsqu'il y a eu de la part des tribunaux un changement de doctrine, ou lorsque le redevable a fait l'objet d'une vérification antérieure du service sans observation de la part de ce dernier, de telle sorte que ce redevable a pu croire procéder régulièrement et n'est plus à même de récupérer l'impôt sur ses clients. Dans ces trois cas, le redevable, instruit de ses nouvelles obligations, sera invité à s'y conformer à l'avenir et à acquitter dorénavant les droits mais aucun rappel d'impôt ne sera effectué pour la période antérieure à cette invitation »109.

Toutefois, eu égard aux liens étroits qui existaient sous le protectorat, entre les administrations fiscales française et tunisienne, il est probable que les circulaires de l'administration française du 31 janvier et du 28 mars 1928 avaient reçu application en Tunisie. Il est vrai qu'aucune prise de position officielle de l'administration tunisienne n'est venue confirmer ou infirmer cette doctrine après l'indépendance ; mais tout porte à croire qu'elle est encore en vigueur110.

Néanmoins, « l'hypothèse même du maintien de cette doctrine après l'indépendance ne donne pas de garanties suffisantes au contribuable parce que l'on sait d'une part, que l'administration peut toujours revenir sur sa doctrine et que d'autre part, le juge saisi ne censurera pas ce revirement si ce dernier s'avère conforme à la loi fiscale»111.

108 Citée par AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p. 223.

109 Citée par BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », article précité, p.10.

110 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.436.

111 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p.224.

C'est d'ailleurs pour tenir compte de l'insuffisance de cette protection administrative - dans le pays où elle a d'abord été consacrée - que le législateur français est intervenu à travers les articles L.80 A et L.80 B du L.P.F.

L'article L.80 A prévoit qu' «Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivie par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.» Cet article institue une garantie contre les changements de la doctrine administrative, laquelle n'interdit pas à l'administration de changer son interprétation pour l'avenir. Elle lui interdit, seulement, de procéder à des rehaussements d'impositions en soutenant une interprétation différente de celle existante à l'époque du fait générateur de l'impôt et appliquée par le contribuable. Cette garantie constitue, de la sorte, une limite au droit de reprise.

Le législateur français a étendu l'application de l'opposabilité de la doctrine de l'administration aux prises de position sur une situation de fait, et non plus sur la seule interprétation du droit112. Cette disposition est codifiée à l'article L. 80 B 1er du L.P.F. qui prévoit : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :

1- Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...). »

Dans quelques arrêts, le tribunal administratif tunisien a accepté de faire prévaloir la doctrine administrative sur la loi. Un des arrêts les plus explicites dans ce sens est l'arrêt du 30 octobre 2000 opposant la direction générale du contrôle fiscal à la société Agriculteur113.

112 Par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI modifiant les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9 juillet 1987, p.7470, qui a introduit le rescrit à l'article L. 64B du L.P.F.

113 T.A., 30 octobre 2000, requête n° 32394, Recueil des arrêts du tribunal administratif 2000.

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Dans cette affaire, il y avait deux notes de l'administration, et le contribuable s'était référé à un seul de ces documents. Le juge a considéré que la doctrine était seulement opposable à l'administration et non aux tiers, parmi lesquels le contribuable. Cette solution, qui tend à protéger le contribuable et à assurer la sécurité juridique, devrait être confirmée pour valoir comme jurisprudence.

Dans une autre affaire plus récente, et malgré le fait que le contribuable ait appliqué la doctrine publiée par l'administration, le juge a refusé d'en tenir compte114. Selon ce dernier la doctrine administrative a pour rôle d'interpréter les lois fiscales en clarifiant les termes obscurs et en tirant les conséquences de son interprétation. Les circulaires, instructions et notes qui dépassent le cadre de l'interprétation pour poser des règles contraires sont inapplicables. Le juge sanctionne la doctrine réglementaire en la déclarant illégale et inapplicable.

Dans une troisième affaire encore plus récente, portée devant le tribunal de première instance de Tunis, le contribuable a soulevé le revirement de la doctrine administrative que le juge a qualifié en français de « doctrine administrative de fait », « &iI.~I J..a~ ~~~~~ »115.

Dans cette affaire, le contribuable a considéré que le revirement de la doctrine constituait une violation aux principes de sécurité juridique et de l'égalité de fait dans l'application de la loi par l'administration et il a même fait référence à l'article L.80 A du L.P.F.

114 T.A., cassation, 11 février 2002, n° 32786, Tunis air contre la Direction du contrôle fiscal, Recueil des arrêts du tribunal administratif, 2002, pp. 215- 222 et spécialement p. 219.

115 Tribunal de première instance de Tunis, 18 novembre 2004, requête n° 819. (Inédit) Voir annexe 3 p.200 et spécialement p.204. En l'espèce, le requérant a fait prévaloir une doctrine administrative de fait qui consistait en l'exonération des cafetiers de la T.V.A.

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Le juge a considéré que la doctrine administrative, qu'elle soit écrite ou de fait, est inopposable au contribuable ainsi qu'au juge, en l'absence, en droit tunisien, d'un équivalent de l'article L.80 A du L.P.F. français. Le juge a ajouté qu'en cas de revirement de cette doctrine, il faut distinguer selon qu'elle porte atteinte ou non aux droits du contribuable. Le cas échéant, la nouvelle doctrine ne peut s'appliquer que pour le futur. Autrement dit, le juge a posé le respect du principe de l'égalité et le respect de la règle de non rétroactivité en matière fiscale, comme conditions de validité du changement de la doctrine défavorable au contribuable.

La constante donc pour le juge de l'impôt, « censeur de la légalité administrative »116, est qu'il applique toujours la loi.

Il paraît ainsi légitime de se demander si le principe de la légalité chasse, ipso facto, la protection, ou bien s'il pourrait exister un rapport de forces entre le contribuable et l'administration, qui nécessiterait l'intervention du droit pour protéger la partie la plus faible - objectif que vise ouvertement le droit ?

« Nul doute que le principe de légalité se veut protecteur. Pourtant, il est des situations où, appliqué dans toute sa rigueur, notamment en matière fiscale, il peut conduire à mettre en danger l'activité économique sous-jacente, alors que le contribuable de bonne foi a pu croire, compte tenu du comportement de l'administration à son égard, avoir agi dans le bon droit »117.

D'autant plus que « la sécurité juridique n'est toutefois pas le seul ni même le principal impératif que le juge administratif prend en considération dans l'exercice de son office. Sa première mission est en effet de veiller au respect du principe de légalité par les autorités administratives. Par ailleurs, il doit tenir compte de la nécessité, pour l'État et les différentes collectivités publiques, d'adapter leur action en fonction des contraintes économiques et sociales et donc de faire évoluer la réglementation applicable. La conciliation de ces différents objectifs, parfois contradictoires, peut conduire à des solutions peu respectueuses de la sécurité juridique des particuliers»118.

116 KAMMOUN (Slim) :« Le procès fiscal », thèse de doctorat en droit public, F.S.J.P.S.T., 2006, p.4.

117 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », article précité, p.10.

118 BOIS SARD (Sophie) : « Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans priver l'autorité administrative de tous moyens d'action et sans transiger sur le respect du principe de légalité? Le difficile dilemme du juge administratif », Etudes et doctrine : « Le principe de sécurité juridique », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 11, http://www.conseil constitutionnel.fr/cahiers/ccc11/ccc11somm.htm, visité le 9/4/2008.

Dans l'attente d'une intervention législative, l'existence même d'un contrôle juridictionnel encadrant l'activité de l'autorité administrative permet d'espérer une meilleure protection du contribuable de bonne foi.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite