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L'émergence d'une culture des droits de l'homme au Cameroun

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par Cyrille APALA MOIFFO
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3è cycle en Droits Fondamentaux 2005
  

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CHAPITRE II :

LES MANIFESTATIONS DE L'EMERGENCE DE LA CULTURE DES DROITS DE L'HOMME

La fin du 20ème siècle est caractérisée par le phénomène d'internationalisation des droits de l'homme. En effet, sous l'impulsion de l'ONU, une importante oeuvre de codification de ces droits a été menée dans le cadre du droit international (conventionnel), les Etats étant constamment rappelés à leur devoir de s'y rallier.

Aussi a-t-il été réaffirmé lors de la deuxième conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993, qu' « il est du devoir des Etats quel qu'en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales ».

Cette mouvance dans laquelle le Cameroun s'est engagé se matérialise à travers l'action des pouvoirs publics (Section 1) et l'action de la société civile (Section 2).

SECTION 1 : L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS

Dans son acception contemporaine, l'Etat a pour mission non seulement d'assurer la sécurité juridique des rapports politiques et sociaux, mais aussi et surtout de promouvoir et de garantir les droits et libertés fondamentaux des citoyens.

La constitutionnalisation des droits de l'homme (Paragraphe 1), l'action du législateur (Paragraphe 2) qui à travers les lois en fixe le cadre d'exercice et de jouissance par les citoyens, ainsi que la création des cadres de promotion26(*) et de protection de ces droits (Paragraphe 3) constituent les axes majeurs de l'action des autorités étatiques en faveur de leur effectivité.

Paragraphe 1 : La constitutionnalisation des droits de l'homme

En tant que norme suprême, loi fondamentale de l'Etat, la constitution est le cadre privilégié dans lequel ces droits sont proclamés, énumérés et garantis. C'est ainsi que les constitutions successives du Cameroun27(*) ont toujours comporté des dispositions relatives aux droits de l'homme.

Sans avoir besoin de revenir sur chacune de ces constitutions, les droits proclamés de façon générale sont classiques (A), auxquels il faut ajouter les droits nouvellement consacrés par la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 (B).

Toutefois, avant de se pencher sur les dispositions constitutionnelles y relatives, il convient d'observer que les différentes étapes qui ont marqué la vie politique et sociale du Cameroun ont fortement influencé la perception de l'éthique des droits de l'homme. Cette situation s'est elle-même matérialisée par une importante oeuvre de codification de ces droits qui a atteint une vitesse de croisière dès 1990. A cet égard, leur inscription dans le droit positif est la manifestation concrète de l'émergence des droits de l'homme au Cameroun, ainsi que le témoigne la constitution de 1996.

A- Les droits classiques

La constitution de 1996, comme d'ailleurs les précédentes, proclame dans son préambule que « l'être humain possède des droits inaliénables et sacrés, sans aucune discrimination ». Elle affirme son « attachement aux libertés fondamentales inscrites dans tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels le Cameroun est partie, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte des Nations Unies, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples... »

Comme droits et libertés classiques, le texte constitutionnel pose les principes ci-après :

- l'égalité de tous en droits et en devoirs ;

- la garantie de la liberté et de la sécurité à chaque individu ;

- le droit de s'établir en tout lieu du territoire ainsi que la liberté d'aller et venir ;

- l'inviolabilité du domicile et de la correspondance, le principe de la légalité des infractions et des peines ainsi que la non rétroactivité de la loi ;

- le libre accès à la justice ;

- la liberté d'opinion, de croyance, de conscience et du culte ;

- la liberté d'expression, de presse, de réunion et d'association, la liberté syndicale ;

- la protection de la famille ;

- le droit de propriété, le droit à l'instruction et le droit de travailler.

Il faut cependant souligner que les principes ainsi énumérés dont la garantie incombe à l'Etat, doivent pour la plupart s'exercer soit dans le cadre de restrictions relatives au respect des droits d'autrui, soit sous réserve des prescriptions légales. En réalité, « Les droits de chacun n'ont de réalité que s'ils découlent de l'ordre juridique en vigueur, et si leur exercice s'arrête là où commencent les droits d'autrui et les exigences de la vie en société, conformément aux règles dictées par l'intérêt général, sans distinction aucune »28(*).

Mais la constitution de 1996 fait preuve d'originalité par rapport à ses devancières lorsqu'elle consacre de nouveaux droits.

B- Les nouveaux droits consacrés par la constitution

La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 197229(*) opère une avancée significative dans la garantie des droits de l'homme au Cameroun30(*), ceci à travers l'énonciation dans son corpus, de principes novateurs.

C'est ainsi qu'à côté des droits habituellement reconnus et énumérés ci-dessus, on retrouve pour la première fois dans l'univers constitutionnel :

- La reconnaissance du droit à la vie et ses diverses implications. Il s'agit là d'une marque d'attention particulière pour l'intégrité physique et morale de la personne, qui n'avait que trop tardé à être formellement reconnue par la loi fondamentale.

- L'énonciation de la présomption d'innocence. « Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense ». La proclamation de ce droit constitue indubitablement la constitutionnalisation des exigences relatives au droit à un procès équitable.

Des préoccupations contemporaines y sont également intégrées et débouchent sur la diversification des garanties en fonction des personnes ou des groupes identitaires. Ce sont là des droits à coloration sociale qui sont énoncés en terme de protection non seulement de la famille, mais aussi de la femme, des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées. Cette protection qui leur est reconnue constitue en réalité une prise de conscience de la vulnérabilité de ces différents groupes sociaux.

L'une des innovations de la constitution de 1996 réside également dans la formule « l'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi »31(*). Par ailleurs, le paragraphe 2 de l'article 1er dispose que l'Etat « reconnaît et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques, aux droits de l'homme et à la loi ». Cette disposition s'analyse en fait comme le droit pour ceux des citoyens qui y sont attachés, à ce que les valeurs traditionnelles ne soient pas a priori interdites32(*).

Aux droits sociaux garantis, se greffent le droit de grève à côté de la liberté syndicale33(*), la liberté de la communication qui est une extension de la liberté d'expression, et le droit à l'instruction avec l'enseignement primaire qui est désormais obligatoire.

Enfin, il convient de relever l'entrée dans le bloc des droits constitutionnels, du droit à un environnement sain, dont l'implication immédiate est le devoir pour tous de protéger l'environnement.

Comme on peut le constater, aussi bien par son contenu que par sa valeur juridique constitutionnellement consacrée34(*), le préambule du texte constitutionnel actuellement en vigueur au Cameroun réalise une avancée significative dans la voie de la construction d'un Etat de droit. C'est pour certains juristes, « la consécration d'une rupture, du passage d'un ordre juridique globalement liberticide à un ordre juridique résolu à se montrer protecteur des libertés »35(*). D'ailleurs, l'incorporation du préambule à la constitution assigne une valeur constitutionnelle et une force contraignante incontestable aux droits et devoirs qui y sont énoncés.

Si la constitution de 1996 constitue un tournant décisif pour la promotion et la protection des droits de l'homme au Cameroun, il ne faut cependant pas perdre de vue que les droits ainsi consacrés sont le fruit d'une longue et patiente construction du législateur camerounais dans le but de leur assurer un encadrement et une garantie effectifs. Aussi peut-on dire que l'émergence d'une culture des droits de l'homme est plus palpable à travers l'action normative du législateur et les nombreuses réformes législatives entreprises depuis lors.

* 26 Le terme promotion s'entend comme les différentes stratégies ayant pour objet de développer la connaissance des droits de l'homme, à travers des actions de sensibilisation, auprès de tous les membres de la société.

* 27 Le Cameroun a connu quatre constitutions : celle du 4 mars 1960 au lendemain de l'indépendance (1er janvier 1960), la constitution fédérale du 1er septembre 1961, celle du 2 juin 1972 à la suite de la réunification du Cameroun oriental et occidental (20 mai 1972) et l'actuelle qui date du 18 janvier 1996.

* 28 Cette idée est exprimée par GROS ESPIELL (H), « Les droits de l'homme et le droit international humanitaire », Bulletin des droits de l'homme 91/1, Nations Unies, 1992, p.17.

* 29 Selon KAMTO (M), « Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle constitution », Lex Lata, n° 023-024, février - mars 1996, pp.17-20, «l'ampleur de la révision incline à dire qu'il s'agit techniquement d'une nouvelle constitution sous couvert d'une révision constitutionnelle ».

* 30 Sur cette question, voir OLINGA (A.D), La Constitution de la République du Cameroun, Yaoundé, éd. Terre Africaine et Presses de l'UCAC, 2006.

* 31 Il s'agit là d'une innovation controversée qui a alimenté de nombreux débats et il y a à craindre que le constituant n'ait ainsi ouvert la voie à de possibles conflits sociaux. Il devient donc urgent pour lui de préciser sinon les minorités, du moins les droits qui leurs sont reconnus sans porter atteinte au principe d'égalité et à la liberté de s'établir en tout lieu du territoire.

* 32 OLINGA (A.D), « vers une garantie constitutionnelle crédible des droits fondamentaux », op. cit, p. 333.

* 33 Les dispositions qui fixent le cadre d'exercice de la liberté syndicale et du droit de grève sont énoncées dans la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail, respectivement au titre II (articles 3 à 22) et au titre IX (article 157).

* 34 L'article 65 précise que : « Le préambule fait partie intégrante de la Constitution ». Les droits qui y sont énoncés sont donc inviolables et opposables au pouvoir comme aux citoyens.

* 35 OLINGA (A.D), op. cit, p.321.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault