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L'obligation in solidum en matiere de délits civil

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par RAHMEH Pierre
Université La Sagesse -  2006
  

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UNIVERSITE DE LA SAGESSE
I.S.S.E.D.

D.E.A. - Droit privé

L'OBLIGATION IN SOLIDUM
EN MATIERE
DE DELITS CIVILS

Mémoire pour le D.E.A. en Droit
Préparé sous la direction de

Dr. Marwan KARKABI

Présenté et soutenu publiquement
Le 7 Décembre 2006

Par

Pierre RAHMEH

Membres du jury :

Monsieur Maroun BOUSTANY Doyen de l'université de la SAGESSE

Monsieur Marwan KARKABI

Président de la cour d'appel de Beyrouth Docteur à l'université de la SAGESSE

Introduction

« Le droit de responsabilité civile tend à occuper le centre du droit civil, donc du droit tout entier ». C'est la place que donne le Doyen Josserand à la responsabilité civile.

Si la responsabilité est le centre du droit tout entier, sa conséquence n'est pas moins importante que son existence. Chaque fois qu'on parle de la responsabilité on parle de la réparation du dommage. La personne qui a subi un dommage poursuit l'auteur du dommage jusqu'à obtention de la réparation.

Les règles du code civil français et les règles du code des obligations réglementent la responsabilité délictuelle par les articles 1382 et 1383 du code civil français et les articles 122 et 123 du code des obligations et contrats libanais concernant la responsabilité du fait personnel, et les articles 1384 al 1re du C. civ. et l'article 131 COC règlent la responsabilité du fait des choses. Ces articles imposent la réparation du dommage à toute personne qui le cause par son propre fait ou en sa qualité gardien de la chose instrument du dommage.

Les articles que nous avons traitent le cas où une seule personne cause le dommage. Que serait donc le cas lorsque plusieurs personnes sont à l'origine du même dommage ?

Le code civil français n'a pas réglé ce point, c'est la doctrine et la jurisprudence française qui ont comblé cette lacune. Dans un premier temps, la cour de cassation française adoptait la divisibilité de la réparation. Chacun est responsable de la part qu'il a causée. Mais plus tard, la doctrine et la jurisprudence française, surtout en XIXe siècle, ont estimé que l'obligation des coauteurs d'un délit civil est solidaire.

Cependant, une évolution est apparue au cours du XXe siècle, qui dure encore de nos jours, présumant que l'obligation des coauteurs d'un même délit ou quasi délit civil, puis après les coauteurs d'un même dommage, est in solidum. Cette institution a évolué en droit romain en cas de pluralité d'auteurs. Certains auteurs contemporains se sont inspirés de la tradition romaine qui consacrait cette institution dans quelques cas spéciaux, pour renouveler cette institution. A son tour la cour de cassation française n'a pas répondu à ces propositions doctrinales qu'en 1939. Cette institution n'ayant aucun fondement textuel, aucune trace dans le Code civil français, est une institution purement jurisprudentielle.

Le Code des obligations et des contrats libanais règle ce point dans l'article 137 qui dispose que la solidarité existe entre les coauteurs d'un dommage lorsqu'il y a communauté d'action ou lorsqu'il y a impossibilité de déterminer la part de chacun dans la réalisation du dommage. Jusqu'à nos jours le problème n'a pas été analysé méticuleusement. On doit

essayer dans ce mémoire de pénétrer au centre du problème pour étudier si la solidarité disposée par l'article 137 est conforme avec le dommage généré par plusieurs auteurs.

Le thème est limité à présenter l'obligation in solidum en matière délictuelle. Mais avant de l'exposer, il faut chercher dans l'histoire du droit si l'obligation in solidum était connue surtout en droit romain, ancien droit français et en droit positif (chapitre préliminaire). Plus loin on scrutera sa consécration et sa nature juridique, (chapitre I) et enfin sa structure (chapitre II).

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

1 - Dans ce chapitre nous examinerons l'histoire du droit libanais dans le but de savoir si l'obligation in solidum aurait des traces historiques ou ne serait qu'une institution qui a récemment évolué (section 1 : précis historique). Mais l'histoire n'est pas suffisante pour l'admettre, il faut absolument scruter les règles du droit civil se rattachant aux délits civils pour savoir si elle est fixée ou non (section 2 : droit positif).

SECTION I :
APERCU HISTORIQUE

L'étude historique consiste à étudier l'histoire du droit français, le droit romain (Sous-section 1) et l'ancien droit français (Sous-section 2), du fait que notre droit positif est inspiré du droit positif français.

§ 1 : DROIT ROMAIN

2 - L'obligation in solidum est une institution provenant du droit romain. C'est l'action pénale qui est devenue, avec Justinien, une action civile, qui vise la réparation(1). Elle n'est que la transformation de la responsabilité pénale au total en responsabilité civile au total. Cette évolution passait dans trois étapes consécutives. En première étape, l'action pénale était affectée par le principe de cumul des actions exercées par la victime. En deuxième étape, le principe de cumul fut remplacé par un cumul relatif, et enfin le principe de cumul était aboli.

3 - Sous l'empire, la pluralité d'auteurs d'un délit donnait à la victime deux actions de nature différentes : les actions réipersécutoires et les actions pénales. Les actions réipersécutoires avaient un caractère civil, elles tendaient à indemniser la victime en dehors de toute vengeance. Cette action pouvait être intentée contre l'un des codélinquants selon le choix de la victime. Cependant, cette action était atteinte par l'effet extinctif de la litis contestatio qui est une règle procédurale. L'instance en droit romain se déroulait en deux phases l'instance in jure et l'instance apud judiciem. La première se déroule devant le magistrat. Dans cette phase les partis choisissent la formule qu'ils voulaient appliquer à leur litige. La deuxième phase se dépend du juge qui tranche le litige en fonction des éléments de

(1) Raymond Monnier, Manuel élémentaire de droit romain, tome II, n° 219, p.298 ; Huvelin Paul, Cours élémentaire de droit romain, tome II, p. 336 ; MIGNO Marc, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, Dalloz, 2002, p. 235 et s.

preuve choisis par les partis en première phase. La litis contestatio vient de supprimer la première phase. Les actions réipersécutoires étaient affectées par cette règle procédurale. Du fait que le créancier poursuive l'un des débiteurs l'obligation disparaît à l'égard des autres.

4 - La conséquence de la soumission de l'action réipersécutoire à la litis contestation se traduit par le non cumul du dédommagement contre les coauteurs. La victime pouvait poursuivre l'un des coauteurs seulement pour la réparation, car l'obligation disparaît à l'égard des autres codébiteurs par l'effet de la litis contestatio. En droit romain postclassique, étaient tenus au total les codélinquants d'une même violence ou complices de mauvaise foi. De même, les codélinquants d'argent volé(2). Dans ce denier cas la victime exerçait la condictio furtiva contre les codélinquants qui était une action réipersécutoire.

5 - Au contraire, sur le plan pénal, il y avait l'action de dolo qui était exercée par la victime cumulativement contre tous les codélinquants. Elle n'était pas affectée par la litis contestatio(3). Ce qui donnait à la victime le droit d'obtenir des peines équivalentes au nombre des auteurs. Le principe de cumul se justifiait par l'indivisibilité du délit(4), ou chacun des auteurs était censé avoir commis le délit tout entier, ou que chaque codélinquant aurait commis un délit distinct des autres(5). Cependant, le principe de cumul n'était pas absolu dans certains cas il était relatif, et dans d'autres cas, l'action était affectée par la litis contestatio.

(2) Dig. 4, 2, 14, 15 : << D'après ces principes, lorsque la violence a été exercée par plusieurs, et qu'il n'y en a eu qu'un d'actionne, si celui-ci rend volontairement la chose avant la sentence, tous sont libérés », Dig. 4, 3, 17 : << Si plusieurs sont complices de la mauvaise foi, et qu'un d'entre eux fait la restitution, tous sont libérés » ; C. 4, 8, 1, << mais pour l'action conditionnelle en répétition de l'argent volé, si ayant été intentée, contre l'un d'eux il a satisfait, les autres libérés ».

(3) Raymond Monnier, Manuel élémentaire de droit romain, tome II, no 219, p.298 ; Huvelin Paul, Cours élémentaire de droit romain, tome II, p. 336.

(4) Dig. 9, 2, 51, § 2 : << Si plusieurs hommes, dans l'intention de voler, ont enlevé une poutre que chacun d'eux ne pouvoit porter, on a décidé qu'il y avoit action de vol contre tous; quoique par un raisonnement subtil, au pourroit dire que cette action ne doit avoir lieu contre aucun d'eux; parce qu'il n'est pas vrai qu'aucun d'eux pris séparément ait emporté la poutre », ; Dig. 43, 24,15, § 2 : << Labéon écrit que si on a fait par mon ordre un amas de terre dans un lieu destiné à la sépulture d'autrui, il y a lieu contre moi à l'interdit quod vi vaut clam, et que si cela s'est fait du conseil unanime de plusieurs, il est loisible d'intenter cet interdit contre un d'eux, au contre chacun en particulier ; car, dit-il, une entreprise faite par indivis par plusieurs oblige chacun solidairement » ; Dig. 47, 2, 21, § 9: << Si deux, ou plus, ont emporté une poutre que chacun en particulier ne pouvoit pas enlever, il faut dire que tous sont tenus de l'action de vol pour la totalité, quoique chacun ne put ni la manier ni l' enlever; et tel est Ie droit reçu. Car on ne peut pas dire que chacun ait fait le vol pour sa part, mais plutôt que tous l'ont fait du tout. Ainsi il arrivera que chacun en particulier sera tenu du vol », Cité par Mignon, thèse précitée, p. 240.

(5) Dig. 2, 1, 9 : << Si tous les esclaves d'un même maître ont altéré l'ordonnance du magistrat, le maître n'en est pas quitte, comme dans le vol, pour payer au nom d'un des esclaves, autant que paieroit un homme libre qui auroit fait le vol; mais il est tenu de payer pour chacun de ses esclaves (probablement parce que cette action porte atteinte à la dignité du magistrat, et qu'elle renferme plusieurs délits; de même que quand plusieurs esclaves ont injurié quelqu'un ou lui ont fait du tort d'une autre manière; parce qu'alors il y a plusieurs délits et non pas un seul comme dans le vol »; Dig. 47, 10, 34 : << Si plusieurs esclaves ont battu ensemble quelqu'un, au ou ont jeté contre quelqu'un des cris réunis; ce délit appartient à chacun en particulier; et l'injure est d'autant plus grande qu'elle a été commise par plus de gens. Bien plus, il y a autant d'injures que de gens qui ont fait injure ».

6 - La deuxième étape de l'évolution était avec le code Justinien, qui supprima l'effet extinctif de la litis contestatio, et le principe de cumul d'action pénale fut échangé par un cumul relatif, et la peine s'est transformée en une somme payée pour l'endommagement, loin de toute idée de vengeance. Ce qui combinait l'action pénale et l'action réipersécutoire en une seule action. À moins que la victime n'obtienne pas la totalité de la réparation, elle pouvait renouveler ses poursuites jusqu'à dédommagement complet.

7 - La dernière étape de l'évolution en droit romain c'était par la fusion de toutes les obligations qui incombaient sur les codélinquants en une seule obligation. Et, le coauteur solvens fut accordé un recours contre les autres codélinquants chacun pour sa part.

Le germe de l'obligation in solidum était dans le droit romain. Est-ce que cette obligation a persisté plus tard ? La réponse à cette question sera clarifiée par l'étude de l'ancien droit français pour savoir si elle était admise ou non.

§ 2 : ANCIEN DROIT FRANCAIS

8 - L'idée de l'obligation au total, qui était en droit romain, subsistait encore dans l'ancien droit(6). C'est à partir de XIIIe siècle, dans la coutume de Bretagne, qu'on trouve des textes traitant l'obligation au tout. Chacun des coauteurs d'un injure ou d'une extorsion, dite et faite, était tenu à réparer le dommage pour le tout(7). Il en est de même dans les coutumes de Beauvaisis au XIVe siècle. L'obligation au tout était admise sur le fondement de la communauté du dommage(8) : <<Bien se gart, qui fet à autrui damage en blés semés, ou en mars, ou en bois, ou en prés, que cil qui est pris damage fesans est tenus à rendre tout le damage, qui est prouvés par l'apparence du lieu, tout soit ce que cil qui est pris n'a pas fet tout le damage, ainçois le firent autre gent qui n'y furent pas trouvé ».

9 - Au XIVe siècle quelques arrêts du parlement de Paris montrent que le principe de l'obligation in solidum était établi par quelques décisions. Dans une sentence du 23 décembre 1342(9), le parlement de Paris condamnait les coauteurs de coups et de blessures pour le tout. De même le terme in solidum fut employé dans quelques arrêts, le 23 décembre 1384 (10)le parlement de Paris << condamne les complices in solidum « ». La solution fut encore affirmée l'année précédente(11) en condamnant << in solidum et por toto » des coauteurs, qui ont dévasté et brûlé une maison, pour la réparation civile.

(6) Planiol et Ripert par Esmein, Traité pratique de droit civil, tome VII, page 431.

(7) Planiol et Ripert, ibid.

(8) J. Français, De la distinction entre l'obligation solidaire et l'obligation in solidum, thèse, Paris, 1936, page 28.

(9) Cité par Chabas, L'influence de la pluralité des causes sur le droit à réparation, LGDJ 1976, p. 17.

(10) Parlement de Paris: Reg. du parlement (X2 All f. 179 v à 183 r).

(11)10 mars 1384 Archives nationales: Reg. du Parlement (X2 All f. 200.201 r), cité par Chabas, thèse précitée, page 16.

10 - Au XVIe siècle Cujas étudiât les obligations solidaires d'une manière précise par opposition aux auteurs médiévaux qui l'avaient précédé. Pour Cujas(12) << Du fait que des personnes soient tenues pour le tout en vertu d'une même cause, il ne s'ensuit pas qu'elles soient duo rei (solidaire) ; tel est le cas des deux dépositaires, chacun d'eux est bien tenu in solidum, cependant la faute de l'un ne nuit pas aux autres, contrairement à ce qui a lieu lorsque les débiteurs sont tenus solidairement. Il en est de même lorsque deux personnes ont promis successivement la même prestation à une tierce personne, ou encore dans le cas du débiteur principal et du fidéjusseur ». Donc, Cujas admettait l'obligation in solidum entre les coauteurs sur le fondement de la communauté d'action, ou bien lorsqu'ils doivent la même prestation.

11 - Du côté de Domat et Pothier, ils ne distinguaient pas entre la solidarité et l'obligation in solidum. D'après le raisonnement de Domat il n'y a qu'une seule solidité (solidarité) qui trouve sa source par << 1'effet d'une convention » ou << par la nature même de la dette ». Il range, sous la nature même de la dette, les personnes qui commettent << quelque crime, quelque délit, ou causé du dommage par quelque faute qui leur soit commune ». Selon Domat le fondement d'une condamnation solidaire, lorsqu'il y a pluralité d'auteurs, est la complicité dans les crimes et délits ou chacun est la cause du dommage, causalité totale.

12 - Quant à Pothier(13) << ceux qui ont concouru à un délit : ils sont tous obligés solidairement à la réparation », la solidarité est nécessaire quand plusieurs débiteurs doivent la même chose, quelque soit la source de la solidarité.

De ce bref examen de l'histoire on tire que l'obligation in solidum, était une institution bien connue en droit romain, et relativement dans l'ancien droit. Mais elle n'était pas formulée sous une théorie générale, mais limitée à quelques cas. On arrive maintenant au droit positif. Quelle était sa position, est-ce qu'il l'a réglée, est-ce qu'il y a un article qui la dispose ? On découvrira cela avec l'analyse du droit positif.

SECTION II : DROIT POSITIF

13 - La codification s'est lancée avec le code civil français, qui tenta de régler le droit civil dans tous ses détails. Et, dès lors, le mouvement de codification a commencé dans plusieurs pays entre autres le Liban qui était sous l'occupation française.

(12) Cujas, édition de Naples, tome III, Obs. livre XXVI, cap. 26, Col. 709, cité par J. Français, thèse précitée, p 31.

(13) Pothier, tome II, no 268.

En premier lieu, on étudie la position du code civil français (sous-section :1) sur la pluralité d'auteurs d'un même dommage, et en second lieu, celle du code des obligations et contrats libanais (Sous-section : 2).

§ 1 : LE CODE CIVIL

14 - Les rédacteurs du code civil n'ont pas trouvé nécessaire d'établir la responsabilité délictuelle collective. L'activité humaine, à leur époque, était agricole et, en plus, le concept individualiste était l'inspirateur, et cela vu que le code civil s'est inspiré des normes de la révolution française qui adoptait l'individualisme.

15 - La partie qui règle la responsabilité délictuelle, dans toutes ses subdivisions, ch. II « des délits et des quasi-délits » titre IV livre III, ne marque aucun signe relatif au cas où le dommage est généré par plusieurs faits. Cette lacune n'apparaissait que lors de l'application des règles du code, ce qui incitait la doctrine à la combler en proposant l'admission de la solidarité. La cour de cassation, au début, refusait cette extension du domaine de solidarité, mais, postérieurement, elle l'aurait établie. Il s'agissait, en premier lieu d'une solidarité proprement dite, et, en deuxième lieu d'une institution inspirée du droit romain : l'obligation in solidum.

On abordera dans cette partie la solidarité, dans la doctrine et la jurisprudence. L'évolution de l'obligation in solidum sera étudiée plus loin.

A - LA SOLIDARITÉ EN MATIÈRE DELICTUELLE

16 - L'absence d'un texte, qui rend le coauteur d'un même dommage solidairement responsable, incitait la doctrine et la jurisprudence à étendre le domaine de solidarité aux délits civils, vu la garantie qu'elle fournit à la victime contre l'insolvabilité de l'un des coauteurs(14). En effet, elle permet à la victime de demander la réparation intégrale à l'un des coauteurs selon l'article 1200 du C. civ.

Dans ce cadre, plusieurs arguments ont été avancés différents d'un terrain à un autre : celui tiré des règles de la solidarité (1200 et 1202 du C. civ.) ou de l'article 55 du code pénal ou bien de l'article 1382 du C. civ. et enfin de la tradition.

(14) Lafay, Étude sur la responsabilité des coauteurs de délits ou quasi-délits civils, thèse Lyon, 1902 ; J.Français, op. cit., page 35 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, 3e éd., tome II, no 1961 ; Lalou, la responsabilité civile, no 37 ; Beudant Charles, Lerebours-pigeonnière Paul par Lagarde, Cours de droit civil français, tome VIII, no 857, page 640 ; R. Savatier, Traité de la responsabilité civile en droit français, tome II, no 488.

1o -. L'article 1202

17 - Ce qui nous concerne c'est l'obligation des coauteurs d'un même délit civil ; est ce qu'elle est solidaire? Si on examine les règles qui s'appliquent aux délits civils, articles 1382 et 1383 du Code civil, on trouve, et selon leurs termes, qu'elles gardent le silence sur ce point. Par conséquent, il faut revoir les articles qui traitent la solidarité. Mais si on admet la solidarité en délits civils, comment devrait-on franchir l'obstacle de l'article 1202 du code civil.

18 - En effet, l'article 1202 du Code civil dispose que :

« La solidarité ne se présume point; il faut qu'elle soit expressément stipulée.

Cette règle ne cesse que dans les cas ou la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi ».

D'après cet article, la solidarité résulte soit d'une convention, soit d'une disposition légale. Donc, les termes de cet article précisent qu'il y a deux sources de solidarité la volonté de l'homme, ou la loi.

19 - Certains auteurs(15) refusent l'admission de la solidarité en matière délictuelle parce que l'article 1202 s'y oppose, parce qu'il exige une disposition légale expresse prononçant la solidarité.

20 - Ce résultat n'a pas obtenu l'approbation de l'unanimité de la doctrine. Un courant doctrinal(16), contraire à l'opinion précédente, pense que la règle, selon laquelle la solidarité doit être expresse, n'est pas exigée dans le second alinéa du même article, la solidarité légale résulte virtuellement sans une disposition expresse. Mais cette interprétation extensive fut repoussée(17) par le fait que les partis intéressés lorsqu'ils se trouvent dans une situation emportant la solidarité légale, elle doit être appliquée, sans une stipulation de leur part et quelle que soit leurs volonté.

21 - Entre ces deux opinions, existe une troisième(18), qu'on pourrait dire qu'elle est intermédiaire. L'article 1202 se limite seulement aux engagements conventionnels. Donc, la solidarité, prononcée par cet article, ne concerne que les obligations contractuelles et ne s'applique pas aux obligations nées des délits civils.

(15) Toullier et Duvergier, Le droit civil français suivant l'ordre du code, tome XI, no 150 page 117 ; Duranton, Cours de droit civil, 4e éd., tome II, no 194 ; Beudant Charles, Lerebours-pigeonnière Paul par Lagarde, Cours de droit civil français, tome VIII, no 852, page 635; J. Français, thèse précitée, p. 38 et 39.

(16) Aubry et Rau, Cours de droit civil, 5e éd., tome IV, § 298, page 33; Zacchariae, Le droit civil, tome II, § 298 no 12.

(17) Demolombe, Cours de code Napoléon, tome XXVI, no 251 ; Laurent, tome XVI, Principe de droit civil, no 287.

(18) Larombière, Traite théorique et pratique des obligations, tome II, no 22, page 607 ; Sourdat, Traité de la responsabilité, tome I, no 475 ; René Demogue, Traité des obligations en général, tome IV.

22 - Cependant, une autre opinion fut présentée par Ripert et Boulanger(19) qui professe que la solidarité selon l'article 1202, résulte de la volonté de l'homme ou de la loi. Mais le terme loi doit être compris d'une manière large.

Cet argument déjà présenté n'a pas été décisif et définitif, c'est pour cela les auteurs se tournent vers un autre terrain, celui de l'article 55 du code pénal.

2o - L'article 55 du Code pénal

23 - Cet article, qui prononce la solidarité contre les auteurs d'un crime ou délits pénaux, a été utilisé par voie d'analogie pour étendre le domaine de solidarité aux délits civils.

A l'appui de son opinion, Larombière(19) invoque l'article 55 du Code pénal au droit civil comme une théorie générale de solidarité. Cette transposition de l'article 55 du Code pénal au droit civil a suscité dans la doctrine des réactions divergentes(20).

24 - Sa théorie fut premièrement contestée car l'article 1202 du Code civil s'oppose à cette admission, puisqu'il exige, et selon leurs termes, une disposition légale expresse prononçant la solidarité(21). En plus, le caractère pénal de l'article 55 exige une interprétation restrictive(22), le fait n'est qualifié délit pénal que du point de vue pénal(23). Dans ce sens encore, Lafay(24) se demande pourquoi on étend le texte de l'article 55 du Code pénal et la plupart des auteurs le confinent seulement aux crimes et délits et refusent de l'appliquer aux contraventions(25). Mais cette opinion n'est pas aujourd'hui acceptable depuis la loi du 16 décembre 1992, selon les articles 375-2, 480-1 et 543 alinéa 2 du C.P.P. Les personnes condamnées pour un même crime ou délit ou pour une contravention de la cinquième classe sont solidairement responsables.

25 - On ne doit pas nier que le caractère pénal de l'article 55 exige une interprétation

(19) Ripert et Boulanger, Traité de droit civil d'après le traité de Planiol, tome II, no 1851 et s. page 615, LGDJ 1954.

(19) Larombière, op. cit., tome II, no 22, page 607.

(20) J. Vincent, L'extension en jurisprudence de la notion de solidarité passive, RTDC 1931, page 601, no 27, page 628.

(21) Toullier, op. cit., Tome XI, no 150 et 151, page 117 ; Duranton, op. cit., tome XI, no 194, page 228.

(22) Baudry-Lacantinerie et Barde, Traité théorique et pratique de droit civil, les obligations, tome II, no 1298, page 410 ; J. Français, thèse précité, page 90, 119 ; Laurent, principe de droit civil, tome XVI, no 319, page 319; Beudant Charles, Lerebours-pigeonnière Paul par Lagarde, Cours de droit civil français, tome VIII, no 850, page 633 ; Sourdat, Traité générale de responsabilité, no 163 ; Lalou, La responsabilité civile, no 37.

(23) Colmet de Santerre, Manuel élémentaire de droit civil, tome II, page 127.

(24) Lafay, thèse précitée, 1902, page 103.

(25) Toullier, op. cit., T. XI, no 151 ; Marcadé, sur l'article 1202, tome II, no 605 ; Demolombe, op. cit., tome XXVI, no 265 ; Larombière, op. cit., tome III, sur l'article 1202, no 18 ; Sourdat, op. cit., tome I, no 145 ; Garraud, Traité théorique et pratique du droit pénal français, tome II, no 39 ; Duranton, tome II, no 194, page 228 ; Charles Beudant, Lerebours-Pigeonnière Paul par Lagarde, Cours de droit civil français, tome VIII, no 850, page 633 ; Zacchariae, Le droit civil, tome III, § 526, page 348, note 5.

subjective, ou nécessite une intention criminelle chez les coauteurs du dommage. Si cette intention se trouve dans la plupart des délits, elle ne l'est pas dans les quasi-délits. Les points de vue, pénal et civil, sont divergents(27). Le mot délit dans le code civil n'a pas le même sens dans le code pénal(28).

26 - Vu que l'argument d'analogie, tiré de l'article 55 du Code pénal, a une portée restrictive qui n'a pu couver tous les délits et quasi-délits civils, on doit se tourner vers un autre terrain celui de la solidarité virtuelle.

3o #177; La solidarité virtuelle

27 - La solidarité entre les coauteurs d'un délit civil n'est pas prononcée expressément par aucune disposition légale. Mais selon certains auteurs(29) même si elle n'est pas prononcée légalement, elle résulte virtuellement d'après les termes de l'article 1382 C. civ., chacun est responsable du dommage qu'il a causé par sa faute. L'article 1382 détermine le caractère du fait, il faut qu'il soit fautif, mais elle ne détermine pas l'étendue du fait dans la réalisation du dommage.

28 - Cependant, l'article 1382 du Code civil, et selon sa disposition, ne parle que du cas où le dommage est causé par une seule personne, et ne mentionne pas le cas où le dommage est causé par plusieurs personnes(30).

Même si la solidarité n'est pas prononcée contre les coauteurs d'un même dommage, mais tous doivent la même chose, et se trouvent dans la même situation des coobligées solidaire d'après l'article 1200 C. civil.

4o #177; L'article 1200 du Code civil

29 - Il ressort de l'article 1200 du C. civ. qu' << Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité « >>. Tel est le cas des coauteurs d'un même dommage, ils doivent supporter la même chose. En conséquence, la victime peut demander en justice l'un d'eux pour le paiement total de la dette. Donc ils sont tenus solidairement parce que chacun d'eux est <<obligé in totum et totalier comme s'il était seul débiteur >>(31).

(27) Josserand, tome II, no 785, page 427.

(28) Colmet de Santerre, Manuel élémentaire de droit civil, tome II, page 127.

(29) Delvincourt, tome III, page 683 ; Larombière, op. cit., tome II, no 22, page 608.

(30) Toullier, op. cit., tome XI, no 149, page 193.

(31) Aubry et Rau, op. cit., t. IV, § 298, page 23.

30 - Le recours à l'article 1200 en matière délictuelle n'a pas convaincu. Pour Mazeaud(32) cet article << se préoccupe de définir l'obligation contractuelle solidaire ».

En plus, l'article 1200 définit la conséquence de la solidarité et ne vise guère les conditions d'existence de la solidarité entre les débiteurs. De même, sa définition a été critiquée vu qu'elle ne distingue pas entre la solidarité passive et quelques institutions proches(33).

Les textes légaux invoqués ne disposent pas clairement la solidarité en matière délictuelle tandis qu'à Rome la solidarité était prononcée dans quelque cas.

5o _ La tradition romaine

31 - À Rome la solidarité était admise dans quelques cas. Par exemple, contre les habitants d'une maison ayant jeté quelque chose de nuisible (loi 1, § 9 et 10). Cette tradition fut invoquée pour renforcer l'opinion qui soutient l'admission de solidarité en matière civile. Cette invocation fut rejetée par le fait qu'à compter du jour où le code civil a été promulgué, les lois romaines cessent d'avoir de force de loi, suivant l'article 7 de la loi 30 ventôse(34).

Une autre tradition fut invoquée celle qui provient du raisonnement de Pothier, sur lequel les rédacteurs de code civil s'appuyaient.

6o _ L'autorité de Pothier

32 - Pothier, l'inspirateur du code civil français, considère que l'obligation des coauteurs est solidaire s'ils concourent à un même délit. Dans ce cas, ils sont tous tenus solidairement à indemniser la victime. Du fait que cette lacune n'est pas réglée par le code civil, la tradition nous permet de la combler en invoquant le raisonnement de Pothier. Mais cette évocation de la tradition de Pothier ne suffit pas à suppléer un texte. Et, si on devrait prendre en considération la tradition procédée de Pothier, pourquoi ne le fait-on aussi pour la tradition romaine(35).

(32) L .Mazeaud, Obligation in solidum et solidarité entre codécideurs délictuelles, revue critique lég. et juris., 1940, no 17, cité par J. Français, page 117.

(33) Aubry et Rau, op. cit., note 1 page 25, << Une obligation n'est pas solidaire par cela seul que chaque débiteur peut être contraint au payement du total. Cet effet est également attaché aux obligations indivisibles et même à certains égards aux obligations divisibles dont parie l'art.1121. II faut, pour une obligation soit véritablement solidaire, que chacun des débiteurs debeat totum et tot aliter, comme s'il était seul obligé ».

(34) Toullier, op. cit., tome XI, nos 150-151 ; Laurent, op. cit., tome XVI, n° 319, p. 319.

(35) J. Français, op. cit., page 115 et 116.

33 - Après avoir visé les arguments présentés par la doctrine, il faut maintenant scruter la jurisprudence qui est le terrain de la réaction, pour présenter les répercussions des arguments sur lesquels la doctrine s'appuie afin de permettre l'adoption de la solidarité en matière délictuelle et quasi-délictuelle.

B - L'(EUVRE DE LA JURISPRUDENCE

34 - Concernant l'admission de la solidarité en délit civil et à l'exception de Chabas(36), la plupart des auteurs divisent la jurisprudence en quatre étapes(37).

Dans la première étape, la cour de cassation refusait toute condamnation solidaire. Dans la deuxième, la solidarité fut acceptée en délits civils, en se basant sur la complicité ou sur l'entente entre les coauteurs. Dans la troisième la cour de cassation étendait la solidarité à la matière de quasi-délits sur le fondement de la communauté d'actions. Enfin, une solidarité fondée sur un critère objectif, celui de la communauté de résultats.

1o - Première étape

35 - Les premiers arrêts émanant de la cour de cassation rejetaient la condamnation solidaire, et adoptaient le principe de divisibilité du dommage. Chacun des coauteurs n'est responsable que de la part qu'il a causée. La justification avancée par la cour de cassation était l'absence d'un texte légal prononçant la solidarité en l'espèce. Mais la formule présentée variait d'un arrêt à un autre.

36 - Dans deux arrêts(38), bien que concernant les dépens, la cour de cassation a décidé que la solidarité ne peut être étendue hors des cas prévus par la loi. Dans d'autre arrêt(39) la cour de cassation cassa une décision de la cour d'appel qui condamnait solidairement les auteurs du dommage, en affirmant que les dommages et intérêts, comme les dépens, sont divisibles.

37 - Une autre formule fut présentée suivant laquelle la solidarité ne se présume pas(40), ou « qu'aucune loi ne prononce la solidarité dans l'espèce >>(41). Tous ces arrêts qui rejetaient la

(36) Sur l'opinion du Chabas voir infra nos 88 et 87.

(37) Lafay, thèse précitée, page 30 et s ; J.Français, op. cit., page 94 et s. ; J. Vincent, op. cit., no 14, page 618.

(38) Cass. 21 messidor an IV, citée par Lafay, précité, page 30 ; Cass. 15 mai 1811, citée par Lafay, ibid., page 31; « Attendu qu'en règle générale les dépens sont personnels et que, dans l'espèce, ils ont été prononcés solidairement pour un cas à l'égard duquel aucune loi n'a permis la solidarité de leur condamnation; - Casse, >>. « Vu l'article 1202 du Code civil. - Et attendu que la loi n'accorde pas la solidarité à l'égard des dépens faits en matière civile ; d'ou il suit qu'en condamnant Vignon el Guillaume solidairement aux dépens, cet arrêt a tout ensemble commis un excès de pouvoir et violé, par suite, cet article 1202; - Casse >>.

(39) Cass. Civ., 3 décembre 1827, D.1828.1.41.

(40) Bordeaux, 12 février 1829, citée par Lafay, thèse précitée, page 31.

(41) Cass. Civ., 4 juin 1822, citée par Lafay, ibid., page 32.

solidarité dans le domaine délictuel le fait aussi pour les quasi-délits en se basant sur la même notion(42).

Ce que la cour de cassation adoptait dans la première étape n'a pas persisté dans la deuxième étape, et la solidarité commençait à être prononcée contre les coauteurs d'un délit civil.

2o - Deuxième étape

38 - L'évolution de la jurisprudence ne s'est pas arrêtée à ce stade, la réaction contre la stricte interprétation des articles se lançait depuis le début du XIXe siècle(43). Ce mouvement aboutissait à l'extension du domaine de solidarité aux délits civils, vu la sûreté procurée à la victime.

On peut souligner dans cette étape deux voies d'arrêts, ceux qui interprètent strictement l'article 1202 du code civil, et ceux qui s'appuient sur l'article 55 du Code pénal.

39 - En 1813(44) la cour de cassation, et pour la première fois, condamna solidairement les coauteurs d'une injure. Le sieur Pasteur et son fils ont battu Desbiez qui les avait injuriés. La cour d'appel les a condamnés solidairement. Ils formaient pourvoi au motif que la condamnation solidaire est contre l'article 1202 C.civ., la cour de cassation rejetait le pourvoi en : « Considérant que, dans l'espèce et les circonstances de la cause, la condamnation solidaire aux dommages et intérêts et dépens ne doit être regardée, quant aux dépens, que comme la supplément et le complément de la réparation civile du délit qui avait donné lieu à l'action, et qu'en ce sens, elle n'est contraire ni à l'art. 1202 du code civil, ni à aucune loi ».

40 - Cette formule fut encore affirmée le 29 novembre 1836(45), et à plusieurs reprises la cour de cassation l'a réaffirmée(46).

41 - L'étendue restrictive de l'article 1202 du C. Civ. incitait la jurisprudence à s'appuyer

(42) Besançon, 3 août 1859, D., 1860.2.4 ; Lyon, 21 mai, 1855, D., 1856.2.35 ; Bourges, 16 mai 1870, D., 1871.2.98 ; Douai, 9 juin 1896, D., 1898.2.206 ; Bourges, 16 mai 1870, D., 1871.2.98 ; Douai, 9 juin 1896, D., 1898.2.206.

(43) Lafay, thèse précitée, page35.

(44) Cité par Toullier, op. cit., tome XI, no 152, page 198.

(45) Cass. Civ., 29 nov. 1836, D., 1836.1.131 « Attendu, y est-il dit, que l'article 1202 du Code civil qui statue que la solidarité ne se présume pas, qu'il faut qu'elle soit expressément stipulée, indique manifestement par cette dernière expression que la règle posée par 1'article 1202 ne gouverne que la solidarité contractuelle ; qu'elle ne saurait donc s'appliquer aux cas des délits et des quasi-délits, lesquels constituent des engagements qui, suivant la définition du Code lui-même, se forment sans convention ».

(46) Cass. Civ., 29 février 1836, S., 1836.1.293 ; Req., 15 janvier 1878, D.P., 1878.1.152.

sur l'article 55 du code pénal. L'évocation de cet article commença depuis 1817(47), même si la cour de cassation ne l'avait jamais mentionnée clairement, lors de la condamnation solidaire des coauteurs d'un délit qui était la conséquence d'un concert frauduleux. En 1818 elle invoquait clairement l'article 55 du Code pénal en déclarant << que le jugement attaqué, loin d'avoir violé aucun principe, s'est au contraire, exactement conformé à l'art. 55 du Code pénal, en prononçant la solidarité contre tous les individus condamnés pour le même délit >>(48), et au-delà de cette date plusieurs arrêts se sont appuyés sur cet article(49).

42 - L'établissement dans la jurisprudence d'une voie d'arrêts qui s'appuyait sur l'article 55 du Code pénal exige une interprétation subjective, vu le caractère pénal de cet article. Par conséquent, les arrêts du XIXe siècle, dans le domaine des délits, utilisaient des expressions qui marquaient cette subjectivité : << concert frauduleux >>(50), << dol et de fraude >>(51), << manceuvres frauduleuses et de dol >>(52), << manceuvres frauduleuses >>(53), << actes frauduleux >>(54), << actes frauduleux et dolosifs >>(55), préjudice causé par << la fraude >>(56), << mauvaise foi >>(57), << complicité civile >>(58), << démarches abusives >>(60), << complice de stellionat >>(61), << qui se sont concertés >>(62), << fautes concertés >>(63), <<accord «commun >>(64), << ceuvre commune >>(65).

43 - Dans cette étape la condamnation solidaire était tributaire de l'élément subjectif, qui se fondait sur l'article 55 du Code pénal, et qui se limitait seulement aux délits civils. Dans cette optique, la cour de cassation refusait de condamner solidairement les auteurs d'un quasi-délit par absence d'une disposition légale prononçant la solidarité. Mais cette subjectivité fut rejetée en troisième étape au profit d'une subjectivité dépourvue de toute intention de nuire, il s'agissait d'une communauté de fait.

(47) Cass. 3 juillet 1817, S., 1818.1.338.

(48) Cass. Civ., 25 décembre 1818, cité par Toullier, tome 11, page 201.

(49) Cass. Civ. 10 avril 1852, D., 1852.5.483 ; Cass. Civ., 3 décembre 1836, D., 1836.1.131 ; Paris 26 février 1829, S., 1829.2.136, et 7 août 1837, S., 1837.1.889 ; Cass. Civ., 30 avril 1838, rapporté sous cassation, 29 janvier 1840, D., 1840.1.123, 2e espèce.

(50) Cass. Civ., 3 juillet 1817, précité.

(51) Cass. Civ., 12 février 1818, cité par Lafay, op. cit., page 40 ; Cass. Civ., 27 février 1839, cité par Lafay, op.cit., page 41.

(52) Nancy, 18 mai 1827, cité par Lafay, op. cit., page 40 ; Cass. Civ., 12 janvier 1863, D., 1863.1.302.

(53) Toulouse, 20 juillet 1896, D., 1897.1.542 ; Cass. Civ., 14 août 1867, cité par Lafay, op. cit., page 47.

(54) Poitiers, 2 décembre 1852, D., 1855.2.332.

(55) Cass. Civ., 12 janvier 1863, D., 1863.1.302.

(56) Bordeaux, 16 mars 1832, D., 1832.2.164, S., 1832.2.630 ; Cass. Civ., 12 février 1818, cité par Lafay, page 43 ; Cass. Civ., 3 février 1829, cité par Lafay, page 43 ; Cass. Civ., 20 mars 1883, D., 1883.1.202 ; Cass. Civ., 12 janvier 1881, D., 1881.1.248.

(57) Cass. Civ., 20 juillet 1852, D., 1852.1.247

(58) Cass. Civ., 24 avril 1865, D., 1865.1.291.

(60) Cass. Civ., 25 juillet 1870, D., 1871.1.25.

(61) Rennes, 21 mars 1870, D., 1872.2.87.

(62) Cass. Civ., 24 juin 1872, D., 1873.1.19.

(63) Cass. Civ., 26 mars 1874, S., 1874.1.230

(64) Cass. Civ., 26 juin 1894, D., 1894.1.439 ; Cass. Civ., 14 février 1898, D., 1900.1.73.

(65) Cass. Civ., 14 février 1898, D., 1900.1.73.

3o _ Troisième étape

44 - Dans cette étape, la cour de cassation admettait la solidarité en matière de quasi-délits sur le fondement de communauté d'action. Il s'agit, en effet, << de fait ou d'omissions de même nature ou accomplis simultanément >>(66).

45 - La première fois que la cour de cassation avait condamné solidairement les auteurs d'un quasi-délit était en 1836(67). Cependant, la première fois que la solidarité fut étendue en matière de quasi-délits était en 1825 par un arrêt du cour d'Aix(68) qui déclarait << que la solidarité est de droit dans les délits « >> et qu'en << « matière de quasi-délit, il doit en être de même qu'en matière de délit >>. Ont suivi la cour d'appel de Lyon et de Bordeaux(69).

46 - Après avoir établi la solidarité en quasi-délit, la chaîne des arrêts se poursuivait sur le fondement de la communauté d'action. Il s'agissait des actes simultanés ou successifs(70), << un fait indivisible >>(71), auteurs d'un même délit annexe(72), << concours >>, << fautes communes >>, <<action commune >>(73), << responsabilité commune >>(74), <<imprudence commune >>(75), << Coopération commune >>(76), <<participation au même quasi-délit >>(76), << les faits « sont indivisibles >>(77), <<faits ou d'action indivisible >>(78), << faute commune >>(79), <<faits délictueux qui se relient entre eux >>(80), << faute commune >>(81), <<négligence commune >>(82).

47 - La jurisprudence ne s'est pas arrêtée à ce stade, l'évolution de la solidarité en matière délictuelle continuait, mais en tentant de fonder la solidarité sur l'indivisibilité. Cette

(66) J. Français, thèse précitée, page 95. Dans le même sens, Bourges, 16 mai 1870, D., 1871.2.98 ; Paris, 27 août 1872, D., 1873.5.402.

(67) Cass. Civ., 29 février 1836, D., 18236.1.131 ; Cass. Civ., 19 avril 1836, D., 1836.1.183 ; Cass. Civ., 8 novembre 1936, D., 1836.1.411.

(68) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D., 1826.1.424.

(69) Lyon, avril, 1832, sous Cassation, 19 avril 1836, D., 1836.1.183 ; Bordeaux, 9 février 1839, D., 1840.2.7.

(70) Cass. Civ., 29 février 1836, S., 1836.1.293.

(71) Bordeaux, 9 février 1839, cité par Lafay page 59.

(72) Cass. Civ., 23 avril 1841, S., 1842.1.243 ; 30 janvier 1873, D., 1874.1.501.

(73) Bordeaux, 12 août 1859, D., 1859.2.217 ; Cassation, 30 juin 1869, D., 1869.1.336 ; Paris, 13 février 1882, D., 1883.2.161; Cass. Civ., 14 mars, 1882, D., 1883.1.403 ; Cass. Civ. 18 novembre 1885, D., 1886.1.398 ; Tribunal civil du Havre, 7 novembre 1885, D., 1887.3.128 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348.

(74) Paris, 3 février 1872, D., 1874.5.74.

(75) Bordeaux, 12 août 1859, D., 1859.2.217.

(76) Cass. Civ., 6 février 1883, D., 1883.1. 451.

(76) Amiens, 2 juin 1869, D., 1869.2.181.

(77) Cass. Civ., 13 juillet 1857, D., 1858.1.348.

(78) Cass. Civ., 4 mai 1859, D., 1859.1.314 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D., 1879.1.281 ; Cass. Civ., 28 mai 1889, D., 1890.1.415.

(79) Riom, 12 janvier 1885, D., 1886.2.133.

(80) Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21.

(81) Cass. Civ., 30 juin 1869, D., 1869.1.336 ; Cass. Civ., 14 mars 1882, D., 1883.1.403.

(82) Cass. Civ., 14 mars 1882, D., 1883.1.403 ; Cass. Civ., 18 mars 1891, D., 1891.1.401 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348; Cass. Civ., 28 mai, 1889, D., 1890.1.415.

formule permettait d'englober le dommage généré par des faits distincts et indépendants. Sujet de notre étude dans la dernière étape de l'évolution.

4o _ quatrième étape

48 - L'élément objectif qui à la fin du XIXe siècle devenait l'inspirateur de la jurisprudence, en matière de responsabilité, fut encore appliqué pour la solidarité en matière quasidélictuelle. Dans cette étape de l'évolution la cour de cassation(83) condamnait solidairement sur le fondement de la communauté de résultats.

49 - Pour J. Français(84) la solidarité fondée sur la communauté de résultats s'est prononcée pour la première fois par la cour d'Aix en considérant que l'indivisibilité dont le dommage s'était effectué rendait l'obligation de réparer solidaire. Mais la cour suprême le 11 juillet 1826 a rejeté cet étai sur l'indivisibilité en premier temps, puis l'a ultérieurement accepté. Ce stade commença en 1892(85) par l'énoncé de l'impossibilité de déterminer la part de chaque coauteur. Pour Lafay(86) comme pour J. Français cette objectivité s'exprimait en fondant la solidarité sur l'indivisibilité. Mais cette indivisibilité se traduisait par l'indivisibilité du fait dommageable ou par l'impossibilité de déterminer la part de chaque coauteur ou les deux formules ensembles.

50 - Ce que J. Français considérait que la cour de cassation le 11 juillet 1826(87) rejetait l'indivisibilité n'est pas convaincant, par ce que la cour de cassation, clairement, et pour la première fois, créait la technique de l'impossibilité de déterminer la part de chacun en « Considérant, qu'il y a eu nécessite pour la cour royale de prononcer une condamnation solidaire par l'impossibilité oil elle a déclaré se trouver, en fait, de déterminer la proportion

« ».

Quelle que soit l'opinion de cet auteur, le fait dommageable indivisible, ou l'impossibilité de déterminer la part de chacun dans le fait dommageable ou dans le dommage se range sous la communauté de résultat ou sous l'indivisibilité du résultat(88) qui est le fondement de la solidarité en dernière étape.

(83) J. Vincent, op. cit., cite l'arrêt Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.513, note Levillain, S., 1892.1.508.

(84) J. Français, thèse précitée, page 96 et s.

(85) Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.513, note Levillain, S., 1892.1.508.

(86) Lafay, thèse précitée, page 88, 89.

(87) Cass. Civ., 11 juillet 1826, S., 1826.1.138.

(88) Chabas, thèse précitée, page 57 et s.; Marty et Raynaud, Les obligations, tome II, page 113, 114 no128.

51 - Notons que la cour de cassation exprimait cette communauté de résultat en exigeant un fait ou une faute indivisible(89), ou l'impossibilité de déterminer la part de chaque coauteur dans le dommage ou dans le fait dommageable, et enfin l'indivisibilité de l'obligation(90).

52 - Cette solution, qui fonde la solidarité sur l'idée de l'indivisibilité, impose la réparation intégrale d'après les articles 1382 et 1383 C. Civ.(91), l'auteur fautif est tenu à réparer intégralement le dommage(92), s'il a agit seul ou collectivement (93).

53 - La théorie de l'indivisibilité, utilisée comme fondement de la solidarité, a été fortement critiquée, vu qu'elle employait l'indivisibilité hors de son domaine. Même si les deux institutions, l'indivisibilité et la solidarité, reposent sur l'impossibilité de division de l'obligation. Dans la solidarité elle provient de la volonté des partis ou du législateur, tandis que dans l'indivisibilité elle est naturelle et provient de la nature de l'objet (art. 1218 C. civ.)(94).

Il en est ainsi, que l'appel à la théorie de l'indivisibilité du fait dommageable ou l'indivisibilité du dommage rend l'obligation de réparer indivisible. Donc, on assimile l'indivisibilité du fait ou du dommage avec l'indivisibilité de l'obligation. Une obligation est indivisible si son objet est indivisible et non pas sa cause. Cette idée est une «doctrine tout à fait en dehors du code de prétendre que l'indivisibilité de la cause se transporte à l'objet et rend l'obligation tout entière indivisible »(95). En plus, cette idée d'indivisibilité ne se rattache pas à la solidarité car la réparation intégrale découle de l'article 1382 qui concerne l'obligation in solidum(96).

(89) Aix 14 mai 1825, précité ; Aix 1 mars 1826, D., 1827.1.228 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ; Cass. Civ., 8 nov. 1836, D., 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D., 1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D., 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D., 1879.1.281 ; Req. 23 mars 1927, D., 1928.1.73 ; Req. 19 juin 1929, G.P., 1929.1.567.

(90) L'impossibilité de déterminer la part de chacun dans le dommage: Cass. Civ., 11 juillet 1826, D., 1826.1.424, S., 1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ; Caen, 23 mai 1873, D., 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D., 1874.2.68 ; Angers, 10 mars 1875, D., 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D., 1879.1.281 ; Cass. Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D., 1893.2.39 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D., 1892.1.335 ; Cass. Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.561 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D., 1896.1.31 ; Paris, 7 avril 1898, D., 1898.2.501 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre 1897, D., 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D., 1899.1.109 ; Cass. Civ., 31 janvier 1899, D., 1899.1.300 ; Cass. Civ., 14 février 1898, D., 1900.1.73. Indivisibilité de l'obligation : Cass. Civ., 8 nov. 1836, s. 1836.1.265 Req., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ; Aix 19 nov. 1878, D. 1879.2.219.

(91) Infra no 88.

(92) Lafay, thèse précitée, page 113 ; Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280 ; Colmet de Santerre, op. cit., tome V, no 135 bis3 ; Sourdat, op. cit., no 473; Baudry-Lacantinerie et Barde, Précis de droit civil, 6e édit., tome II, no 219 ; Aubry et Rau, Droit civil français, 4e édit., tome IV, § 298 ter, p. 23, note 14 ; J. Français, thèse précitée, page 100.

(93) Rodière, De la solidarité et de l'indivisibilité, thèse précitée, no 50.

(94) J. Français, thèse précitée, page 98 ; Baudry-Lacantinnerie et Barde, tome II, no 1304 ; Demolombe, tome XXVI, no 193 et 194 ; Laurent, tome XVII, no 322 à 324 ; Demogue, tome IV, no 768.

(95) Boistel, note Dalloz, D. 1979.1.281.

(96) Sur l'évolution de l'obligation in solidum, infra nos 82 et s.

La solidarité produit des effets principaux et secondaires. Pour quelques-uns il n'y a qu'une solidarité proprement dite ou une solidarité parfaite. Mais pour d'autres la solidarité délictuelle n'est qu'une solidarité imparfaite qui exclut les effets secondaires.

C - LA SOLIDARITÉ IMPARFAITE

54 - La solidarité réglée par le code civil produit des effets principaux et secondaires. Aucune divergence d'opinion n'est soulevée sur l'effet principal. Le désaccord se concentre sur les effets secondaires qui reposent sur un mandat réciproque entre les débiteurs. Peut-on dire que les coauteurs d'un délit civil sont représentés par l'un d'eux à l'égard du créancier ? Pour cette raison certains auteurs ont essayé de formuler une théorie dualiste de la solidarité.

55 - Cette théorie différencie entre deux espèces de solidarité l'une parfaite, l'autre imparfaite(97). La solidarité qualifiée de parfaite est celle qui produit tous les effets de solidarité principaux et secondaires, tandis que celle qualifiée d'imparfaite ne produit que les effets principaux à l'exclusion des effets secondaires. La solidarité conventionnelle est toujours parfaite, alors que la solidarité légale est tantôt parfaite tantôt imparfaite et le critère de distinction entre ces deux espèces étant le mandat réciproque(98). II en résulte que dans la solidarité parfaite les partis sont représentés par chacun d'eux à l'égard du créancier, ce qui n'existe pas dans la solidarité imparfaite.

56 - La matière en question est la responsabilité délictuelle de plusieurs personnes. Comment les auteurs l'ont-elle qualifiée ? Rodière, un des tenants de la théorie dualiste de solidarité, considère que l'obligation des coauteurs d'un délits civil est in solidum et n'est solidaire ni parfaitement ni imparfaitement. Cependant, Mourlon ne fait aucune allusion à la responsabilité des coauteurs d'un délit civil. Alors qu'Aubry et Rau présument que l'obligation des coauteurs d'un délit civil est solidairement imparfaite.

57 - Cette théorie n'a pu échappé aux critiques, et a été fortement combattue doctrinalement(99). Premièrement, la loi n'adopte pas cette distinction et on ne trouve aucune trace de la solidarité imparfaite dans le Code civil. Deuxièmement, la loi ne distingue pas entre la solidarité conventionnelle et la solidarité légale. En plus, les tenants de la solidarité

(97) Rodière, thèse précitée, no 165, 175 ; Mourlon, Répétitions écrites sur le code civil, tome II, no 1247, 1275 et s.; Aubry et Rau, op. cit., page 33 et s.

(98) Critique de la représentation réciproque, Ripert et boulanger, Traité élémentaire de droit civil, tome II, page 611, no 1884 et s.; Weill et Terré, Droit civil, Les obligations, no 910 ; même certaines auteurs l'a nommé «folklore juridique » D. Veaux et P.Veaux-Fournerie, La représentation mutuelle des coobligés, Mélanges dédiés à A. Weill, Dalloz-Litec 1983 ; Marc Mignon, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, Dalloz 2002, page 127 et s.

(99) Laurent, tome XVII, no 314, 315 et 316, page 312 et s. ; J. Français, op. cit., page 46, 47 ; F. Derrida, Dalloz Répertoire, Yo solidarité ; Sourdat, op. cit., no 133; Ripert et Planiol par Gabolde, tome VII, no 1098 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, tome VIII, no 848 et s., page 630 ; Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, tome VIII no 848 et s., page 630 ; J. Vincent, op. cit., no 53 ; Josserand, Cours de droit civil positif, tome II, no 771, page 420.

imparfaite ne sont pas d'accord sur son domaine. Enfin, la condamnation solidaire d'après Aubry et Rau transforme la solidarité imparfaite en une solidarité parfaite, tandis que dans le raisonnement de Mourlon la solidarité imparfaite conserve son caractère même après condamnation.

58 - Les reproches contre la théorie de la solidarité imparfaite ne se limitent pas à la doctrine, il en est de même pour la jurisprudence. La cour de cassation(100) considérait que la distinction entre deux espèces de solidarité « est contraire aux articles du Code civil qui traitent de la solidarité, que l'article 1202 indique qu'elle doit résulter, soit d'une stipulation, soit d'une disposition de la loi, et que les articles suivants tracent les règles de la matière sans distinguer entre la solidarité légale et la solidarité conventionnelle ; qu'elles doivent donc s'appliquer à l'une comme à l'autre». La même solution fut adaptée dans plusieurs arrêts(101).

59 - La solidarité divisée en deux espèces n'a pas convaincu certains auteurs pour lesquels il n'y a qu'une seule solidarité quelle que soit sa source(102). Cette distinction n'a aucune base légale, la loi ne connaît qu'une seule solidarité. En plus le mandat réciproque qui est le critère de distinction entre ces deux espèces, dérive de la communauté d'intérêts entre les codébiteurs qui peut exister qu'elle que soit la source de solidarité.

60 - Bien que la solidarité imparfaite fut critiquée, certains auteurs la confèrent le caractère de l'obligation in solidum, et l'expression est maintenant utilisée comme synonyme de l'obligation in solidum(103). D'ailleurs, la cour de cassation n'hésite pas à déclarer que les termes solidarité imparfaite et obligation in solidum sont synonymes(104).

61 - C'est le point de vue doctrinal et jurisprudentiel français touchant le problème de la solidarité entre les coauteurs d'un même dommage. Il nous reste encore à savoir celui du droit libanais, qui, au contraire du Code civil français, règle ce point sous le visa de l'article 137 du COC qui prononce la solidarité contre les coauteurs en matière délictuelle.

(100) Req., 17 mars 1902, D.P. 1902.1.541.

(101) Paris 28 mai 1900, D.P. 1902.2.453 ; Cass. Civ., 3 juillet 1900, D. 1900.1.417, note Levillain ; Req., 23 mars 1927, D.P.

1928.1.73 et la note de Savatier ; Req., 9 décembre, 1929, D.H. 1930.117 ; Cass. Civ., 26 octobre, 1931, D.H. 1931.569.

(102) G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit civil d'après le traité de Planiol, tome II, no 1884, page 628 ; Josserand, Cours de droit civil positif, tome II, no 771 p. 420; Colin et Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, tome II, 3e éd., no 429 ; Moustafa el Awgi, Le droit civil, page, 51 et s.

(103) Mazeaud Chabas, Leçons de droit civil, tome II, Vol I, Les obligations théorie générale, no 1070, page 1115 ; Philippe le Tourneau, Répertoire Dalloz, Yo Solidarité, no154 et s.

(104) Cass. Civ., 3, 22 mars 1968, Bull. civ. III, no 124, p. 97 ; - 10 mai 1968, Bull. civ. III, no 208, p. 161 ; - 7 mars 1969, Bull. civ. III, no207, p. 158 ; - 30 mai 1969, Bull. civ. III, no 466, p. 340.

§ 2 : CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS

62 - Le code des obligations et contrats Libanais est inspiré du code civil français. La France étant un pays influent dans le domaine législatif et qui était présent à tous les niveaux au Liban.

Un comité consultatif de législation a été institué dans le but d'instituer le projet du Code des obligations et contrat. Une fois le projet terminé, le Code fut traduit à l'arabe et approuvé par l'arrêté 154/LR Liban le 7 novembre 1932. Ce comité a pris en considération les règles du Code civil français et les nouveaux principes ainsi que la législation et les coutumes libanaises(105).

63 - Le Code civil français ne traite pas le cas où plusieurs personnes commettent un délit civil. Ce comité voulait combler cette lacune en droit libanais. Il rend les coauteurs d'un délit civil solidairement responsables sous le visa de l'article 137 COC.

L'avant-propos ne mentionne pas les motifs de l'article 137 et tout ce qu'on peut déduire c'est que le comité était sous l'égide du Doyen Luis Josserand, qui était un des auteurs qui ont considéré que le dommage généré par plusieurs personnes les rend solidairement responsables, à condition qu'il y ait complicité dans le fait dommageable ou que chaque fait est la cause totale du dommage.

Cet article prononce la solidarité passive contre les personnes qui causent le même dommage :

<< 1 - s'il y a eu communauté d'action ».

<< 2 - s'il est impossible de déterminer la proportion dans laquelle chacun de ces personnes a contribué au dommage ».

64 - Un problème s'est posé concernant les deux alinéas de l'article 137. Est-ce que chaque alinéa est un cas propre à lui et suffit pour une condamnation solidaire, où il faut que le fait dommageable renferme les deux conditions.

La plupart des auteurs libanais spéculent que les deux cas disposés par les alinéas 1 et 2 sont des cas différents, et il suffit que le fait dommageable renferme l'un d'eux pour que la solidarité soit prononcée. Les arrêts de la cour de cassation libanaise se divisent en deux voies. Ceux qui considèrent chaque alinéa comme un cas autonome suffisant pour condamner solidairement(106) et ceux qui exigent les deux conditions(107).

(105) Avant-propos du code des obligations et contrats, Beyrouth, 31 décembre 1930.

(106) Cass. civ. lib., ch. I, 30 octobre 1969, revue Baz 1969, arrêt no120, page 206 ; Cass. civ. Lib., ch. III, 31 mai 1972, revue Baz 1972, arrêt no65, page 284.

65 - La cour de cassation le 4 mai 1971 déclara que la solidarité passive disposée par l'article 137 exige les deux conditions. Elle ajoute que « si le fait de chacun de ces personnes, qui ont commis le dommage, était indépendant et distinct de l'autre et s'il était possible de se renseigner de la responsabilité de chacun, dès lors il n'y a aucune solidarité passive entre eux à l'égard de la victime, il reste chacun d'eux responsable seulement de la part causée par son propre fait ». Cette analyse de la cour de cassation n'est pas acceptable car elle rejette la solidarité lorsque le dommage est généré par des faits distincts.

66 - D'un côté on approuve que la solidarité est une garantie de paiement pour la victime lorsqu'il y a communauté d'action(108), et d'un autre on l'a rejetée lorsque les faits sont distincts. Cette garantie doit être attribuée ou doit être rejetée dans les deux cas. En outre, il faut scruter la jurisprudence française antérieure à la mise en ceuvre du Code des obligations et contrats, puisque le conseillé, charger de mettre le projet, avait pris comme référence les solutions jurisprudentielles françaises. La cour de cassation française et pendant tout le XIXe siècle et une partie du XXe siècle prenait la communauté d'action comme cas distinct de l'impossibilité de déterminer la part contributive. Le premier était pour les faits communs(109) le deuxième pour les faits indépendants et distincts(110). D'ou les deux alinéas 1 et 2 sont des conditions distinctes et il suffit que l'un des deux soit en cause pour condamner l'un des coauteurs à réparer intégralement le dommage.

67 - Quant à la solidarité disposée par l'article 137, les auteurs libanais l'ont considérée comme un axiome sans explorer le fondement de cette solidarité. Le problème n'est pas logomachique, solidarité ou in solidum. Effectivement, c'est le fondement de chaque institution. Est-ce que le fondement d'une condamnation solidaire selon l'article 137 est en harmonie avec celui de la solidarité proprement dite? Précisément, la communauté d'action ou l'impossibilité de déterminer la part contributive est reliée à la solidarité ou à l'obligation in solidum(111).

68 - Puisque les deux conditions se distinguent l'une de l'autre, on aborde premièrement le premier alinéa en essayant de démontrer l'insuffisance de la communauté d'action, puis après le deuxième alinéa en prouvant que l'impossibilité de déterminer la part contributive concerne l'obligation in solidum.

(107) Cass. civ. Lib., ch.2, 4 mai 1971, revue Hatem, tome 19, 1971, arrêt no 47, G119, page 38, revue Baz, 1971, arrêt no 47, page 271 ; Dans le même sens: Cass. civ. Lib., 8 juillet 1969, revue Hatem, arrêt no 106, tome 93, page 30 ; Appel Beirut, 2 février 1967, revue Hatem, arrêt no 198, tome 78, page 48.

(108) Appel Mont-liban, 13 janvier 1973, revue Hatem, arrêt no 45, G147, page 51.

(109) Voir la troisième étape de l'évolution de la solidarité, Supra no 44 et s.

(110) Voir la troisième étape de l'évolution de la solidarité, Supra no48 et s.

(111) Infra, no 85.

A - LA COMMUNAUTÉ D'ACTION

69 - L'exigence de la communauté d'action pour condamner solidairement n'est pas compatible avec la jurisprudence française qui précède la mise en ceuvre du code des obligations et contrats. Le dépouillement des répertoires jurisprudentiels permet de signaler que la cour de cassation française admettait la solidarité hors de toute communauté d'actions. À plusieurs reprises, elle prononçait la solidarité contre les coauteurs des faits distincts. « Il s'agit en effet de faits différents, successifs parfois, accomplis sans accord préalable, par des personnes ne se connaissant même pas et reliées entre elles seulement par cette circonstance qu'elles ont fortuitement concouru à un même résultat dommageable

»(112).

70 - La cour de Lyon(113) condamnait solidairement à la réparation du dommage le notaire et le conservateur des hypothèques, le premier était coupable par une erreur de désignation du numéro d'inscription, et le deuxième de ne pas avoir reconnu l'erreur en lisant l'acte. Aussi, la cour de Paris(114) avait déclaré qu'ils sont solidairement responsables de la ruine d'une société, tous les administrateurs, même ceux qui n'étaient pas en fonction et encore ceux qui sont décédés.

71 - Il en est de même pour la cour d'Aix(115) qui prononçait la solidarité contre plusieurs usines qui par le fait de l'accumulation des vapeurs dégagées de leurs conduits de fumée causaient du dommage au voisinage, et qui aussi la prononçait contre les exploitants de maisons(116). De même la cour de cassation prononçait la solidarité contre un capitaine qui n'a pas amarré son navire et l'entrepreneur qui a commencé le chargement sans avoir vérifié l'amarrage(117)

72 - À plusieurs reprises et dans toute la période qui a précédé le Code des obligations et contrats la cour de cassation française admettait la solidarité contre les coauteurs des faits distincts(118).

(112) Lafay, thèse précitée, page 73.

(113) Lyon, 13 avril 1832, cité par Lafay, op. cit., page74.

(114) Paris, 18 juillet 1895, D. 1896.2.78.

(115) Sous requêtes, 11 juillet 1826, D. 1826.1.424.

(116)Aix., 14 août 1861, D., 1862.2.156 ; - 11 janvier 1873, D., 1874.2.68 ; - 19 septembre 1878, D., 1879.2.219.

(117) Cass., 15 janvier 1878, D., 1878.1.152.

(118) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435 ; Cass. Civ., 8 nov. 1836, D. 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D. 1892.1.348 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424 ; Caen, 23 mai 1873, D. 1875.2.41 ; Angers, 10 mars 1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass. Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D. 1892.1.335 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre 1897, D. 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109 ; Cass. Civ., 31 janvier 1899, D. 1899.1.301.

73 - il résulte que la communauté d'action exigée par l'al. 1er de l'article 137 n'englobe pas tous les cas de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle générés par des faits distincts. Ainsi, l'expression communauté d'action marque un caractère pénal(119), puisque elle est inspirée de la jurisprudence française qui, à une époque déterminée, admettait la communauté d'action, mais en posant cette condamnation sur l'article 55 du Code pénal français. Quoi qu'il en soit la responsabilité civile est différente de la responsabilité pénale.

Il reste encore à prouver que l'alinéa 2 de l'article 137 ne concerne pas la solidarité et qu'elle s'attache à l'obligation in solidum.

B - L'INDIVISIBILITÉ DU DOMMAGE

74 - L'impossibilité de déterminer la part contributive de chacun des coauteurs dans le dommage, cette formule, disposée par l'alinéa 2 de l'article 137 COC a été utilisée par la cour de cassation française à plusieurs reprises(120), lorsqu'elle a admit la solidarité sur le fondement de la communauté de résultat.

75 - Cette idée explique que « du moment que l'intervention de l'un a joué dans la réalisation du dommage un rôle suffisant pour en être considéré comme la cause, c'est tout le dommage qu'il a causé »(121). En plus, cette impossibilité de déterminer la part de chaque coauteur rend le dommage indivisible(122).

76 - Cet étai sur l'indivisibilité en matière de solidarité a été réfuté par plusieurs auteurs. L'impossibilité de division est la base des deux institutions, mais sa source diffère dans chacune. Dans la solidarité elle provient de la volonté des partis ou celle du législateur, tandis que dans l'indivisibilité, l'impossibilité de division est naturelle et provient de la nature de l'objet (art. 1218)(123) .

77 - Le problème consiste à savoir si l'indivisibilité du dommage qui rend l'obligation solidaire est en cohérence avec la solidarité. En premier lieu, l'indivisibilité du dommage est

(119) Appel Beirut, 2 février 1967, revue Hatem, arrêt no 198, G78, page 48.

(120) Cass. Civ., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424, S. 1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435, D. 1827.1.230 ; Caen, 23 mai 1873, D. 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D. 1874.2.68 ; Angers, 10 mars 1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass. Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D. 1892.1.335 ; Cass. Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.561 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre 1897, D. 1898.1.310 ; Paris, 7 avril 1898, D. 1898.2.501 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109.

(121) H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, tome 2, 4e éd., p. 786.

(122) Chabas, L'influence de la pluralité des causes sur le droit à réparation, thèse, no16, page 22, 23.

(123) J. Français, De la distinction entre l'obligation solidaire et l'obligation in solidum, thèse Paris, page 98; Baudry-Lacantinnerie et Barde, op. cit., tome II, no 1304 ; Demolombe, précité, tome XXVI, no 193 et 194 ; Laurent, Principe de droit civil, tome XVII, no 322 à 324 ; R. Demogue, op. cit., tome IV, no 768.

une institution inconnue dans le droit positif. C'est l'indivisibilité de l'obligation que le Code des obligations et contrats règle, et aucune disposition légale fait allusion à l'indivisibilité du dommage. Il faut donc la réfuter lorsqu'il s'agit de la solidarité car la solidarité est une institution légale réglée par la loi, tandis que l'indivisibilité du dommage est une institution extralégale. En deuxième lieu, cette indivisibilité du dommage découle de l'article 1382 du Code civil et n'a aucune liaison avec la solidarité(124). Chaque fait est la cause du préjudice, il doit donc réparer tout le dommage en vertu de l'article 1382, parce ce que cet article ne détermine pas l'étendue du fait dans le dommage.

78 - Notons aussi que la référence au concept de l'impossibilité de déterminer la part contributive de chaque coauteur est fictive par ce qu'elle n'explique pas la possibilité d'un recours exercé par le coauteur solvens contre l'autre (s) coauteur (s). Si l'un des codébiteurs solidaire supporte la dette envers le créancier, il pourrait subroger ce dernier (article 40/310 COC) ou profiter d'une action personnelle (article 40 du COC) pour demander la part incombant à l'autre coobligé (s), et la jurisprudence de la cour de cassation libanaise est dans le même sens(125).

79 - Il résulte de ce qui est présenté que l'obligation née de la responsabilité collective selon l'article 137 COC n'a aucune liaison avec la solidarité. La dette, dans la solidarité, se divise et pas question d'une impossibilité de division, et la communauté d'action a un caractère pénal. En réalité, chaque coauteur est responsable de la part qu'il a causée et devrait être garant envers la victime de la part causée par l'autre (s) coauteur (s)(126). Dans la solidarité tous les coauteurs doivent la même chose (article 23 COC), mais en matière de pluralité d'auteurs chacun doit une obligation distincte de l'autre(126bis).

La solidarité entre coauteurs, disposée par l'article 137 COC, est inconcevable avec la solidarité, le même dommage généré par plusieurs auteurs est in solidum. Il faut donc une reformation de l'article 137 COC pour admettre l'obligation in solidum. D'où provient cette institution, comment a-t-elle évolué ? Quelles sont ses conditions ? On exposera en premier lieu, la nature juridique de l'obligation des coauteurs d'un même dommage (chapitre I), puis sa structure (chapitre II).

(124) Lafay, thèse précitée, page 113 ; Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280 ; Colmet de Santerre, op. cit., tome V, no 135 bis3 ; Sourdat, no 473 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, Précis de droit civil, 6e édit., tome II, no 219 ; Aubry et Rau, op. cit., 4e édit., tome IV, § 298 ter, p. 23, note 14 ; J.Francais, thèse précitée, page 100 ; Rodière, De la solidarité et de 1'indivisibilité, thèse précitée, no 50 ; Chabas, thèse précitée, page 22, 23.

(125) Civ. Lib., ch. 2, 25 mai 1956, revu Baz 1956, no 37, page 180 ; Civ. Lib., ch. 3, 5 décembre 1967, revu Baz 1967, no 124, page 264.

(126) Marc Mignon, sur la théorie de Mignon infra nos 147 et s. ; Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munik, Droit civil, les obligations, Defrénois, 2004, no 1284.

(126 bis) Sur la doctrine de pluralité de liens et d'objets, Infra n° 198 et s.

CHAPITRE I : LA NATURE JURIDIQUE

80 - Étant donné que l'obligation in solidum n'a pas une base légale, mais c'est une institution qui a été consacrée par la jurisprudence. Quelle est sa nature juridique ? Est-ce qu'elle est une espèce dégradée de la solidarité ou elle est de même nature ? Est-elle une institution de nature différente ? Et quelles étaient les incidences de son admission ? Pour déterminer sa nature juridique, commençons par exposer son évolution (Section I), et les critiques qu'il a suscités (Section II).

SECTION I : L'ÉVOLUTION DE L'OBLIGATION
IN SOLIDUM

L'absence d'un fondement textuel de l'obligation in solidum donne à la doctrine et à la jurisprudence une malléabilité de fixer les traits de cette institution. Aucun article du code civil ne la dispose, tout ce qui est mis en ceuvre n'est qu'une tradition romaine. On examine successivement la jurisprudence, en essayant de préciser l'évolution de l'idée de l'obligation in solidum, et puis son autonomie comme une institution indépendante.

§ 1 : LA CONSÉCRATION JURISPRUDENTIELLE

81 - L'obligation in solidum ou la responsabilité collective, était une institution connue en droit romain et relativement dans quelques coutumes des provinces. Le code civil ne l'a pas réglé c'est la jurisprudence qui traçait ses lignes essentielles(1). Au début, elle était une question d'obligation in solidum en matière de délits et quasi-délits civils, puis elle est devenue une théorie générale qui touche plusieurs matières.

Au milieu du XIXe siècle des tentations doctrinales essayèrent de présenter l'obligation in solidum en s'inspirant de la tradition romaine. Le premier auteur était Rodière(2) qui dit qu'au cas de pluralité d'auteurs d'un même délit ou quasi-délit, il s'agit d'une obligation in solidum. Cette thèse va être appuyée par Demolombe(3) qui a écrit que l'obligation in solidum << a lieu par la force même des choses » par << sa nature propre et constitutive ! C'est sa manière d'agir ! ...», et différemment de Rodière il admet l'obligation in solidum lorsque plusieurs personne causent la même dommage et non pas lorsqu'ils commettent le même délit. Mais la jurisprudence réfute les idées de ces deux auteurs. Il fallait attendre le XXe siècle, surtout au début jusqu'à les années soixante, pour que

(1) Alain Prothais, D. 1987, Chr. LXII, p. 237.

(2) De la solidarité et de l'indivisibilité, thèse, page 123 et s., n° 196 et s.

(3) Demolombe, tome XXVI, no 291 et s.

l'obligation in solidum reçoive le soutien de plusieurs auteurs, en essayant de la généraliser sous une théorie générale d'obligation in solidum(4).

Partant de l'expression in solidum qui a été utilisée pour la première fois par la cour de cassation en 1939, les arrêts antérieurs à cette datte, émanant de la cour de cassation, utilisaient la solidarité ou pour le tout pour désigner l'obligation des coauteurs d'un même dommage. La solidarité est hors de portée, ce qui nous concerne c'est l'obligation au tout. Est-ce que la cour de cassation en admettant le principe de l'obligation au tout, lui conférait les caractères de solidarité ou celui de l'obligation in solidum ? C'est le ntieud du problème, car c'est à l'époque où la cour de cassation condamnait pour le tout que la théorie classique de l'obligation in solidum a pris essor. Pour en décider il faut chercher le fondement de cette condamnation et le rapprocher avec celui de la solidarité et de l'obligation in solidum, et la ressemblance avec l'un d'eux montre si le principe de l'obligation au tout est solidaire ou in solidum.

A -- AVANT 1939

82 - La condamnation au tout commençait en 1852(5), et depuis, la cour de cassation ne cessait de condamner au tout en évitant d'employer le mot solidarité(6). Le débat juridique se concentrait sur le caractère de l'obligation au tout, est-ce qu'elle est solidaire ou in solidum. Deux courants doctrinaux entrent en débat sur ce point et chacun a ses propres raisons.

83 - Le premier stipulait que la cour de cassation accordait à l'obligation au tout le caractère de solidarité(7). Ce courant fonde son opinion sur deux idées : La cour de cassation n'a pas employé, avant 1939, le terme in solidum, et a appliqué quelques effets de la solidarité, l'appel et la remise de dette. Des arrêts admettaient que l'appel interjeté par l'un

(4) Aubry et Rau, op. cit., 5eéd., t. IV, 298, p. 30 et s. ; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., tome II, nos 1298 à 1306, p. 410 et s. ; Beudant Charles, par B Robert, Lerebours-Pigeonnière Paul et Lagarde Gaston, Cours de droit civil français, Tome VIII, n° 857, p. 639 à 640 ; Capitant, note D. 1903.1.401 ; J. Français, De la distinction entre l'obligation solidaire et l'obligation in solidum, thèse, Paris, 1936; J. Vincent, L'extension en jurisprudence de la notion de solidarité passive, RTDC 1939.601.

(5) Req., 20 juillet 1852, D. 1852.1.247, S. 1852.1.689 << Attendu qu'en règle générale, et en vertu des principes sur les engagements qui se forment sans convention 1a réparation d'un fait dommageable indivisible peut être ordonnée pour le tout contre chacun des auteurs de ce fait. »

(6) Cass. Civ., 11 juillet 1892, D. 1894.1.513, note Levillain ; Cass. Civ., 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note Levillain ; Cass. Civ., 6 août 1894, D. 1895.1.199 : << Ils sont tenus chacun pour le tout mais non solidairement », et également : Civ., 21 mai 1890, D.P. 1890.1.337, note de Loynes; Nancy 15 avril 1899, D. 1900.2.193 (ces deux arrêts ne traitant pas de Responsabilité civile); Cass. Civ., 28 mai 1889 précité ; Douai, 25 janvier 1897, précité.

(7) Savatier, op. cit., tome 2, n° 490, page 46 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, 4e éd., t. 2, n° 1963, page 807 ; Lalou et Azard, Traité pratique de la responsabilité civil, 6e éd., 1962, page 58, no 104 ; Colin, Capitant et Juliot de la Morandière, Traité de droit civil, tome 2, p. 980,981 ; Ripert et Boulanger, Traité de droit civil, page 388.

des coauteurs serait au profit des autres(8), ainsi la remise de dette faite à l'un d'eux libérait tous les autres(9).

84 - Le deuxième courant considérait l'obligation au tout comme ayant le caractère de l'obligation in solidum. Mais sur quoi base-t-il son opinion ? Les partisans de l'obligation in solidum acceptaient la condamnation au tout qui se fondait sur la causalité totale(10), lorsqu' « il y a entre chaque faute et la totalité du dommage une relation directe et nécessaire >>(11). Les autres(12) considéraient que la condamnation au tout ou la condamnation in solidum, et de l'esprit de la jurisprudence, se rattachaient à la dernière étape de l'évolution(13) qui concernait le cas ou le dommage est causé par des faits distincts en dehors de toute communauté d'action ou d'un concert frauduleux. C'est la communauté de résultat qui en est son fondement.

85 - Cependant, la controverse se concentre sur la communauté de résultat(14) ou précisément sur l'idée de l'indivisibilité. La cour de cassation employait l'indivisibilité de la faute(15), l'indivisibilité du fait dommageable(16) et l'impossibilité de déterminer la part de chacun des faits ou des fautes dans le dommage(17). La diversification des formules utilisées par la cour de cassation résume une seule idée : l'indivisibilité du dommage. L'impossibilité de déterminer la part de chacun est une formule qui conduit à l'indivisibilité du dommage(18), « Pourquoi le dommage est-il indivisible ? Tout simplement parce qu'il est produit par chaque faute pour le tout >>(19). De même, l'indivisibilité de la faute ou le fait dommageable conduit aussi à l'indivisibilité du dommage, car on envisage la faute ou le fait dans ses conséquences dans le dommage.

(8) Req., 10 novembre 1890, D. 1892.1.8 ; Caen, 5 mars 1894, D. 1895.2.329; Cass. Civ., 26 octobre 1931, D.H. 1931.569 ; Riom, 30 novembre 1931, D. 1932.2.81, note J. Loup ; Paris, 22 mai 1939, D.H. 1939.344.

(9) Req., 17 mars 1902, D. 1902.1.541 ; Paris, 28 mal 1900, D. 1902.2.453, G.P. 1900.2.22l ; Colmar, 21 juin 1932, G.P. 1932.2.640.

(10) J. Français, thèse précitée, page ; Savatier, op. cit., no 488, p.51 « Chacune des fautes contenant, en effet, en puissance, la totalité du préjudice ... >> ; Aubry et Rau note 14 p.33; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., tome II, no 1305 «... celui qui paie le tout,..., ne paie que ce qu'il doit personnellement...>> ; Capitant, note D. 1903.1.401 ; H. Baudin, op. cit., no 15.

(11) Cass. Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.561, S., 1892.1.505 et la note de Levillain ; Dans le même sens, infra no 217

(12) Lafay, thèse précitée, p. 158

(13) Supra no48.

(14) Supra nos 48 et s.

(15) Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 3 fév. 1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; - 2 juin 1930, D.H. 1930.377 ; - 12 nov. 1940, D.A. 1941.j.37, Gaz. Pal. 1941.1.5.

(16) Req., 19 juin 1929, Gaz. Pal. 1929.2.567 ; - 11 déc. 1929, Gaz. Pal., 1930.1.300 ; - 9 mars 1942, S.J. 1942.II.1930, 2e espèce, note Bastien.

(17) Req., 23 mars 1927, D. 1928.1.76 et la note de Savatier ; - 19 juin 1929, D. 1930.1.169, Gaz. Pal., 1929.2.567 ; - 11 déc. 1929, Gaz. Pal, 1930.1.300 ; - déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 2 juin 1930, D.H., 1930.377 ; - 25 fév. 1935, D.H., 1935.161, Gaz. Pal., 1935.1.659 ; - 9 mars 1942.

(18) Colin et Capitant, Traité de droit civil, t. 2 n° 128, p. 114 ; Chabas, thèse précitée, page 22.

(19) H. et L. Mazeaud, op. cit., no 1945, p. 788 ; Josserand, op. cit., 3 éd., t. II, no 785

86 - Pour quelques-uns l'obligation au tout fondée sur l'indivisibilité pendant le 19e siècle n'est qu'un cas de la solidarité(20), la cour de cassation a maintes fois fondé la solidarité sur l'indivisibilité(21). À son tour, J. Français(22), après avoir démontré que l'idée de l'indivisibilité n'est pas compatible avec la solidarité, dit que le fondement de l'obligation in solidum est l'indivisibilité du dommage ou l'impossibilité de répartir la dette entre les coauteurs. J. Vincent, Baudry-Lacantinerie et Barde admettaient l'obligation in solidum lorsqu'il y a impossibilité de déterminer la part de chacun des coauteurs dans le fait dommageable(23). Mais, d'un autre côté, cette impossibilité de déterminer la part de chacun dans le fait dommageable se range sous la communauté de résultat car elle conduit à l'indivisibilité du dommage que Vincent admettait comme le fondement d'une condamnation solidaire(24).

87 - Pour mettre fin à la confusion entre la solidarité et l'indivisibilité, Alain Prothais propose(25), de ranger l'indivisibilité sous la solidarité en la nommant solidarité naturelle qui est l'obligation in solidum. Quant à Marty et Raynaud(26) cette indivisibilité ne sert pas comme fondement surtout que le solvens a un recours contre les autres coauteurs, d'ou il est nécessaire de revenir à la théorie de la solidarité imparfaite que certains auteurs contemporains(27) essayent de réactiver.

88 - Quoique la solidarité se fonde au cours d'une époque précédente sur l'indivisibilité, cette dernière est le fondement de l'obligation au tout car elle n'est pas conforme avec la solidarité(28). Pour quelles raisons : Cette idée d'indivisibilité explique que lorsque le dommage est le résultat de plusieurs faits et que chaque fait était nécessaire dans la réalisation du dommage, ce fait est la cause totale du dommage. L'auteur de ce fait serait donc responsable de la réparation totale du dommage selon l'article 1382 Code civil(29).

(20) Holleaux, D.C. 1941.128.

(21) Savatier, op. cit., no 490, p, 53.

(22) J. Français, thèse précitée, page 120 et 121.

(23) J. Vincent, op. cit., nos 16 et 23 page 620 et 626 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., no 1306.

(24) Supra no 48

(25) Alain Prothais, D. 1987, Ch. LXII, p. 237.

(26) Marty et Raynaud, Les obligations, t. II, n° 128, p. 114.

(27) Ph. Le Tourneau, Rep. Dalloz, Yo solidarité ; Malaurie Philippe et Aynès Laurent, tome VI, 10e éd., n° 1174, p.713; Pierre Raynaud, op. cit., n° 2, p. 318; Terre, Simler, Lequette, 8e éd., no 1261, p. 1170 ; Cf. Cass. Civ. 3e, 10 mai 1968, Bull. civ. II, no 208, D. 1968.Somm.111; - 17 juillet 1968, JCP éd. G., 1969.II.15932 et la note de Prieur ; - 30 mai 1969, Bull. civ. III, no

446, RTDC 1970, p. 168, obs. Loussouarn.

(28) Chabas, thèse précité ; Charles Beudant, op. cit., no 870, p. 649.

(29) Lafay, thèse précitée, page 113 ; Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280; Colmet de Santerre, tome V, no 135 bis3 ;

Sourdat, no 473 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, Précis de droit civil, 6e édit., tome II, no 219 ; Aubry et Rau, Droit civil

français, 4e édit., tome IV, § 298 ter, p. 23, note 14 ; J. Français, thèse précitée, page 100 ; Chabas, thèse précitée, page 67 ;

Rodière, thèse précitée, no 50.

89 - Donc l'obligation au tout provient de l'article 1382 et la solidarité vient se superposer à l'obligation au tout chaque fois « qu'à l'idée de l'indivisibilité du résultat s'ajoutait celle de complicité ». L'obligation au tout n'est que la règle dans le droit commun et la solidarité n'est qu'un supplément, une sanction qui s'ajoute à la condamnation au total. Elle repose sur l'entente ou sur la complicité. Donc elle s'appuie sur l'idée subjective car la jurisprudence asseyait à une époque déterminée la solidarité sur l'article 55 du code pénal. En outre, l'admission de l'indivisibilité comme fondement d'une condamnation solidaire a été fortement critiquée. L'impossibilité de division dans l'indivisibilité est naturelle, dans la solidarité elle procède de la volonté des partis ou de la loi(30). Il en est de même que l'indivisibilité réglée par le code civil est différente que celle utilisée comme fondement de l'obligation au tout. L'indivisibilité légale provient de l'indivisibilité de l'objet de l'obligation, mais l'indivisibilité de l'obligation au tout est en vertu de sa cause.

90 - Donc, la division de la jurisprudence en quatre étapes(31), comme point de repère, pour marquer l'évolution de la solidarité en matière délictuelle, n'est en aucun cas acceptée. Il faut diviser la jurisprudence entre deux phases, la première se rattache à la solidarité fondée sur le critère subjectif, qu'il était tenu en matière de délits qu'en matière de quasi-délits (32). Et la deuxième concerne l'obligation au tout lorsque le fondement de la solidarité était l'indivisibilité.

91 - Par conséquent, l'idée de l'indivisibilité a été lancée depuis 1825 par la cour d'Aix(33) qui a déclaré que « Si, par la manière indivisible dont le dommage s'effectue et par le résultat d'une faute particulière et commune, le fait de chacun devenant le fait de tous et le fait de tous étant le fait de chacun, per totum et totaliter, cette solidarité est conforme aux principes du droit ». Cette idée a servi à justifier la condamnation au tout par le fait dommageable indivisible(34), ou l'impossibilité de déterminer la part de chaque coauteur dans la réalisation du dommage(35), ou l'indivisibilité de la faute(36), malgré la confusion de quelques arrêts entre l'indivisibilité du dommage et l'indivisibilité de l'obligation(37).

(30) Supra no 53.

(31) Supra no48

(32) Req., 12 janvier 1863, D. 1863.1.302. «La solidarité est la peine du quasi-délit qui a été commis » ; infra nos 35 et 38

(33) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424.

(34) Aix 14 mai 1825, précité ; Aix 1 mars 1826, D. 1827.1.228 ; Cass. Civ., 8 nov. 1836, D. 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D. 1892.1.348 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Req. 23 mars 1927, D. 1928.1.73 ; Req., 19 juin 1929, G.P. 1929.1.567.

(35) Cass. Civ., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424, S. 1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435, D. 1827.1.230 ; Caen, 23 mai 1873, D. 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D. 1874.2.68 ; Angers, 10 mars 1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass. Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ; Cass. Civ., 11 juillet 1826, S. 1826.1.138 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D. 1892.1.335 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Paris, 7 avril 1898, D. 1898.2.501 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre 1897, D. 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109 ; Cass. Civ., 31 janvier 1899, D. 1899.1.300 ; Cass. Civ., 14 février 1898, D. 1900.1.73 ; Req., 23 mars 1927, D. 1928.1.76, et la note de Savatier ; - 19 juin 1929, D. 1930.1.169, Gaz. Pal. 1929.2.567 ; - 11 déc. 1929, Gaz. Pal.

92 - Il en résulte que la justification d'une condamnation solidaire par l'idée de communauté de résultat n'a aucune liaison avec la solidarité. Cette idée se rattache à l'obligation au tout parce que le fondement de l'obligation au tout était un fait dommageable indivisible(38) ou bien l'impossibilité de déterminer la part de chaque coauteur(39).

93 - En conséquence, la communauté de résultat concerne l'obligation au tout donc l'obligation in solidum, vu la similarité entre les deux expressions qui ont été employées ensemble par plusieurs arrêts(40).

C'était l'évolution de l'obligation in solidum avant 1939. Après 1939 l'utilisation de l'expression in solidum a supprimé tout doute sur sa consécration.

B - APRÉS 1939

94 - La première fois que la cour de cassation a utilisé le terme in solidum c'était le 4 décembre 1939(41) en déclarant « que chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de 1'entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout entier «». Cet arrêt rendu par la cour de cassation n'était pas isolé, dès le dix-neuvième siècle, des cours d'appels ont laissé conjecturer cette solution en condamnant in solidum(42). Le terme fut encore réemployé par la cour de cassation le 21 décembre 1943(43) qui a censuré la cour

1930.1.300 ; - déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 2 juin 1930, D.H., 1930.377 ; - 25 fév. 1935, D.H., 1935.161, Gaz. Pal., 1935.1.659 ; - 9 mars 1942.

(36) Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 3 fév. 1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; - 2 juin 1930, D.H. 1930.377; - 12 nov. 1940, D.A. 1941.j.37, Gaz. Pal. 1941.1.5.

(37) Req., 3 mai 1827, S. 1827.1.435, D. 1827.1.230 ; Aix 19 nov. 1878, D. 1879.2.219.

(38) Req., 20 juillet 1852, D. 1852.1.247, S. 1852.1.689 ; Req., 28 mai 1889, D. 1900.1.414 ; Civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note Levillain, S. 1892.1.505.

(39) Alger 15 mars 1890, D. 1894.1.513 ; Nîmes, 30 avril 1895, D. 1895.2.334; Douai 31 juillet 1897, D. 189q.2.211 ; Douai 25 janvier, 1897, D. 1897.2.319; Civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.513, note Levillain, S. 1892.1.508; Req., 23 mars 1927, D. 1928.1.476, note Savatier.

(40) Alger 15 mars 1890, D. 1894.1.513 ; Nîmes, 30 avril 1895, D. 1895.2.334 ; Douai 31 juillet 1897, D. 189q.2.211; Amiens 5 décembre 1933, D.H. 1934.75 ; Nîmes 5 novembre 1934, G.P. 1934,2.816; Paris 21 novembre1923, G.P. 1924.1.187, et 23 juillet 1932, G.P. 1932.2.423 ; Nîmes, 5 novembre 1934, G.P. 1934.2.816 ; Pour des fautes délictuelles et contractuelle : Civ., 1re février 1937, D.P. 1937.1.41, note R. Roger ; Amiens 5 juin 1935, D.H. 1935.481 ; Civ. 20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Pour le concours de fautes contractuelles : Grenoble, 24 décembre 1935, G.P. 1936.1.424.

(41) Cass. Civ., 4 décembre 1939, D.C. 1941.125, et la note de Holleaux.

(42) Aix, 19 novembre 1878, D. 1879.2.219; Nîmes 30 avril 1895, D. 1895.2.334; Alger, 15 mars 1890, D. 1894.1.513 ; Douai, 31 juillet 1897, D. 1899.2.211 ; Douai, 25 janvier 1897, D. 1897.2.319; Paris, 21 novembre 1923, G.P. 1924.1.187 ; Nîmes, 20 juin 1930, G.P. 1930.225 ; Paris, 23 juillet 1932, G.P. 1932.2.423; Amiens 5 décembre 1933, D.H. 1934.75 ; 5 novembre 1934, G.P. 1934.2.816 ; Saumur, 15 février, 1935, G.P. 1935.1.766.

(43) Cass., 21 décembre 1943, D.C. 1944.38, et la note de P.L.-P, JCP 1945.2.2779, et la note de André Besson ; RTDC 1944, no 10, p. 114, obs. Mazeaud H. et L.) et dans tous les arrêts qui suivent la cour de cassation censurait les cours d'appels ( Cass. com., 10 mai 1948, D. 1948.407, JCP 1949.II.4937, note de M. Bastian ; Cass. Crim., 26 avril 1952, D. 1953.somm.33 ; Cass. Com., 30 déc. 1952, D. 1953.183; Cass. civ. 1re, 24 fév. 1954, Bull. civ. I, no 74, JCP 1954.IV.50 ; Cass. Com., 6 mars 1957,

d'appel qui employait le terme solidarité tandis qu'il s'agissait d'une obligation in solidum. Mais d'un autre côté la cour de cassation, dans des arrêts postérieurs, ne censurait pas les arrêts qui employaient le terme solidarité à la place d'in solidum si cette erreur terminologique n'a aucune incidence sur les effets de l'obligation(44).

95 - Jusqu'à maintenant, l'évolution présentée s'attache aux délits et quasi-délits civils, mais l'extension de l'obligation in solidum ne s'est pas arrêtée. D'abord une responsabilité sans faute fut détectée par la jurisprudence qui est la responsabilité du fait des choses. Dans un premier temps, la jurisprudence l'asseyait sur la présomption de faute(45), et dans un deuxième temps sur une présomption de responsabilité(46). Elle devient une responsabilité de plein droit qui ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de la force majeur ou par une cause étrangère qui revête le caractère de la force majeure : imprévisible, extérieure et irrésistible(47).

96 - Parfois le fait d'un tiers ne présente pas le caractère de la force majeure, dans ce cas, le gardien est responsable intégralement ou partiellement. Selon Baudin (48) comme la condamnation in solidum dans la responsabilité pour faute se fonde sur l'article 1382 C. civ., il en est de même en matière de la responsabilité du fait des choses, elle se fonde aussi sur l'article 1384 al.1 du Code civil. Il suffit un fait de la chose pour la réparation entière. Il y a donc similarité entre les deux articles 1382 et 1384 al.1, toutes les deux déterminent le fait et non pas son étendue. À partir de ce jugement la jurisprudence n'a pas assigné au gardien coauteur une part de la réparation, mais l'a condamné in solidum. Le 29 novembre 1948 la cour de cassation déclara que « « les gardiens, qui répondent du fait de leurs véhicules entrés en collision, sont présumés coauteurs et responsables in solidum de l'accident « », sur le fondement de l'article 1384 al. 1(49).

97 - L'évolution présentée cantonne l'obligation in solidum dans le domaine de la responsabilité pour faute et dans la responsabilité sans faute. Cependant, parfois le dommage est généré par des faits fautifs et des faits non fautifs, l'un des auteurs est tenu sur le fondement de la responsabilité de faute et l'autre sur celui de la responsabilité sans faute,

G.P. 1957.2.5 ; Civ. 1re, 16 janv. 1962, JCP 1962.II.12557, note de P. Esmein, D. 1962.199 et la note de Rodière ; Civ. 1re, 14 déc. 1964, JCP 1965.II.14175, note de G.L.V. ; Civ. 2e, 18 janv. 1973, JCP 1973.II.17545.

(44) Cass. Civ. 1re, 13 nov. 1967, D. 1968.97, note de Y. Lambert-Faivre ; Cass. Civ. 3e, 22 mars 1968, G.P. 1968.2.167; Cass. Civ. 3e, 17 juillet 1968, Bull. civ. III, n° 347 ; Ch. mixte, 26 mars 1971, JCP 1971.II.16762 et la note de Lindon « les juges d'appel, qui étaient saisis d'une demande de condamnation in solidum, ont nécessairement, bien que par un emploi impropre du terme, entendu prononcer l'obligation in solidum qui pèse sur les coauteurs d'un même dommage ».

(45) Arrêt Teffaine, Cass. Civ., 16 juin 1896, D.1897.1.433.

(46) Arrêt jeand'heur, Ch. réunies, 13 février 1930, D. 1930.1.57.

(47) Cass. Civ., 19 juin 1934, S. 1935.I.28

(48) H. Baudin, La responsabilité en matière délictuelle corréalité ou solidarité, JCP éd.G.1943, I, 349.

(49) Civ., 29 novembre 1948, D. 1949.117, note de H. Lalou ; Dans le même sens Civ. 2e, 14 mars 1958, Bull. civ. II, no 202; Civ. 2e, 14 février 1962, G.P. 1962.1.430 ; Civ. 1re, 16 juin 1965, JCP 1966.II.14649, note J. Bigot ; Civ. 2e, 15 nov. 1972, D. 1973.533 et la note de F. Chabas.

donc les deux articles 1384 al.1. et 1382 devront être retenus. En premier lieu, la cour de cassation refusait de condamner in solidum le coauteur gardien à cause de l'impossibilité d'un recours contre l'autre auteur qui n'est pas fautif(50). C'était en matière de transport bénévole(51) que le problème a commencé et n'a pas longtemps duré. Un arrêt de la chambre mixte en 1968(52) déclara que «tout responsable d'un dommage en est tenu à la réparation intégrale, tant sur le terrain de l'article 1382 que sur celui de la responsabilité de droit de 1'article 1384 ».

98 - La progression de l'obligation in solidum ne s'arrêta pas au niveau des délits civils, elle franchit vers d'autres domaines. Elle est admise entre gardiens d'animaux(53), ainsi entre gardiens des véhicules entrant en collision et causant dommage à un tiers(54).

99 - Il en est de même lorsque l'un des auteurs est responsable délictueusement et l'autre contractuellement(55), ou tous les deux sont responsables d'un même contrat sans une stipulation établissant la solidarité(56), ou chacun des auteurs est responsable en vertu des contrats distincts(57).

100 - D'ailleurs, le responsable civilement est tenu d'une obligation in solidum, à l'exception de la responsabilité des pères et des mères (article 1384 ale. 4 C. civ.)(57). Elle atteignait aussi l'obligation de l'assureur et l'auteur du dommage(58). La victime peut demander la réparation du dommage de l'auteur ou de son assureur qui est obligé à réparer dans la limite de la somme désignée dans le contrat d'assurance.

101 - La qualification d'obligation in solidum a été retenue relativement pour les obligations alimentaires qui sont à la charge du père et de la mère concernant la nourriture, l'entretien et l'éducation des enfants d'après l'article 203 C. Civ. En effet, le débat n'est pas

(50) Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP 1962.II.12728, note P. Esmein, D. 1962.625, note R. Savatier, S. 1963.II note Meurisse; RTDC 1962.625, obs. de M. Tunc.

(51) Infra, no138.

(52) Ch. Mixte, 20 déc. 1968, D. 1969.37, conclusions Schmelck, JCP 1969.II.15756.

(53) Cass. Crim., 11 juillet 1974, Bull. crim., no 256.

(54) Cass. Civ., 1re juin 1939, D.H. 1939.449 ; Cass. Civ. 2e, 15 nov. 1956, G.P. 1957.1.149 ; Cass. Civ. 2e, 30 juin 1961, JCP 1961.II.12386, note de P. Esmein ; Cass. Civ. II, 17 nov. 1976, JCP 1977.II.18550.

(55) Req., 2 juin 1930, D.H. 1930.337 ; Cass. Civ., I, 12 juin 1954, D. 1954.558 ; JCP 1954.II.8225 ; RTDC 1954.655, obs. H. et L. Mazeaud ; Cass. Civ. I, 7 octobre 1958, D., 1958.763 ; Cass. Com., 3 janvier 1964, Bull. civ. III, no 4.

(56) Entre époux co-vendeurs, Cass. Civ. 14 mai 1959, D. 1959.somm.105 ; Entre une société et son représentant, Cass. Civ. I, 28 mars 1995, Bull. civ. I, no 146, G.P. 1995.pan.224 ; Entre co-vendeurs : Cass. Civ. 1re, 26 mars 1996, Bull. civ. I, n° 154.

(57) Cass. Civ. I, 18 avril 1989, Gaz. Pal, 1990.Somm.ann.10, obs. F. Chabas ; Com., 8 janv. 1991, RTDC 1991.528, oba. Mestre ; Entre deux entrepreneurs : Cass. Civ. 1re, 9 nov. 1960, 1re arrêt, Gaz. Pal. 1961.1.83 ; Cass. Civ. 1re, 18 avril 1989, G.P. 1990.somm.10, obs. F. C.

(57) Cass. Civ. 2e, 21 janv. 1954, Bull. civ. 2e, no 25 ; JCP 1954.IV.30 ; Paris, 4 déc. 1958, G.P. 1959.1.72 ; Civ. 1re, 17 juillet 1979, D.S. 1980.IR.114 ; Com. 25 mai 1993, Bull. civ. IV, no 210.

(58) Civ., 23 mai 1944, G.P. 1944.2.81 ; RTDC 1945.272, obs. H. et L. Mazeaud ; Civ., 22 nov. 1948, S. 1949.I.19 ; Civ. 2e, 29 mars 1963, Bull. civ. II, n° 301 ; Civ. 2e, 18 janvier 1973, JCP 1973.II.17545, note M. A.

clos, l'obligation in solidum en matière d'obligations alimentaires n'a pas été accepté d'une manière définitive(59).

Après avoir exposé cette évolution, on révèle, et selon les faits présentés devant les tribunaux, qu'une brèche a été décelée lors des applications des règles. L'obligation in solidum vient de la satisfaire en matière délictuelle mais ne s'arrête pas à ce niveau, elle devrait franchir d'autres obstacles surtout lorsqu'elle acquiert son autonomie.

§ 2 : L'OBLIGATION IN SOLIDUM UNE INSTITUTION AUTONOME

La formulation d'une théorie générale d'obligation in solidum évoluait dans la jurisprudence qui déterminait ses limites et ses conditions après plusieurs arrêts en l'espèce. Elle devient une institution autonome qui se distingue de la solidarité ayant son propre domaine et ses propres conditions.

A - LA DISTINCTION ENTRE L'OBLIGATION
IN SOLIDUM ET LA SOLIDARITÉ

L'obligation in solidum est-elle une institution différente de la solidarité ? Les romanistes ont considéré que chaque institution est distincte de l'autre par sa structure. La solidarité se caractérise par l'unité d'objets et de pluralité de liens, tandis que l'obligation in solidum est plurale par les objets et les liens(60).

102 - Certains auteurs du XXe siècle considèrent qu'il n'y a qu'un seul type de solidarité(61), refusant l'obligation in solidum, manque d'appui légal. Les partisans de l'obligation in solidum rétorquent que c'est une institution qui ne déroge pas au droit commun(62), son existence est un état de pur fait, <<c'est une institution plus logique que juridique »(63). C'est une responsabilité naturelle qui résulte de la force des choses, chaque cause est la cause totale du dommage, de la nature même du rapport juridique(64), c'est une responsabilité qui << a lieu indépendamment de toute disposition de la loi ; elle a lieu par la force même des

(59) Cass. Civ. 1re, 17 mars 1964, Gaz. Pal. 1964.2.56 cet arrêt montre que le débiteur poursuivit peut demander la réduction de son montant ; Cf. J. Mester et M-E Tian-Pancrazi, op. cit., J-Cl. civ. art. 1197 à 1216 ; Ph. Le Tourneau, Rep. Dalloz, op. cit., n° 181.

(60) Infra nos 199 et s.

(61) Colin et Capitant, Traité de droit civil, 9e éd., tome II, no 705; Josserand, op. cit., 3e éd. tome II, nos 771 et 779 ; Planiol et Ripert, op. cit., n° 903 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, tome II, 4e éd., no 1962, p.806 ; P. raynaud, op. cit., in Mélanges J. Vincent, p. 317.

(62) Savatier, op. cit., no 488 p. 45 ; J. Vincent, op. cit., RTDC 1939, p. 668.

(63) Chabas, thèse précitée, p. 23.

(64) Marty et Raynaud, t. II, no 797.

choses, par la nécessité des situations lorsqu'en effet il sort de ces situations une obligation telle, par sa propre constitution, que plusieurs s'en trouvent tenus chacun pour le tout »(65).

103 - Pour juger si l'obligation in solidum est une espèce de solidarité ou non. Il faut prendre en considération la structure et le fondement de chaque institution. Si l'obligation in solidum a le caractère de l'unité d'objet et de pluralité de liens(66) sa structure est donc similaire à celle de la solidarité. Et si elle a la structure de pluralité d'objets et de liens, elle diffère donc de la solidarité. Mais cela ne suffit pas à décider, il y a encore le fondement donné. Trois fondements on été donnés à l'obligation in solidum : l'indivisibilité du dommage, la causalité totale et la garantie. Le premier et le deuxième fondement ne sont en aucun cas compatible avec le fondement de la solidarité. L'obligation solidaire est divisible, et le fondement de la solidarité, qu'il soit la sûreté ou la garantie, est loin de l'idée d'indivisibilité ou de la causalité totale. Cette attitude d'expliquer l'obligation in solidum, selon ces deux fondements, ne justifie pas le recours du solvens contre les autres coauteurs, celui qui paie la dette, paie ce qu'il doit.

Reste le troisième fondement qui est la garantie. Chaque coauteur est responsable d'une part et garant de la part des autres coauteurs. Aujourd'hui les auteurs qui donnent à l'obligation in solidum la garantie comme fondement la range sous la tutelle de la solidarité(67). Mais pour ces auteurs la garantie est le droit de la victime à une réparation intégrale, alors avec la solidarité la garantie est réciproque entre les codébiteurs.

104 - D'autres auteurs moins hostiles à l'obligation in solidum proposent d'admettre la solidarité imparfaite. Mais, d'un autre côté l'admission de la solidarité pose une question : comment devrait-t-on régler le problème de la détermination de la part de la réparation incombant à chaque coauteur ? Le dommage sera réparti pro parte(68) entre eux comme en matière de solidarité ou bien selon un autre mécanisme(69). Sans aucun doute, le problème est subtile et nécessite une étude plus approfondie. Il ne faut pas oublier qu'en matière de responsabilité il y a le lien de causalité, le comportement des auteurs ainsi que le dommage. Dans une étude récente Marc Mignon a essayé de formuler une seule théorie de l'obligation au tout en rangeant sous ce titre la solidarité et l'obligation in solidum. Cependant, et attendant les répercussions de la thèse de Mignon, la structure de la solidarité et celle de l'obligation in solidum telle que adoptées, sûrement, marque une différence entre elles. Même si quelques auteurs estiment que l'obligation in solidum n'est qu'une variété de la solidarité passive(70).

(65) Demolombe, op. cit., t XXVI, n° 295.

(66) Sur la doctrine de l'unité d'objet et pluralité de liens, infra nos 196 et s.

(67) Infra nos 224 et s.

(68) Marc Mignon, thèse précitée.

(69) Infra no.309 et s.

(70) MALAURIE et AYNÈS, op. cit., no 1165

La solidarité diffère de l'obligation in solidum par sa source et par les effets appliqués à chaque institution.

105 - a) Source : La source de la solidarité, en matière civile est la volonté des partis ou celle de la loi, ce qui lui attribue un domaine restrictif. En opposition, l'obligation in solidum est une institution jurisprudentielle, ce qui lui confère une élasticité. Apparemment, l'obligation in solidum est confirmée dans les terrains où la solidarité ne peut pas être établie. Pouvons-nous dire que l'obligation a comblé plusieurs lacunes.

106 - L'obligation in solidum est admise lorsque l'un des coauteurs est tenu délictueusement et l'autre contractuellement(71). Par exemple, entre un entrepreneur et son sous-traitant(72), ou tiers complice dans la violation d'un contrat(73), ou un tiers créant une apparence trompeuse pour l'un des contractants(74). C'est le cas également lorsque l'assureur est condamné à réparer le dommage causé par son assuré. L'assureur est tenu contractuellement et l'auteur du dommage est tenu sur la base de la responsabilité commune.

107 - Itou, l'obligation in solidum est appliquée aux débiteurs tenus par des contrats distincts. Une clinique et un médecin condamnés in solidum à indemniser le malade(75), Un architecte et un entrepreneur tenus à dédommager le maître de l'ouvrage(76), ou bien deux entrepreneurs dont chacun était tenu par un contrat distinct de l'autre auront été condamnés in solidum à l'égard du maître de l'ouvrage(77).

Au demeurant, l'obligation in solidum fut admise encore entre coauteurs tenus chacun sur des bases différentes, l'un est tenu sur le fondement du fait d'autrui l'autre sur le fondement du fait des choses ou bien l'un est tenu personnellement l'autre en sa qualité gardien ou responsable du fait d'autrui(78).

108 - b) Effets : Les effets secondaires de la solidarité reposant sur la représentation mutuelle ne sont pas applicables à l'obligation in solidum. Pas de communauté d'intérêt,

(71) Cass. Civ. 29 nov. 1948, D. 1949.117, note H. Lalou ; Cass. Civ. 1re, 7 oct. 1958, D. 1958.763 ; Cass. Civ. 3e, 5 déc. 1972, D. 1973.401, note J. Mazeaud.

(72) Cass. Civ. 1re, 26 mars 1996, Bull. civ. I, n° 154.

(73) Cass. Com. 27 oct. 1992, D. 1992.505, note A. Benabent ; - 15 mars 1994, Bull. civ. IV, n° 108 ; 18 oct. 1994, ibid. IV, no310.

(74) Cass. com., 17 oct. 1995, D. 1995, IR 236, loueur de fonds de commerce responsable solidairement des dettes du locationgérance envers un fournisseur mis en confiance par les excellentes relations qu'il entretenait avec le premier.

(75) Cass. Civ. I, 1re juin 1976, JCP 1976.11.18483 ; C.A. Paris, 15 juin 1954, D. 1954.649 ; Civ. 2e, 21 avr. 1982, D. 1983, IR 497.

(76) Cass. Civ. 1re, 14 oct. 1958, Bull. civ. I, no 42 6; Cass. Civ. 3e, 3 juill. 1996, JCP 1997.11.22758, note Ph. le Tourneau.

(77) Cass. Civ., 1re, 9 nov. 1960, 1re arrêt, Gaz. Pal. 1961.1.83.

(78) Cass. Com., 25 mai 1993, Bull. civ. IV, no 210 ; Cass. civ. 3e, 13 juin 1990, Bull. civ. III, no 148.

entre les débiteurs, justifiant la représentation de l'un d'eux à l'égard du créancier. Les effets de l'obligation in solidum seront étudiés postérieurement d'une façon détaillée.

L'autonomie, de l'obligation in solidum, impose des conditions nécessaires pour que la cour puisse la prononcer contre les coauteurs.

B - LES CONDITIONS DE L'OBLIGTION IN SOLIDUM

Notre thème est limité à l'étude de l'obligation in solidum en matière de délits civils. Nous exposerons seulement les conditions dans cette optique.

Le dommage peut être la conséquence de plusieurs fautes. Donc, les articles 1382 et 1383 du Code civil et les articles 122 et 123 du Code des obligations et contrats sont en cause, ou bien le dommage est généré par les faits de plusieurs choses, ou l'un des auteurs est tenu par sa faute et l'autre gardien d'un chose inanimée.

1o - La responsabilité pour faute

109 - La condamnation in solidum a été admise dans ce domaine qui en est son terrain d'évolution(79). Mais quelles sont les conditions nécessaires pour une condamnation in solidum. La cour de cassation a déterminé les conditions dans l'arrêt de 1939 : « Chacun des coauteurs, dit la cour, d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout entier ».

D'après cette formule la condamnation in solidum suppose un seul et même dommage généré par plusieurs fautes délictuelles ou quasi délictuelles. Donc, cette solution exige deux conditions, d'une part un dommage unique et d'autre part plusieurs fautes.

110 - La première condition que suppose la condamnation in solidum est un dommage unique(80), alors que Demogue(81) étend la portée de l'obligation in solidum dans le cas où les faits dommageables conduisent à des dommages distincts. La jurisprudence, appelée à trancher sur ce point, décide que les fautes des coauteurs doivent produire le même dommage. Dans le cas où on peut attribuer le dommage à l'une des fautes, la condamnation

(79) Derrida F., Rep. Dalloz, Yo Solidarité, no 141 page31 ; J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3, no 25 ; Le TOURNEAU P., Rep. Dalloz Yo Solidarité, no 168, page 20.

(80) J. Français, thèse précitée, page 127 ; H. et L. Mazeaud, op. cit., no 1951, p. 793 et 794.

(81) Op. cit., t. IV, n° 776.

in solidum est écartée(82). Un dommage unique causé par plusieurs faits est nécessaire. Lorsque le dommage est causé par un seul fait, l'obligation in solidum(83) ne sera pas retenue. La charge de réparation ne doit pas être supportée par des fautes ne conduisant pas au dommage.

111 - La faute de la part des coauteurs est la deuxième condition exigée. Qu'elle soit une faute commune(84), ou des fautes successives, la réparation intégrale s'impose à l'un des coauteurs(85).

112 - La gravité de la faute n'est en aucun cas sollicitée. Il se peut que le coauteur poursuivi pour la réparation du dommage, ait commis une faute lourde ou une faute légère. Il suffit qu'un rapport de causalité entre la faute de l'auteur et le dommage existe pour qu'on l'assigne le désintéressement de la victime. Auparavant, la jurisprudence exigeait une contribution totale de la part du coauteur pour qu'il soit tenu in solidum(86), mais aujourd'hui le fondement de garantie donné à l'obligation in solidum permet de condamner l'un des coauteurs à réparer intégralement le dommage même si sa contribution est partielle. La jurisprudence actuelle de la cour de cassation précise que chacun des coauteurs << d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité »(87). Et l'annonce de certains auteurs du déclin de l'obligation in solidum n'a pas été retenue. Reste aujourd'hui la règle en matière de délits civils(88).

C'étaient les conditions d'une condamnation in solidum pour la responsabilité pour faute. Quelles sont les conditions pour une responsabilité sans faute.

(82) Paris, 19 janvier 1972, D. 1974.1.116, note de P. Raynaud.

(83) Cass. Civ. 2e, 19 avril 1956, JCP 1956.II.9281.

(84) Cass. Civ. 1er, 22 janvier 1957, Bull I, no ; Cass. Civ. 1re, 10 février 1959, JCP. 1959.somm.31 ; Com., 6 mars 1957, G.P. 1959.2.5 ; Cass. Civ. 2e, 10 mai 1961, JCP 1967.somm.94.

(85) Cass. Crim., 14 décembre 1967, D.S. 1968.somm.47 ; Cass. Civ., 2e, 1re février 1973, JCP 1974.II.17882 ; Cass. Civ. 3e, 23 janvier 1975, D.S. 1975 IR. 88 ; Cass. Civ. 2e, 11 janvier 1979, Bull. civ. II, no 19; Cass. Com., 19 novembre 1996, Bull. civ. IV, no 280 ; CA paris, 1re décembre 1995, JCP 1997.II.22760.

(86) Cass. civ. 2e, 19 avril 1956, D. 1956.1.538, JCP 1956.2.9381, note P. Esmein << chacun des coauteurs dans le cas de concours de plusieurs fautes peut être condamné à réparer l'intégralité du dommage lorsqu'il a contribué à son entière réalisation » ; Dans le même sens : Cass. civ., 4 déc. 1939, précité; Cass. Com., 30 déc. 1952, D. 1953.183; Cass. civ. 2e, 26 juin 1953, JCP 1953, éd. G.IV.122 ; Cass. Soc., 8 déc. 1960, Bull. civ. IV, n° 149; Cass. Civ. 1re, 13 nov. 1967, D.S. 1968.97, note Y. Lambert-Faivre.

(87) Com., l4 janv. 1997, Bull. Civ. IV, no 16, p. 13 ; Cf. Civ., 12 mai 1966, Bull. Civ. II, n° 565, p. 404 ; Civ. I, 26 janvier 1970, Bull. Civ. I, no 35, p. 28 ; Civ. II, 26.fév. 1970, Bull. Civ. II, no 75, p. 57 ; Civ. II, 23 avri11971, JCP. Éd. G. 1972,17086, 3e espèce, note J. BORÉ ; Civ. II, 2 avril 1979, Bull. Civ. II, no 110, p. 78 ; Civ. 3e, 25 mars 1980, Bull. Civ. III, no 69, P. 48 ; Soc, 12 mai 1982, Bull. Civ. V, no 300, p. 223; Civ. II, 12 janv. 1984, Bull. Civ. II, no 5, p.3 ; Civ. II, 15 juin 1983, JCP Éd. G. 1984.II.20274, note F. C. ; Civ. III, 5 déc. 1984, Bull. Civ. III, no 206, p. 161 ; Civ. I, 28 mars 1995, Bull. Civ. I, no 146, p. 104.

(88) Toulouse, 10 juin 2002, JCP 2003.IV.1712 ; Dijon, 5 sept. 2002, JCP 2003.IV.1413.

2o - La responsabilité sans faute

113 - C'est le cas ou le dommage est causé par le fait d'une chose ou d'un animal. Cette responsabilité est une responsabilité de plein droit, l'auteur du dommage est tenu à réparer le préjudice en dehors de toute faute. Quelle était la position de la jurisprudence dans le cas ou le fait, de plusieurs choses, produit le même dommage ?

Etant donné qu'il y a une différence entre les règles du code civil et celles du code des obligations et contrat libanais, ils seront analysées séparément.

a) - Code civil

114 - La responsabilité du fait des choses est une responsabilité de plein droit, le gardien est responsable lorsqu'il y a entre le fait de la chose et le dommage une relation de causalité. Au cas de pluralité de gardiens la jurisprudence admet aussi l'obligation in solidum. Le 29 novembre 1948(89) la cour de cassation a décidé pour la première fois « que les gardiens « sont présumés coauteurs et responsables in solidum de l'accident « dont la réparation intégrale est à la charge de l'autre et réciproquement ». Cette décision était la première en l'espèce sur le fondement de l'article 1384 al. 1re qui attribue la réparation totale du dommage au gardien. Et les séries d'arrêts ont continué, le gardien est tenu in solidum si la chose qui est sous sa garde est l'une des causes du dommage(90), ou si plusieurs personnes ont la garde de la même chose(91). Il suffit qu'il y ait une relation de causalité entre le fait de la chose et le dommage, même si son intervention n'a causé qu'une part du dommage.

b) - Code des obligations et contrats

115 - La responsabilité du fait des choses est réglée par les articles 131, 132 et 133 du COC. Le code des obligations et contrats vise le cas de plusieurs coauteurs gardien dans l'article 137 COC. Mais comme déjà prouvé, cet article n'est pas conforme avec la solidarité et concerne l'obligation in solidum. Il n'y a donc aucun obstacle sur l'admission de l'obligation des coauteurs gardiens in solidum. Ajoutons à cela qu'au Liban l'article 132 du COC dispose que « Si plusieurs choses inanimées ont concouru au dommage, et, par exemple, au cas de collision entre automobiles, la responsabilité objective disparaît pour faire place à la responsabilité de droit commun, basée sur le fait personnel ». Cet article

(89) Civ., 29 novembre 1948, D. 1949.117, note de H. Lalou.

(90) Civ. II, 14 mars 1958, Bull. civ. II, no 202 ; Cass. civ. II, 30 juin 1961, JCP éd. G 1961.II.12386, note P. Esmein ; Civ. II, 14 février 1962, G.P. 1962.1.430 ; Civ. I, 16 juin 1965, JCP 1966.II.14649, note J. Bigot ; Civ. II, 15 nov. 1972, D. 1973.533 et la note de F. Chabas ; Civ. II, 17 nov. 1976, JCP éd. G 1977.II.18550, concl. Baudouin.

(91) Cass. Civ. II, 13 mars 1975, D. 1975.I.R.124, RTDC 1975, p. 543, obs. G. Durry ; Cass. Civ. II, 15 déc. 1980, D. 1981, p. 455, note Poisson-Drocourt ; Mayer, la garde en commun, RTDC 1975, p. 197.

s'applique sur le rapport entre gardiens et non pas sur le rapport de la victime avec les coauteurs gardiens que chacun d'eux est responsables pour le tout.

Parfois les coauteurs sont responsables sur des bases différentes, l'un sur la responsabilité pour faute l'autre sans faute. Dans ce cas l'obligation in solidum s'impose contre eux ou la réparation se divise proportionnellement selon leurs parts contributives.

3o #177; La responsabiité pour faute et celle sans faute

116 - L'obligation in solidum est admise entre coauteur chacun tenu sur des bases différentes. L'un sur le fondement de la responsabilité personnelle l'autre sur le fondement de la responsabilité du fait des choses. La victime peut poursuivre l'un d'eux, chacun est tenu à réparer le dommage intégralement. À plusieurs reprises la cour a estimé que le partage de responsabilité entre les coauteurs n'affecte que les rapports entre eux et non pas l'égard de la victime qui peut demander la réparation totale sans qu'il y ait lieu de déterminer l'étendue de chaque fait(92).

Après cette exposition de l'évolution de l'obligation in solidum, le manque d'appui légal à cette obligation la rend une institution instable donc, sujette à des critiques parfois intransigeants, à la limite jusqu'à la réclamation de son déclin.

SECTION II : CRITIQUE DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM

117 - Les critiques avancées contre l'obligation in solidum commencèrent en France dans les années cinquante. La causalité partielle soutenue, par plusieurs auteurs, devenait l'inspiratrice de la jurisprudence, mais dans certains cas déterminés. En somme chacun doit supporter la part dont il est la cause (sous-section 1 : la responsabilité partielle). Récemment une thèse de doctorat a essayé de présenter qu'un faux concept était adopté en matière de solidarité et d'obligation in solidum, au fond les deux institutions sont de même nature (Sous-section 2 : la théorie de Mignon).

§ 1 : LA RESPONSABILITE PARTIELLE

118 - Un courant doctrinal estime que l'obligation in solidum est tributaire de la théorie de

(92) Cass. Civ., 10 mai 1948, D. 1948.407 ; Cass. Civ. II, 4 fév. 1981, Bull. civ. II, no 24 ; - 3 fév. 1983, Bull. civ. III, no 30 ; Cass. Soc. 8 déc. 1983, D. 1984.90, concl. Picca, JCP 1984.II.20220 et la note de J. Le Calonnec et Bedoura ; Cass. Civ. I, 22 avr. 1992, Bull. civ. I, no 127 ; Cass. com., 14 janv. 1997, Bull civ. IV, no 16.

l'équivalence des conditions. Elle n'est qu'un reflet de la théorie de condition sine qua non(93).

119 - Cette théorie fut formulée par l'allemand Von Buri qui écrivit que << La somme totale des forces qui ont pris une part quelconque à la production du phénomène doit être regardée comme cause de ce phénomène. Mais on peut, avec le même droit, considérer chacune de ces conditions isolement comme la cause de ce phénomène. Car l'existence de celui-ci dépend à tel point de chacune d'entre elles que si l'on supprime une seule condition le phénomène lui-même disparaît. Par conséquent, c'est chaque condition qui communique la vie à la masse sans elle inerte de toutes les autres conditions ; chaque condition rend toutes les autres causales. >>(94).

120 - En France c'est Marteaux et Guex qui ont adopté le raisonnement de Von Buri. Le droit ne s'intéresse pas à la cause des phénomènes, il cherche le lien qui unit le fait et le résultat dommageable(95), << Y a-t-il entre l'acte de A et le dommage subi par B une relation de cause à effet ? En l'absence de l'acte le dommage eut-il été évité ? L'acte a-t-il posé une condition du dommage ? >>(96). Si la réponse est positive le fait est la cause totale du dommage, par contre si elle est négative, il ne l'est pas.

121 - Selon les partisans de l'équivalence des conditions : chaque condition, sans elle le dommage n'aurait pas été produit, est une condition sine qua non. Ce raisonnement permet de faire supporter tout le dommage sur une seule cause sans aucune détermination du degré de causalité, ou la mesure de chaque fait dans le dommage.

La théorie de l'équivalence des conditions subit des critiques à deux niveaux : la hiérarchisation qualitative et la hiérarchisation quantitative. L'obligation in solidum est inexplicable selon cette théorie, c'est une fausse équation de retenir l'une des causes du dommage et de lui faire supporter la totalité de la réparation, vu qu'elle a causé tout le dommage.

A - LA HIÉRARCHISATION QUALITATIVE

122 - La déficience principale de la théorie de l'équivalence des conditions est qu'elle permet de retenir les causes antécédentes les plus éloignées même si elles ne sont pas présentes lors de l'accident. Il est donc inconcevable de faire supporter la réparation sur une

(93) P. Raynaud, note sous arrêts : Paris, 19 janvier 1972 et 30 mars 1973, D.1974.116 ; Ch. Larroumet, note sous cass. civ. I, 7 juin 1977, D. 1978.289 ; Pierre Raynaud, op. cit., in Mélanges J. Vincent, p. 317 et s. ; Lambert-Faivre Yvonne, De la poursuite à la contribution; quelques arcanes de la causalité, D. 1992, Chron. LXIII.

(94) Von Buri, cité par Chabas, thèse précitée, page 84.

(95) Marteau, La notion de causalité dans la responsabilité civile, thèse Aix-marseille 1914, page 130 et 131 ; Guex, page 105.

(96) Marteau, ibid.

cause qui n'existe pas sur la scène de l'accident. Il faut une hiérarchisation qualitative des causes du dommage. L'essentiel de la théorie de l'équivalence des conditions est consacré sur le lien entre le dommage et les causes du dommage et ne s'intéresse pas sur la qualité des causes du dommage.

123 - Une théorie fut formulée par l'allemand Von Kries(97) qui a essayé de remplir la brèche de la théorie de l'équivalence des conditions par la procédure d'hiérarchisation des causes du dommage : c'est la théorie de la causalité adéquate.

Selon cette théorie une condition cause du dommage, est une condition sine quibus non. Toutes les conditions sont mises sur un plan d'égalité, pas d'avantage d'une cause sur les autres. Une cause est retenue comme condition du dommage, est une cause qui, objectivement, par son apparition unique, génère le dommage. Les conditions fortuites sont éliminées, seules les conditions adéquates sont prises en considération(98). Mais pour faire cette discrimination il faut que le juge puisse connaisse le savoir nomologique et le savoir ontologique.

Le savoir nomologique, qui est la connaissance de la loi de la nature, permet de déterminer que telle cause est la condition qui produit tel résultat. En effet, c'est la détermination mathématique : telle cause produit tel effet.

Le savoir ontologique consiste à savoir les conditions connues par l'agent ou l'auteur du dommage. Mais le critère de la connaissance diffère d'un auteur à un autre. Il y a, premièrement, le critère temporal. Von Kries présente un critère subjectif qui consiste à isoler l'agent au moment de son action, et de retenir toutes les conditions dont il avait connaissance ou qu'il aurait pu connaître. Cependant, le système proposé par Rümelin distingue entre les conditions antérieures à la faute et les conditions postérieures. Les actes antérieurs doivent être toujours pris en considération même si au moment de l'acte l'agent ne les connaissait pas. Tandis que les conditions postérieures, si elles sont prévisibles, doivent être prises en considération. Deuxièmement, il y a le critère de Thon qui estime que l'homme avisé est un critère de connaissance des conditions du dommage.

Ce que les partisans de la théorie de causalité adéquate essayent de résoudre ne suffit pas à trouver la solution requise. La hiérarchisation qualitative n'était pas conforme à la pratique, une mesure quantitative était nécessaire pour déterminer l'étendue de chaque cause dans la réalisation du dommage. La déficience subsiste la même, la théorie de causalité adéquate hiérarchise qualitativement et le problème constitue une hiérarchisation

(97) Chabas, thèse précitée, page 86 et s. ; G. Marty, La relation de cause à effet comme condition de la responsabilité civile, RTDC 1939, p. 702 ; P. Conte, Rep. Dalloz, Yo Responsabilité du fait personnel, no 128, page 21.

(98) G. Marty, précité

quantitative. Il faut trouver une méthode de mesure exacte de l'étendue de chaque cause dans le dommage.

B - LA HIÉRARCHISATION QUANTITATIVE

124 - La réflexion, rendue par les auteurs à propos des théories de la causalité, paraît que ces théories ne servent pas comme fondement à déterminer la part de chaque coauteur. Le problème, de la pluralité d'auteurs d'un même dommage est dans la mesure de l'étendue de chaque fait pour que le juge puisse assigner à chaque coauteur la part de la réparation incombant sur lui. Pour cette raison le mécanisme de la causalité partielle fut proposé, mais cette proposition s'est avérée insuffisante pour quelques auteurs, c'est pour cela ils ont avancé une analyse dénotant l'impraticabilité de ce mécanisme.

1o - Exposé de la doctrine

125 - Le premier auteur, qui a marqué ce point, était Birkmeyer. Il présenta une théorie qui diffère de la causalité adéquate ou la causa proxima par l'hiérarchisation quantitative des causes du dommage. Sa théorie diffère de la causalité adéquate par la permission de déterminer la quote-part de chaque fait dans le dommage. Parmi les conditions du dommage chacune a causé une partie, un quantum. L'auteur outrepasse le domaine juridique qui considère le lien de causalité comme condition de responsabilité au domaine matériel ou fonctionnel. La cause du dommage est la condition la plus efficace quantitativement. Cette détermination de la part de chaque cause est laissée par Birkmeyer au « gros bon sens » du juge. Pour la pluralité d'auteurs Birkmeyer n'exclut pas que dans quelques cas plusieurs causes génèrent la même conséquence, mais chacune des causes a une quote-part déterminée.

126 - En France vers la moitié du XXe siècle l'obligation in solidum fut soumise à des observations diverses qui conduisirent à sa critique et à son déclin. La causalité totale adoptée par la jurisprudence n'a pas persuadé les tenants de la causalité partielle. Cette impossibilité de déterminer la part incombant à chaque coauteur a abouti à une responsabilité totale, aucun instrument de mesure ne permet d'évaluer le rôle causal de chaque fait. À cette objection, les tenants de l'équation causalité partielle donc responsabilité partielle ripostent que le partage de responsabilité est possible. Le coauteur solvens a un recours contre les autres coobligés et le juge partage cette responsabilité. Pourquoi donc invoquer cette impossibilité de répartition(99).

(99) Aydolat, conclusions, Ch. Réuni 25 novembre 1964, D. 1964.733 ; Radouant note sous cass. 13 mars 1957, D. 1958.73 ; Meurisse, Le déclin de l'obligation in solidum, D.1962, Ch. page 243 ; J.Boré, Les arrêts de la chambre mixte du 20 décembre 1968, JCP 1969.I.2221, nos 20 à 27.

127 - Deureux(100) fut le premier auteur en France qui adopta l'équation de causalité partielle donc responsabilité partielle. Il dit que, sous l'égide de l'équité, celui qui contribue à causer un dommage doit réparer proportionnellement à la part qu'il a causée par sa faute. Il écrit que « L'équité veut, à notre avis, que celui qui, par un quasi-délit, a seulement contribué à causer un dommage doive seulement contribuer à le réparer, et non qu'il soit tenu de réparer pour le tout le dommage que sa faute n'a causé que pour partie ; et il doit être tenu dans le mesure de la gravité de sa faute par rapport aux autres fautes qui ont concouru au dommage ». Tandis que Radouant(101) considéra que c'est une erreur de retenir l'une des causes du dommage et l'imputer une responsabilité totale, parce que chaque cause a ses propres effets.

128 - D'autres auteurs pensent que le problème de répartition du préjudice doit être réglé selon le degré causal qui est un problème de fait, et que le juge de fait doit(102) « rechercher quelles sont les causes du dommage, d'en attribuer la responsabilité à chacune des choses qui ont participé « ». Et si le juge se trouve en face d'une impossibilité de répartition, il peut revenir à des experts pour la régler(103).

129 - D'autre(104) essaye de qualifier les causes antécédentes du dommage. Il ne suffit pas qu'il y ait une relation entre chaque cause et le dommage, il faut prendre en considération seulement les causes génératrices ou les causes créatrices(105).

Un système très proche présenté par Daclcq(106) propose de retenir la cause la plus efficiente « comme critère de la causalité, il dit que, rien n'empêcherait de considérer que chacune des causes n'a été génératrice que d'une partie du dommage et de déterminer l'étendue de l'obligation de réparer le préjudice imposée à chacun des responsables en

(100)Deureux, De la réparation due par l'auteur d'une seule des fautes dont le concours a causé un préjudice, RTDC 1944, page 156.

(101) Radouant notes D. 1961, p 681, D. 1958, p. 73 « Lorsqu'un dommage peut être rattaché à deux causes dont l'une écarte la responsabilité du défendeur et dont l'autre l'engage, ce serait une erreur de n'en retenir qu'une seule et de régler uniquement d'après elle le problème de la responsabilité. Chacune doit avoir ses effets propres ».

(102) Peytel, La responsabilité partagée et la présomption de l'art. 1384, G.P. 1942.1, doctrine, P. 7.

(103) Carel, De la responsabilité civile au cas de pluralité d'auteurs fautifs, G.P. 1959.I.Doct., page 51 « Certes, lorsque les dommages ont été successivement causé par plusieurs auteurs fautif sur la même partie du d'une victime, il est parfois difficile de discerner quelle part du dommage incombe à l'un et à l'autre des différents auteurs. Mais cette difficulté ne doit pas faire perdre de vue le principes du Code civil, notamment, que chacun n'est responsable que du dommage qu'il a causé. Ce sera une question de fait et, le plus souvent, des experts qualifiés sauront apporter aux juges les éléments leur permettant de faire une discrimination ».

(104) Peytel, La responsabilité partagée et la présomption de l'art. 1384, Art. précité, p. 7.

(105) Mazeaud et Tunc, Traité de la responsabilité civile, 5 éd., tome II, nos 1425 et 1426 « tous les événements qui jouent un rôle dans la réalisation d'un préjudice n'y jouent pas un rôle décisif, un rôle véritablement créateur», et encore no 1442 « les différentes fautes n'ont pas le meme pouvoir causale ... La nécessité apparaît d'affirmer qu'il ne suffit pas qu'un événement ait joue un rôle dans la réalisation d'un dommage pour qu'il soit retenu, au point de vue de la responsabilité civile, comme cause du dommage, de rejeter tous ceux qui n'ont pas un rôle vraiment prépondérant, qui, par suite, n'ont pas vraiment produit le dommage, qui n'en sont pas la cause génératrice ».

(106) Cité par Chabas, thèse précitée, page 105.

fonction du caractère plus ou moins adéquat ou plus ou moins efficient du lien de causalité entre la faute qu'il a commise et le préjudice subi par la victime >>.

Enfin, un éminent auteur a essayé de distinguer entre l'imputabilité et la causalité, en la nommant « causalité matérielle >>(107). Les causes du dommage sont les causes présentes en même temps et dans le même lieu de l'accident. Et, l'imputabilité n'est que d'allouer une part de la réparation à chaque auteur afin de réparer le dommage.

2o _ Critiques de la doctrine

130 - La théorie de Birkmeyer a subi diverses critiques à différents niveaux en tant que fondement de la détermination quantitative de chaque cause. Birkmeyer part de l'hypothèse que plusieurs dommages distincts ou des dommages divisibles existent. Alors que l'obligation in solidum impose un dommage unique. Si on peut déterminer le fait qui a causé le dommage, ou la quote-part de chaque fait dans le dommage, la condamnation in solidum est exclue. Donc la théorie de Birkmeyer ne s'applique pas au cas où le dommage est unique, elle est applicable en présence de plusieurs dommages juxtaposés et distincts(108).

131 - En outre, Birkmeyer ne donne aucune méthode pour mesurer le rôle causal de chaque condition(109). Sa théorie n'est qu'un postulat, il y a parmi les causes du dommage celles qui ont un rôle causal plus que d'autres, mais le mécanisme de calcul de l'étendue de chaque fait dans le dommage est absent. En somme, il ne donne aucune réponse concernant la hiérarchisation quantitative, mais critique seulement l'hiérarchisation qualitative.

Quant aux autres propositions présentées, aucune d'elles n'est pratique. La causalité ne peut être rendue au domaine matériel(110). Tout ce que cherche la causalité c'est le lien entre le dommage et le fait, et n'a aucune liaison avec la répartition de la dette entre les coauteurs(111). C'était la causalité dans la doctrine. Quelle était donc la position dans la jurisprudence.

C - LA CAUSALITÉ PARTIELLE DANS LA JURISPRUDENCE

132 - La théorie de l'équivalence des conditions appliquée à l'obligation in solidum n'a pas résisté aux critiques avancées contre elle. La progression des sciences a permis de désigner

(107) P. Esmein, Le nez de Cléopâtre ou les affres de la causalité, Ch. XXX, D. 1964, no , p. 206 ; Cf. R. Béraud, Les mythes de la responsabilité civile, JCP 1964.I.1387.

(108) Marc Mignon, thèse précitée, page 409, 410.

(109) Chabas, thèse précitée.

(110) Infra nos 218 et s.

(111) STARCK Boris, La pluralité des causes de dommage et la responsabilité civile, JCP 70, I, 2339.

la part contributive de chaque fait, vu que la mission des expertises devant les cours progressait aussi. Cette évolution transformait les situations. Pour cela on trouvait que la jurisprudence adoptait à une certaine époque la causalité partielle qui dérogeait au principe de l'obligation in solidum. Les répercussions de la causalité partielle dans le domaine de responsabilité en tant que fondement tiennent à répartir la réparation du dommage entre les coauteurs. C'était en matière de dommage par ricochets, d'accidents de travail, transport bénévole, exonération partielle du gardien et enfin la faute de la victime et sa conséquence sur la réduction du montant de la réparation.

L'obligation in solidum se caractérise par la pluralité d'objets et de lien(112), chacun des coauteurs est responsable d'une part distincte de l'autre, chacune des causes est à l'origine du dommage tout entier. Chaque cause a un effet propre, et doit supporter la part qu'elle a générée. Le déclin de l'obligation in solidum serait alors avec la causalité partielle.

133 - Les premiers arrêts en l'espèce étaient les fameux arrêts Lamoricière(113) qui instituaient dans la jurisprudence le courant de la causalité partielle. Notons que la dérogation à l'obligation in solidum se limitait seulement aux matières susvisées, et la cour de cassation, hors de ces hypothèses, continuait à condamner in solidum(114).

1o - Dommage par ricochet

134 - Il s'agit en effet de savoir si les proches de la victime, agissant en leur nom propre, peuvent demander la réparation intégrale sans que l'on oppose la faute de la victime. C'est le cas où une personne décède par un accident résultant de sa faute avec celle d'un tiers. D'abord la jurisprudence repoussait cette prétention en déclarant que la faute de la victime est opposable, la réparation n'est pas totale(115).

Plus tard un revirement opéré par la chambre criminelle(116) qui soutint la thèse de la réparation intégrale sans que la faute de la victime soit opposable à ceux qui agissent en leur nom propre. La thèse de la chambre criminelle fut aussi adoptée par la deuxième chambre civile(117). Cette solution repose sur le fait que les victimes par ricochets n'ont pas une action

(112) Infra nos199 et s.

(113) Cass. Com., 19 juin 1951, D. 1951.717, note G. Ripert ; Gaz. Pal 1951.2.151 ; JCP 1951.II.6426, note Becqué.

(114) Cass. Civ., 19 avril 1956, D. 1956.538; Civ. II, 14 fév. 1962, Gaz. Pal. 1962.1.430; - 26 juin 1956, Bull. civ. II, no 1278.

(115) Cass. Req., 4 mars 1872, D.P. 1872.jur.327 « » ; Cass. Crim., 14 déc. 1938, S. 1939.I.233, note Houin ; ibid, 27 nov. 1956, D. 1957.373, note R. Savatier.

(116) Cass. Crim. 31 mars 1960, Bull. crim., n° 188, p. 392 ; - Sur l'évolution de la jurisprudence, Cf. J. Fossereau, L'incidence de

la faute de la victime sur le droit de ses ayants cause agissant à titre personnel, RTDC 1963.9 ; R. Savatier, D. 1964.Chr.155

; Meurisse, D. 1962.Chr.93 ; G. Durry, RTDC 1968.553 ; Terré François et Lequette Yves, Les grands arrêts de la

jurisprudence civile.

(117) 16 nov. 1962, D. 1963.317, note de P. Azard ; - 20 novembre 1963, Bull. civ. II, n° 749, p. 559, D. 1964.549, note J. Boré; - 30 janvier 1964, D. 1964.451.

contre la victime initiale(118). Mais d'un autre côté, l'inopposabilité de la faute privilégie les victimes par ricochet beaucoup mieux que la victime initiale(119). Ils peuvent obtenir une réparation intégrale tandis que la victime initiale supporte sa faute par la diminution du montant de la réparation.

135 - Des cours d'appel ne se sont pas inclinées devant cette solution de la cour de cassation, ce qui a conduit à une intervention de la chambre réunie(120). La cour décide que la faute de la victime est opposable aux proches du décédé. Toutes les chambres de la cour de cassation ont admis cette solution, mais quelques années plus tard, la deuxième chambre civile réadmit sa position antérieure à l'intervention de la chambre réunie, en optant pour l'inopposabilité de la faute de la victime initiale(121). La polémique juridique de la deuxième chambre a nécessité une intervention de l'assemblée plénière pour réaffirmer la position prise par la chambre réunie(122). Les arrêts rendus postérieurement à l'intervention de l'assemblée plénière témoignent de la stabilité de la solution de l'opposabilité de la faute de la victime initiale contre les victimes par ricochet(123).

2o _ Accidents de travail

136 - Une autre dérogation au principe de l'obligation in solidum dans le domaine des accidents de travail inspirée de la causalité partielle. C'est le cas où le dommage est provoqué à la fois par le fait de l'employeur ou de l'un de ses préposés et par celui d'un tiers, étranger à l'entreprise. Le problème dérive de l'article 450-1 code de la sécurité sociale qui fixe le montant verser par la sécurité sociale au préposé victime qui ne peut pas obtenir de l'employeur une réparation intégrale.

La chambre sociale condamnait la réparation partielle au tiers, vu que si la totalité de la dette est payée il ne peut avoir un recours contre l'employeur à cause de l'article 450- 1(124). Cette jurisprudence aurait été adoptée aussi par la chambre criminelle(125).

(118) civ. II, 27 janv. 1965, D. 1965.619, note de Y. Lambert-Faivre.

(119) Aydolat, concl. Sous Ch. Réunie., 25 nov. 1964, D. 1964, 734; Stark Boris, La pluralité des causes de dommage et la responsabilité civile, JCP 70, I, 2339.

(120) Ch. réunies, 25 novembre 1964, D. 1964.733, conclusions Procureur gén. Aydolat; JCP 1964.II.13972, note de P. Esmein ; RTDC 1965.136, obs. Rodière.

(121) Civ. II, 25 oct. 1978, 2e espèce, D. 1979, 114, note Larroumet Christian, JCP éd. G., 1979.19193, note F. Chabas, G.P. 1979.1.198, note Plancqueel André, RTDC 1980 p. 112, obs. G. Durry.

(122) Cass. Ass. Plén., 19 juin 1981, D. 1982.jur.85, conclu. Cabannes, note Chabas; D. 1981.jur.529, note de J. Boré; RTDC 1981, p. 857 obs. G. Durry; JCP 1982.II.19712, rapp. Ponsard.

(123) Civ. I, 28 octobre 2003, D. 2004.comm.233, note de Philippe Delebecque.

(124) Cass. soc., 19 juillet 1960, JCP 1961.II.11987, note G. B.; ibid, 21 juin 1961, Bull. civ. IV, n° 671 il est tenu « in solidum, déclare la cour, le tiers partiellement responsable d'un accident du travail aboutirait à lui accorder un recours accessoire contre l'employeur déclaré partiellement responsable de l'accident, recours qui irait à l'encontre des articles 466 et suivant du code de la sécurité sociale qui exonèrent l'employeur de toute responsabilité de droit commun, lorsque l'accident n'est du ni à sa faute intentionnelle, ni à la faute intentionnelle de son préposé ».

137 - A contrario, la deuxième chambre civile et dans un arrêt fort connu par l'arrêt Gueffier(126) s'opposait à la position prise par les autres chambres du cour de cassation en déclarant que le tiers, responsable avec l'employeur ou son préposé de l'accident, est tenu à l'égard de la victime de réparer intégralement le dommage.

L'arrêt Gueffier ne règle pas le problème et la chambre sociale tient à sa jurisprudence(127), et parfois même la deuxième chambre ne suivait pas la jurisprudence de l'arrêt Gueffier(128). Le conflit d'arrêts ne s'éteint qu'en 1988 suite à l'intervention de l'assemblée plénière(129). La victime, dit la cour, en « cas de partage de la responsabilité « entre l'employeur ou son préposé et un tiers étranger à l'entreprise, est en droit d'obtenir de ce tiers, dans les conditions du droit commun, la réparation de se son entier dommage dans la mesure ou celui-ci n'est pas indemnisé par les prestations de sécurité sociale ».

3o #177; Transport bénévole

138 - Le mouvement de la causalité partielle s'est amplifié pour englober les solutions en matière du transport bénévole. Le premier arrêt dans l'espèce était l'arrêt Pilastre le 9 mars 1962(130). Deux automobilistes causèrent un dommage à une personne, dont un était le transporteur bénévole de cette personne. À l'époque la victime ne puit demander la réparation de son transporteur que si elle pouvait prouver sa faute (article 1382 C. civ.). Tandis qu'elle pouvait assignée à l'autre automobiliste la réparation en se basant sur l'article 1384 al. 1er Code civile. La cour de cassation, statuant ce point, décidât que l'automobiliste était tenu partiellement à réparer le dommage par ce qu'il n'avait pas d'action récursoire contre le transporteur qui n'avait commit aucune faute.

139 - Cette jurisprudence ne persistait pas longtemps lorsque des cours d'appels refusaient de marcher dans le sillage de la cour de cassation. Sans doute, ce refus d'inclination

(125) Cass. crim., 21 déc. 1954, Bull. crim., no 420 ; ibid., 25 nov. 1958, JCP 1959.II.11021 ; - 31 oct. 1960, Bull. crim., n 437 ; - 3 juin 1966, Bull. crim., no 163, p. 365.

(126) Cass. civ. II, 2 juillet 1969, G.P. 1969.2.311 ; JCP 1971.II.16582 ; RTDC 1970.177, obs. G. Durry.

(127) 8 juillet 1971, JCP 1973.II.17303, 2e espèce, note L. Mouourgeon ; - 28 oct. 1971, JCP1973.II.17303, 3e espèce, note L. Mouourgeon ; - 26 fév. 1975, JCP 1975.II18194, note H. Groutel.

(128) Civ. II, 25 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2. Pan.237, obs. F. Chabas ; - 16 oct. 1985, Bull. civ. II, n° 156, p. 103, Gaz. Pal. 1986.1.Somm.185, obs. F. Chabas.

(129) Ass. Plénière, 22 déc. 1988, JCP Ed. G., 1989.II.21236, note Y. Saint-Jours, Bull. Ass. Plén., no 10, p. 14; D. 1989.105, conc. Monnet Yves, note G. Paire ; RTDC 1989, no 7, obs. P. Jourdain; Cf. Dejean De La Bâtie, La responsabilité du tiers coauteur d'un accident du travail, JCP Éd. G., 1989.I.3402.

(130) Cass. civ. II, 9 mars 1962, D. 1962.625, note R. Savatier; JCP 1962.II.12728, note Esmein, RTDC 1962.625, obs. Tunc ; Dans le même sens: Civ. II, 21 décembre 1965, JCP 1966.II.14736, note N. Dejean de la Bâtie ; - 27 janv. .1966, G. P. 1966. 1. 206 ; - 20 mai 1966, JC P 1966. II. 14849 ; G. P. 1966. 2. 280 : D. 1967.Somm.10 ; - 9 et 30 juin 1966, Bull. civ. II, no 657 et 721, p. 464 et 506 ; - 5 oct. 1966, D. 1967. 229; 20 oct. 1966, JCP 1966.II.14869 ; - 7 juin 1968, Bull. civ. II, no 165, p. 177, D. 1969.Somm.34 ; - 28 oct. 1968, Bull. civ. II, no 254, p. 178; D. 1969.Somm.34.

aboutissait quelques années plus tard à l'intervention de la chambre mixte, qui désavoua ce qui était inauguré par l'arrêt pilastre(131). Le transporté, avait déclaré la cour de cassation, est tenu à réparer entièrement le dommage sans besoin de vérifier s'il a une action récursoire contre l'autre automobiliste. Le transporteur où le tiers coresponsable est responsable de la réparation intégrale du dommage(132).

4o _L'exonération partielle du gardien par le fait d'un tiers

140 - La théorie de la causalité partielle fut aussi introduite dans la responsabilité du fait des choses. À plusieurs reprises la cour de cassation avait déclaré que le gardien s'exonère partiellement si le fait d'un tiers était l'une des causes du dommage et qui ne revêt pas le caractère de la force majeure. Ce mouvement commença par la cour de cassation le 15 janvier 1960 en jugeant que le « Le gardien « peut être partiellement exonéré « si la preuve est rapportée que le dommage a été causé par le fait, même prévisible, d'un tiers

>>(133).

141 - Cette orientation a duré à peu près une décennie. Plus tard la cour de cassation revint à sa position antérieure. Néanmoins, un conflit chronologique entre les auteurs sur l'arrêt marquant le revirement. Starck(134) nota les arrêts émanant de l'assemblée plénière le 20 décembre 1968(135), tandis que J.Boré(136) dit que les arrêts du revirement sont les arrêts des premiers mois de 1970(137). Même si les arrêts de l'assemblée plénière présageaient le revirement, les arrêts du premier mois de 1970 ont clairement marqué le revirement.

5o _ Exonération partielle par le fait ou la faute de la victime

142 - Dans cette perspective, la situation diffère si l'auteur du dommage est tenu personnellement sur le fondement des articles 1382 et 1383 du C. civ., ou s'il est tenu en sa qualité de gardien de chose instrument du dommage sur le fondement de l'article 1384 al. 1re Code civil.

(131) Trois arrêts : Ass. plénière, 20 déc. 1968, D. 1969.37, conclusions Schmelck, JCP 1969.II.15756.

(132) Civ. II 21 janv. 1970, D. 1970.525, note de Y. Lambert Faivre ; Civ. II, 15 nov. 1972, D. 1973.533, note F. Chabas ; Civ. II, 17 nov. 1976, JCP 1977, éd. G.1977.II.18550, conclusions Baudouin, G. P. 1977.1.349, note P. André.

(133) Civ. II, 15 janvier 1960, D. 1961.681, note Radouant, S. 1962.2; Civ. II, 24 avril 1964, JCP 1964.IV.78, Bull. civ. II, no 328, p. 247 ; Civ. II, 9 mai 1963, D. 1963.Somm.113, S. 1963.313, G.P. 1963.2.223 ; Civ. II, 3 févr. 1965, Bull. civ. II, no 113, p. 82 ; Civ. II, 29 mars 1966, Bull. civ. II, no 436, p. 310 ; Civ. II, 28 oct. 1968, Bull. civ. II, no 254, p. 178, D. 1969.Somm.34.

(134) STARCK Boris, La pluralité des causes de dommage et la responsabilité civile, JCP 70.I.2339 et Chabas, Bilan de quelques années de jurisprudence en matière de rôle causale, D. 1970, Ch. XXV.

(135) Trois arrêts : Ass. plénière, 20 déc. 1968, D. 1969.37, conclusions Schmelck, JCP 1969.II.15756.

(136) La causalité partielle en noir et blanc ou les deux visages de l'obligation « in solidum >>, JCP 1971.I.2369, no 25.

(137) Civ. 2e, 4 mars 1970, Bull. civ. II, nos 76,77,78,80; - 12 mars 1970, ibid, no 97 ; - 29 avril 170, JCP 1971.II.16586 ; - 21 mai 1970, JCP 1971.II.16584.

a - La responsabilité du fait des choses

143 - La jurisprudence, dans un premier temps, n'admettait l'exonération partielle du gardien que si la victime avait commis une faute(138). Deux années plus tard, à son tour, la chambre civile adopta la même solution(139), et cette solution se poursuivit par la chambre civile jusqu'à la fin des années cinquante(140). La cour de cassation admit seulement la faute de la victime et non pas son simple fait.

144 - Néanmoins, malgré la persistance de prendre seulement le fait fautif de la victime comme cause d'exonération partielle, la deuxième chambre civile, et au début des années soixante du XXe siècle, inaugura un courant permettant une exonération partielle du gardien par le simple fait de la victime. Le 20 janvier 1961(141) la deuxième chambre civile exonérait partiellement le gardien par le fait même non fautif de la victime lorsqu'il est l'une des causes du dommage, et la chaîne d'arrêts dans le même sens s'écoulait(142). La position prise par la deuxième chambre civile suscita des critiques ferventes de la part des autres chambres supportées par un large courant doctrinal, ce qui incita la deuxième chambre civile à admettre par un arrêt fameux, connu par l'arrêt Desmares(143), que « seul un événement constituant un cas de force majeur exonère le gardien de la chose instrument du dommage de la responsabilité par lui encourue par application de l'article 1384 al 1re, du code civil ; dès lors le comportement de la victime, s'il n'a pas été pour le gardien imprévisible même partiellement ». Selon cet arrêt l'exonération partielle ne peut être retenue, seulement l'exonération totale si le fait ou la faute de la victime revêt le caractère de force majeur.

145 - Les cours d'appel résistèrent à la jurisprudence Desmares en refusant de s'incliner, même s'il y a avait une possibilité de censure par la deuxième chambre. Cette jurisprudence ne persista pas longtemps la deuxième chambre en 1987(144) et par cinq arrêts désavoua la jurisprudence Desmares. Elle déclare que « le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s'il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage ». L'arrêt mentionne la faute de la victime seulement, est-ce que le

(138) Req., 13 avril 1934, D.P. 1934.1.41.

(139) Cass. civ., 1re déc. 1936, G.P. 1937.1.157.

(140) Civ., 8 février 1938, D.H. 1938.194 ; Civ., 9 sept. 1940.141, S. 1940.I.81, note H. Mazeaud ; Civ., 30 mai 1944, D.A. 1944.105 ; Civ., 27 oct. 1948, JCP 1949.II.4793, note P. Esmein ; Civ., 7 mai 1952, D. 1952.487 ; Civ. II, 14 nov. 1956, D. 1957.74 ; Civ. I, 4 juin 1959, S. 1961.329, note A. Plancqueel

(141) Civ. II, 20 janvier 1961, Bull. civ. II, no 60.

(142) Civ. II, 17 déc. 1963, D. 1964.569 note A. Tunc, JCP 1965.II.14075, note N. Dejean de La Bâtie ; Civ. II, 16 juin 1965, D. 1965.662, note A. Tunc ; Civ., 12 mai 1971, JCP 1972.II.17086, 4e espèce, note J. Boré ; Civ. II, 4 oct. 1972, JCP 1973.II.17450, note B. Starck ; Civ. II, 21 mars 1974, D. 1974.IR.151; Civ. II, 12 février 1975, JCP 1975.IV.114.

(143) Civ. II, 21 juillet 1982, D. 1982.449, concl. Charbonnier, note Ch. Larroumet, JCP 1982.II.19861, note F. Chabas.

(144) Civ. 2e, 6 avril 1987, D. 1988.32, note C. Mouly ; JCP 1987.II.20828, note de F. Chabas ; J. Landel, Desmares est mort, Gaz. Pal. 1987.2.591.

fait non fautif est exclu ? Quelques arrêts postérieurs de la cour de cassation révélèrent que seule la faute de la victime et non pas son simple fait est libératoire partiellement de l'auteur du dommage, si elle ne revêt pas le caractère de la force majeure(145).

b --La responsabilité du fait personnel

146 - Depuis le XIXe siècle la jurisprudence(146) a refusé d'admettre que le fait de la victime est partiellement exonératoire de l'auteur fautif tenu sur le fondement de l'article 1382 ou 1383 du Code civil. Il faut une faute de la part de la victime pour que l'auteur fautif s'exonère partiellement. Cette position reste aujourd'hui la règle(146bis), le coauteur d'un dommage ne s'exonère pas partiellement par le fait non fautif de la victime, qui est tenu à réparer intégralement le dommage.

Après l'exposition de la théorie de la causalité partielle on trouve qu'elle ne peut pas devenir la règle pour répartir la dette entre les coauteurs. Elle restait limitée à quelques domaines, parce que la jurisprudence dans la plupart des hypothèses susvisées revenait à l'obligation in solidum. Et si on pousse l'analyse un peu plus loin, on trouve que dans la plupart des cas ce n'était pas une question de causalité partielle, mais une impossibilité de fait au coauteur solvens de recourir contre l'autre coauteur non fautif, sauf dans les domaines de l'exonération partielle du gardien et le fait de la victime et son incidence sur la réparation.

En apparence, les auteurs considèrent que la causalité partielle était consacrée dans les domaines de victime par ricochet, d'accidents du travail et transport bénévole. Dans tous ces cas, la cour justifie la condamnation partielle par l'impossibilité au coauteur poursuivi de recourir contre l'autre coauteur qui n'a commis une faute. Si on adopte le raisonnement inverse, le coauteur non poursuivi, s'il était fautif, la condamnation in solidum s'impose. Donc la causalité partielle n'est pas ici en question, le problème était une question de fait, de prouver la responsabilité du coauteur non poursuivi(147). Effectivement, la causalité partielle se trouve dans les domaines d'exonération partielle du gardien par le fait d'un tiers, et le fait de la victime comme l'une des causes du dommage.

Récemment, une théorie de l'obligation au tout avait été mise en ceuvre qui essaie de développer une théorie générale d'obligation au tout, la solidarité et l'obligation in solidum se range sous cette théorie.

(145) Civ. 2e, juillet 1987, Gaz. Pal. 1987.2.271; Civ. 1er, 13 oct. 1987, Gaz. Pal., 1987.2.287; Cass. II, 5 fév. 2004, D. 2004.IR.471 ; - 10 juin 2004, D. 2004.IR.

(146) Req., 8 février 1875, D.P. 1875.1.320 ; Civ., 20 août 1879, D.P. 1880.1.15.

(146 bis) Civ. II, 12 février 1970, Bull. civ. II, no 50 ; Civ. II, 11 février, 1976, JCP 1976.IV.118 ; Civ. II, 8 juillet 1976, D. 1976.I.R.282 ; Civ. II, 10 avril 1991, Bull. civ. II, no 122.

(147) Marc, Mignon, thèse précitée, no 576, page 417.

§ 2 - LA THÉORIE DE MIGNON

147 - Marc Mignon dans sa thèse(148) a essayé de nous montrer que l'approche dogmatique adaptée par les auteurs du XIXe siècle était fausse parce qu'elle a mis en opposition la solidarité et l'obligation in solidum. En effet, les deux institutions n'ont qu'un seul aspect l'obligation au total lato sensu. Avant d'exposer sa théorie, il faut présenter les critiques qu'il avance contre la solidarité et l'obligation in solidum.

A - CRITIQUE DE LA SOLIDARITÉ ET DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM

148 - La doctrine du XIXe siècle interpréta la solidarité selon deux approches dogmatiques(149). La première mettait en opposition la solidarité avec l'obligation in solidum. La solidarité se caractérise par une obligation unique tandis que l'obligation in solidum est plurale. La deuxième adapte un point de vue alternatif, parce qu'il y a un seul objet, la structure de la solidarité est objectivement unique, et parce qu'il existe autant de liens ou d'obligations que de sujets alors elle est subjectivement multiple.

149 - L'approche dogmatique selon Mignon est défectueuse(150) par sa méthode parce qu'elle n'avait pas pris en considération les sources historiques de tous les textes qui admettaient la pluralité d'obligations. Et la doctrine de l'unité d'obligation est vraie dans son principe, mais le fondement qui lui est attribué est faux. La solidarité et l'obligation in solidum ont la même structure : l'obligation au total lato sensu.

1o -- Critique de la solidarité

150 - De l'évolution de la solidarité(151) il ressort qu'une structure hybride lui a été conférée. La solidarité réglée par le code civil n'est que la consécration de la solidarité romaine et la garantie mutuelle orientale. La fusion de ces deux institutions a formé la base de la solidarité réglée par le code civil. Ce qui conduit à la fusion des deux institutions qui sont parfois en contradiction. Chacun d'eux a ses propres règles, d'ou la nécessité de clarifier la solidarité actuelle des contradictions héritées par la fausse compréhension de l'évolution de l'obligation au tout.

(148) MIGNO Marc, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, Dalloz, thèse 2002. Récemment plusieurs études traite de l'obligation solidaire en considérant que la solidarité n'est qu'une

(149) Mignon, ibid., n° 67, p. 70.

(150) Ibid., n° 68, p. 71.

(151) Mignon Marc, ibid., n° 88 et s., p. 84 et s.

152 - La solidarité romaine est une obligation au total stricto sensu, un seul objet doit être dû par n'importe quel membre du groupe, elle ne peut être considérée que d'une manière collective. Plusieurs obligations principales, dont chacun des coobligés doit supporter la même chose ou le même objet. Tandis que la garantie mutuelle(152) est constituée par des obligations conjointes qui se greffent par une relation de sûreté ou de garantie, son but étant d'assurer le paiement intégral de la dette commune.

153 - La solidarité romaine est contre la division de la dette(153) et n'accorde aucun recours au codébiteur solvens tenant compte que chacun est débiteur principal. Elle trouve son fondement dans le cadre collectif(154). Avec la garantie mutuelle il y a plusieurs obligations conjointes, le solvens paie sa propre obligation et les obligations des autres codébiteurs, et le paiement de ces dernières un recours s'ouvre pour le solvens contre les autres codébiteurs chacun pour sa part.

154 - Dans la jurisprudence les articles 1202 et 1281 al 1 du Code civil qui sont inspirés de la solidarité romaine n'ont jamais été une cause de demande devant les tribunaux, tandis que les articles 1213 et 1214 du Code civil qui procèdent de la garantie mutuelle ont donné plusieurs décisions dans la jurisprudence.

La théorie de Mignon est générale et couve la solidarité et l'obligation in solidum. Après avoir prouvé l'hybridité de la solidarité étudions maintenant les incohérences de l'obligation in solidum.

2o _ Critique de l'obligation in solidum

155 - Aujourd'hui l'obligation in solidum est une obligation au total lato sensu, possédant le même caractère de l'obligation solidaire. Mais la fausse interprétation des sources historiques a abouti à un système hybride d'obligation in solidum.

156 - Les romanistes distinguent la solidarité de l'obligation in solidum suivant la litis contestatio(155). L'action issue de l'obligation solidaire était soumise à l'effet extinctif de la litis contestatio, l'action ne pouvant être exercée qu'une seule fois. Au contraire, celle issue de l'obligation in solidum ne l'était pas, elle pouvait être renouvelée jusqu'à paiement complet, elle n'était pas affectée par la litis contestatio(156). Cependant, Les auteurs qui prennent la litis contestatio comme critère de distinction entre les deux institutions(157),

(152) Mignon, op. cit., n ° 84-87, p. 79-84

(153) Mignon, op. cit., n° 74, p. 73.

(154) Mignon, op. cit., n° 75, p. 74.

(155) Mignon, précité, n° 313, p. 242-243.

(156) Supra nos 2 et s.

(157) Mignon, précité, n° 312, p. 241

reposent sur une règle procédurale pour donner des réponses dans la substance. Il faut analyser le fondement et non la procédure.

157 - L'obligation in solidum n'est que la mutation d'une institution pénale en une institution civile. En droit romain classique l'action pénale de la victime se cumulait contre tous les coauteurs. La victime pouvait obtenir plusieurs peines. Puis la responsabilité pénale se transformait en une responsabilité civile, les peines se fusionnant en une seule et même dette. La victime poursuivait l'un des coauteurs pour le paiement total de la dette, dont chacun des coauteurs était tenu à une obligation au total stricto sensu. L'obligation in solidum transposée au domaine civil qui devenait une obligation au total stricto sensu sans aucun changement structurale. La pluralité d'obligations, dégagée du principe de cumul des peines, reste sa structure mai une seule dette unique doit être due par n'importe quel coauteur sans que la dette ne se divise entre eux.

158 - Pour Mignon, au moment, ou on se trouve dans le domaine civil il faut se soumettre aux principes de droit civil. Il n'y a pas une seule dette entre les coauteurs, il y a une dette qui se divise entre eux chacun pour sa part. La responsabilité pénale collective n'est pas connue en droit civil. En réalité, l'obligation in solidum est une obligation au total lato sensu(158). Chaque codélinquant supporte une part de la dette et est garant des autres parts, et le solvens a le droit de recourir contre les autres coauteurs chacun pour sa part.

159 - Pour la doctrine de la pluralité d'objets et de liens donnée à l'obligation in solidum(159), elle n'est que la conséquence du principe du cumul d'actions accordées à la victime en droit romain. Les codélinquants étaient tenus à réparer distinctement, chacun doit supporter une peine différente de l'autre. La victime poursuivait chacun des codélinquants jusqu'à obtention des dédommagements. Cette formule procédurale donnait à l'obligation in solidum la structure de pluralité d'objets et de liens à partir du principe de cumul d'actions pénales. Après la transposition de l'obligation in solidum au domaine civil les peines se fusionnait en une seule somme payée par l'un des coauteurs. D'un côté l'obligation in solidum est devenue une obligation au total stricto sensu, chaque coauteur est responsable d'une obligation principale la totalité de la dette, et d'un autre côté la doctrine l'explique d'après la pluralité d'objets et de liens.

160 - De même la doctrine de la pluralité d'objets et de liens(160), soutenue par la doctrine positive, impose quelques conséquences juridiques. Premièrement, elle permet à la victime de réclamer cumulativement des peines aux nombres des codébiteurs. La deuxième conséquence de cette structure est l'interdiction au solvens à recourir contre les autres

(158) Supra, no 2 et s.

(159) Infra n os 198 et s.

(160) Mignon, précité, nos 320-322, p. 246-247.

codébiteurs. Le codébiteur en payant, paie sa propre dette. Ces deux conséquences ne sont pas aujourd'hui appliquées à l'obligation in solidum.

161 - Les tenants de la pluralité d'objets et de liens en admettant qu'il est inconcevable que la victime demande plusieurs fois la réparation déclinent le système de la pluralité d'objets et de liens(161). D'une part ils prétendent que chaque codébiteur doit une dette distincte des autres et, d'autre part, ils considèrent que le paiement effectué par l'un des codébiteurs libère les autres. En outre, ils admettent que le coauteur solvens a un recours contre les autres coauteurs. C'est une autre dérogation du système de pluralités d'objets et de liens, le coauteur qui paie la dette paie ce qu'il doit sa propre obligation. Les explications présentées, par les auteurs tenants de la pluralité d'objets et de liens, pour justifier le recours du solvens(162), n'ont pu donné un fondement technique au recours du solvens.

162 - Nous arrivons maintenant à la doctrine de l'unité d'objets et liens(163). La conséquence de cette doctrine est le cumul des dettes à tous les codébiteurs(164). Mais ce principe n'est pas aujourd'hui appliqué parce qu'une seule obligation doit être due. En somme la doctrine de l'unité d'objet et de pluralité de liens est en réalité la structure du rapport externe de l'obligation in solidum et n'explique pas le rapport interne compte tenu de son insuffisance.

163 - Pour quelques-uns l'obligation in solidum a comme fondement la causalité totale(165). Chaque cause antécédente au dommage est la cause du dommage tout entier. Pour Mignon la causalité n'est qu'un lien factuel utilisé dans le domaine matériel.

Cette fausse interprétation des sources aboutit à un système hybride de l'obligation au tout. Au fond la solidarité et l'obligation in solidum sont de même nature que l'obligation au total lato sensu.

B - L'OBLIGATION AU TOTAL LATO SENSU

164 - De l'évolution de la solidarité et de l'obligation in solidum se dégage la déformation de l'obligation au tout. En droit classique l'obligation solidaire et l'obligation in solidum avaient le caractère de l'obligation au tout stricto sensu. Chacun des coauteurs était tenu à réparer le tout, il était considéré comme débiteur principal. Plus tard l'adoption le principe de la division de la dette entre les codébiteurs et le recours du solvens transforma

(161) Mignon, précité, n° 321, p. 246.

(162) Infra, nos 257 et s.

(163) Infra, n° 196

(164) Mignon, précité, n° 323, p. 248.

(165) Infra, n° 214

l'obligation au total stricto sensu en une obligation au total lato sensu, qu'elle soit solidaire ou in solidum.

165 - Les historiens distinguent entre les sûretés institutionnelles et les sûretés individuelles(166). Les premières ne sont que l'extériorisation d'un lien qui se trouve entre un membre d'un groupe et un autrui, de façon que chaque membre du groupe se trouve engagé de la même façon. Les deuxièmes sont l'engagement simultané d'un groupe à l'égard d'autrui. Elles sont toutes sur la scène de l'engagement. D'après cette distinction, l'obligation au total lato sensu se divise entre les sûretés institutionnelles et les sûretés individuelles.

166 - Avant d'exposer la théorie, il est nécessaire de préciser qu'il existe trois types de garantie dans l'obligation au total lato sensu : la garantie simple, la garantie mutuelle et la garantie mutuelle au second degré.

167 - Dans la garantie simple(167) l'engagement revient à un seul coobligé à titre de débiteur principal de la totalité de la dette et les autres coobligés ne sont que des garants. Une obligation principale est supportée par un débiteur principal et les autres coobligés supportent chacun une obligation de garantie accessoire de la totalité de la dette.

168 - Deuxièmement, la garantie mutuelle(168) qui donne à chaque codébiteur une double qualité. Il est débiteur principal d'une part et portion et garant les parts des autres codébiteurs. La dette se divise par des obligations conjointes, chaque codébiteur doit une obligation conjointe. Une autre obligation vient se superposer à ces obligations conjointes c'est la garantie mutuelle. Par cette deuxième obligation chaque codébiteur garantit la part et la portion des autres codébiteurs.

Enfin, la garantie mutuelle au second degré(169) qui est la conséquence d'une combinaison de la garantie simple et la garantie mutuelle.

(166) Mignon, précité, n° , p.

(167) Mignon, précité, n° 494, p. 366.

(168) Mignon, précité, n° 492, p. 365.

(169) Mignon, précité, n° 495, p. 366 : Un des codébiteurs est le débiteur principal de la totalité de la dette et les autres codébiteurs sont des garants de la dette. Mais les codébiteurs garants sont tenus par deux obligations de garantie. Selon la première obligation de garantie chaque codébiteur garantit une part de la dette d'après la division de la dette en vertu d'une obligation conjointe. Et par la deuxième obligation de garantie chaque codébiteur garantit l'obligation de garantie conjointe des autres.

1o - L'obligation au total institutionnelle

169 - Mignon(170) définit l'obligation au total institutionnelle par « Toute relation juridique, créatrice d'obligation entre un membre d'une collectivité et un membre d'une autre collectivité, implique une relation juridique de même nature entre chacun des membres de ces deux collectivités ». Cette définition suppose qu'une relation existe entre un débiteur et un créancier, un engagement ou un fait illicite qui génère une dette. Le créancier de cette dette peut poursuivre l'un des membres du groupe social auquel appartient le débiteur principale, de sorte qu'il peut exiger le paiement total sur le fondement de la liaison qui se trouve entre le débiteur principal et le groupe social. L'obligation au total institutionnelle se divise entre obligation délictuelle et contractuelle.

a - L'obligation institutionnelle délictuelle

170 - L'application de l'obligation au total institutionnelle délictuelle est la responsabilité du fait d'autrui. Historiquement(171) la responsabilité pénale était collective. Elle touchait tous les membres du groupe social auquel l'auteur du délit appartenait. Peu à peu la responsabilité pénale collective se transformait dans l'ancien droit en une responsabilité individuelle qui remplaçait la responsabilité collective. L'auteur du dommage supportait la responsabilité de son fait, les autres membres du groupe devinrent de simples garants de sa dette. C'est le cas de la responsabilité, des parents des enfants(172), et du commettant des délits commis par ses préposés(173).

171 - Ces deux applications sont les applications de l'obligation au total institutionnelle délictuelle, reste encore des applications contractuelles celles qui sont issues d'un contrat liant plusieurs coobligés.

(170) Mignon, précité, n° 374, p. 286.

(171) Mignon, op. cit., n° 377-381, p. 287-290.

(172) Mignon, précité, nos 467-468 p. 348-349 D'après l'article 1384 al 4e les parents sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant à la victime. L'enfant est le débiteur principal, les parents ne sont que des garants de la dette. La structure de la responsabilité des parents impose la garantie mutuelle au second degré parce que plusieurs codébiteurs garantirent la dette issue du rapport externe. Ils sont tenus par deux obligations de garanties, une obligation conjointe de garantie selon le principe de la division de la dette en droit commun. Et une autre obligation de garantie de sorte que chacun garantit l'obligation conjointe de garantie de l'autre. Le mari ou la femme en payant leur obligation de garantie conjointe un recours s'ouvre à eux contre leur enfant. Et en payant la deuxième obligation de garantie, qui selon cette obligation garantit réciproquement leur obligation de garantie conjointe, un recours s'ouvre au solvens contre l'autre mari et l'enfant.

(173) Mignon, loc. cit., nos 455-456, p.338-339 : La structure de la responsabilité du fait d'autrui impose la garantie simple parce qu'il y a une seule relation externe et une seule relation interne. Le commettant n'est qu'un débiteur annexe qui en payant la dette un droit de recourir s'ouvre pour son profit contre l'auteur du dommage qui est le responsable définitif. L'auteur du dommage en payant ce qu'il doit n'a aucun recours contre la personne civilement responsable.

b - L'obligation institutionnelle contractuelle

172 - La structure de l'obligation au total dans les sociétés primitives avait un caractère collectif qui pèse sur le patrimoine collectif du groupe. L'individu n'avait pas un patrimoine propre, c'est le groupe qui en acquiert un. Selon cette structure chaque individu était assimilé à un débiteur principal, l'obligation au total institutionnelle avait le caractère de l'obligation au total stricto sensu.

173 - Avec l'écoulement des années l'individu acquit un patrimoine propre donc un intérêt personnel. Cette évolution divise l'intérêt de l'individu entre deux intérêts, d'une part son intérêt personnel et, d'autre part, l'intérêt du groupe auquel il appartenait. Le schéma devenait un patrimoine pour le groupe et un autre pour l'individu. L'obligation au total institutionnelle se fonde sur ces deux patrimoines. Le patrimoine collectif du groupe supportait les dettes collectives, il en est le débiteur principal, les individus ne sont que les garants des dettes du patrimoine collectif sur leur patrimoine propre.

174 - En droit positif le patrimoine collectif sur lequel se fonde l'obligation au total n'existe plus aujourd'hui. Un autre système fut instauré, la disparition du patrimoine collectif n'était pas absolue, une liaison patrimoniale demeure entre quelques groupes. L'obligation au total institutionnelle prenait une structure naturelle et atypique. La structure naturelle impose une personne juridique personnifiée liée à plusieurs personnes. Ce schéma rend chaque personne liée à cette personne juridique personnifiée garant solidaires des dettes à sa charge. C'est le cas des associés des sociétés dotées de la personnalité morale(174) et de la responsabilité solidaire du propriétaire d'un fond de commerce donné en location-gérance(175).

175 - La deuxième structure de l'obligation au total institutionnelle est une structure atypique vu que l'association qui lie le groupe n'est pas personnifiée. C'est le cas

(174) Les associés des sociétés dotées de la personnalité : Les associés sont tenus sur la base de la garantie mutuelle au second degré, parce que les codébiteurs garantissent une même relation externe. Mais il faut distinguer entre les associés d'une société civile et ceux d'une société commerciale. Les associées des sociétés civiles garantissent conjointement la totalité des dettes sociales, suivant une obligation de garantie accessoire à l'obligation de la société. Alors que les associés des sociétés commerciales sont responsables des dettes sociales par deux obligations de garantie. Le schéma mis en °uvre c'est la garantie mutuelle au second degré. Une obligation conjointe de garantie, par cette obligation chaque associé garantit à l'égard du créancier sa part et portion personnelle qui est en principe proportionnelle à sa part dans le capital social de la société. Cette obligation conjointe de garantie est accessoire et subsidiaire à l'obligation de la société, le paiement de cette obligation un recours s'ouvre au solvens contre la société. Et, une deuxième obligation de garantie suivant laquelle il est garant de la part des autres associés. Cette deuxième obligation permet au solvens de recourir contre la société et les associés chacun pour sa part.

(175) Le propriétaire d'un fond de commerce donné en location-gérance : Selon l'article L. 144-7 du code de commerce le propriétaire d'un fonds de commerce « est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci ». Le locataire-gérant est le débiteur principal, et le propriétaire n'est que garant de la dette. Un rapport initial qui lie le locataire-gérant avec le créancier, et un rapport au total subséquent. Le rapport externe lie le créancier avec le locataire-gérant et le rapport interne, le contrat de location, lie le locatairegérant avec le propriétaire, et la conséquence de ces deux rapports un rapport au total subséquent, qui est la garantie simple, lie le créancier avec le propriétaire.

notamment de la solidarité entre les époux(175bis) et la solidarité des associés des sociétés dépourvues de la personnalité morale(176).

2o - L'obligation au total individuelle

176 - L'obligation au total individuelle(177) est l'obligation constituée par la coparticipation occasionnelle de tous les débiteurs à la naissance de l'obligation. Plusieurs codélinquants participent au même acte illicite, plusieurs contractants stipulent la solidarité. Elle est fondée par l'intervention active de tous les codébiteurs. Donc l'obligation au total individuelle diffère de l'obligation au total institutionnelle par la participation de tous les coobligés à la naissance de l'obligation, ils sont tous présents sur la scène. Par contre, dans l'obligation au total institutionnelle un seul membre apparaît sur la scène de l'engagement.

177 - L'obligation au total individuelle exige la superposition de plusieurs relations de nature différente(178): Une relation fondamentale groupe plusieurs obligations principales conjointes. Chaque coobligé doit une obligation distincte de l'autre qui est la part et portion de la dette qui lui est incombée. Une autre relation de garantie qui groupe plusieurs obligations conjointes de garantie. Par ces obligations de garantie les coobligés garantissent réciproquement leurs obligations principales. Si cette relation n'existe pas le créancier ne pourrait pas demander la totalité de la dette de l'un des coobligés. Il doit diviser ses recours contre les coobligés chacun pour sa part.

178 - Comme l'obligation au total institutionnelle se divise entre obligation délictuelle et contractuelle, on divise de la même sorte l'obligation au total individuelle. Notons que sous l'obligation au total individuelle se range la responsabilité solidaire en matière pénale et la solidarité en matière de caution, mais on ne les expose pas elles sont hors de notre domaine.

(175bis) La solidarité entre époux : Mignon distingue entre deux hypothèses : si l'association conjugale est personnifiée ou non. Si on admet la deuxième structure, l'association conjugale non personnifiée, la solidarité des époux serai une structure atypique de l'obligation au total institutionnelle. Mais par contre la troisième structure, la personnification de l'association conjugale, rend la solidarité des époux comme structure typique de l'obligation au total institutionnelle. La différence des structures rend aussi différent le type de garantie appliqué. La garantie mutuelle sera appliquée si on admet la structure positive, tandis que la personnification de l'association conjugale rend le schéma appliqué à la garantie mutuelle au second degré. L'engagement de l'un des époux génère un rapport externe entre l'époux engagé et le créancier, et un rapport interne lie les deux époux. La conséquence ou l'existence de ces deux rapports génère un rapport au total subséquent qui lie le créancier avec l'époux non engagé.

(176) Les associés des sociétés dépourvues de la personnalité morale : L'obligation au total institutionnelle des associés des sociétés dépourvues de la personnalité morale s'explique d'après la garantie mutuelle. Un rapport externe qui lie le créancier avec l'associé qui s'engageait. Le rapport interne est constitué par le contrat de société liant les associés. L'existence de ces deux rapports génère un rapport au total subséquent entre le créancier et les associés. Dans cette espèce le débiteur principale est l'associé qui a agit initialement, et les autres associés sont des garants de la dette, le typer de garantie appliquée est la garantie mutuelle. Mais si la société se personnifie et acquiert la personnalité morale le schéma mis en °uvre serait le caractère typique de l'obligation au total institutionnelle, on revient le cas échéant à la garantie mutuelle au second degré.

(177) Mignon, précité, n° 478, p. 358.

(178) Mignon, précité, n° 490, p. 364.

a - L'obligation individuelle délictuelle

179 - La responsabilité au total individuelle délictuelle est fondée sur la coparticipation de tous les codébiteurs à la naissance de l'acte défectueux. Cette responsabilité impose un fait générateur, un dommage et un lien de causalité entre le fait et le dommage. Les conditions de l'obligation au total individuelle sont une relation fondamentale et une relation de garantie.

180 - La relation fondamentale(179) estime qu'il y a un même dommage généré par plusieurs individus et tous les coauteurs doivent réparer le dommage. La dette n'a qu'une seule source, contrairement à ce qui est en matière contractuelle, un dommage unique et indivisible. La cause immédiate de la dette est le dommage, et la cause immédiate est le fait générateur du dommage qui englobe le fait de chacun des coauteurs.

181 - La réparation intégrale doit être équivalente à la perte que la victime a subie suite au dommage. Cette réparation se divise entre les coauteurs. Chacun d'eux, est responsable, sur le plan économique, d'une obligation issue de la division de la dette globale en diverses parts. Mais sur le plan juridique il y a plusieurs créances ou obligations conjointes, la somme de leurs objets est la totalité de la dette. L'objet de chaque obligation conjointe est limité à la part de la réparation qui incombe à chaque coauteur.

182 - La répartition de la dette entre les coauteurs ne s'effectue pas d'après la causalité totale(180) où d'après la théorie de Birkmeyer(181) qui traite de la causalité partielle(182). Le fondement véritable de la division de la dette est similaire à celui de la division de la dette globale en un faisceau d'obligations conjointes. Comme les codébiteurs en matière contractuelle, les coauteurs d'un même dommage se soumissent au principe de droit commun de division de l'obligation plurale qui est pro parte. En somme, la relation fondamentale est constituée par un faisceau d'obligations conjointes générées par la participation de tous les codébiteurs à la réparation du dommage.

283 - Les conditions d'existence de la relation fondamentale(183) sont l'apport par la victime de la preuve de la responsabilité de chaque coauteur. La victime doit prouver le dommage qu'elle a subi, le fait de chaque coauteur et le lien entre chaque fait et le dommage. La démonstration de la responsabilité d'un seul coauteur exige une réparation partielle qui est la

(179) Mignon, ibid, n° 551, p. 401.

(180) Infra no 214 et s.

(181) Supra nos 125-126

(182) Supra no 127 et s.

(183) Mignon, précité, n° 555, p. 403-404.

part qui incombe sur ce coauteur, pour que la victime obtienne la réparation intégrale il faut qu'elle prouve la responsabilité de tous les coauteurs.

184 - La fonction de l'obligation au total individuelle est d'assurer la réparation intégrale de la victime. Cette fonction ne peut être expliquée que par la relation de garantie(184), imposée par la loi ou par la jurisprudence, qui s'ajoute à la relation fondamentale. Chaque codébiteur sera responsable de l'obligation qui incombe à lui et garant des obligations des autres codébiteurs. Dans ce cas, chaque codébiteur supporte un faisceau d'obligation principal et partiel. Chacun des coauteurs est tenu par une obligation conjointe qui est la part et la portion incombant sur lui et une obligation de garantie de la part des autres coauteurs. Sans la relation de garantie les coauteurs sont tenus conjointement, chacun pour sa part. Dans ce cas, si l'un des coauteurs est insolvable la victime supporte son insolvabilité. Alors que l'existence de la relation de garantie rend le coauteur assigné la réparation de supporter l'insolvabilité de l'un ou de plusieurs coauteurs. Cette relation de garantie trouve son fondement dans l'équité accordée par la jurisprudence à la victime(185).

185 - Quant à la structure obligatoire de l'obligation au total individuelle délictuelle elle est la garantie mutuelle(186). Chaque coauteur est tenu par deux obligations, premièrement il est tenu à payer la part incombant sur lui selon le principe de division de la dette entre les coauteurs, et deuxièmement il est responsable d'une obligation de garantie qui, selon cette obligation, garantit la part des autres coauteurs. Cette deuxième obligation de garantie réciproque entre les coauteurs est la conséquence de l'admission d'un recours au profit du solvens. Mais parfois la jurisprudence donne à l'obligation de garantie des coauteurs le caractère de la garantie simple(187) lorsque le dommage est généré par la faute et le fait d'une chose, le gardien solvens a un recours pour le tout contre l'auteur fautif(188).

b - L'obligation individuelle contractuelle

186 - L'origine de l'obligation au total individuelle contractuelle est la fusion de deux institutions la solidarité romaine et la garantie mutuelle orientale(189). De même les deux conditions de l'obligation individuelle contractuelle sont une relation fondamentale et une relation de garantie.

(184) Mignon, précité, n 568 et s., p.411 et s.

(185) Mignon, précité, n 578, p. 419.

(186) Mignon, précité, n° 550 p.400-401.

(187) Ibid., n° 597-598, p.429-430.

(188) Infra nos 335 et s.

(189) Mignon, précité, n° 485-486, p. 360-361.

187 - La relation fondamentale peut être composée d'une seule convention ou de plusieurs conventions(190). Dans l'hypothèse ou elle est composée d'une seule convention(191), la relation fondamentale est constituée par un faisceau d'obligations conjointes. Le principe de division classique répartit pro parte la dette unique entre les codébiteurs. Mais en réalité il y a plusieurs créances ou obligations conjointes l'objet de ces obligations est réparti pro parte, la somme de ces objets est la dette totale unique.

188 - Dans l'hypothèse ou la relation fondamentale est composée de plusieurs conventions(192) juxtaposées il y a plusieurs objets contractuels qui n'ont pas des obligations conjointes. Plusieurs rapports juridiques ont donné naissance à plusieurs obligations distinctes. La relation fondamentale est constituée d'un ensemble de contrats juxtaposés et non pas d'obligations conjointes comme dans l'hypothèse ou la relation fondamentale est composée d'une seule convention.

189 - La relation de garantie(193) est la relation qui s'ajoute à la relation fondamentale. Les partis sont libres de stipuler la solidarité d'après l'article 1202 du Code civil. Non établie, la relation de garantie n'existe pas les coauteurs sont tenus conjointement chacun pour sa part. Au contraire, si elle est établie la relation de garantie s'impose, de sorte que chaque codébiteur sera responsable de deux obligations. Une obligation principale concernant la part et portion de la dette incombant sur lui et une obligation accessoire concernant la garantie des parts des autres codébiteurs. Dans ce cas, le créancier peut exiger le paiement de la dette globale de chacun des codébiteurs en sa double qualité. Chacun des codébiteurs doit une des obligations conjointes et il est garant des autres obligations.

Nous avons vu jusqu'à maintenant la consécration de l'obligation in solidum qui est une institution jurisprudentielle. Mais, en réalité, l'obligation in solidum engendre plusieurs rapports entre plusieurs individus, par conséquent, on visera plus loin la structure de l'obligation in solidum.

(190) Ibid, n° 541, p.393.

(191) Ibid, n° 542, p. 394-395.

(192) Ibid, n° 544-545, p. 396-397.

(193) Ibid., n° 549, p. 399.

Chapitre II -
LA STRUCTURE DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM

190 - Comme convenu, l'obligation in solidum est une institution qui assure l'indemnisation totale à la victime contre le dommage qu'elle a encouru par n'importe quel coauteur (Section I : Le rapport externe). Néanmoins, dans l'obligation in solidum se trouve plusieurs coauteurs, un seul d'entre eux supporte la réparation (Section II : rapport interne).

SECTION I : LE RAPPORT EXTERNE

191 - La victime en matière d'obligation in solidum peut ad libitum poursuivre l'un des coauteurs qui est tenu à la réparation intégrale du dommage. Elle peut agir, simultanément ou successivement, contre tous les coauteurs qui sont placés sur un plan d'égalité sans aucun ordre ou aucune hiérarchisation, ce qui déroge au principe de division de la dette et les poursuites. C'est ce que la cour de cassation a précisé dans divers arrêts. Le partage de la responsabilité n'affecte que le rapport entre les coauteurs et est inopposable à la victime(1).

192 - Cependant si le créancier peut poursuivre tous les coauteurs il ne peut en aucun cas obtenir plus de ce qu'il doit(2). La réparation du dommage ne peut être obtenue qu'une seule fois selon le principe << pas d'intérêt pas d'action ».

193 - L'inconnaissance ou l'insolvabilité de l'un des coauteurs n'est en aucun cas un obstacle à la victime d'exiger le paiement intégral du coauteur connu ou solvable(3). Le but de l'obligation in solidum est d'assurer à la victime une réparation totale du dommage qu'elle a subi sans aucun obstacle de fait. Le fond de garantie que l'obligation in solidum assure est réservé à la victime elle-même et non à l'égard des coresponsables dans leurs rapports entre eux(4).

194 - Également, la renonciation de la victime à ses droits contre l'un des coauteurs(5) ou la prescription de son action(6) ou la transaction consentie au profit de l'un des coauteurs(7), n'a

(1) Cass. Crim., 16 fév. 1949, JCP 1950.II.5592 ; Cass. Civ. 2, 26 juin 1953, S. 1953.1.191; - 11 février 1954, Bull. civ. II, n° 56; Cass. Civ. 1re, 24 février 1954, Bull. civ. I, n° 74 ; - 14 décembre 1964, D. 1965.95 ; Cass. civ. II, 22 mai 1979, Bull. civ. II, no 150 ; Com., l4 janv. 1997, Bull. Civ. IV, no 16, p. 13.

(2) Terré, Simler, Lequette, Les obligations, 8e éd., page 1172, no 1263.

(3) Pour l'insolvabilité de l'un des coauteurs voir : Cass. Civ. 3e, 22 juin 1994, Bull. civ. III, n° 127, p. 80, D. 1994.IR.226, Gaz. Pal. 1995.pan.16 ; Pour l'inconnaissance de l'un des coauteurs voir : Cass. Civ. 2e, 29 avril 1970, JCP 1971.II.16586 ; Cass. Soc., 8 février 1972, D. 1972.656.

(4) Cass. Civ. 2e, 7 juin 1968, Bull. civ. II, n° 162, p. 115.

(5) Cass. Civ. 1re, 7juin1977, Cass. Civ. 3e, 24 janvier 1978, Bull. civ. III, n° 50, Gaz. Pal. 1978.2.474, note Plancqueel D. 1978.IR.321, obs. Larroumet : << Le désistement de l'instance dirigée contre l'un des coresponsables n'implique pas que le

pas d'effet contre l'autre coauteur qui demeure responsable pour le tout. Cette solution a été critiquée par son injustice, car elle permet au créancier de demander la totalité de la dette alors que c'est par son comportement il a renoncé à ses droits ou de laisser la prescription de recourir où consente la transaction.

195 - Admettre que le coauteur doit supporter la totalité du dommage exige une explication logique. Pourquoi chacun est tenu pour le tout ? (Sous-section 1 : La structure du rapport externe). Et sur quel fondement la cour condamne le paiement de la totalité de la dette ? (Sous-section 1 : Le fondement de l'obligation in solidum).

§ 1 - LA STRUCTURE DU RAPPORT EXTERNE

Si l'obligation in solidum s'explique d'après l'équité accordée à la victime cela ne suffit pas il faut lui donner une structure logique. Dans cette optique existent maintes propositions, celle de l'unité d'objet et de la pluralité de liens et celle de la pluralité d'objets et des liens.

A - L'UNITÉ D'OBJET

196 - L'obligation in solidum se caractérise par l'unité d'objet qui présume que tous les coauteurs se trouvent unis autour d'un même objet unique, ils doivent supporter la même dette. Le coauteur qui a payé la dette « n'a pas payé une dette commune, il a payé comme sienne une dette qui a toujours été sienne pour le tout « >>(8). Avec cette structure l'obligation in solidum serait de même nature que l'obligation solidaire. Le fait que chacun des codébiteurs paie la dette implique qu'il paie la sienne. Chaque codébiteur supporte une obligation principale, qui a sa source indépendante et sa propre cause, la totalité de la dette(9).

197 - La conséquence de cette doctrine est la fédération de tous les codébiteurs autour d'un objet unique, qui rend l'obligation in solidum et l'obligation solidaire de même nature : l'unité d'objet et pluralité de liens. La seule différence entre les deux institutions étant les effets secondaires qui sont applicables à la solidarité et exclus en matière d'obligation in solidum manque de mandant réciproque(9 bis).

créancier consente la division de la dette ; la condamnation in solidum des autres débiteurs trouve son fondement dans le fait que le faute par eux commise a concouru la création de l'entier dommage >>.

(6) Cass. Com., 31 mars 1981, Bull. civ. IV, n° 169 ; RTDC 1982.150, obs. G. Durry; Civ. 3e, 5 juillet 2000, Bull. civ. III, n° 135.

(7) Cass. Com., 14 février 1989, R. C. A. 1989.IV.6.

(8) Huc, op. cit., Tome VII, n° 314 ; J. Français, thèse précitée, page 137.

(9) Charles François-Noël, thèse citée par Mignon, page 220.

(9 bis) Infra nos 240 et s.

198 - L'admission de l'unité d'objet rend l'obligation in solidum identique à l'obligation solidaire. Une seule dette doit être dû par n'importe quel coauteur, sa conséquence est le cumul des dettes à tous les coauteurs qui n'est pas concevable avec l'état actuel. La doctrine de l'unité d'objet et de liens explique le rapport externe de l'obligation in solidum mais reste insuffisante à expliquer le rapport interne (9ter). Mais pour quelques-uns l'obligation in solidum ne se caractérise pas par l'unité d'objet. Chacun des faits a un objet déterminé distinct de l'autre.

B - PLURALITÉ D'OBJET

199 - Presque unanimement les auteurs considèrent que l'obligation in solidum se caractérise par la structure de pluralité d'objets et de liens. Cependant cette doctrine est actuellement contestée, elle est inspirée du principe de cumul des actions pénales en droit romain.

1o - Exposé de la doctrine

Les insuffisances de la doctrine de l'unité d'objets et de liens ne permet pas de justifier l'obligation in solidum c'est pour cela les auteurs tournent vers la doctrine de la pluralité d'objets et de liens(10).

200 - La pluralité d'objets explique que chacun des codébiteurs est tenu d'une obligation distincte de l'autre, le coauteur qui paie la dette, paie ce qu'il doit lui-même. Du point de vue du créancier l'obligation in solidum est unique, mais du point de vue des débiteurs elle est plurale(11). Chaque faute donne lieu à une action et un lien juridique ayant son propre objet différent des autres fautes. Cependant, la victime ne peut obtenir qu'une seule obligation. Une autre justification présentée par Chabas(12) pense que même si chacun des codébiteurs doit un objet distinct, « ils doivent des choses identiques >>, ou chacun supporte « une obligation identique quoique indépendante >>(13).

(9 ter) Supra n° 162.

(10) CHABAS François, L'influence de la pluralité des causes sur le droit à réparation, LGDJ 1976; CHABAS François, Remarques sur l'obligation « in solidum >>, RTDC 1967, p. 310 ; DERRIDA Fernand, V°Solidarité, Rep. Dalloz ; J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc. 3, no 25 ; J. VINCENT, L'extension en jurisprudence de la notion de solidarité passive, RTDC 1939.601.

(11) J. Vincent, article précité.

(12) Thèse précitée, page 27.

(13) Demolombe, op. cit., n° 291, p. 227.

201 - Quant à la pluralité de liens, elle explique que les rapports qui lient les débiteurs avec le créancier sont isolés les uns par rapport aux autres(14). Selon cette doctrine une indépendance complète des liens existe. Chaque obligation a une cause indépendante des autres causes. Il se peut que chacun des coauteurs est tenu sur des bases différents, les uns sont tenus en raison d'un délit ou quasi-délit ou gardien d'une chose ou d'après un contrat ou une loi. Les autres en raison d'un autre délit ou quasi-délit ou gardien d'une chose ou contrat ou une loi(15). L'obligation s'éteint par le paiement de cette obligation sans aucune extinction des autres obligations. Mais le créancier ne peut obtenir qu'une seule fois le paiement de la dette, en se basant sur le principe que la victime se désintéresse une seule fois(16), ou sur le base de la règle que le créancier n'a pas intérêt à agir contre les autres coauteurs(17).

202 - Cette doctrine mène à d'autres conséquences la remise de la dette accordée à l'un des coauteurs n'a d'effet à l'égard des autres coauteurs. Et le coauteur solvens n'a aucun recours contre les autres coauteurs(18).

2o _ Les critiques avancés

225 - La pluralité d'objets et de liens n'est que la conséquence du principe de cumul absolu appliqué à l'action pénale en droit romain classique(19). La victime obtenait un nombre de peines autant au nombre des codélinquants, parce que chacun d'eux était tenu à supporter distinctement. Cette structure fut transposée au droit civil et donnée à l'obligation in solidum même après son détournement pour des matières civiles.

203 - L'admission de cette structure impose des conséquences juridiques, qui doivent être appliquées à l'obligation in solidum. La victime peut obtenir la réparation plusieurs fois selon le nombre des coauteurs, parce que chacun d'eux est tenu par une obligation distincte des autres. Mais la jurisprudence ne permet à la victime d'obtenir qu'une seule fois la réparation. Ce qui déroge au principe de pluralité d'objets et de liens. De même, le coauteur solvens n'a pas un recours contre les autres coauteurs parce qu'il a payé sa propre dette. Ce qui ne justifie pas le recours contre les autres coauteurs.

(14) F. Derrida, op. cit.,

(15) J. Vincent, op. cit.,

(16) Chabas, article précité, RTDC 1967, p. 319; J. Vincent, article précité, n° 58, p. 670.

(17) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3, no 25 ; J. Vincent article précité n° 58, p. 669 ; Mazeaud et Chabas, Leçons de droit civil, tome II, Vol. I, Les obligations théorie générale, 1998, n° 1072, p. 1123.

(18) Sur l'effet de l'obligation in solidum, Infra no

(19) Mignon Marc, thèse précitée, Supra nos 159-161

La structure du rapport externe ne suffit pas à condamner in solidum il faut un fondement juridique pour justifier la condamnation du coauteur au paiement totale de la réparation.

§ 2 - LE FONDEMENT DU RAPPORT EXTERNE

204 - Le fondement de l'obligation in solidum a changé depuis sa consécration. Premièrement c'est l'indivisibilité qui prenait plusieurs aspects par la jurisprudence. Mais elle n'a pas résisté aux critiques. Les partisans de l'obligation in solidum s'orientent vers une autre justification celle de la causalité totale et par suite vers la garantie qui devient le fondement actuel de l'obligation in solidum.

A - L'INDIVISIBILITÉ

205 - On trouvait cette idée dans la doctrine avec Demolombe(20). Ce dernier fonde l'obligation in solidum sur l'indivisibilité lorsque le fait est indivisible ou lorsque le dommage est indivisible. Il écrit dans ce sens que « Lorsque plusieurs personnes ont commis un délit civil, sans qu'on puisse distinguer la part de chacun d'eux dans la perpétuation du fait, ou dans ses conséquences dommageables, il est logique de penser que chacun d'eux soit tenu de le réparer pour le tout, comme s'il avait seul commis pour le tout ».

206 - La jurisprudence appliquait les postulats de Demolombe, l'appui sur l'indivisibilité se présentait par la cour de cassation selon des formules différentes. Il s'agissait de fautes communes(21), ou des fautes communes et indivisible(22), ou des faits indivisible. Cette dernière formule exprime l'idée de l'impossibilité de déterminer la part de chacun dans le fait dommageable(23).

207 - La cour de la même manière exprimait l'idée de l'indivisibilité par l'impossibilité de

(20) Demolombe, op. cit., t. XXVI, nos 291et s ; Larombière, op. cit., tome II, n° 22, p. 607.

(21) Civ., 19 avril 1836, D.P. 1836.1.183 ; Civ., 19 avril 1836, D.P., 1836.l.183 ; Civ., 10 janvier 1849, D.P. 1849.1.195 ; Civ., 30 juin 1869, D.P. 1869.1.336 ; Civ., 14 mars 1882, D.P. 1883.1.403 ; Req. 28 janv. 1885, S.1885.1.480 ; Req., 18 nov. 1885; D.P.1886.1.398 ; Req., 10 fév. 1886, Gaz. Pal. 1886.1.454 ; Req., 16 mai 1892, D.P. 1892.1.348 ; Req., 4 avril 1940, précité ; Civ. I, 25 janv. 1960, Bull. Civ. I, n° 49, p. 38 ; Civ. III, 8 mars 1968, Bull. Civ. III, n° 101, p. 81 ; Civ. III, 29 nov. 1968, Bull. Civ. III, n° 509, p. 390; Civ. III, 8 juillet 1971, Bull. Civ. III, n° 448, p. 320; Civ. I, 5 fév. 1975, Bull. Civ. I, n° 53, p, 50.

(22) Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922.1.109 ; Req., 3 fév. 1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; Req., 12 nov. 1940, D.A. 1941.37, Gaz. Pal. 1941.1.5; RTDC 1940-1941, n° 8, p. 433, obs. H. et L. Mazeaud ; Req., 28 mai 1889, 2e espèce, D.P. 1890.1.414 ; Req.. 12 fév. 1879, D.P. 1879.1.281, note A. Boistel.

(23) Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass. Civ., 28 mai 1889, D. 1890.1.415 ; Cass. Civ., 13 juillet 1857, D., 1858.1.348 ; Req.., 20 juillet 1852, D.P. 1852.1.247.

déterminer la part de chacun dans le dommage(24).

208 - Il s'agit d'une indivisibilité du fait, certains auteurs considèrent l'indivisibilité du cause de dommage, ou l'indivisibilité du dommage et parfois indivisibilité de l'obligation. En somme toutes ces formulent résume une seule idée le dommage est indivisible, la réparation doit être intégrale d'après l'article 1382 du Code civil qui détermine le caractère du fait et non pas son étendue(25).

209 - Sans doute, l'indivisibilité discutée ci-dessus est différente de celle réglée par le code civil. Ici c'est l'indivisibilité du dommage qui rend l'obligation in solidum, avec l'indivisibilité du code civil c'est l'objet de l'obligation qui rend l'obligation indivisible.

210 - D'après cette idée « ou bien il est prouvé que chaque cause a eu un effet déterminé indépendant des autres causes et il y aura alors deux préjudices différents donc exclusion de 1'obligation in solidum ; ou bien il est prouvé que les différentes causes ont été nécessaires pour la réalisation du dommage unique et alors l'obligation in solidum s'impose. »(26).

211 - L'adoption du principe d'indivisibilité s'éloigne du but de l'obligation in solidum qui est l'assurance à la victime d'une réparation totale en cas de pluralité d'auteurs. Si la cour détermine la responsabilité des coauteurs l'obligation in solidum s'écarte. Dans ce cas on n'assure pas à la victime une réparation intégrale. En plus si l'un des coauteurs est insolvable la victime supporte son insolvabilité. De même selon cette considération la cour pourrait condamner in solidum l'un des coauteurs qui a contribué partiellement a la réalisation du dommage où a aggravé le dommage sans qu'il n'ait causé tout le dommage parce que la répartition étant impossible vu que la victime a subi un dommage unique.

212 - L'indivisibilité comme fondement de l'obligation in solidum subit des critiques tant sur le principe d'indivisibilité dégagé, que sur l'impossibilité de déterminer la responsabilité de chacun. Apparemment, l'indivisibilité de l'obligation selon sa cause est totalement différente de l'indivisibilité réglée par le code civil(27), l'indivisibilité comme fondement de l'obligation in solidum est une institution extralégale qui n'est pas mentionnée par la loi. En plus, dire puisque le dommage est indivisible ou il est impossible de déterminer la part de

(24) Req., 11 juillet 1826, précité; Civ., 30 juin 1869, D.P. 1869.1.336 ; Req., 17 juillet 1876, D.P. 1877.1.135 ; Req., 6 fév. 1883, D.P. 1883.1.451 ; Req., 22 juillet 1891, D.P. 1892.1.35, S. 1892.1.569 ; Req., 16 mai 1892, D.P. 1892.1.348 ; Civ., 11 juillet 1892, S. 1892.1.508 ; Civ. 15 juillet 1895, D.P. 1896.1.31 ; Req., 10 nov. 1897, D.P. 1898.1.310 ; Req., 20 janv. 1902, S. 1902.1.280 ; Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922.1.109 ; Civ., 3 juillet 1922, D.P. 1925.1.191, 1e espèce ; Req., 5 juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Req., 21 oct. 1929, S. 1930.1.10 ; Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930. 117, S. 1930.1.174 ; Req., 11 dec. 1929, Gaz. Pal. 1930.1.300 ; Req., 2 juin 1930, D.H. 1930.377 ; Civ., 7 juin 1932, S. 1933.1.23 ; Req., 23 juillet 1935, S. 1935.1.333 ; Civ. 3e, 20 fév. 1969, Bull. Civ. III, no 158, p. 120.

(25) Supra n o 85

(26) Chabas, thèse précitée, p. 22

(27) Supra no 53

chaque coauteur donc chacun doit la totalité de la réparation, est temporairement fictif parce que le coauteur solvens peut exercer un recours contre les autres coauteurs, et dans ce cas la cour divise la dette entre eux chacun pour sa part(28).

213 - La critique de l'indivisibilité, qui fait supporter la réparation sur une seule cause, n'arrête pas la doctrine et la jurisprudence de condamner l'un des coauteurs de réparer la totalité du dommage mais sur un autre fondement celui de la causalité totale.

B -- LA CAUSALITÉ TOTALE

On analysera en premier lieu cette doctrine puis, deuxièmement on abordera les critiques.

1o -- Exposé de la doctrine

214 - La causalité totale remplace l'indivisibilité comme fondement de l'obligation in solidum partant du postulat que chaque cause étant la cause totale du dommage(29). La réparation intégrale du dommage s'impose à l'un des coauteurs parce que sa faute cause tout le dommage. Il est donc responsable d'après l'article 1382 du Code civil(30).

215 - Cependant plusieurs explications ont été données pour justifier la causalité totale. La première présentée par Defroidmont(31) qui postule que « Primus et Secundus ont donne mutuellement force dommageable l'un à l'acte de l'autre. Ce qui remonte à Primus, c'est 1o sa faute, 2o d'avoir mis la faute de Primus dans le cas de nuire. C'est pourquoi ils se trouvent tout entiers dans l'événement comme la cause dans l'effet ; et comme l'événement est un et qu'il est un seul mal, il faut nécessairement que le mal de l'un soit le mal de l'autre sans division possible ... les auteurs au regard l'un de l'autre sont cause mutuelle du caractère dommageable de leur acte fautif. ».

(28) Aydolat, conclusions, Ch. Réuni 25 novembre 1964, D. 1964.733 ; Radouant note sous cass. 13 mars 1957, D. 1958.73 ; Meurisse, le déclin de l'obligation in solidum, D.1962, Ch. page 243 ; J. Boré, Les arrêts de la chambre mixte du 20 décembre 1968, JCP 1969.I.2221, nos 20 à 27.

(29) Rodière, De la solidarité et de l'indivisibilité, thèse, page 123, nos 168 et s. « » ; Aubry et Rau, op. cit., note 14, page 33) « ... chacune des personnes qui ont participé au délit, est à considérer comme étant individuellement l'auteur du dommage qu'il a causé, et en doit, par conséquent, la réparation intégrale. » ; Antoine blanche, n° 411, p. 500 : « celui qui a concouru in solidum, en tout et pour le tout, au fait préjudiciable doit concourir in solidum, en tout et pour le tout, à la réparation ».

(30) Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., tome II, no 1305 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, t. II, no 1944, p. 1064 et s. ; R. Savatier, ouvrage précité, tome II, no 488.

(31) Cité par H. Et L. Mazeaud, Théorique et pratique de la responsabilité civile, t. II, no 1944, p. 786 ; Dans le même sens : Meurisse : Le déclin de l'obligation in solidum, D. 1962, Ch. p. 243 : « si l'une des fautes n'avait pas été commise, aucun préjudice n'aurait été causé à la victime ».

216 - Pour certains auteurs la causalité totale s'explique d'après la théorie de l'équivalence des conditions(32). Dans ce sens, un auteur(33) relève qu'il « Il ny a pas, selon elle à distinguer parmi les événements qui ont précédé un dommage, ceux qui ont eu une influence plus ou moins directe, ou plus ou moins proche, ou plus ou moins dynamique : ils s'équivalent tous, ils peuvent tous en être considérés comme la cause, dès lors qu'ils en ont été la condition, c'est-à-dire que sans l'un quelconque d'entre eux, ce dommage n'aurait pas lieu. Tout dommage n'étant possible que par la réunion d'un grand nombre de circonstances, il suffira que parmi ces circonstances, il se trouve une faute, et que le dommage n'ait pas eu lieu sans elle, pour que cette faute puisse être considérée comme la cause de tout le dommage et engendre l'obligation de le réparer ».

217 - Dans la jurisprudence la diversification des formules se diffèrent, mais tous expriment la même idée, chaque cause est la cause du dommage tout entier. Dans une série d'arrêts la cour précise que « lorsqu'il y a entre chaque faute et la totalité du dommage, une relation directe et nécessaire»(34), ou sans la faute du coauteur le dommage n'aurait pas été produit(35).

2o _ Critique de la causalité totale

218 - Sans l'une des fautes le dommage n'aurait pas été produit, c'est ce présument les partisans de la causalité totale. Mais cette conception est fausse parce que l'autre coauteur peut prouver l'inverse ce qui exclut toute responsabilité(36). Un autre auteur relève que « Cet argument n'est pas convaincant, car l'autre coauteur peut soutenir la même chose ; cela prouve que chacun n'a été qu'une cause partielle du dommage, ce qui, au demeurant, est évident puisque, par hypothèse, c'est la conjonction des divers faits qui a été nécessaire pur que le dommage s'ensuive »(37).

(32) Supra no 118.

(33) P. Kayser, La solidarité au cas de fautes, Rev. Crit. 1931, n° 6 ; cité par J .Français, thèse précitée, page 129-130.

(34) Civ. 11 juillet 1892, précité; Civ., 8 juillet 1895, D.P. 1896.1.85 ; Civ., 5 mai 1896, S. 1896.1.345 ; Req., 12 fév. 1935, Gaz. Pal. 1935, 1, 64, Sem. Jur.1935, 703 ; Civ., 20 mai 1935, D.H.1935, 394, Sem. Jur. 1935,1107, Gaz. Pal. 1935.2.187 ; Req., 29 déc. 1852, D.P. 1853, 1,49 ; Civ., 4 déc. 1939, précité ; Req., 20 mai 1941, S. 1941, 1,200 ; Civ. III, 5 janv. 1973, Bull. Civ. III, no 27, p. 21 ; Civ., 3 juin 1902, D.P. 1902, 1,452, S. 1902, 1,485 ; Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922, 1, 109 ; Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930,117 ; Req., 2 juin 1930, D.H. 1930,377, S. 1931, 1,350 ; Civ. I, 7 oct. 1958, D. 1958,763 ; Civ. I, 14 oct. 1958, Bull. Civ. I, n° 426, p. 342 ; Civ. I, 14 oct. 1958, Bull. Civ. I, no 430, p, 345 ; Civ. II, 21 juillet 1969, Bull. Civ. II, no 266, p. 192 ; Civ. III, 8 juillet 1971, Bull. Civ. III, no 448, p. 320 ; Civ. I, 5 fév. 1975, Bull. Civ. I, no 53, p. 50 ; Civ. III, 11 juin 1976, Bull. Civ. III, no 260, p. 200, D. 1976, I.R. 271, RTDC 1977, no11, p. 136, obs. DURRY Georges ; Com., 31 mars 1981, Bull. Civ. IV, no 169, p. 134 ; Civ. II, 3 fév. 1983, JCP Ed. G. 1984.II.20183, note CHABAS F.

(35) Req., 25 mars 1874, S. 1874.1.220 ; Civ., 11 juillet 1892, précité; Req., 29 déc. 1852, D.P. 1853.1.49, S. 1853.1.91 ; Rouen, 16 janv. 1895 sous Req., 21 oct. 1896, D.P. 1900.1.41 ; Req., 10 nov. 1897, D.P. 1898.1.310 ; Civ. I, 11 fév. 1970, Bull. Civ. I, n° 53, p. 43.

(36) Chabas, thèse précitée, n° 15, page 20.

(37) STARCK Boris, La pluralité des causes de dommage et la responsabilité civil, JCP 1970, I, 2339, n°15.

Notons aussi que l'admission de la causalité totale n'explique pas le recours du coauteur solvens. S'il a causé tout le dommage pourquoi la cour de cassation lui confère un recours subrogatoire(38).

219 - Cependant la critique de la causalité ne se limite pas à cet argument réciproque, elle s'étend à la fonction même de la causalité, << La causalité existe ou n'existe pas, et il ne peut être question de degrés »(39), c'est la fonction de la causalité. Elle n'est qu'un lien factuel transposé au domaine matériel(40). Donnant à la causalité la fonction matérielle où le mécanisme de déterminer la part de chaque cause est une fiction juridique. Un auteur(41) relève que << la causalité est un élément nécessaire à la responsabilité, car on ne saurait exiger réparation de n'importe qui : il faut bien qu'entre l'activité du défendeur et le dommage il y ait une relation de causalité « ».

220 - Les théories de la causalité proposées s'attachent au domaine théorique qui diffère de la fonction de lien de causalité. Elles cherchent un lien entre le dommage et le fait illicite. La confusion entre les théories de causalité et le lien de causalité conduit à une confusion entre le domaine factuel et le domaine matériel.

221 - En donnant à la causalité la fonction de détermination le montant de réparation s'avère contre certaines exceptions légales et jurisprudentielles. La loi du 7 juillet 1967, qui concerne le cas d'abordage maritime(42), impose aux navires la réparation intégrale du dommage. Et, entre eux, la division de la réparation est proportionnelle à la gravité de la faute. La causalité n'est en aucun cas le mécanisme de détermination de la part de chacun.

222 - De même, et dans quelques solutions jurisprudentielles, la faute de la victime est partiellement exonératoire pour les coauteurs(43). En matière d'accident de la circulation la loi de 1985 parle de l'implication au lieu de la causalité, ce qui a une portée plus large que celle de la causalité.

223 - L'indivisibilité et la causalité totale deux fondements qui ont été successivement donné à l'obligation in solidum mais on a vu que ses deux fondements n'ont pu justifié

(38) Infra n° 278 et s.

(39) P. Conte, Rep. Dalloz, Yo Responsabilité du fait personnel, no 128, page 21.

(40) Mignon Marc, thèse précitée, no, page.

(41) STARCK Boris, Loc. cit.

(42) << S'il y a faute commune, la responsabilité de chacun des navires est proportionnelle à la gravité des fautes respectivement commises. Toutefois, si, d'après les circonstances, la proportion ne peut être établie ou si les fautes apparaissent comme équivalentes, la responsabilité est partagée par parties égales. Les dommages causés, soit aux navires, soit à leur cargaison, soit aux effets ou autres biens des équipages, des passagers ou autres personnes se trouvant à bord, sont supportés par les navires en faute, dans ladite proportion, sans solidarité à l'égard des tiers ».

(43) Supra no 142 et s.

l'obligation in solidum. Aujourd'hui la plupart des auteurs s'inclinent vers l'idée de garantie pour justifier l'obligation in solidum.

C - LA GARANTIE

224 - Dans cette optique on trouve deux explications de la garantie l'une est une garantie à l'égard de la victime, l'autre une garantie entre les coauteurs. La première considère que l'obligation in solidum est une faveur faite à la victime pour assurer une indemnisation complète du préjudice qu'elle a subi(44). Cette explication se justifie à ce que la victime n'est pas obligée à diviser ses poursuites et de supporter l'insolvabilité de l'un des coauteurs. La pluralité d'auteurs impose une pluralité de responsabilités autant des coauteurs en vertu de la pluralité de causes. Selon certains auteurs cette explication de l'obligation in solidum la rend identique à celle de la solidarité(45).

225 - La deuxième explication de garantie est présentée par Mignon(46) qui considère que chacun des coauteurs supporte deux obligations, une principale qui est la part et portion qu'il a causée, et l'autre une obligation de garantie réciproque entre les coauteurs de sorte que chacun garantie la part des autres. Selon Mignon la garantie n'est pas à l'égard de la victime elle est réciproquement à l'égard des coauteurs.

226 - Aujourd'hui la jurisprudence de la cour de cassation et à plusieurs reprises présume « que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité »(47). D'après cette jurisprudence la relation totale que la cour de cassation exigeait entre la faute et l'entière du dommage n'est pas maintenant exigée, ce qui nous montre que la fonction de l'obligation in solidum n'est qu'une garantie de paiement accordée à la victime.

227 - Précisons enfin que la garantie aussi présentée permet la condamnation in solidum

(44) J. Radouant, notes sous cassation, D., 1958.73 et D. 1961.681; BORE Jacques, Le recours entre coobligés in solidum, JCP 1967.1.2126 ; La causalité partielle ou les deux visages de l'obligation in solidum, JCP 1971.1.2369 ; P. Raynaud, La nature de l'obligations des coauteurs d'un même dommage,... Art. précité ; B. Stark, H. Roland et L. Boyer, Droit civil, Les obligations, tome I, Responsabilité délictuelle, 4e éd. no 1271 ; J. Flour et J. L. Aubert, Les obligations, tome II, Le fait juridique, 6e éd., no 170; Ph. Le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité, no 840.

(45) J. Flour et J. L. Aubert, Les obligations, tome II, Le fait juridique, 6e éd., no 170 ; Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munik, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 2004, no 1284.

(46) Marc Mignon, thèse précité.

(47) Com., l4 janv. 1997, Bull. Civ. IV, no 16, p. 13 ; Cf. Civ., 12 mai 1966, Bull. Civ. II, n° 565, p. 404 ; Civ. I., 26 janvier 1970, Bull. Civ. I, no 35, p. 28 ; Civ. II, 26.fév. 1970, Bull. Civ. II, no 75, p. 57; Civ. II, 23 avri11971, JCP Éd. G. 1972,17086, 3e espèce, note J. BORÉ ; Civ. II, 2 avril 1979, Bull. Civ. II, no 110, p. 78 ; Civ. Ill, 25 mars 1980, Bull. Civ. III, no 69, P. 48 ; Soc, 12 mai 1982, Bull. Civ. V, no 300, p. 223 ; Civ. II, 12 janv. 1984, Bull. Civ. II, no 5, p.3 ; Civ. II, 15 juin 1983, JCP Éd. G. 1984.II.20274, note F. C. ; Civ. III, 5 déc. 1984, Bull. Civ. III, no 206, p. 161 ; Civ. I, 28 mars 1995, Bull. Civ. I, no 146, p. 104.

aux auteurs qui ne contribuent pas totalement dans la réalisation du dommage, même si leurs faits aggravent la conséquence dommageable ou la participation est incomplète. Ce qui donne à l'obligation in solidum un domaine vaste(47bis).

Nous avons vu le rapport coauteurs victime, reste aussi le rapport des coauteurs entre

eux.

SECTION II - RAPPORT INTERNE

228 - La fonction de l'obligation in solidum est d'assurer à la victime la réparation du dommage en poursuivant l'un des coauteurs. Rationnellement est-ce que le coauteur doit supporter seul la dette ? Sûrement non, parce qu'il y a d'autre qui a aussi contribué dans la réalisation du dommage. Quelle relation peut-il exister entre le coauteur qui a payé la dette et les autres. En payant la dette peut recourir contre les autres ? Afin de répondre à ces questions on analysera les effets de l'obligation in solidum (Sous-section 1), et le recours du solvens contre les autres coauteurs (Sous-section 2).

§ 1 - LES EFFETS DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM

229 - Les effets de l'obligation in solidum sont justifiés selon la doctrine de l'unité d'objet et la pluralité de liens, puisque chaque coauteur est tenu par une obligation distincte de l'autre les effets collectifs de la solidarité sont exclus en matière d'obligation in solidum. Chaque obligation a ses propres effets. Cependant, une autre justification des effets de l'obligation in solidum d'après la garantie.

Il s'agit en effet du paiement de la dette, de la compensation, de la transaction et les effets secondaires de la solidarité.

1o - Le paiement

230 - Le paiement intégral de la dette effectué par l'un des coauteurs est libératoire pour les autres à l'égard du créancier. Ce denier ne peut obtenir l'endommagement qu'une seule fois suivant la règle procédurale « Pas d'intérêt, pas action »(48).

(47bis) G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, 2e éd., LGDJ 1998, n° 412, p. 259.

(48) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3, no 69, page13; Mazeaud et Chabas, Leçons de droit civil, tome II, Vol. I, Les obligations théorie générale, 1998, no 1072, p. 1123.

231 - Mais dans le cas où le créancier reçoit un paiement partiel, il pourrait renouveler ses poursuites pour le complément de la dette non acquittée. Donc, il faut que le paiement soit définitif et total pour que les autres coauteurs soient exempts des poursuites du créancier. De même, si le paiement intégral n'est pas exécuté par un des coauteurs, le créancier peut poursuivre les autres coauteurs non poursuivis.

2o _ La compensation

232 - Il s'agit en effet de savoir si le codébiteur poursuivi pourrait opposer à la victime la compensation entre la dette de l'un des codébiteurs et ce que le créancier doit à ce dernier. Surtout l'article 1294 alinéa 3 C. civ. dispose que « le débiteur solidaire ne peut « opposer la compensation de ce que le créancier doit à son codébiteur >>. La disposition de cet article fut critiquée et une autre explication fut donnée à la compensation selon la garantie. La compensation entre l'un des coauteurs et la victime dans le cadre de la garantie simple et de la garantie mutuelle peut être invoquée par les autres coauteurs, tous profitent de la compensation opérée entre la victime et l'un d'eux(49).

233 - Cependant, l'article 1294 al. 3 aurait été posée devant la cour de cassation, s'il est applicable à l'obligation in solidum. L'architecte Sogorb fut condamné in solidum avec l'entreprise Dordilly pour le paiement d'une somme réclamée par la société de géophysique qui à son tour était débitrice de l'entreprise Dordilly. Sogorb réclamé pour le paiement de la dette, il s'oppose à la Société de géophysique la compensation entre la dette réclamée et la dette qu'elle doit à l'entreprise Dordilly. La Société mettait en cause l'article 1294 al 3. La cour, statuant sur ce point, décide qu'« Attendu que si l'obligation solidaire et l'obligation in solidum ont l'une et l'autre pour effet de contraindre le débiteur au payement du tout, la règle exceptionnelle de l'article 1294, § 3, ne peut être étendue à l'obligation in solidum, qui reste soumise au droit commun >>(50).

234 - Postérieurement, il a été jugé que la compensation en matière d'obligation in solidum(51) est opposable aux tous les coauteurs, même si l'article 1294 al. 3 écarte cette exception en matière de solidarité. Le paiement intégral par l'effet de la compensation est libératoire pour tous, mais s'il s'avère qu'elle était partielle, la victime peut renouveler ses poursuites de nouveau contre les coauteurs pour obtenir la totalité de sa dette.

(49) Mignon Marc, op. cit., n° 948, page 700.

(50) Civ. 1er, 29 nov. 1966, Bull. civ. I, n° 531, D. 1967.2, JCP 1968.II.15355, note PLANCQUEEL, RTDC 1967, p. 152, obs. CHEVALLlER ; Seine, 23 avril 1963, D. 1964.62, note L. Mazeaud.

(51) Cass. Com., 19 juillet 1982, Bull. civ. IV, no 278, D. 1982.IR.424.

235 - Certains auteurs reprochent à la jurisprudence son refus d'étendre à l'obligation in solidum l'article 1294 C.civ.(52). Ils raisonnent dans ce sens, qu'il est regrettable qu'un assureur puisse invoquer contre la victime la compensation avec la somme qu'elle doit au responsable ce qui prive la victime de la réparation du dommage.

236 - En droit Libanais c'est l'article 37 COC qui dispose que << Lorsqu'il y a solidarité entre les débiteurs, chaque codébiteur peut libérer tous les autres.

1 - ....

2 - en opposant, pour cette totalité, la compensation d'une créance existant à son profit sur la créance. ». Cet article traite le cas où le débiteur poursuivi compense avec le créancier, mais le cas que nous sommes en présence, est que si chacun des codébiteurs peut opposer au créancier ce qu'il doit à l'un d'eux.

3o #177; La transaction

237 - D'après l'article 2051 du Code civil << la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ». En droit libanais c'est l'article 34 du COC qui dispose que << La transaction faite entre le créancier et l'un des coobligés profite aux autres lorsqu'elle contient la remise de la dette ou un autre mode de libération. Elle ne peut les obliger ou aggraver leur condition, s'ils ne consentent à y accéder. »

238 - Selon la théorie de la représentation réciproque la transaction est relative. Elle s'attache à celui qui a été déféré, mais si elle était favorable tous les codébiteurs profiteraient de ces conséquences. La transaction dans la théorie de Mignon(53) est libératoire pour tous les codébiteurs dans le cadre de la garantie simple si son objet est l'obligation principale. Dans le cadre de la garantie mutuelle la transaction qui n'est pas consentie par tous les coauteurs n'a pas d'effet, parce que chacun ne peut transiger que sur les droits dont il est le titulaire. Donc, la transaction faite entre la victime et l'un des coauteurs n'a d'effet qu'à l'égard de ce dernier.

239 - À son tour la cour de cassation française a implicitement admis que la transaction, en matière d'obligation in solidum, faite au profit de l'un des coauteurs n'a pas d'effet à l'égard des autres, ils restent tenu pour le tout(54). Mais d'un autre côté, la cour de cassation et dans l'arrêt de 7 juin 1977 a permis au responsable solvens de recourir contre celui qui a profité de la transaction pour sa part. Cela nous indique que la transaction est partielle et n'a pas

(52) MALAURIE Ph., AYNES L. et STOFFEL-MUNICK Ph., Les obligations, Defrénois, 2004, no 235.

(53) Thèse précitée, n° 1036-1037, page 758.

(54) Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003, note N. Dejean De La BÂTIE, D. 1978.J.289, note Chr. Larroumet ; RTDC 1978, p. 364, obs. G. Durry, Gaz. Pal. 1978.1.131, note Plancqueel ; Cass. Com., 14 février 1989, R. C. A. 1989.IV.6.

d'effets à l'égard des autres coauteurs que s'ils la consentent, où si elle était avec tous les coauteurs.

À part la transaction, les effets secondaires de la solidarité ne sont pas applicables à l'obligation in solidum. Si l'effet principal de la solidarité est admis en matière d'obligation in solidum les effets secondaires ne le sont pas. C'est la particularité de l'obligation in solidum.

4o #177; Effets secondaires de la solidarité

240 - Les effets secondaires de la solidarité ne sont pas applicables à l'obligation in solidum, c'est son originalité et son but. Cette exclusion des effets secondaires se fonde sur l'absence d'une communauté d'intérêts entre les codébiteurs. C'est la cour de cassation(55) qui a décidé qu' « en matière de réparation d'un délit civil, l'obligation de chacun des coauteurs est une obligation in solidum, de laquelle résulte contre chacun une obligation au tout, mais non une communauté d'intérêts permettant d'en déduire une représentation réciproque ».

241 - La volonté commune entre les codébiteurs solidaires ne se trouve pas entre codébiteurs in solidum ce qui ne justifie pas le mandat réciproque. L'exclusion de la communauté d'intérêt entre coauteurs, en matière d'obligation in solidum, selon quelquesuns(56) est fictive, parce qu'une fraude entre l'un des codébiteurs et le créancier, doit toujours être réservée, il se peut que la réparation serait supportée à quelqu'un d'entre les coauteurs(57).

242 - La conséquence de l'absence d'un mandat réciproque est l'exclusion en matière d'obligation in solidum des règles relatives à l'opposabilité de la chose jugée, l'interruption et la suspension de la prescription, la mise en demeure et l'appel.

243 - a) - Il a été jugé que la renonciation de la victime à son action à l'égard de l'un des coauteurs, tous poursuivis, n'empêche pas l'autre coauteur, s'il a été poursuit pour le tout, de recourir contre le coauteur au profit duquel la renonciation était faite(58). Mais cette solution s'explique si le fondement du recours du solvens est autre que la subrogation(59).

(55) Cass., civ. 2e, 9 janv. 1958, Bull. civ. 2e, n° 36, D., 1958.292 ; Cf. Civ.1re, 27 novembre 1967, Bull. civ. I, n° 337 ; Civ.2e, 16 mars 1966, Bull. civ. II, no348; civ. 2e, 9 janvier 1958, D., 1958.292 ; Civ. 1re, 27 oct. 1969 : Bull. civ. I, no 314.

(56) Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil, Les obligations, Cujas, no 1156.

(57) Civ., 14 fév. 1990, D. 1990.IR.65.

(58) Paris, 15 oct. 1975, Gaz. Pal 1976.Somm. 58 ; Cass. civ. 1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003, note N. Dejean De La BÂTIE, D. 1978.J.289, note Chr. Larroumet, RTDC 1978, p. 364, obs. G. Durry, Gaz. Pal. 1978.1.131, note Plancqueel ; Cass. civ. 3e, 24 janvier 1978, Bull. civ. III, n° 50, Gaz. Pal. 1978.2.474, note Plancqueel D. 1978.IR.321, obs. Larroumet.

(59) Infra nos 281 et s.

244 - Cependant, cette jurisprudence se reproche que cette action récursoire peut être évitée en condamnant le coauteur qui ne bénéficiait pas de la renonciation de réparer le dommage après la soustraction de la part du coauteur qui bénéficiait de la renonciation(60).

245 - Sans doute, le fondement de l'obligation in solidum a une influence directe sur la renonciation de la victime s'il est libératoire ou non pour tous les coauteurs. Si le fondement de l'obligation in solidum est la causalité totale, la renonciation faite à l'un des coauteurs n'a pas d'effets à l'égard des autres. Mais si le fondement est la garantie de sorte que chacun est tenu d'une portion et garant des portions des autres la renonciation faite à l'un des coauteurs ne peut être que partielle.

246 - b) - La mise en demeure doit être adressée à chacun des coauteurs contrairement à l'article 1205 C. civ. qui s'attache à la solidarité passive(61). Une autre explication est présentée de la mise en demeure d'après la garantie(61bis). Dans la garantie simple l'intérêt est collectif. Chacun des coauteurs est tenu des intérêts par ce qu'ils sont tenus d'une seule obligation. Mais dans la garantie mutuelle la mise en demeure adressée à l'un des coauteurs fait courir l'intérêt pour l'intégralité de la dette à l'égard du créancier. Et à l'égard des autres coauteurs, elle court aussi mais proportionnellement à la part et portion de chacun.

247 - c) - Le principe de l'autorité de la force jugée est aussi jugé inopposable aux autres codébiteurs tenus in solidum(62). Mais en matière d'assurance cette solution n'est pas admise. Le jugement obtenu contre l'assuré est opposable par la victime à l'égard de l'assuré, sauf s'il existe une fraude entre la victime et l'assuré(63).

248 - d) - Les voies de recours sont aussi inopposables entre les codébiteurs. Elles sont personnelles et s'attachent à chaque coauteur. Par exemple, les coauteurs condamnés par les premiers juges pourraient interjeter un appel le jugement sans que chacun soit opposé un non-recevoir de son appel par cause que l'autre coobligé n'a pas fait appel(64). Pour le délai d'exercice de la voie de recours, il ne commence à courir qu'à la datte de notification de chaque coauteur. Si la signification est faite contre l'un d'eux le délai ne courir à l'encontre des autres(65).

(60) P. RAYNAUD, La nature de l'obligation des coauteurs d'un dommage, obligation in solidum ou solidarité? Mélanges dédiés à J. Vincent, no 22 ; Civ. 3e, 24 janv. 1978, Bull. civ. III, n° 50, D. 1978.IR.321, obs. Larroumet.

(61) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3.

(61 bis) Marc Mignon, op. cit., nos 1023-1024, page 751.

(62) Cass. Civ., 4 février. 1954, Bull. civ. II, no 47.

(63) Cass. civ. 1re, 12 juin 1968, Bull civ. I, n° 170, D. 1969.249, JCP 1968.II.15584; Critique de l'effet collectif de l'interruption en matière solidaire, Mignon, thèse précité, n° 1022, p. 749-750.

(64) Cass. civ. 2e, 6 nov. 1969, Bull. civ. II, no 300, RTDC 1970.413, obs. P. Raynaud.

(65) Pau 20 mai, 1952, S. 1953.2.103.

249 - En droit libanais et selon l'article 617 CPC la signification d'un jugement entre coobligés solidaires ne fait courir le délai que contre celui dont la signification à été faite à son égard. Mais si la décision est à leurs profits chacun pourrait profiter de la signification faite à l'un d'eux.

250 - e) - L'appel interjeté n'est profitable qu'au coobligé qui l'a utilisée et ceux intervenus à l'instance d'appel(66). Ce qui n'exerce pas l'appel ou plutôt néglige de se joindre au recours formé par un autre ne peut profiter du bénéfice obtenu par celui-ci(67). Par conséquent, si un seul codébiteur obtient des juges du second degré une réduction de la réparation il se profite seul, mais d'un autre côté, il n'y a pas aucun obstacle d'exécuter le nouveau jugement obtenu contre les autres coobligés(68).

251 - f) - Concernant le pourvoi en cassation une jurisprudence traditionnelle refuse d'étendre les effets de la cassation aux coauteur in solidum qui n'avaient pas attaqué l'arrêt ou qui ne s'étaient joints à l'instance de cassation(69).

252 - Cependant, la question s'est posée après le règlement de la procédure devant la haute juridiction en 1979. Précisément c'est l'article 615 du C.P.C. français qui dispose qu' << En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, le pourvoi de l'une produit effet à l'égard des autres meme si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance de cassation ». La cour de cassation visant la question décide que l'article 615 est applicable à l'obligation in solidum. En effet la cour déclare que(70) << la cassation du chef de l'arrêt prononçant la condamnation in solidum de la demanderesse au pourvoi profite à tous les condamnés in solidum ».

253 - Mais cette décision est restée isoler parce que la même chambre et dans deux arrêts ultérieurs revenait sur la position de non profit des coauteurs non joints au pourvoi(71).

254 - g) - L'interruption de la prescription contre l'un des coauteurs ne l'interrompe pas à l'égard des autres(72). L'interruption collective en matière solidaire (article 1206 C. civ. article 36 COC) n'est admise en matière d'obligation in solidum qu'entre l'assureur et l'assuré seulement(73).

(66) CA Pau, 20 mai 1952, Gaz. Pal. 1952.2.52, D. 1952.678 ; Cass. civ. 2e, 16 mars 1966, Bull. civ. II, no 348.

(67) Req., 14 mars 1934, D.H. 1934.249 ; Cass. Civ. 2e, 21 nov. 1958, Bull. civ. II, n° 762, Gaz. Pal. 1959.1.113.

(68) Cass. civ. II, 16 mars 1966, Bull. civ. II, no 348.

(69) Cass. civ. 1re, 21 nov. 1967, Bull. civ. I, n° 337 ; Cass. civ. 3e, 19 avril 1977, Bull. civ. II, n° 165; - 11 juin 1980, Gaz. Pal. 1981.1.291, note Plancqueel.

(70) Cass. 30 civ. 10 mars 1981, Bull. civ. III, n° 49, D. 1981.429, note J. Boré.

(71) Cass. civ. 3e, 18 oct. 1983, Bull. civ. III, n° 186 ; - 22 fév. 1984, Bull. civ. III, n° 47.

(72) Ph. Le Tourneau, article précité, n° 159, p.19.

(73) Cass. civ. 1re, 12 juin 1968, Bull civ. I, n° 170, D. 1969.249, JCP 1968.II.15584 ; Critique de l'effet collectif de l'interruption en matière solidaire, Mignon, thèse précité, n° 1022, p. 749-750.

Selon la théorie de Mignon(73bis), dans la garantie simple l'interruption de la prescription contre le coauteur principal ne l'interrompe pas à l'égard des autres vu le caractère accessoire de leurs obligations de garantie. Il en est de même dans la garantie mutuelle.

255 - S'agissant des causes de la suspension de la prescription, ils sont personnelles, elles s'attachent à chaque coauteur (Art. 36 al. 2e COC libanais), mais les causes communes, par exemple l'incapacité du créancier, sont valables pour tous les coauteurs(74).

256 - Notons enfin que la prescription de l'action(75) contre l'un des coauteurs n'empêche pas la victime de poursuivre les autres qui demeurent tenu pour le tout, s'appuyant sur l'idée que chacun doit différemment de l'autre. Mais cette solution se reproche que c'est par le comportement de la victime qui laissé courir le délai.

Le principe de l'obligation in solidum est de faciliter à la victime de demander la réparation du dommage qu'elle a subi de l'un des coauteurs. Néanmoins, cela ne doit pas aboutir à l'omission du droit des coauteurs si l'un d'eux a payé la totalité de la dette. A-t-il un recours contre les autres coauteurs.

§ 2 : ACTIONS RÉCURSOIRES

257 - Le responsable poursuivi doit payer l'intégralité du dommage, c'est la fonction de l'obligation in solidum. Cependant, il n'est pas seul responsable, il y a aussi d'autres coauteurs. Est-ce que la structure de l'obligation in solidum justifie le recours ?

258 - La structure de l'obligation in solidum ne permet pas au responsable solvens de recourir contre les autres coauteurs. Chacun doit un objet distinct de l'autre, « Celui qui a payé n'a pas payé une dette commune, il a payé comme sienne une dette qui a toujours été sienne pour le tout, et qui ne s'est jamais composée de la dette d'un autre. Donc, il n'y a aucune base juridique au recours qu'il pourrait vouloir exercer »(76). Cette solution inéquitable est la plus juridique(77).

(73bis) Mignon M., op. cit., n° 1022, p. 750.

(74) Marc Mignon, ibid, n° 971, p. 714.

(75) Cass. Com., 31 mars 1981, Bull. civ. IV, n° 169; RTDC 1982.150, obs. G. Durry : c'est le cas ou le transporteur et le vendeur cause un dommage à autrui, la prescription contre le transporteur était bref, la cour condamne le vendeur à la réparation intégrale même si l'action s'est prescrite contre le transporteur ; Civ. 3e, 5 juillet 2000, Bull. civ. III, n° 135.

(76) Huc, Commentaire théorique et pratique du code civil, cité par J .Français, thèse Précitée, page 137.

(77) Lafay, thèse précitée, page 182.

259 - Certains auteurs refusèrent cet obstacle structural. Ils présument parce qu'il donne le privilège à la partialité et à la fantaisie du créancier de laisser supporter la totalité de la réparation sur un d'entre eux(78).

260 - Sûrement, le fondement de l'obligation in solidum explique l'acceptation ou le refus du recours. On renvoie, dans ce sens, à un auteur(79) qui écrit que << si en effet, on fonde 1'obligation in solidum, notamment en matière de coresponsabilité, sur l'indivisibilité du dommage ou sur l'idée que chacun des responsables est cause du dommage tout entier, si on décrit l'obligation in solidum comme comportant autant d'objets distincts que de débiteurs (pluralité d'objets) et les divers dettes comme indépendantes, on ne peut pas dire que le codébiteur qui a payé était tenu avec d'autres. Il a payé sa propre dette... » ceci exclut le recours du solvens.

261 - En résumé, le recours ne peut pas être établi par un manque d'initiative de paiement de la dette d'autrui(80), parce que dans l'obligation in solidum << s'il y a des dettes plurales, ce ne sont pas des dettes plurales partielles mais des dettes plurales de réparation totale >>. Le coauteur << qui paie le tout à la victime, ne lui paie que ce qu'il doit, puisqu'il a causé tout le dommage >>(81).

262 - La causalité totale comme fondement de l'obligation in solidum ne justifie pas le recours du solvens. Seulement la causalité partielle explique le recours selon l'idée que celui qui a payé la totalité du dommage a payé sa propre part qu'il a causée et les parts des autres coauteurs. J. Vincent(82) justifie le recours par l'intérêt de chaque coauteur à désintéresser la victime pour éviter sa poursuite ou sa saisie. Un autre auteur(83) distingue entre le rapport victime responsable et le rapport responsable solvens et coauteurs. En réalité à l'égard de la victime chacun des coresponsables est tenu de réparer l'intégralité du dommage, mais les rapports entre eux se traduisent que le responsable solvens a payé sa part et les parts des autres et il pourrait avoir un recours contre eux. Cette structure de l'obligation in solidum s'explique par l'idée de garantie donnée à l'obligation in solidum. Pour cette dernière idée le responsable solvens, lorsqu'il paie la dette, il paie sans qu'il soit tenu, il a payé la dette d'autrui.

263 - Un autre fondement proposé par Marc Mignon est celui de la garantie. Chacun des coauteurs est responsable d'une obligation conjointe proportionnelle à sa part et portion dans

(78) Demolombe, t XXVI, op. cit., n° 304, p. 240 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., t. II, n° 1305, p. 419.

(79) P. Raynaud, L'obligation in solidum, Cours de doctorat, p. 125, cité par Patrick Canin, ouvrage précité, n° 91, p. 112.

(80) Chabas, thèse précitée, nos 85, 86.

(81) H.-L., J Mazeaud et A. Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité délictuelle et contractuelle, Montchrestien, 6 éd. 1970, n° 1971.

(82) Article précité, n° 69.

(83) Patrick canin, ouvrage précité, no 92 pages 113.

la dette, et une obligation de garantie conjointe. Selon ces deux obligations chaque coauteur doit sa part en vertu d'une obligation conjointe et garantie les parts des autres en vertu de l'obligation de garantie. En exécutant l'obligation de garantie un recours s'ouvre au profit du solvens contre les autres coauteurs.

264 - En réalité le fondement de l'obligation in solidum a une incidence sur l'admission du recours de solvens. Sans le fondement actuel le recours ne peut être établi, l'indivisibilité du dommage ou la causalité totale ne justifie le recours et sans le changement d'explication de l'obligation in solidum le recours n'aurait pas été établi(84).

265 - Reste le cas où on est en présence d'un recours du solvens contre deux ou plusieurs coauteurs. Dans cette situation les coauteurs sont tenus in solidum à l'égard du solvens. La cour de cassation et dans diverses arrêts a admis cette solution en matière d'obligation in solidum(85).

266 - De l'ensemble de ces décisions est-il possible de dégager un principe général. Sans doute l'admission de la condamnation in solidum des coresponsables à l'égard du coresponsable solvens se déroge au principe de division des recours, mais pour un auteur c'est une solution équitable(86).

267 - En effet, cette solution est admise seulement dans la responsabilité des constructeurs et des sous-traitants(87), surtout que l'article 1729 du code civil est en cause. Hors des hypothèses susvisées la cour de cassation n'a pas admis ce principe(88), risque d'une série d'arrêts ou comme Pothier l'a nommé <<circuits d'actions ».

268 - D'ailleurs, la cour de cassation étendait l'article 1214 du code civil, qui s'applique à la solidarité et l'indivisibilité, à l'obligation in solidum. Cet article dispose que << le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les part et portion de chacun d'eux », parallèlement, l'article 39 du COC en droit libanais.

(84) Cass. Civ., 8 nov. 1886, D. 1887.1.9 ; Cass. Civ., 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note Levillain.

(85) Civ. 3e, 5 déc. 1984, JCP 1986.II.20543, note N. Dejean De La Bâtie ; Civ. 1re, 22 avril 1992, Bull. civ. I, n° 127 ; Civ. 3e, 22 juin 1994, Bull. civ. III, n° 127 ; Civ. 2e, 6 juillet 1994, Bull. civ. II, n° 182, JCP 1994.IV.2242, JCP 1995.I.3835.

(86) N. Dejean De La Bâtie, Loc. cit.

(87) J. Huet, l'obligation in solidum et le jeu de la solidarité dans la responsabilité des constructeurs; J. Chanet, Responsabilité entre techniciens du bâtiment, Gaz. Pal. 1969.doct.99 ; G. Cornu, inopposabilité de la limite décennale au recours de garantie du propriétaire contre le constructeur en cas de dommages causés aux tiers, RTDC 1973, p. 141.

(88) Paris, 27 janvier 1983, Gaz. Pal. 1983.1.182.

269 - Le recours contre les coresponsables, dit la cour, est << la part de chacun d'eux dans la dette commune >>(89). La cour de cassation applique cet article, qui s'attache à la solidarité et l'indivisibilité, au recours entre coresponsables in solidum même s'il y a subrogation, << Vu 1'article 1214 ; dit la cour, le codébiteur d'une obligation solidaire ne peut, comme celui d'une obligation in solidum ne peut, comme celui d'une obligation solidaire, répéter contre les autres que la part et portion de chacun d'eux >>(90).

A - Le fondement du recours

270 - La plupart des auteurs pensent que le recours du solvens contre les autres coauteurs est de nature subrogatoire(91), même si quelques auteurs lui confèrent une double nature la subrogation légale (article 1251 al. 3), et l'action personnelle(92).

271 - La jurisprudence et après une longue silence sur la nature du recours de solvens(93), opta pour la subrogation par un arrêt le 21 décembre 1943(94), malgré que quelques propositions postulent la gestion d'affaires ou l'enrichissement sans cause(95).

272 - Dès lors on trouve dans la jurisprudence les formules suivantes << par voie de subrogation >>(96), << par l'effet de la subrogation légale >>(97). La subrogation trouve son

(89) Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP 1962.II.12728, note Esmein, D. 1962.J.625, note Savatier ; Civ. 2e, 6 janv. 1966, Bull. civ. II, n° 5 ; V. en ce sens : J. Boré, La causalité partielle en noir et blanc ou les deux visages de l'obligation in solidum, JCP 1971.I.239, in fine n° 1971.

(90) Cass. civ. 1re, 28 juin 1989, Bull. civ. I, n° 264 ; Voir dans le même sens : Civ. 1re, 12 novembre 1987, Bull. civ. I, n° 290 : << le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut, comme le débiteur solidaire, meme s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les parts et portion de chacun d'eux >> ; Civ. 3e, 22 juin 1994, Gaz. Pal. 1995.pan.16.

(91) Colin et Capitant, Traité de droit civil, t. II, n° 1779 ; Marty et Raynaud, Droit civil, t. II, vol. I, les obligations, n° 800 ; H., L. et J. Mazeaud, Traité de la responsabilité civile, t. II, 6 éd., 1971 ; J. Vincent, article précité, RTDC 1939, n° 69.

(92) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 103 p. 126 ; B. Starck, Droit civil, Les obligations, 1974, n° 2416 ; Terré, Simler et Lequette, Droit civil, Les obligations, 8e éd., n° 1263, note 2 page 1173 ; Ch. Larroumet note Civ. 1er, 7 juin 1977, D. 1978.J.289.

(93) Cass. civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note Levillain ; Civ. 20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Crim., 30 déc. 1940, D.H. 1941.70 : Dans ces deux derniers décisions la cour décide que le partage de responsabilité n'affecte que les rapports des codébiteurs entre eux.

(94) Civ., 21 décembre 1943: DC 1944.J.39, note P.L.P. ; JCP 45, II, 2779, note BESSON ; Civ., 29 novembre 1948: D. 1949, J, 117, note Lalou ; Civ. 2e, 29 février 1956, D. 1956.j.303 ; Civ. 2e, 9 mai 1956: JCP 56.II.9384 ; Civ. Ire, 3 novembre 1958, Gaz. Pal. 1959.1.13 ; Civ. 2e, 16 février 1962, Bull. civ. II, n° 208 ; Civ. 2o, 5 mars 1964, Bull. civ. II, n° 214 ; Civ. 2e, 19 février 1965: Bull. civ. II, n° 178 ; Civ. 2e, 19 mai 1965, Bull. civ. II, n° 162 ; Civ. 2e, 6 janvier 1966: Bull. civ. II, n° 5 ; Civ. 2e, 19 mai 1969, Bull. civ. II, n° 162; Civ. 2e, 2 juillet 1969 (2 arrêts), Gaz. Pal. 1969.2.220 ; et Gaz. Pal. 1969.2.311 (2e esp.), JCP 71, II, 16588; RTDC 1970, p. 177, obs. G. DURRY ; Civ. 2e, 27 avril 1972, Bull. civ. II, n° 116 ; Civ. 2e, 8 mai 1978, JCP 81.II.19506, note L. PERALLAT ; Civ. 2e, 11 février 1981, D. 1982.j.255, note AGOSTINI ; Civ. 2e, 24 avril 1981, Bull. civ. II, n° 105 ; Soc. 8 décembre 1983, D. 1984.j.90, concl. PICCA ; Civ. 2e, 18 janvier 1984, Gaz. Pal. 1984.1.125, obs. F. CHABAS ; Civ. 2e, 12 décembre 1984, Gaz. Pal. 1986.1. Somm.250, obs. F. CHABAS.

(95) Wahl, S. 1909.2.129 ; Rouast, D.P. 1936.1.25, et chronique : L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, RTDC 1922.35 ; Ripert, note D.C. 194418 ; Loynes, D. 1890.1.337 ; Savatier, JCP 1956.II.9263.

(96) Civ. 2e, 4 mars 1970, Bull. civ. II, n° 79 ; Civ. 2e, 17 mars 1971, Bull. civ. II, n° 124 ; civ. 2e, 17 novembre 1976, Gaz. Pal. 1977.1.349, note de Plancqueel ; JCP 1977.II.18550, concl. Baudoin.

explication en ce que le solvens << n'invoque pas un préjudice qui lui soit propre mais exerce les droits des victimes qu'il a payées en l'acquit du tiers responsable en même temps >>(98). Mais cette idée est inconcevable avec le fondement actuel de l'obligation in solidum, le coauteur doit supporter la part qu'il causé du dommage et doit être garant des parts des autres coauteurs. Il ne s'agit pas d'exercer les droits de la victime mais il s'agit d'un paiement de la dette d'autrui.

273 - L'admission de la subrogation légale rend parfois l'exercice de l'action du solvens impossible soit par la renonciation de la victime à ses droits soit par la prescription extinctive. Pour cette raison un arrêt, le 7 juin 1977(99), de la première chambre de la cour de cassation changea la situation en donnant au recours du coresponsable contre les autres coobligés une double nature la subrogation et l'action personnelle. La victime qui a renoncé à ses droits contre l'un des coauteurs prive le responsable solvens de recourir contre le coauteur sur le fondement de la subrogation. La cour déclare, en se basant sur l'article 1214

C. Civ., que << le coauteur qui a payé l'intégralité de l'indemnité dispose aussi d'une action personnelle contre son coauteur, qui peut subsister malgré la renonciation de la victime >>. Cet arrêt qui est pour quelques-uns un arrêt de principe(100), fut refusé par d'autres en considérant que le fondement unique du recours est la subrogation(101).

274 - L'arrêt de 7 juin 1977 n'était pas isolé quelques arrêts antérieur se réfèrent à l'action personnel implicitement(102). Par la suite, la cour de cassation resta sur sa position prise en 1977(103) jusqu'à l'intervention de l'assemblée plénière, par trois arrêts(104), qui opta pour la subrogation comme fondement du recours du responsable solvens. Les commentateurs de cet arrêt se divisent avec ou contre la décision. Groutel(105) approuve fermement l'arrêt. Pour lui la subrogation est le seul et unique fondement du recours. Patrick Canin(106) confine la solution rendue par l'assemblée plénière seulement en matière d'accidents du travail lorsqu'un tiers responsable recours contre les autres coauteurs, l'employeur ou ses préposés. Hors cette hypothèse l'action personnelle est admise.

(97) Civ. 2e, 22 mai 1979, Bull. civ. II, n° 150 ; Civ. 2e, 12 déc. 1979, Bull. civ. II, n° 290.

(98) Civ., 29 nov. 1948, D. 1949. 117 et la note de H. Lalou.

(99) Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003, note N. Dejean De La BATIE, D. 1978.J.289, note Chr. Larroumet ; RTDC 1978, p. 364, obs. G. Durry ; Gaz. Pal. 1978.1.131, note Plancqueel.

(100) Patrick Canin, ouvrage précité, nos 103, p. 126 et s.

(101) H. Groutel, Le recours entre coauteurs (suite et fin ?), D. 1992.Chr.19; Ph. Conte, Répertoire Dalloz, V° Responsabilité civile, n° 228.

(102) Civ. 2e, 28 janvier 1955, D. 1955.449, note R. Savatier ; Civ. 2e, 4 février 1954, Bull. civ. II, no 47 ; Civ. 1re, 17 mars 1969, D. 1969.532 ; ces arrêts admettait le recours sur le fondement de la responsabilité civile.

(103) Civ. 1re, 14 mars 1978, Bull. civ. I, no 106 ; Civ. 1re, 1er mars 1983, Gaz. Pal. 1984.1.119, note G. Durry.

(104) Trois arrêts, Ass. Plén. 31 oct. 1991, Bull. civ. n° 6 ; J.C.P. 1992.II.21800, note Saint-Jours.

(105) Chronique précitée, D. 1992.Chr.19

(106) Ouvrage précité, no 104, p. 128

275 - Après les arrêts de l'assemblée plénière une jurisprudence passée de la cour de cassation s'est de nouveau présentée. Cette jurisprudence qui considérait que le paiement de la dette d'autrui est générateur d'une obligation nouvelle(107), réactivée par la cour de cassation après un long abandon(108), ne retarda pas à la rejeter ultérieurement(109). Selon cette jurisprudence la subrogation ne peut pas être retenue.

276 - L'état actuel de la jurisprudence assigne au recours du solvens la nature subrogatoire sous le visa des articles 1251 et 1382 du Code civil(110), un arrêt(111) récent de la cour de cassation précise que l'action récursoire entre coobligés ne peut être exercée que d'après la subrogation selon les articles 1251 et 1382.

277 - En droit libanais l'article 40 du COC qui s'attache à l'obligation solidaire donne au codébiteur solvens contre les autres codébiteurs l'action personnelle ou l'action que le créancier pourrait exercer, donc la subrogation. Partant de l'article 40 et de l'arrêt de 7 juin 1977 on analyse successivement la subrogation et l'action personnelle.

1o - La subrogation

278 - Admettre la subrogation comme fondement du recours de solvens impose des conséquences, parfois avantageux et parfois non. Ces avantages et ces désavantages seront examinés successivement.

a - Les avantages de la subrogation

279 - D'après, l'article 1250 al 1re du Code civil français les droits, les actions, les privilèges ou hypothèques, que la victime possède contre le débiteur, pourraient être profités par le subrogé. Ce dernier est mis dans la même situation que l'accipiens (créancier) avant son désintéressement, et comme l'a identifié la cour de cassation si « Le paiement avec subrogation, s'il a pour effet d'éteindre la créance a l'égard du créancier, la laisse subsiste au profit du subrogé, qui dispose de toutes les actions qui appartenaient au créancier et qui se rattachaient à cette créance immédiatement avant le paiement »(112).

(107) Req., 3 février 1879, D.P. 1879.1.231 ; Cass. civ., 12 février 1929, D.H. 1929.180.

(108) Cass. civ. 1re, 15 mai 1990, Bull. civ. I, n° 106, JCP 1991.II.21628, note B. Petit, D. 1991.J.538, note G. Virassamy, RTDC 1991, p. 556-558, obs. J. Mestre.

(109) Cass. civ. 1re, 2 juin 1992, JCP 1992.IV.2215, p. 243.

(110) Cass. Civ. 2e, 14 janvier 1998, D. 1998.174, note Groutel, JCP 1998.II.10045, note P. Jourdain.

(111) Civ. 2e, 20 oct. 2005, D. 2006.J.494 ; Dans le même sens Cass. civ. 1re, 4 déc. 2001, Bull. civ. I, n° 310 ; D. 2002.J.3044, note M.-C de Lambertye-Autrand ; RTDC 2002.308, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal 2002.1.394, note C. Caseau-Roche ; JCP 2002.I.186 ; Cass. civ. 2e, 9 oct. 2003, Bull. civ. II, n° 294 ; D. 2003.IR.2550.

(112) Civ. 1re, 15 mars 1983: Bull. civ. I, n° 96 ; Civ. 1re, 7 décembre 1983, Bull. civ. I, n° 291 ; RTDC 1984. p. 717, obs. MESTRE ; Com., 15 mars 1988: D. 1988.J.330, note PEROCHON, RTDC 1988, p. 791, obs. BANDRAC.

280 - Il résulte que la subrogation avec paiement éteint l'obligation à l'égard du créancier, mais reste à l'égard des autres coauteurs qui sont poursuivis par le responsable solvens à la place de la victime. Il résulte que le coauteur solvens se mit à la place de la victime, il acquiert la créance et de ses accessoires. Il peut exercer l'action que la victime aurait pu exercer, il est dans la même situation. Il peut invoquer contre l'autre coauteur de ce qui a été jugé au profit de la victime(113).

b - Les désavantages de la subrogation

281 - La subrogation en matière d'obligation in solidum est strictement appliquée(114). En principe le subrogé se trouve dans la même situation de la victime, tous les droits dont la victime disposent sont transférés au subrogé. Mais en matière d'obligations in solidum le coresponsables solvens ne peuvent pas revenir pour le tout contre les autres coresponsables. La subrogation est partielle et proportionnelle à la part et portion qui incombe à chaque coresponsable(115). La jurisprudence de la cour de cassation est dans le même sens, elle précise que « Lorsque deux coauteurs ont par leurs fautes contribué à la production du même dommage, celui qui a désintéressé intégralement la victime, n'a, par l'effet de la subrogation légale, un recours contre l'autre coauteur que dans la mesure de la responsabilité de celui-ci »(116).

282 - Le fondement de cette solution est d'échapper à une série d'arrêts entre les coobligés si le recours était total, si le coobligé paie plus que sa part un recours s'ouvre à son profit contre les autres coobligés.

283 - Le principe de division du recours du solvens trouve son fondement dans l'article 1214 al. 1er du code civil(117). La conséquence de ce principe est la division du subrogé de son action contre les autres coresponsables.

284 - Comme déjà mentionné le subrogé acquiert la créance avec les vices qui l'affectent(118), toutes les exceptions qui pourrait être invoquées par le coauteur contre la victime est opposable aussi au solvens.

285 - Le coresponsable poursuivi par le solvens peut invoquer de ce qui a été jugée contre la victime. Cette conséquence découle de la représentation du solvens par la victime, qu' « elle avantageuse lorsque la décision rendue était favorable au créancier, elle est

(113) Patrick Canin, précité, n° 95, p 117.

(114) Civ. 2e, 19 février 1965, Bull. civ. II, n° 178 ; Civ. 2e, 6 janvier 1966, Bull. civ. II, n° 5.

(115) J. Boré, Recours entre coobligés in solidum, JCP 1967.1.2126.

(116) Cass. civ. 2e, 1re oct. 1975, D. 1975.IR.256, Bull. civ. II, n° 235.

(117) Supra n° 269

(118) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 95, p. 116.

désavantageuse dans le cas contraire. Et c'est pour éviter cette conséquence défavorable que la jurisprudence a parfois tenté de reconnaître au débiteur un droit propre >>(119). L'admission de cette représentation était ainsi reconnue par la cour de cassation(120).

286 - D'ailleurs, il a été jugé que la renonciation de la victime à son action contre l'un des coauteurs(121), et la prescription de l'action(122) prive le responsable solvens de recourir contre l'autre coauteur.

287 - Pareillement le responsable solvens ne peut revenir à l'autre coauteur si la prescription a couru contre la victime. La prescription extinctive est opposable au responsable solvens(123).

Ayant constaté que la subrogation et dans divers situations prive le responsable solvens de recourir contre l'autre coauteur l'action personnelle ne le prive pas.

20 - L'action personnelle

288 - Plusieurs fondements ont été proposés dans le but de justifier le recours du responsable solvens, si quelques-uns trouvent parmi ces propositions un fondement logique, il y a des propositions qui sont loin d'être retenues. Il s'agit en effet d'un recours fondé sur la responsabilité civile, gestion d'affaires, enrichissement sans cause, l'équité et enfin la garantie.

a - La responsabilité civile

289 - Certains auteurs(124) justifient le recours du coauteur sur le fondement de la responsabilité civile. Le recours entre coresponsable tenus in solidum ne se fonde pas ni sur la subrogation ni sur l'article 1214 du Code civil. R. Savatier(125) un des tenants de cette proposition présume que tout dommage causé à une victime par la collision de deux voitures chacun d'eux est tenu à la réparation intégrale du dommage. Le coresponsable solvens et « en vertu de l'article 1382 « peut demander réparation du préjudice qu'il éprouve par le fait de l'auteur de la seconde >>.

(119) P. Raynaud, L'obligation in solidum, cours de droit civil, cours de doctorat, p. 147, cité par Patrick Canin, ouvrage précité, page 117 ; voir Civ. 2e, 4 févr. 1954, Bull. civ. II, n° 47 ; Civ. 2e, 11 juin 1964, Bull. civ. II, n° 469.

(120) Civ. 2e, 5 mars 1964, Bull. civ. II, n° 214.

(121) Paris, 15 oct. 1975, Gaz. Pal 1976.Somm. 58 ; Civ. 1re, 7 juin 1977, précité ; Cass. civ. 1re, 7 janvier 1977, Cass. civ. 3e, 24 janvier 1978, Bull. civ. III, n° 50, Gaz. Pal. 1978.2.474, note Plancqueel D. 1978.IR.321, obs. Larroumet.

(122) Cass. Com., 31 mars 1981, Bull. civ. IV, n° 169; RTDC 1982.150, obs. G. Durry ; Civ. 3e, 5 juillet 2000, Bull. civ. III, n° 135.

(123) Supra n° 254

(124) E. Agostini, note sous Cass. civ. 2e, 11 fév. 1981, D. 1982.J.255 ; R. Savatier, op. cit., T. II, no 510 et note sous Req. 23 mars 1928, D.P. 1928.1.73.

(125) R. Savatier, loc. cit.

290 - C'est une action fondée sur la responsabilité civile issue du droit commun. Ce recours combine « les deux approches du lien de causalité : l'équivalence des conditions explique que la seule pluralité d'auteurs ne détruise pas l'entière responsabilité de chacun ; la causalité adéquate, qu'elle ne la réduise pas par le biais du recours >>(126).

291 - La jurisprudence et par quelques arrêts admet le recours du solvens contre les coresponsables sur le fondement de la responsabilité civile. Le 28 janvier 1955 un arrêt de la cour de cassation a considéré qu' : « Attendue qu'aucune disposition légale ne prive la personne reconnue responsable, d'après l'article 1384 al 1er, du dommage causé par le fait de la chose qu'elle avait sous sa garde, du droit de réclamer une indemnité à celui, fut-il son préposé, par la faute duquel elle s'est trouvée obligée de réparer le dommage « >>(127).

292 - La responsabilité civile impose des conditions nécessaires pour qu'elle soit établie. Deux de ces conditions sont un préjudice et un lien de causalité. Est-ce que ces deux conditions existent-elles dans un cas pareil ?

293 - Quelques auteurs ont jugé que cette proposition « ne résiste pas à l'examen >>(128). Pour les tenants de ce fondement le solvens en payant la réparation à la victime a subi un préjudice, donc il faut le dédommager.

294 - D'autre estime(129) que le responsable lorsqu'il paie la réparation il la paie suivant une obligation légale ou jurisprudentielle d'ou l'absence du préjudice. Le préjudice est une atteinte à un intérêt légitime ce qui n'existe pas en pareille hypothèse. Le fait que le responsable paie la totalité du dommage n'est pas une atteinte au droit ou à son intérêt légitime, il remplit une obligation jurisprudentielle.

295 - Le deuxième élément de la responsabilité est le lien entre le dommage et le fait générateur. Dans l'hypothèse susvisée le coresponsable qui a payé la dette a payé plus que sa part, donc il a subi un préjudice par le fait du paiement. Mais, en effet, le lien entre le fait dommageable et le préjudice du solvens est absent. Pour dépasser cette objection plusieurs explications ont été présentées. Par exemple, un auteur qualifie le solvens comme une victime indirecte. Il serait dans la situation des victimes par ricochets, mais là encore aucun lien entre le préjudice et le fait dommageable n'existe. Pour d'autres ce n'est pas le fait du coresponsable qui a causé le préjudice au responsable solvens, mais sa condamnation à

(126) E. Agostini, loc. cit.

(127) Civ. 2e, 28 janvier 1955, D., 1955.J.449, note R. Savatier ; Voir aussi : Civ. 1er, 17 mars 1969, D. 1969.J.532 ; Civ. 3e, 1er mars 1983, Bull. civ. III, n 57, Gaz. Pal. 1984.1.119, note Plancqueel.

(128) H. Roland et L. Boyer in Starck, Droit civil, Obligations, Responsabilité délictuelle, Litec. 4e éd. 1991, n° 959 ; Cf. Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les obligations, 5e éd., n° 1173.

(129) Patrick Canin, n° 110, p. 136.

réparer le dommage entier qui est la cause de son préjudice(130). Enfin une dernière explication considère que le solvens n'invoque pas un préjudice qui lui est propre, il invoque le préjudice de la victime(131), il exerce les droits de cette dernière(132).

296 - Les conditions de la responsabilité civile ne sont pas tous existées, ce qui nie le recours à une proposition pareille. Quelques auteurs ont relevé que la gestion d'affaires explique le fondement du recours.

b - Gestion d'affaires

297 - Un autre fondement du recours fut proposé : celui de la gestion d'affaire(133). Selon cette proposition le coresponsable solvens paie sa part de la réparation et la part des autres coresponsables. En payant la part des autres coresponsables il gérerait leur l'affaire. Cette admission de la gestion d'affaires provient de l'avis qui prédit que toutefois l'action du mandat n'est pas admise la gestion d'affaires en est. Un auteur(134) propose un fondement alternatif de l'action : la subrogation premièrement et la gestion d'affaires deuxièmement lorsque la subrogation est fermée par la renonciation de la victime à poursuivre l'un des coobligés.

298 - Cet appel à la gestion d'affaire parait par un examen méticuleux inadmissible comme fondement du recours du solvens. L'article 1371 du code civil dispose que << les quasicontrats sont des faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties » parallèlement à l'article 149 COC libanais. D'après ces deux articles la gestion d'affaires exige une intention de gérer l'affaire d'autrui. La gestion d'affaires est appréciée d'une manière subjective, le gérant gère volontairement les affaires du maître. Cette immixtion volontaire n'existe pas dans le cas des coauteurs tenus in solidum, lorsque l'un d'eux paie la totalité du dommage, il remplit une obligation légale(135). Il résulte que le coresponsable solvens n'a pas payé volontairement plus que sa part, il n'a pas agit intentionnellement(136). Donc le solvens en exécutant une obligation légale ou jurisprudentielle ne gère pas l'affaire

(130) H. Roland et L. Boyer in Starck, op. cit., Litec. 4e éd. 1991, n° 1323.

(131) J. Boré, le recours entre coobligés in solidum, article précité.

(132) H. Lalou note sous Civ., 29 novembre 1949, D. 1950.J.117.

(133) Loynes, D. 1890.1.337 ; Savatier, JCP 1956.II.9263 ; Wahl, S. 1909.2.129.

(134) Ch. Larroumet note Civ. 1er, 7 juin 1977, D. 1978.J.289 << Le recours d'un coobligé in solidum sera calqué sur celui du codébiteur solidaire, c'est-à-dire qu'il pourra être fondé soit sur la subrogation légale, soit sur l'action de la gestion d'affaires. N'est-ce pas ce qui pourrait être admis par l'arrêt du 7 juin 1977 ? La voie de la subrogation légale étant fermée par la suite de la renonciation de la victime à poursuivre un des coobligés, il subsistait celle de la gestion d'affaires ».

(135) R. Bout, La gestion d'affaires en droit français contemporain, LGDJ 1972, n° 81, cité par Canin ouvrage précité no 113, page 138.

(136) N. Dejean de la bâtie, note sous Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP 1978.V.19003 ; J. Boré, Le recours entre coobligés in solidum, article précité ; Rouast, note D. 1936.1.25.

d'autrui. Et si on admet la causalité totale comme fondement de l'obligation in solidum le responsable solvens a exécuté sa propre obligation, il n'a pas payé la dette d'autrui.

Si la gestion d'affaires impose une intention de gérer l'affaire d'autrui qui n'existe pas chez le responsable solvens l'enrichissement sans cause peut expliquer le recours.

c - L'enrichissement sans cause

299 - Nul ne doit s'enrichir sans cause aux dépens d'autrui, une règle coutumière qui n'est pas réglée par le Code civil français contrairement au Code des obligations et des contrats libanais qui lui a attribué le titre 3 livre 2 (Les articles 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146 COC). Cette règle, qui a été consacré par la jurisprudence française dans divers arrêts(137), a été invoquée comme fondement du recours entre coresponsables tenus in solidum(138). Le responsable solvens en payant la totalité du dommage a payé plus que sa part. D'une part, le solvens s'est appauvrit sans cause, et, d'autre part, l'autre coauteur s'est enrichit par « une perte évitée, une dépense épargnée >>(139). Se basant sur ces deux conditions le recours du solvens se fonde sur l'enrichissement sans cause.

300 - Cependant, celui qui désintéresse la victime ne s'appauvrit pas sans cause, il paie ce qu'il doit envers la victime, donc il exécute une obligation légale(140). Et, L'action de in rem verso est une action subsidiaire qu'on exerce en dernier lieu lorsqu'il n'y a d'autre moyen. Le recours à cette action ne peut être autorisé en exécutant une obligation légale.

301 - Contre ces objections(141) il a été répondu que la cour de cassation a admis l'enrichissement sans cause même si on est en présence d'une obligation légale de paiement. Une analyse détaillée faite par certains auteurs rejette l'argument adopté pour repousser l'enrichissement sans cause.

302 - Ceux qui admettent, que le coauteur doit une obligation légale est inexacte. Il faut distinguer entre le rapport victime coauteurs et les rapports coauteurs entre eux. A l'égard de la victime le coauteur solvens paie une obligation légale qui est sa propre dette d'après les règles de la responsabilité civile(142), il y a donc une cause légitime à ce paiement(143). Mais à

(137) Req., 15 juin 1892, D.P. 1892.1.596 ; Civ., 2 mars 1915, D.P. 1920.1.102.

(138) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 116-118, page 141-147 ; Wahl, S. 1909.2.129. Contra ; Rouast, D.P. 1936.1.25, et chronique : L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, RTDC 1922.35 ; Ripert, note D.C. 194418.

(139) J. Carbonnier, Droit civil, t. IV, Les obligations, P.U.F. 22e éd., p. 544 : Selon l'auteur L'enrichissement se réalise lorsqu' « Autant que dans un gain positif, l'enrichissement peut consister dans une perte évitée, une dépense épargnée >>.

(140) J. Boré, Le recours entre coobligés in solidum, article précité ; Rouast, note D. 1936.1.25 ; J. Vincent, article précité, RTDC 1939, p. 601 et s.

(141) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 117, p. 143

(142) Patrick Canin, no 117, page 144

l'égard des autres coauteurs, le solvens a payé la part qu'il a causée et leurs parts(144). Il y a donc appauvrissement injustifié dans le patrimoine du responsable solvens(145). Il a payé la dette d'autrui sans aucune obligation légale qui lui impose à lui seul le support de la dette(146).

303 - Reste un obstacle à l'admission de l'enrichissement sans cause, C'est son caractère subsidiaire. Le caractère subsidiaire de l'action de in rem verso est un obstacle au solvens. L'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être utilisée que lorsqu'il y a un obstacle de fait et non pas du droit, et une relation juridique entre trois personnes(147). Tout obstacle légal ne permet pas d'exercer l'action d'enrichissement sans cause et tout faute de la part du demandeur exclu l'action de in rem verso. Pour que le responsable solvens puisse exercer l'action fondée sur l'enrichissement sans cause il faut qu'il y ait un obstacle de fait et non pas de droit. Parfois la subrogation est inadmissible soit qu'un article particulier reste réservé à la victime, soit en raison du droit en cas de prescription ou de la renonciation faite par la victime à ses droits contre l'un des coauteurs. Dans ces hypothèses l'action de in rem verso est acceptable.

304 - Cependant la condition de subsidiarité, d'après un auteur(148), n'est pas exigée pour l'exercice du solvens du recours. Dans cette optique, il a écrit que « s'il faut fonder ainsi le recours personnel sur l'idée d'enrichissement injuste, d'aucuns se demanderont sans doute si ce recours doit être"subsidiaire" c'est-à-dire n'être ouvert que quand la subrogation est exclue, ou si on peut l'admettre en option avec le recours subrogatoire dans les cas oft ce dernier est possible. Il n'y a pas lieu de s'étendre sur ce point, la question ne se posant pas dans l'hypothèse de l'espèce. On peut toutefois remarquer que les motifs de notre arrêt n'impliquent en rien l'idée de subsidiarité; et nous ne voyons pas pourquoi celle-ci s'imposerait dès lors qu'il ne s'agit pas techniquement, de l'action de in rem verso ».

Malgré que cette proposition s'avère la plus logique pour expliquer le recours du solvens, le caractère subsidiaire est infranchissable il serait préférable de tourner vers un autre fondement : celui de l'équité.

(143) M. Behar-Touchais, Le fondement des recours contributoires entre conducteurs ou propriétaires de véhicules coïmpliqués dans un accident de la circulation après la loi du 5 juillet 1985, JCP 1988.I.3339.

(144) Patrick Canin, loc. cit.

(145) N. Dejean de la bâtie, note sous Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP.II.19003.

(146) M. Behar-Touchais, loc. cit.

(147) P. DRAKIDIS, La " subsidiarité", caractère spécifique et international de l'action d'enrichissement sans cause, RTDC 1961, p. 577 : « si le demandeur dispose d'une autre voie de droit l'action d'enrichissement est inopérante, et s'il dispose la voie de droit commun de même il ne peut intenter l'action d'enrichissement sans cause ».

(148) N. Dejean De La Bâtie, note sous Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003 ; Cf. Patrick Canin, ouvrage précité, no 118, page 146.

d - L'équité

305 - L'existence des obstacles de droit et de fait excluant les propositions susvisées afin de fonder le recours du solvens, un auteur(149) propose de fonder le recours sur l'équité. Il considère que la jurisprudence en élaborant l'obligation in solidum, avait seulement pour but de favoriser la victime en imposant la réparation totale. Mais le responsable solvens a le droit de recourir contre les autres parce que c'est << c'est l'équité qui préside également à l'opération mathématique de répartition » et qu'elle présidé aussi << au règlement de tous les recours ».

306 - Un autre auteur(150) relève qu'il << il serait inéquitable que le hasard du choix fait par la victime, s'adressant à l'un des auteurs de son malheur plutôt qu'à un autre, pût faire porter tout le poids de la réparation sur le défendeur assigne seul par la victime par. Si d'ailleurs, celui-ci n'avait pas de recours contre les autres, ce pourrait être la source de combinaisons immorales entre la victime et les autres fautifs ».

306 - Le recours à l'équité détermine qu'une difficulté affronte les auteurs pour trouver un fondement à l'action récursoire(151). C'est un fondement vague qui n'explique pas rationnellement le recours du solvens(152).

En conséquence l'équité ne peut être retenue comme fondement du recours. Aujourd'hui l'orientation tend vers la garantie qui n'explique pas l'obligation in solidum mais encore le recours du solvens.

e - La garantie

307 - Une étude récente faite par Marc Mignon(153) nous présente une évolution de l'obligation au tout sous un autre angle de ce qui est connue. Brièvement, selon cette théorie le recours du solvens en matière délictuelle s'explique d'après la garantie mutuelle et la garantie simple.

308 - Chaque coauteur est tenu de deux obligations. Une obligation conjointe principale qui est la part qu'il l'a causé et une obligation conjointe de garantie qui garantit les obligations conjointes principales des autres coauteurs. Le responsable solvens en payant les parts des autres coauteurs un recours s'ouvre à son profit contre eux chacun pour sa part d'après la

(149) Chabas, thèse précitée, p 126, F. Chabas, Remarque sur l'obligation in solidum, RTDC 1967, p. 310.

(150) Chr. Larroumet, Rep. Dalloz de droit civil, V° Responsabilité du fait d'autrui.

(151) Patrick Canin, ouvrage précité n° 115, p.140.

(152) RAYNAUD P., La nature de I'obligation des coauteurs d'un dommage, obligation in solidum ou solidarité? Mélanges dédiés à J. Vincent, Dalloz 1981 ; E. Agostini, note sous Civ. 2e, 11 fév. 1981, D. 1982.J.255.

(153) M. Mignon, thèse précitée.

garantie mutuelle imposée par la jurisprudence entre tous les coauteurs du dommage. Mais parfois le fondement de ce recours est la garantie simple lorsque le solvens a un recours pour le tout contre l'autre coauteur, c'est le cas d'un gardien solvens qui a un recours pour le tout contre l'auteur fautif.

On arrive maintenant et après avoir identifié les traits du recours, à la répartition de la réparation entre le coauteur. Tous les coauteurs sont responsables, tous donc doivent payer leurs parts de la dette.

B - L'ÉTENDUE DU RECOURS

309 - Il s'agit de connaître le mécanisme de répartir la réparation entre les coauteurs. Le responsable solvens a payé la totalité de la dette, et a le droit de recourir contre les autres. Comment la cour de cassation va répartir la charge supportée par chacun des coauteurs du dommage ? Dans cette vision, il faut distinguer si les coauteurs sont fautifs ou s'ils ont tenus en leur qualité gardien d'une chose inanimée. Ou bien, quelqu'un est tenu sur le fondement de la responsabilité pour faute et d'autre en tant que gardien d'une chose inanimée.

310 - Mais avant de les formuler on expose le cas de l'un des coauteurs qui est insolvable ou inconnu. Selon l'article 1214 al. 2 du Code civil et l'article 41 du Code des obligations et contrats l'insolvabilité de l'un des codébiteurs solidaires doit être supportée par les autres codébiteurs. En premier lieu c'est le solvens qui la supporte et lorsqu'il recourt contre les autres codébiteurs l'insolvabilité ou l'inconnaissance de l'un d'eux sera répartie entre ceux qui sont solvables ou connus. Cette règle est appliquée aussi à l'obligation in solidum en matière de la responsabilité délictuelle(154).

1o - La responsabilité pour faute

311 - La répartition de la charge du dommage en matière de délits et quasi-délits proposée par la doctrine doit être faite d'après la gravité des fautes des coauteurs(155). Cette répartition n'affecte que les rapports des coauteurs entre eux et non pas leurs rapports avec la victime.

(154) Pour l'insolvabilité de l'un des coauteurs voir : Cass. civ. 3e, 18 mars 1987, Bull. civ. II, n° 58, p. 34 ; Civ. 3e, 22 juin 1994, Bull. civ. III, n° 127, p. 80, D. 1994.IR.226, Gaz. Pal. 1995.pan.16 ; Pour l'inconnaissance de l'un des coauteurs voir : Cass. Civ. 2e, 15 déc. 1966, Bull. civ. II, n° 968, Gaz. Pal. 1967.1.216, note Blaevoet ; - 29 avril 1970, JCP 1971.II.16586 ; Cass. Soc., 8 février 1972, D. 1972.656.

(155) N. Dejean De La Bâtie in Aubry et Rau, op. cit., t. VI-2, Responsabilité civile, n° 82, note 85 ; H. Lalou, Traité pratique de la responsabilité civile, 3e éd., 1943, n° 111 ; Planiol et Ripert par Esmein, Radouant et Gabolde, Traité de droit civil français, t. VII, Les obligations, LGDJ 1954, no 1090.

Cependant, des auteurs considèrent que la répartition doit être par parts viriles(156), si on admet que chaque cause est censée avoir causé la totalité du dommage(157).

312 - La jurisprudence et dès le XIe siècle retenait que dans le cas des coauteurs fautifs la répartition du montant entre eux se fait « suivant la gravité des torts imputable à chacun d'eux >>(158). Dans le XXe siècle des arrêts consacrent cette conception qui retenaient que la répartition se fait selon « la gravité de leurs (les coauteurs) fautes respectives >>(159).

313 - La gravité des fautes est souverainement appréciée par les juges du fond(160), qui ne sont pas mêmes obligés de motiver le partage effectué(161) et la cour de cassation n'a aucune censure concernant l'appréciation des juges du fond.

314 - Le juge, en appréciant les fautes, doit examiner attentivement les causes du dommage, et rechercher le comportement le plus grave et le plus important dans la production du dommage(162). Il a la liberté de répartir la responsabilité de chacun(163). Cette répartition du montant d'après la gravité de la faute s'applique même si le coauteur a payé une part de la dette et non pas la totalité(164). Le juge lorsqu'il y a concours entre la faute du coauteur et la faute de la victime, doit prendre en considération la faute de cette dernière(165).

315 - Cependant, cette appréciation n'est pas absolue. Elle connaît certaines limites. S'il y a dénaturation ou contradiction des faits, la cour de cassation casse l'arrêt. C'est la cour de cassation(166) qui a considéré que l'appréciation retenue par la cour d'appel est en contradiction avec la gravité relative des fautes. De même le juge ne peut décharger quelqu'un et charger quelqu'un d'autre de toute la réparation si tous les coauteurs sont fautifs(167), sauf dans le cas où il y a inégalité entre les fautes. Dans un arrêt le 11 février 1980 la cour de cassation censure la cour d'appel d'avoir mis la charge entière sur une seule faute, tandis qu'une autre contribuait à la production du dommage. Dans le même sens, il a

(156) Baudry-Lacantinerie et Barde, t. II, n° 1301, p. 386 ; Chabas, thèse précitée, n° 29, page35.

(157) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 137, p. 169.

(158) Req., 24 février 1886, S. 1886.1.460 ; Dans le même sens : civ. 11 juillet, 1892, D.P. 1894.513.

(159) Trib. Confli., 8 mai 1933s. 1933.3.117 ; Req., 5 juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Civ. 20 mai 1935, D.H. 1935.394, Gaz. Pal. 1935, 2,187 ; Dans le même sens: Req., 5 juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Cass. Civ., 20 mai 1935, D.H. 1935.394, Gaz. Pal. 1935.2.187 ; Cass. civ. 1re, 21 fév. 1956, D. 1956.J.285 ; Civ. 2e, 17 mars 1971, Bull. civ. II, n° 123 ; Paris, 24 oct. 1983, D. 1984.J.149, note Penneau.

(160) Cass. Civ. 2e, 14 fév. 1979, Bull. civ. II, n° 52 ; Req. 24 nov. 1924, D.H. 1924.715 ; Civ. 2e, 11 janvier 1979, Bull. civ. II, n° 19 ; Civ. 2e, 23 janvier 1975, Bull. civ. II, n° 26 ; civ. 3e, 19 déc. 1972, Bull. civ. III, n° 695 ; Civ. 2e, 16 mars 1994.

(161) Civ. 3e, 3 juillet 1968, JCP 1969.II.15860 et la note de Soinne ; Civ. 1re, 3 avril 1973, Gaz Pal. 1973.2.559.

(162) Cass. civ., 20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Civ. 21 fév. 1956, D. 1956.J.285, JCP 1956.II.9200, note H. Blin.

(163) 1/3 Civ. 2, 16 mars 1994; 2/3-1/3 Civ. 20 mai 1935, Gaz. Pal. 1935.1.187; 2/3-1/3, civ. 2e, 17 mars 1971, Bull. civ. II, n° 123 ; 1/2-1/2 Paris, 24 oct. 1983, D. 1984.J.149, note Penneau.

(164) Req., 23 avril 1872, D.P. 1872.1.411.

(165) Cass. civ. 1re, 25 nov. 1992, Gaz Pal. 1993.pan.61, JCP 1993.I.3664, obs. G. Viney, JCP 1993.IV.336.

(166) Civ. 3e, 26 oct. 1967, Bull. civ. II, n° 302.

(167) Civ. 1re, 19 juin 1973, Bull. civ. I, n° 208.

été retenue que si la faute du coauteur était génératrice du dommage, elle n'était pas seule il faut prendre aussi en considération la faute de l'autre personne.

316 - Certains auteurs reprochent la répartition d'après la gravité de la faute qui, à leur avis, a un aspect de sanction et de répression(168). Un autre système fut proposé celui du pouvoir causale de chaque faute. Il est nécessaire de déterminer les causes antécédentes du dommage qui ont un rôle causal dans le dommage, et la répartition se fait selon le degré causal de chaque cause(169). Cette proposition est plus rationnelle que le partage d'après la gravité de la faute(170). Une autre proposition, au fond est identique de celle de l'intervention causale, mais différente dans son aspect. Elle considère que le partage doit être établi selon l'étendue de la responsabilité de chaque coauteur(171). Il semble que la jurisprudence a parfois reparti selon l'importance de la participation, quand la cour de cassation relève que le coauteur solvens peut avoir recours contre l'autre coauteur « dans la mesure de responsabilité de celui-ci >>(172), dans d'autre d'après « l'importance de la participation ... >>(173) ce qui s'éloigne du critère générale d'appréciation d'après la gravité de la faute.

317 - La répartition d'après le pouvoir causal de chaque fait s'est avoir reproché de ce que la responsabilité civile n'a pas pour fondement la causalité. Dans ce sens, un auteur(174) écrit qu' « il n'existe aucun critère concevable pour apprécier l'influence causale des divers facteurs ayant contribué à provoquer le dommage ; ce partage de causalité est donc purement arbitraire, et, surtout, que la responsabilité civile n'a pas pour fondement la causalité du dommage >>. Pour un autre auteur(175) si les auteurs qui proposent la répartition d'après le rôle causale considèrent que chaque cause a causé une portion du dommage est une conception fausse et doit être rejetée parce que le dommage est unique, et seul l'hiérarchisation des causes est acceptable. La jurisprudence n'est stable sur quelle théorie l'hiérarchisation doit être faite la causalité adéquate (175 bis) ou l'équivalence des conditions(175 ter). Notons aussi que la fonction de la causalité n'est pas la détermination de la part de chaque cause(176).

(168) P. Raynaud, 1'obligation in solidum, p. 167, cité par Patrick Canin, n° 136, p.167 ; H. Roland et L. Boyer, Les obligations, 3e éd. 1988, n° 997 ; F. Chabas, thèse précitée, n° 89.

(169) H., L., J. Mazeaud et A. Tunc, Traité de la responsabilité civile, 5 éd., t. II, n° 1443.

(170) Ph. Conte, Encyclopédie Dalloz, Rep. Civil, V° responsabilité du fait personnel, n° 290.

(171) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 132, page 164 ; Ph. Conte, Rep. Dalloz, Vo, Responsabilité du fait personnel, n° 290.

(172) Civ. 2e, 1er oct. 1975, D. 1975.IR.256, Bull. civ. II, n° 235.

(173) Civ. 2e, 6 mars 1968, Bull. civ. II, n° 76.

(174) Boris Starck, article précité, JCP 1970.I.2339, n° 6.

(175) Chabas, thèse précitée, n° 29, page 35.

(175 bis) La cour de cassation s'inspire parfois de la causalité adéquate : Cass. Civ.2e, 24 févr. 2005, JCP 2005.I.149, obs. G. Viney. (175 ter) Cass. Civ. 2e, 27 mars 2003, Bull. civ. II, n° 76.

(176) Supra n° 242.

318 - Aujourd'hui la jurisprudence répartit la réparation d'après la gravité de la faute(177), et comme relève un auteur << si la conception subjective et moraliste de la responsabilité civile a largement disparu des règles gouvernant l'obligation à la dette, elle persiste dans une large mesure au stade de la contribution »(178).

Si la gravité de la faute contrôle le principe de répartir la dette entre coauteurs fautifs le problème diffère si on est en face des coauteurs gardiens qui sont tenus d'une responsabilité objective.

2o _ La responsabiité sans faute

319 - Le coauteur solvens tenu en tant que gardien a un recours contre l'autre coauteur gardien. Mais quelle est la base de répartir le montant entre eux ? La même règle de la responsabilité pour faute est aussi appliquée.

320 - Certains auteurs(179) estiment que le partage en cas de concours de plusieurs choses est par parts viriles. Mais un autre mécanisme de partage fut proposé celui de la mesure ou de l'étendue de chaque responsabilité(180), ou bien selon le rôle causale de chaque fait(181).

321 - Dans la jurisprudence le partage par parts viriles s'est consacrée par en 1948(182), le transporteur qui a payé la totalité du dommage subroge la victime et demande la répartition de la dette avec le gardien du véhicule. La cour de cassation le fait par parts viriles. Ce principe aurait été rappelé à plusieurs reprises par la cour(183).

322 - Certes ce principe connaît une dérogation surtout depuis 1969. Un arrêt de la cour de cassation le 2 juillet 1969(184) institua dans la jurisprudence un courant qui partage la responsabilité non pas par parts viriles mais par la mesure de la responsabilité. Dans cette optique la cour déclare que << ... dans le cas oft un dommage atteint un tiers et que chacun des gardiens est le coauteurs, quelle que soit la cause juridique de cette responsabilité, celui que a désintéressé la victime a, par le fait de la subrogation légale, un recours contre son

(177) Cass. civ. 2e, 20 oct. 2005, D. 2006.J.492 ; Civ. 2e, 6 mars 2003, D. 2003.IR.867, RTDC 2003.310, obs. P. Jourdain.

(178) P. Brun, responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2005, n° 716, cité par G. Chantepie, note D. 2006.J.492.

(179) V. Cl. Et Ch. Bryon, De la notion de responsabilité des coauteurs d'un dommage en cas de division de la dette par parts viriles entre eux, Gaz. Pal. 1980.doct.54 ; H. L. J. Mazeaud et A. Tunc, Traité de la responsabilité civile, 6 éd. , no 1661 ; Boris Starck, article précité, JCP 1970.I.2339, n° 20.

(180) Patrick Canin, op. cit., no 140, p. 173.

(181) Supra nos 316-317.

(182) Cass. Civ., 29 nov. 1948, D. 1949.J.117, note H. Lalou.

(183) Civ. 2e, 15 nov. 1956, Bull. civ. II, n° 603 ; Civ. 2e, 16 fév. 1962, Bull. civ. II, n° 208 ; Civ. 2e, 17 nov. 1976, D. 1977.IR.29, JCP 1977.II.18550, concl. Baudoin, Gaz. Pal. 1977.1.349, note Plancqueel ; Civ. 2e, 6 juillet 1978, Gaz. Pal. 1979.1.42 ; Civ. 2e, 11 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2.237, note F. Chabas ; Civ. 2e, 1er, juillet 1981, Gaz. Pal. 1982.1.106, obs. F. Chabas ; Civ. 2e, 22 fév. 1989, Bull. civ. II, n° 43.

(184) Civ. 2e, 2 juillet 1969, Bull. civ. II, n° 233, Gaz. Pal. 1969.2.311.

débiteur, dans la mesure de la responsabilité de celui-ci ». Cet arrêt n'était pas été isolé. Plusieurs arrêts postérieurs consacrent cette conception, le partage serait fait dans la mesure de la responsabilité(185). Dans tous ces arrêts la cour ne nous a pas montré selon quel fondement le partage est fait, elle a seulement mentionné que le partage est dans la mesure de la responsabilité de chaque coauteur.

333 - Le partage par parts viriles reste la règle de repartir la réparation mais selon un auteur il est acceptable si on est en présence de responsabilités présumés, mais en revanche si la défectuosité d'une chose est prouvée le partage par parts viriles serait inacceptable(186), par ce que le partage est inégale, surtout s'il a été prouvé que le rôle causale d'un fait est plus que celui de l'autre ou les autres. Et l'auteur ajoute que « le concours de deux responsabilités sans faute peut donner lieu à recours intégrale lorsque ces deux responsabilités ne se situent pas sur le même plan, l'un des responsables ayant mis en défaut par une défectuosité imputable à l'autre. »

334 - Le partage entre coauteurs fautif s'établit d'après la gravité respective des fautes et entres coauteurs gardiens par parts viriles. Mais si parmi les coauteurs quelqu'un est fautif et quelqu'un d'autre gardien d'une chose, selon quel fondement la répartition doit-elle être faite ?

3o _ Le concourt de la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute

335 - C'est lorsque l'un des coauteurs est responsable de plein droit a été condamné à réparer la totalité du dommage. Ce dernier peut recourir contre l'autre coauteur fautif, et selon quelle règle la répartition est elle faite ? La jurisprudence octroie au responsable gardien tenu sur le fondement de l'article 1384 al 1re C. civ. un recours pour le tout contre le responsable fautif(187).

336 - Un auteur relève(188) le gardien de la chose solvens a un recours pour le tout contre l'auteur fautif, mais si le fait de la chose est défectueux logiquement il a un recours partielle(189). Cependant, si la faute était la cause du fait défectueux le recours sera pour le tout(190). Dans cette dernière hypothèse, le recours n'est partiel que si la défectuosité est

(185) Cass. civ. 2e, 8 mai 1978, JCP 1981.II.19506, note Perallat ; Civ. 2e, 14 février 1979, Bull. civ. II, n° 52.

(186) N. Dejean De La Bâtie in Aubry et Rau, op. cit., n° 82, note 85.

(187) Civ. 1re, 16 mai 1960, D. 1960.J.737, note A. Tunc ; Civ.3e, 22 juin 1977, D. 1977.IR.472 ; Civ. 2e, 11 juillet 1977, Bull. civ. II, n° 185, D. 1978.J.581, note E. Agostini ; Civ. 3e, 8 mai 1979, Gaz. Pal. 1980.2.684, note A. Plancqueel ; Civ. 2e, 2 déc. 1982, Bull. civ. II, n° 160 ; Civ. 2e, 25 nov. 1987, D. 1987.IR.254, JCP 1988.IV.46, Bull. civ. II, n° 242.

(188) P. Raynaud, L'obligation in solidum, Cours de doctorat, p. 164, cité par Patrick Canin, op. cit., n° 146, p. 180.

(189) N. Dejean De La Bâtie in Aubry et Rau, op. cit., t. VI-2, Responsabilité civile, n° 82, note 85.

(190) R. Savatier, Traité de la responsabilité civile, op. cit., T. I, n° 403; Patrick Canin, op. cit., n° 148, p. 183.

propre et indépendante de la faute du tiers(191). D'autres proposent que le partage doive être établi selon le rôle causal de chaque fait(192).

337 - Précisons enfin que la jurisprudence a parfois considéré que le juge partage dans la mesure de la responsabilité de chacun(193), sans tenir compte la défectuosité ou l'anormalité du fait. Alors que la jurisprudence actuelle de la cour de cassation impose la défectuosité ou l'anormalité de la chose cause du dommage(194) même si dans un arrêt isolé exige le rôle actif de la chose. En somme, la cour de cassation parle d'une part de la défectuosité ou l'anormalité de la chose, et d'autre part accorde au responsable gardien un recours pour le tout. Il faut retenir un recours partiel et non pas un recours total.

(191) N. Dejean De La Bâtie, op. cit. ; Voir dans le même sens : Civ. 2e, 15 déc. 1986, D. 1987.J.221, note Chr. Larroumet ; Civ. 2e, 6 nov. 1985, Bull. civ. II, n° 168.

(192) Supra nos 316-317.

(193) Cass. civ. 2e, 8 mai 1978, JCP 1981.II.19506, note Perallat ; Civ. 2e, 14 fév. 1979, Bull. civ. II, n° 52.

(194) Civ. 2e, 24 fév. 2005, D. 2005.J.1395, note Damas Nicolas ; Civ. 2e, 25 nov. 2004, D. 2005.IR.114.

Conclusion

Comme on a déjà prouvé que l'article 137 du Code des obligations et des contrats libanais n'est en aucun cas convenu avec le cas de pluralité d'auteurs. L'obligation née par le fait défectueux de plusieurs individus est in solidum et n'est pas solidaire. Les deux alinéas de l'article 137 ne servent pas comme fondement d'une condamnation solidaire, ils sont insuffisants et ne traitent pas de toutes les hypothèses, d'où l'impraticabilité de cet article. Il faut donc une reformation opérée et changer la disposition de l'article 137.

L'explication logique de l'obligation des coauteurs d'un même dommage est d'après la garantie. Selon cette idée chaque coauteur est tenu de la part qu'il a causée par son propre fait et garant les parts causées par les autres coauteurs. C'est le fondement actuel de l'obligation in solidum.

Ce que nous avons essayé de démontrer c'était l'obligation générée par le fait de plusieurs personnes en matière délictuelle qui est in solidum. Cependant, l'obligation in solidum est admise dans diverses matières. Espérons qu'on puisse faire en future une étude de l'obligation in solidum dans tous les matières qu'elle est intervenue.

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- MAZEAUD Henri, Léon et Jean, CHABAS François, Leçons de droit civil, Tome II, vol. I, Obligations théorie générale, Montchrestien, 1998.

- MAZEAUD Henri, Léon et Jean, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, 4e éd. 1958.

- MAZEAUD Henri, Léon et Jean Par Tunc A., Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Tome II, Montchrestien, 6e éd. 1970.

- MALAURlE Philippe et AYNES Laurent, Les obligations, Cujas, 5e éd. 1994 et 11e éd. 2001.

- MALAURlE Philippe et AYNES Laurent, STOFFEL-MUNICK Philippe, Les obligations, Défrénois, 2002 et 2004.

- PLANIOL Marcel et RIPERT Georges, Traité pratique de droit civil français, Tome III, Les obligations, par ESMEIN P., LGDJ, 1952.

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- RAYNAUD P., La nature de l'obligation des coauteurs d'un dommage, obligation in

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- RIPERT Georges et BOULANG Jean, Traité de droit civil d'après le traité de PLANIOL

Marcel, Tome II, L.G.D.J. 1954.

- SAVATIER René, Traité de la responsabilité civile en droit civil, Tome II, 2e éd., LGDJ. 1945.

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Droit romain

- MACQUERON Jean, Histoire des obligations en droit romain, thèse, Paris, 1924.

- MONlER Raymond, Manuel élémentaire de droit romain, Tome II, Les obligations.

- GIFFARD A. E. par VILLERS ROBERT, Précis de droit romain, Tome 2, Les

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Chroniques

- BAUDIN H., La responsabilité en matière délictuelle corréalité ou solidarité, JCP éd.G.1943, I, 349

- BEHAR-TOUCHAIS M. : Le fondement des recours contributoires entre conducteurs ou propriétaires de véhicules coïmpliqués dans un accident de la circulation après la loi du 5 juillet 1985, JCP 1988.I.3339

- BÉRAUD R. : Les mythes de la responsabilité civile, JCP 1964.I.1387.

- BORÉ J. : Les arrêts de la chambre mixte du 20 décembre 1968, JCP 1969.I.2221 ; Le

recours entre coobligés in solidum, JCP 1967.I.2126 ; La causalité partielle en

noir et blanc ou les deux visages de L'obligation in solidum, JCP 1971.I.2369.

- BRUNET J.-P. : Observations critiques sur l'obligation « in solidum » en responsabilité

dé1ictuelle, Gaz. Pal. 1965.Doct.75.

- CAREL : De la responsabilité civile au cas de pluralité d'auteurs fautifs, G.P. 1959.I.Doct., page 51

- CHABAS F. : Remarques sur l'obligation « in solidum », RTDC 1967, p.310 ; Bilan de quelques années de jurisprudence en matière de rôle causale, D. 1970, Ch. XXV.

- Cl. V. Et Ch. Bryon : De la notion de responsabilité des coauteurs d'un dommage en cas de division de la dette par parts viriles entre eux, Gaz. Pal. 1980.doct.54.

- CONTE Ph. : Rep. Dalloz, Vo Responsabilité du fait personnel.

- CORNU G. : inopposabilité de la limite décennale au recours de garantie du propriétaire

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JCP Éd. G., 1989.I.3402.

- DERRIDA F. : Répertoire Dalloz, V°Solidarité.

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- DRAKIDIS P. : La " subsidiarité", caractère spécifique et international de l'action d'enrichissement sans cause, RTDC 1961, p. 577

- ESMEIN P. : Le nez de Cléopâtre ou les affres de la causalité, Ch. XXX, D. 1964, p. 206 ; - FOSSEREAU J. : L'incidence de la faute de la victime sur le droit de ses ayants cause agissant à titre personnel, RTDC 1963.9 ;

- GROUTEL H., La pluralité d'auteurs dans un accident de la circulation, D. 1987, chron.
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- HUET J. : l'obligation in solidum et le jeu de la solidarité dans la responsabilité des constructeurs ; J. Chanet, Responsabilité entre techniciens du bâtiment, Gaz. Pal. 1969.doct.99.

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- LANDEL J. : Desmares est mort, Gaz. Pal. 1987.2.591.

- LE TOURNEAU Ph. : Rep. Dalloz, V° Solidarité.

- MARTY G. : La relation de cause à effet comme condition de la responsabilité civile, RTDC 1939, p. 702.

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- MEURISSE R. : Le déclin de l'obligation in solidum, D. 1962, chron. 243.

- PEYTEL : La responsabilité partagée et la présomption de l'art. 1384, G.P., 1942.1.7. - PROTHAIS A. : D. 1987, Chr. LXII, p. 237.

- ROUAST : L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, RTDC 1922.35 ; - SAVATIER R. : D. 1964.Chr.155;

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- VINCENT J. : L'extension en jurisprudence de la notion de solidarité passive, RTDC 1939.601

Notes - observations - conclusions - rapports

- AGOSTINI E.: Notes sous Civ. 2e, 11 fév. 1981, D. 1982.J.255 ; Civ. 2e, 11 juillet 1977, D. 1978.J.581.

- AYDOLAT : Conclusions, Ch. Réuni 25 novembre 1964, D. 1964.733.

- AZARD P. : Note sous Civ. 2e, 16 nov. 1962, D. 1963.317.

- BANDRAC M. : Observations Com., 15 mars 1988, RTDC 1988, p. 791.

- BASTIAN M.: Notes sous Cass. Com., 10 mai 1948, D. 1948.407, JCP 1949.II.4937.

-BAUDOUIN :Conclusions,Civ. 2e, 17 nov. 1976, JCP éd. G 1977.II.18550.

- BEDOURA : Note sous Cass. Soc. 8 déc. 1983, JCP 1984.II.20220.

- BENABENT A. : Note sous Cass. Com. 27 oct. 1992, D. 1992.505.

- BESSON A. : Note sous Cass. Civ., 21 décembre 1943, JCP 1945.II.2779.

- BIGOT J. : Note sous Civ. 1er, 16 juin 1965, JCP 1966.II.14649, note;

- BlAEVOET : Note sous Cass. Civ. 2e, 15 déc. 1966, Gaz. Pal. 1967.1.216.

- BLIN H. : Note sous Civ., 21 fév. 1956, D. 1956.J.285, JCP 1956.II.9200.

- BOISTEL : Note sous Req., 12 fév. 1879, D.P. 1879.1.281.

- BORÉ J. : Notes sous Civ. 2e, 23 avri11971, JCP. Éd. G. 1972,17086 ; Civ., 20 novembre

1963, D. 1964.549 ; Civ., 12 mai 1971, JCP 1972.II.17086 ; Cass. Ass. Plén., 19

juin 1981, D. 1981.jur.529 ; Cass. Civ. 3e, 10 mars 1981, D. 1981.429. - CABANNES : Conclusions Cass. Ass. Plén., 19 juin 1981, D. 1982.jur.85

- CASEAU-ROCHE C. : Cote sous Cass. Civ. 1re, 4 déc. 2001, Gaz. Pal 2002.1.394.

- CHABAS F. : Notes sous Civ. 2e, 15 nov. 1972, D. 1973.533 ; Civ. 2e, 25 oct. 1978, JCP Ed. G., 1979.19193 ; Civ. 2e, 11 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2.237 ; Ass. Plén., 19 juin 1981, D. 1982.jur.85 ; Civ. 2e, 21 juillet 1982, JCP 1982.II.19861 ; Civ. 2e, 3 fév. 1983, JCP 1984.II.20183 ; Civ. 2e, 15 juin 1983, JCP 1984.II.20274 ; Civ. 2e, 6 avril 1987, JCP 1987.II.20828 ; Observations Cass. Civ. 2e, 25 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2. Pan.237 ; Civ. 2e, 1er, juillet 1981, Gaz. Pal. 1982.1.106 ; Civ. 2e, 18 janvier 1984: Gaz. Pal. 1984.1.125 ; Civ. 2e, 12 décembre 1984: Gaz. Pal. 1986.1.250 ; Civ. 2e, 16 oct. 1985, Gaz. Pal. 1986.1.Somm.185 ; Civ. 1er, 18 avril 1989, Gaz. Pal, 1990.Somm.10.

- CHANTEPIE G. : Note sous Cass. Civ. D. 2006.J.492.

- CHARBONNIER : Conclusions Civ. 2e, 21 juillet 1982, D. 1982.449.

- CHEVALLlER J. : Observations Civ. 1er, 29 nov. 1966, RTDC 1967, p. 152. - DAMAS N. : Note sous Cass. Civ. 2e, 24 fév. 2005, D. 2005.J.1395.

- De LAMBERTYE-AUTRAND M.-C : Note sous Cass. Civ. 1re, 4 déc. 2001, D. 2002.J.3044.

- DEJEAN DE LA BÂTIE N. : Notes sous Cass. Civ. 2e, 17 déc. 1963, JCP 1965.II.14075 ; Civ. 2e, 21 décembre 1965, JCP 1966.II.14736 ; Civ. 1er, 7 juin 1977, JCP 1978.V.19003.

- DELEBECQUE Ph. : Note sous Cass. civ. 1er, 28 octobre 2003, D. 2004.comm.233.

- DURRY G. : Observations Cass. civ. 2e, 2 juillet 1969, RTDC 1970.177 ; Civ. 2e, 13 mars

1975, RTDC 1975, p. 543 ; Civ. 3e, 11 juin 1976, RTDC 1977, p. 136 ; Civ. 1re, 7

juin 1977, RTDC 1978, p. 364 ; Civ. 2e, 25 oct. 1978, RTDC 1980 p. 112 ; Cass.

Com., 31 mars 1981, RTDC 1982.150 ; Cass. Ass. Plén., 19 juin 1981, RTDC 1981,

p. 857 ; Note sous Cass. Civ. 1re, 1er mars 1983, Gaz. Pal. 1984.1.119.

- ESMEIN P. : Notes sous Cass. Civ., 27 oct. 1948, JCP 1949.II.4793 ; Civ. 2e, 19 avril 1956, D. 1956.1.538, JCP 1956.2.9381 ; Cass. civ. 2e, 30 juin 1961, JCP

1961.II.12386 ; Cass. Civ. I, 16 janv. 1962, JCP 1962.II.12557 ; Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP 1962.II.12728 ; Ch. réunies, 25 novembre 1964, JCP 1964.II.13972.

- GROUTEL H. : Notes sous Cass. Soc. 26 fév. 1975, JCP 1975.II.18194 ; Cass. Civ. 2e, 14

janvier 1998, D. 1998.174.

- G.L.V. : Note sous Cass. Civ. 1er, 14 déc. 1964, J.C.P. 1965.II.14175.

- HOLLEAUX G. : Note sous Cass. civ. 4 déc. 1939, D.C. 1941.128.

- HOUIN : Note sous Cass. Crim., 14 déc. 1938, S. 1939.I.233.

- JOURDAIN P. : Note sous Cass. Ass. Plénière, 22 déc. 1988, RTDC 1989 ; Civ. 2e, 14 janvier 1998, JCP 1998.II.10045 Cass. Civ. 1er, 4 déc. 2001, RTDC 2002.308 ; Civ. 2e, 6 mars 2003, D. 2003.IR.867, RTDC 2003.310.

- LALOU H. : Note sous Cass. Civ., 29 novembre 1948, D. 1949.117.

- LAMBERT-FAIVRE Y. : Notes sous Cass. civ. 2e, 27 janv. 1965, D. 1965.619 ; Cass. Civ.

1er, 13 nov. 1967, D. 1968.97; Civ. 2e, 21 janv. 1970, D. 1970.525.

- LARROUMET Chr. : notes sous Cass. Civ. I, 7 juin 1977, D. 1978.289; Civ. 2e, 25 oct. 1978, 2e espèce, D. 1979, 114 ; Civ. 2e, 21 juillet 1982, D. 1982.449 ; Civ. 2e, 15 déc. 1986, D. 1987.J.221 ; Observations Cass. Civ. 3e, 24 janvier 1978, D. 1978.IR.321.

- LE CALONNEC J. : Note sous Cass. Soc. 8 déc. 1983, JCP 1984.II.20220.

- LE TOURNEAU Ph. : Note sous Cass. Civ., 3 juill. 1996, JCP 1997.II.22758.

- LEVILLAIN : Notes sous Cass. Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.513 ; Cass. Civ., 11 juillet

1892, D. 1894.1.561, note Levillain ; Cass. Civ., 3 juillet 1900, D. 1900.1.417. - LINDON : Note sous Cass. Ch. mixte, 26 mars 1971, J.C.P. 1971.II.16762.

- LOUSSOUARN : Observations Civ. 3e, 30 mai 1969, RTDC 1970, p. 168.

- LOYNES : D. 1890.1.337 ;

- M. A. : Note sous Civ. 2e, 18 janvier 1973, JCP 1973.II.17545.

- MAZEAUD H. et L. : Observations Req., 12 nov. 1940, RTDC 1940-1941, p. 433 ; Cass., 21 décembre 1943, RTDC 1944, p. 114 ; Civ., 23 mai 1944, RTDC 1945.272. - MAZEAUD H. : Note sous Cass. Civ., 9 sept. 1940.141, S. 1940.I.81

- MAZEAUD J. : Note sous Cass. civ. 3e, 5 déc. 1972, D. 1973.401

- MAZEAUD L. : Note sous Seine, 23 avril 1963, D. 1964.62.

- MESTRE J. : Observations Com., 8 janv. 1991, RTDC 1991.528 ; Civ. 1re, 7 décembre 1983, RTDC 1984. p. 717 ; Cass. Civ. 1re, 15 mai 1990, RTDC 1991, p. 556-558. - MEURISSE : Note sous Cass. Civ. II, 9 mars 1962, S. 1963.II.

- MOULY C. : Note sous Cass. Civ. 2e, 6 avril 1987, D. 1988.32.

-MOURGEON L. : Notes sous Cass. Soc. 8 juillet 1971, JCP 1973.II.17303, 2e espèce; Soc. 28 oct. 1971, JCP1973.II.17303, 3e espèce.

- PAIRE G. : Ass. Plénière, 22 déc. 1988, D. 1989.105.

- PENNEAU : Note sous Paris, 24 oct. 1983, D. 1984.J.149.

- PERALLAT L. : Note sous Cass. Civ. 2e, 8 mai 1978: JCP 81.II.19506.

- PEROCHON : Note sous Cass. Com., 15 mars 1988: D. 1988, J, 330.

- PETIT B. : Note sous Cass. Civ. 1re, 15 mai 1990, JCP 1991.II.21628.

- PICCA : Conclusions Cass. Soc. 8 déc. 1983, D. 1984.J.90.

- PLANCQUEEL A. : Notes sous Cass. Civ. I, 4 juin 1959, S. 1961.329 ; Civ. 1er, 29 nov. 1966, JCP 1968, II, 15355 ; Civ. 2e, 17 novembre 1976, Gaz. Pal. 1977.1.349 ; Civ. 1re, 7 juin 1977, Gaz. Pal. 1978.1.131 ; Cass. Civ. 3e, 24 janvier 1978, Gaz. Pal. 1978.2.474 ; Civ. 2e, 25 oct. 1978, G.P. 1979.1.198 ; Civ. 3e, 8 mai 1979, Gaz. Pal. 1980.2.684 ; Civ. 3, 11 juin 1980, Gaz. Pal. 1981.1.291; Civ. 3e, 1er mars 1983, Gaz. Pal. 1984.1.119.

- P.L.-P. : Note sous Cass. Civ., 21 décembre 1943, D.C. 1944.38.

- POISSON-DROCOURT : Note sous Cass. Civ. 2e, 15 déc. 1980, D. 1981.445. - PONSARD : Rapport Cass. Ass. Plén., 19 juin 1981, JCP 1982.II.19712.

- PRIEUR : Note sous Cass. Civ. 3e, 17 juillet 1968, JCP 1969.II.15932.

- RADOUANT J. : Notes sous Cass. Civ. 13 mars 1957, D. 1958.73; D. 1961, p 681.

- RAYNAUD P. : Note sous Paris, 19 janvier 1972, D. 1974.1.116 ; Observations Cass. Civ. 2e, 6 nov. 1969, RTDC 1970.413.

- RIPERT G. : Notes sous Cass., Com., 19 juin 1951, D. 1951.717 ; D.C. 1944.18.

- RODIÈRE R. : Note sous Cass. Civ. 1re, 16 janv. 1962, D. 1962.199 ; Observations Ch. réunies, 25 novembre 1964, RTDC 1965.136,

- ROUAST : Note D. 1936.1.25.

- SAINT-JOURS Y. : Notes sous Cass. Ass. Plénière, 22 déc. 1988, JCP 1989.II.21236 ; Ass. Plén. 31 oct. 1991, JCP 1992.II.21800.

- SAVATIER R. Notes sous Req., 23 mars 1927, D.P., 1928.1.73 ; Civ. 2e, 28 janvier 1955, D. 1955.449 ; Cass. Crim., 27 nov. 1956, D. 1957.373 ; Civ. 2e, 9 mars 1962, D. 1962.J.625 ; JCP 1956.II.9263

- SCHMELCK: Conclusions Ch. mixte, 20 déc. 1968, D. 1969.37.

- SOINNE : Note sous Cass. Civ. 3e, 3 juillet 1968, JCP 1969.II.15860.

- STARCK B. : Note sous Cass. Civ. 2e, 4 oct. 1972, JCP 1973.II.17450.

- TUNC A. : Notes sous Cass. Civ. 2e, 17 déc. 1963, D. 1964.569 ; Civ. 2e, 16 juin 1965, D. 1965.662 ; Civ. 1re, 16 mai 1960, D. 1960.J.737; Observations Cass. Civ. 2e, 9 mars 1962, RTDC 1962.625

- VINEY G. : Observations Cass. civ. 1re, 25 nov. 1992, JCP 1993.I.3664.

- VIRASSAMY G. : Note sous Cass. Civ. 1re, 15 mai 1990, D. 1991.J.538.

- WAHL : Note S. 1909.2.129.

- MONNET Y. : Conclusions Ass. Plénière, 22 déc. 1988, D. 1989.105.

TABLE DES MATIERES

Introduction

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

Section I : Aperçu historique

§ 1 : droit romain

§ 2 : Ancien droit français

Section II : Droit positif

§ 1 : Code civil

A - La solidarité en matière délictuelle

1o -- L'article 1202

2o - L'article 55 du code pénal 3o - La solidarité virtuelle

4o - L'article 1200 du code civil

5o - La tradition romaine
6o - L'autorité de Pothier

B - L'teuvre de la jurisprudence

1o - Première étape 2o - Deuxième étape 3o - Troisième étape 4o - quatrième étape

C - la solidarité imparfaite

§ 2: Code des obligations et contrats

A - la communauté d'action

B - l'indivisibilité du dommage

CHAPITRE I : LA NATURE JURIDIQUE Section I : L'évolution de l'obligation in solidum

§ 1 : La consécration jurisprudentielle

A - Avant 1939

B - Après 1939

§ 2 : l'obligation in solidum une institution autonome

A - La distinction entre l'obligation in solidum et la solidarité

B - Les conditions de l'obligation in solidum 1o -- La responsabilité pour faute

2o - La responsabilité sans faute

a) - Code civil

b) - code des obligations et contrats 3o - La responsabilité pour faute et celle sans faute

Section II : Critique de l'obligation in solidum

§ 1 : La responsabilité partielle

A - La hiérarchisation qualitative

B - La hiérarchisation quantitative 1° -- Exposé de la doctrine

2° -- Critique de la doctrine

C - La causalité partielle

dans la jurisprudence

1o - Dommage par ricochets 2o - Accidents de travail

3o - Transport bénévole

4o - L'exonération partielle du gardien

5o - Exonération partielle par le fait

oft la faute de la Victime

a - La responsabilité du fait des choses

b --La responsabilité du fait personnel

§ 2 : La théorie de Mignon

A - Critique de la solidarité

et de l'obligation in solidum

1o - Critique de la solidarité

2o - Critique de l'obligation in solidum

B - L'obligation au total Lato sensu

1o - L'obligation au total institutionnelle

a - L'obligation institutionnelle délictuelle

b - L'obligation institutionnelle contractuelle 2o - L'obligation au total individuelle

a - L'obligation individuelle délictuelle

b - L'obligation individuelle contractuelle

Chapitre II :

LA STRUCTURE DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM

Section I : Le rapport externe

§ 1 : La structure du rapport externe

A - L'unité d'objet

B - Pluralité d'objets

1° -- Exposée de la doctrine 2° -- Les critiques avancés

§ 2 : Le fondement du rapport externe

A - L'indivisibilité

B - La causalité totale

1o - Exposée de la doctrine

2o - Critiques de la causalité totale

C - La garantie

Section II : Le rapport interne

§ 1 : Les effets de l'obligation in solidum 1o -- Le paiement

2o - La compensation

3o - La transaction

4o - Effets secondaires de la solidarité

§ 2 : Actions récursoires

A - Le fondement du recours

1o - La subrogation

a - Les avantages de la subrogation

b - Les désavantages de la subrogation 20 _ L'action personnelle

a - La responsabilité civile

b - Gestion d'affaires

c - L'enrichissement sans cause

d - L'équité

e - La garantie

B - L'étendue du recours

1o -- La responsabilité pour faute

2o - La responsabilité sans faute

3o - Le concourt de la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute

Conclusion






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius