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Comportement sexuel non autonome et risque à  l'infection au VIH/sida


par Joseph Delouis Dutreuil
Université D'Etat D'Haà¯ti / Faculté des Sciences Humaines (FASCH) - Licence en Psychologie 2007
  

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Chapitre 2

LE PROCESSUS DE SOCIALISATION/ D'INDIVIDUATION

Au cours de la vie de tout être humain, il y a un double processus qui se réalise. Si l'homme est avant tout un être social, un animal grégaire suivant l'expression d'Aristote, chaque être humain est un individu à part entière. C'est ainsi qu'il subit les influences des différents éléments de son milieu de vie. D'où on parle de processus de socialisation. Celle-ci conditionne l'intégration harmonieuse du futur adulte à la société42(*). L'individu est toujours en interaction avec les différents milieux dans lequel il évolue. Foray est très catégorique en affirmant qu'il n'y a pas d'individu sans société43(*). D'ailleurs, on dit souvent que l'homme est le produit de son milieu. Celui-ci imprime en quelque sorte ses caractéristiques sur la personnalité de l'individu.

Pour Fischer l'individu et la société forment une seule entité. Il avance à ce propos : ``L'individu n'est pas une entité extérieure à la société ni la société une donnée extérieure à l'individu''44(*). D'ailleurs il n'existe pas de société sans l'individu dans la mesure où la société est la somme des individus qui la constituent. Les pressions que la société exerce sur ces membres sont en fait celles des individus. Deutsch pour sa part avance cette hypothèse : ``Chaque milieu culturel crée naturellement sa propre forme d'expression pour les processus psychiques constants de l'homme et affecte les diverses composantes de sa structure psychique d'une manière spécifique ''45(*). Pour ce qui concerne le poids des facteurs culturels dans le devenir de l'individu, Deutsch ajoute : ``Les facteurs culturels peuvent être néanmoins si puissants qu'ils modifient grandement le comportement humain et influencent même les manifestations instinctives, biologiquement conditionnées, les plus profondes''46(*). Tout au cours du développement de l'individu, il est appelé à se conformer à un ensemble de principes partagés par les personnes qui le côtoient. Par conséquent, l'individu se retrouve toujours dans une dynamique de manière à agir pour avoir l'approbation des autres. D'où les attentes des autres personnes peuvent influencer le développement du caractère de l'enfant47(*).

Toutefois on doit comprendre que l'individu n'est pas pour autant un élément passif qui ne fait que subir l'action, il a aussi une certaine manière de réagir en vue de s'y adapter. Ainsi son comportement dépend à la fois de la façon dont il intègre les valeurs par les différents agents ayant contribué à sa socialisation et des mécanismes qu'il utilise dans le but de garder son intégrité psychique. Par conséquent, de la socialisation on aboutit indubitablement à l'individuation, sinon, on pourrait parler de l'inadaptation.

2.1.-PRINCIPAUX AGENTS DE SOCIALISATION

2.1.1.-La famille

Elle représente le vecteur de socialisation de base. D'ailleurs les psychologues américains la qualifient de living system. Avant d'être en contact avec les autres membres de sa collectivité, tout individu évolue à travers un cadre familial, peu importe sa structure. Les premières normes sont véhiculées par la famille de manière explicite ou implicite. Dès sa naissance, l'individu commence par reproduire les modèles qu'il observe à travers sa famille. C'est dans cette perspective que Claire Denis48(*) et all. ont avancé ce qui suit : « En général, les bébés passent à travers une période relativement formelle de socialisation au cours de laquelle ils assimilent des habitudes.» Cloutier de son côté avance que la famille exerce des fonctions bio-psycho-sociales auprès de l'enfant49(*).

Dès son tendre âge, l'individu n'a pas encore la maturité nécessaire pour interagir avec les différents groupes sociaux. Sa famille constitue le vecteur des normes et des valeurs véhiculées par sa collectivité. Il faut comprendre que l'enfant a une vision très réductible du monde. Il le réduit à la dimension de sa famille. Cattell, pour sa part, a mis l'accent sur ces quatre grandes fonctions de la famille :

1- Fournir à l'enfant un milieu organisé où l'on jouisse de la sécurité économique et affective ;

2- Satisfaire par le moyen d'une institution stable aux besoins de camaraderie, aux besoins des adultes, sexuels et autres ;

3- Contribuer à transmettre le type de civilisation, en particulier ses valeurs morales et ses tabous essentiels ;

4- Procurer un apprentissage social et affectif dans un microcosme de la société50(*).

De toute évidence, la famille prédispose l'individu à avoir une certaine manière de se comporter et d'interagir avec les autres systèmes auxquels il aura à se composer. D'ailleurs au cours des trois premières années de la vie de l'individu toute la gamme de ses relations reste au niveau de la famille. La qualité des relations entretenues avec les membres de sa famille au cours de cette période aura un effet déterminant à travers tout le processus de sa socialisation.

La famille doit être vue sous un double aspect. D'une manière ou d'une autre elle transmet les normes sociales à l'individu au cours de son enfance. D'autre part, les expériences de vie vécues par les personnes significatives pour l'enfant comme le père et la mère ont une certaine répercussion sur son développement ultérieur. Ces expériences peuvent contribuer à établir un climat de confiance ou de méfiance chez celui-ci. Le type de relation existant entre les parents et les enfants est déterminant par rapport au devenir de l'enfant. En parlant du type de relation parent/enfant, il convient de mettre l'accent sur la typologie des parents élaborée par Baumrind. Il s'agit des parents permissifs, des parents autoritaires et des parents directifs51(*).

Le parent autoritaire est décrit comme le type de parents qui veulent à tout prix s'imposer sur leurs enfants en excluant toute possibilité d'échanges verbaux. Un enfant qui vit avec de tels parents a pour obligation d'obéir parfois de manière aveugle à des normes émanant des autorités. A l'autre extrême, on retrouve les parents permissifs qui n'exercent aucune autorité laissant l'enfant agir selon ses caprices. Avec de tels parents, l'enfant est libre de faire ce que bon lui semble.

Un individu qui évolue dans de telles familles aura probablement des difficultés à s'adapter à la vie sociale. Car l'abus d'autorité peut donner lieu à des comportements répréhensibles. L'adolescent peut être amené à adopter un comportement jugé déviant juste pour faire part de son refus d'obtempérer à des normes qu'on lui impose de manière autoritaire ; la sexualité peut être utilisée à de telle fin. Si les parents autoritaires empêchent le plein épanouissement de l'enfant, les parents permissifs pour leur part causent beaucoup de torts à leurs enfants dans la mesure où l'enfant n'a personne pour poser des limites à ses actions. De là se pose déjà le problème du conflit intrapsychique, terme qui sera abordé ultérieurement.

Les parents directifs ce sont donc des parents qui orientent les activités de l'enfant, mais de manière rationnelle. Cette catégorie de parents encourage des échanges verbaux. Ils impliquent les enfants dans les décisions qui seront prises à leur endroit. Ils ne font pas usage de la punition de manière démesurée. Ils prennent du temps pour expliquer à l'enfant le bien fondé d'une décision. L'enfant qui évolue dans de telle famille aura beaucoup plus de tendance à entretenir et conserver de meilleures relations avec leurs parents. Il les consultera probablement pour avoir leur avis sur des sujets variés y compris des sujets relatifs à la sexualité.

La structure de la famille a aussi une très grande importance dans le processus de socialisation de l'individu. Traditionnellement, on rencontre des familles nucléaires où évoluent les deux parents accompagnés des enfants ; les familles élargies où il y a la présence d'autres personnes provenant de la famille d'origine des parents par exemple les beaux-parents ; les familles monoparentales à travers lesquelles la prise en charge des enfants revient à l'un des parents, l'autre est totalement absent au foyer. Dans la réalité haïtienne les familles monoparentales sont dans la majorité des cas des familles où la responsabilité revient à la mère.

Normalement l'absence d'un membre de la famille a de sérieuses incidences sur l'avenir de l'individu. Le processus d'identification peut même être compromis. Pour mieux se développer, l'individu a besoin normalement de la présence des deux parents. De même la présence d'autres personnes à la maison réclame une autre adaptation. Dans le cas de la présence des grands-parents, on peut dire que l'on a affaire à trois mondes différents : les grands parents représentent le traditionalisme, les enfants la modernité et les parents le point de liaison entre ces deux tendances. Donc l'enfant a besoin de composer avec les exigences des différentes personnes qui se trouvent dans son environnement immédiat. D'ailleurs, même la naissance d'un petit frère ou d'une petite soeur modifie la constellation familiale.

Chaque famille dispose d'un ensemble d'héritages qui se transmettent de génération en génération. Tout comme dans le domaine de la biologie, on parle de transmission des traits héréditaires, il en est de même dans le domaine de la psychologie. Il y a certaines manières d'agir, on peut dire, qui font partie du patrimoine d'une lignée parentale. Les enfants manifestent quelquefois une tendance à marcher sur les pas de leurs ascendants. Ainsi, il parait inconcevable pour certaines personnes qui proviennent de telle lignée parentale d'avoir tel type de comportements donnés. Il y a donc un ensemble de valeurs considérées comme sacrées pour certaines familles ; le fait pour un descendant de les transgresser est traduit comme un signe de déviance.

Il ne faut pas oublier que les circonstances de la naissance jouent un facteur important dans le processus de socialisation. Un enfant non désiré vit dans un climat familial totalement différent de celui qui était très attendu. Si la présence de l'un est contestée dans la famille, l'autre est devenu son idole. Le facteur d'âge des parents lors de la naissance est aussi important que les autres éléments. Il constitue même un aspect qui fait qu'un enfant est attendu ou non.

Dans des conditions normales, les normes, les principes et le système des valeurs établis par la famille priment sur le mode de comportement que l'individu aura tendance à adopter au cours de sa vie. Il faut comprendre aussi que les valeurs familiales se transmettent de manière inconsciente d'une génération à une autre génération. C'est dans cette perspective qu'on parle souvent de legs familial. En quelque sorte de la même manière qu'on hérite des traits physiques et morphologiques des parents voire des grands parents, on hérite aussi des manières d'être et de se comporter de ceux-ci. D'où on ne peut pas sous-estimer l'impact de la famille dans l'adoption du comportement sexuel de l'individu.

2.1.2.-L'Ecole

Parallèlement à la famille, l'école contribue en partie au processus de socialisation de l'individu. A côté du rôle du vecteur de transmission des connaissances qu'on attribue traditionnellement à l'école, par les principes qu'elle véhicule, elle contribue à faire de l'individu un être social. Pour mieux cerner ce rôle,Cloutier, de son côté avance que c'est par le rapport entre les personnes bien plus qu'au contact des contenus scolaires que l'école joue son rôle d'agent de socialisation52(*).

A l'intérieur de l'école, les interactions sont à deux niveaux. D'abord, on retrouve une relation entre le professeur et l'élève. Cette relation rappelle un peu celle existant entre les parents et l'enfant au sein de la famille. Le professeur exerce une certaine autorité sur l'élève. En transmettant le savoir, le professeur a pour devoir de veiller au plein épanouissement des enfants qui lui sont confiés. Par l'application de la discipline, l'enseignant et les membres de la direction inculquent à l'enfant un ensemble de principes fondamentaux avec lesquels celui-ci va s'identifier. Goldhaber, pour sa part avance que ``l'école sert de véhicule aux valeurs collectives''53(*).

Tout comme les valeurs familiales ont de grandes répercussions sur le comportement de l'individu, les valeurs prônées par les différentes institutions scolaires qu'il a fréquentées exercent une influence incontournable. D'ailleurs, l'institution scolaire fonctionne en partie selon le même schéma fonctionnel de la famille. Si un enfant essaie de se conformer à un ensemble de principes véhiculés par sa famille dans le but d'une part d'éviter de la punition, d'autre part de se montrer digne d'être fils ou fille de telle famille, il en est de même dans le cas de l'école. L'enfant agit dans le but d'avoir l'approbation de son enseignant et de se montrer aussi digne d'être élève de telle école donnée. A force de se comporter ainsi, il devient donc une habitude pour l'enfant. Il pourrait continuer par agir ainsi même lorsqu'il ne fréquente plus une telle école et même en devenant adulte.

L'abus de l'autorité tant à l'école qu'à la famille pourrait avoir la même conséquence, soit de susciter l'enfant à la révolte. Ainsi, il peut choisir d'agir dans le sens inverse par rapport aux valeurs véhiculées par l'école. Le comportement sexuel est l'un des éléments du répertoire comportemental de l'individu pouvant traduire cette déviance.

A côté du rôle joué par l'instituteur et la direction de l'école, l'enfant établit des relations avec ses camarades. Ces premières relations lui sont très profitables dans la mesure où à travers celles-ci il va apprendre des principes de respect mutuel, de collaboration, de la manifestation d'autorité et de soumission. D'ailleurs, l'enfant se retrouve en face du schéma de trois types de relations ; il s'agit d'une relation de domination, de soumission et d'égalité. Les pairs accélèrent un processus de comparaison sociale ; donc en observant le comportement d'un camarade, l'enfant peut être amené à se blâmer. Une fois qu'il prend l'habitude de procéder ainsi tout au cours de son parcours académique, cela lui sera donné en héritage. Donc en dehors du cadre scolaire, l'individu continuera dans cette même lancée. On doit préciser que l'apprentissage ne reste pas seulement au niveau formel. L'enfant apprend beaucoup plus en jouant avec les autres et en partageant ensemble des expériences vécues comme acteurs ou comme observateur.

2.1.3.- L'Eglise

L'église ne doit pas être considérée seulement comme un lieu où l'on vénère une divinité, c'est aussi un lieu de socialisation qui a une très grande importance à l'instar de l'école et de la famille. D'ailleurs même la relation que l'on a avec la divinité rentre dans le domaine du social. Si on comprend bien, cette relation est une relation fondée sur le pouvoir ; car l'individu ayant une appartenance religieuse aura une manière de se conduire en vue d'éviter de déplaire à la divinité. Cette manière d'agir ne sera pas considérée strictement comme le comportement de l'homme religieux, mais il rentrera dans la gamme des comportements de l'homme pris de manière isolée. A côté de la question d'obéissance à une divinité qui peut expliquer un ensemble de manifestations comportementales, on doit tenir compte des normes véhiculées par le groupement religieux en tant qu'une institution.

Le comportement d'un individu peut être différent d'un autre en vertu de son appartenance religieuse. Car chaque groupement religieux véhicule un ensemble de valeurs et de normes qui le différencie d'un autre. On parviendra à comprendre bien pourquoi le comportement d'un adhérent au catholicisme est différent de celui d'un adhérent au protestantisme tout comme la raison de la différence entre le comportement d'un adhérent au christianisme dans son ensemble de celui d'un vodouisant.

A l'instar de la famille, le groupement religieux impose de manière implicite ou explicite des modes de conduite à l'individu. Les règles de conduites imposées par le groupement religieux ont quelquefois une plus grande force que celles véhiculées par la famille. Pour comprendre les actions d'un individu, il est important que l'on questionne ses pratiques religieuses. C'est dans cette même lancée que Weber notait ceci : ``Il s'agit de découvrir les motivations qui avaient leur source dans les croyances et les pratiques religieuses qui traçaient à l'individu sa conduite et l'y maintenaient''54(*). Au niveau du groupement religieux, l'individu fait face à une série de pressions qui le contraignent à avoir des modes de conduites qu'il n'aurait jamais dans des circonstances normales. La peur d'éviter d'être exclu du groupement ou d'être mis à l'écart ou encore d'être taxé comme déviant entraîne un comportement conformiste chez l'individu.

La même dynamique de comparaison sociale dont on a parlé pour l'école existe aussi au niveau de l'église. C'est donc une tendance naturelle pour l'individu de se comparer à des gens auxquels il partage la même idéologie. Ainsi, il pourrait devenir normal pour un individu de ne pas se comporter ainsi puisque les autres membres de son groupe d'appartenance n'ont pas un tel comportement. De plus l'individu peut agir quelquefois dans le but de combler les attentes des autres, ce que Jahoda confirme en procédant à une analyse anthropo-psychologique du comportement humain. C'est ainsi qu'il est d'avis que ``les attentes des autres personnes puissent influencer le caractère de l'individu''55(*).

Les interdits religieux jouent un rôle extrêmement important dans la formation du surmoi de l'homme religieux. Il devient de plus en plus difficile pour une personne de transgresser des principes établis par son groupement religieux sans se sentir coupable. Vergotte conçoit la religion comme le fondement des lois morales56(*). Il s'agit de découvrir les motivations qui avaient leur source dans les croyances et les pratiques religieuses qui traçaient à l'individu sa conduite et l'y maintenaient. Les principes véhiculés par un groupement religieux sont considérés comme ayant un caractère sacré. Il ne faut pas tenir compte uniquement d'une simple appartenance religieuse, il est aussi important que l'on sache dans quelle mesure l'individu s'identifie à ce groupement religieux. Ce dernier point est un facteur clé par rapport à l'impact que celui-ci risque d'avoir sur le comportement de l'individu.

Dans le cadre de notre sujet, il est important de noter que l'appartenance religieuse influe considérablement sur le comportement sexuel de l'individu. Par exemple, le christianisme interdit des relations sexuelles préconjugales et extraconjugales. Par conséquent, dans des confessions religieuses chrétiennes, la sexualité reste un sujet tabou pour les jeunes. Donc le jeune chrétien aura une manière de réagir qui traduira la soumission ou la révolte.

1.1.4.- Le rôle des groupes de pairs

Parallèlement au rôle joué par la famille, l'école et l'église, les groupes de pairs exercent une influence très significative sur le comportement de l'individu. Cloutier et Renaud pour leur part avancent que ``Les pairs occupent une place de plus en plus importante dans le développement de la personnalité au fur à mesure que celui-ci avance en âge''57(*). Ainsi on comprend bien pourquoi l'individu se laisse influencer davantage par des gens de la même tranche d'âge et qui évoluent dans les mêmes secteurs d'activité que lui. Il y a une tendance naturelle qui oblige l'individu à se comparer à d'autres personnes avec qui il partage des traits de similitude. Cette influence tient compte de plusieurs aspects comme le sexe, l'appartenance religieuse, la différence d'âge, le champ d'activité et la proximité géographique.

Le niveau de relation de l'individu avec les autres évolue en fonction de son âge. Par conséquent, le développement cognitif est un élément à ne pas négliger dans ces interactions. A l'âge scolaire, l'enfant accède à une pensée sociale plus différenciée. L'accession de l'enfant à la pensée opératoire lui permet d'avoir une pensée sociale mieux articulée et de mieux comprendre par là les règles de l'interaction avec les autres. Il parviendra à comprendre que chaque contexte social est régi par des règles différentes.

Selon la pensée de Cloutier, la pression sociale, la compétition, la coopération, la popularité et le rejet social, l'altruisme sont autant de réalités auxquelles l'enfant apprendra graduellement à s'adapter. Il est un fait courant dans notre société que très souvent certains jeunes adoptent un comportement sexuel donné juste pour se conformer à leur bande.

2.1.5.- Le poids des mass médias

Sans conteste, on admet que les mass medias exercent une influence énorme sur le comportement de l'individu. C'est un agent de socialisation qui peut même entraver le travail des autres agents de socialisation. Si les parents ont la responsabilité de choisir une institution scolaire pour leur enfant, si celui-ci hérite les pratiques religieuses familiales, il n'en est pas ainsi pour les médias. Même lorsque certains parents tentent de poser des restrictions quant à l'usage de tels organes, ils n'arrivent pas toujours à imposer totalement leur volonté en ce domaine. D'ailleurs toute tentative visant à restreindre la liberté de l'enfant dans le choix des émissions télévisées ou autres peut devenir source de questionnement pour celui-ci. Par curiosité, l'enfant pourrait chercher des occasions en trompant la vigilance de ses parents juste pour voir ce qui fait l'objet de l'interdit.

Les recherches en psychologie sociale se rapportant aux influences de la télévision sur le comportement de l'individu portent surtout sur la violence. A travers celles-ci on a réalisé qu'il y a une très forte corrélation entre le visionnement de films à contenu violent et la manifestation de l'agressivité chez l'enfant. Meyers s'est rendu compte que l'écoute prolongée des émissions violentes exerce deux effets sur la pensée. Premièrement, elle désensibilise à la cruauté. Deuxièmement elle déforme les perceptions de la réalité58(*).

Toutefois à côté des scènes de violence projetées par la télévision, celle-ci contribue aussi dans le choix des pratiques sexuelles de l'individu. Les projections pornographiques sont pour beaucoup à ce sujet. Par exemple, certains jeunes adolescents pratiquent la masturbation en regardant des revues pornographiques et apprennent différentes positions du coït à la vue des films pornographiques. Ces derniers projettent aussi le modèle de la place de l'homme et celle de la femme dans une relation sexuelle. Par conséquent, les émissions télévisées contribuent à alimenter les stéréotypes sexuels.

Les médias contribuent à la formation de la personnalité de l'individu à plusieurs niveaux. C'est une source inépuisable à travers laquelle l'individu peut tout apprendre. D'ailleurs des programmes variés et adaptés sont disponibles pour des individus d'âge différent de la petite enfance à la vieillesse. Des modèles divers y sont exposés à l'individu. Donc il a la possibilité de faire son propre choix comportemental par rapport à tous ces modèles. Les médias exercent une plus grande influence sur l'individu au cours de son enfance. A l'instar des psychologues comportementalistes, Dodson reconnaît bien ce fait : ``L'enfant apprend par imitation et identification''59(*). A force d'imiter un personnage de la télévision, l'individu peut être amené à s'identifier à celui-ci. Les publicités sont autant d'éléments de la programmation des télévisions, radios et journaux qui modifient de manière partielle ou durable le comportement d'un individu. En fait, les publicités donnent à l'individu l'impression qu'il lui manque quelque chose et qu'il doit se conformer ainsi. Donc il sera tenté de chercher à combler les vides suscités en lui par des spots publicitaires.

2.2.- LES MÉCANISMES D'INDIVIDUATION

Piéron définit l'individuation ainsi : ``Processus de formation de l'individu, de différenciation de sa personnalité''60(*). Même lorsque l'individu n'est pas une entité extérieure à la société, arrivé un moment donné, il doit être en mesure de se différencier par rapport à tous les modèles auxquels il est confronte. Ce qui donne à la vie en société sa raison d'être c'est le fait que tout le monde est à la fois unique et différent. D'une manière ou d'une autre nous avons des traits caractéristiques en commun, mais cela n'empêche pas que nous ayons des différences fondamentales. Ce sont ces différences qui permettent d'aboutir à l'individu qui est en quelque sorte un être unique ayant ses propres manières d'agir et de se comporter.

A travers le dictionnaire de la Psychologie, on retrouve cette définition pour l'individuation : ``Recherche de singularité psychologique et d'autonomie qui s'opère au cours de la socialisation par l'intermédiaire des rapports au groupe d'appartenance et autres groupes. C'est le résultat des processus qui conduisent l'individu à construire un sentiment d'identité en exprimant des différences et similitudes entre lui-même et autrui''61(*).

Donc l'individuation consiste pour l'être humain de pouvoir se différencier des autres. Tout en cherchant à intégrer les principes et les normes véhiculés par ses différents groupes d'appartenance, il est appelé à prendre ses distances par rapport aux divers modèles qui lui sont exposés. Il doit aboutir à un sentiment qu'il est un être à part entière. Jung, pour sa part, considère l'individuation comme le processus par lequel un être devient un in-dividu, c'est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité62(*). Dans la perspective de Jung, dans la mesure où ce processus n'a pas eu lieu, on ne peut pas parler d'individu. C'est un processus qui se fait en parallèle avec celui de socialisation et cela dure toute la vie. Mais ce processus revêt une plus grande importance au cours de la fin de l'adolescence. Pour Houde, devenir un individu exige de s'incarner, de passer à l'acte, de se réaliser, bref de s'actualiser63(*). Ce qui donne à l'individu sa raison d'être c'est surtout sa capacité de s'adapter aux diverses situations auxquelles il fait face. D'après Fischer, l'individu se définit d'un côté comme un ensemble de virtualité qui lui permettent de trouver en lui-même des réponses par rapport à son environnement, de l'autre côté, il s'ajuste aux diverses pressions qui pèsent sur lui en les incorporant à sa façon d'être et de se comporter64(*).

Le processus d'individuation se révèle beaucoup plus complexe autant que l'individu évolue dans des milieux qui véhiculent des normes tout à fait contradictoires. D'ailleurs, on doit se rappeler que le processus de socialisation est le produit de multiples tensions et interactions entre la conformité, la liberté, l'innovation, entre les impulsions et les idéaux, entre les exigences de la personnalité et celles de l'environnement social, entre l'obligation sociale et l'aspiration personnelle65(*). C'est donc la façon dont l'individu parviendra à composer avec les différentes exigences sociales ainsi que les pressions des parents et des groupes de pairs et de la place donnée à ses objectifs qui lui permettra de devenir un être autonome, bref un individu. La capacité d'adaptation est l'élément de base qui définit l'individu.

De trop énormes contradictions donnent lieu inévitablement à des difficultés d'adaptation dans la mesure où l'individu se trouve face au dilemme de la complexité de choix. Le problème réside dans le fait que la recherche de la sympathie d'un groupe peut donner lieu à la transgression des normes établies par un autre groupe. Tel est donc le dilemme posé par les nombreux agents de socialisations qui véhiculent parfois des normes contradictoires. Ce problème est résolu par rapport à l'importance que la personne accorde aux divers acteurs ayant contribué dans le processus de sa socialisation. C'est en ce sens que Tremblay avance : ``Plus un jeune est attaché à sa famille, à son école, à ses amis, plus il est porté à respecter les normes qui y sont véhiculées et mieux il accepte les contraintes qui lui sont imposées. Il est ainsi amené à intérioriser les normes, à s'automaîtriser en développant un sentiment d'appartenance''66(*). Maintenant il convient de questionner le degré d'appartenance de la personne à tous ces éléments. L'unité de l'individu se réalisera mieux dans la mesure où il se retrouve en présence des agents de socialisations qui transmettent des valeurs ayant une portée complémentaire. L'individu n'a pas fait un choix délibéré d'avoir un comportement donné, celui-ci résulte de la pression des différents agents de socialisation. Tremblay ajoute : ``A travers le développement personnel, plusieurs forces sociales influencent les choix individuels de comportement de même que l'image que chacun se fait de lui-même''67(*).

Il y a une certaine différence entre l'individuation de l'homme et celle de la femme. Cette différence est due en partie aux stéréotypes sexuels, soient les attentes de la société envers l'individu par rapport à son sexe. On reconnaît l'agressivité comme un trait caractéristique propre à l'homme, tandis que la femme se définit par rapport à sa souplesse. C'est dans cette perspective que Duret avance que l'identité virile est d'abord perceptible dans l'action68(*). Tandis que chez la femme, il y a une prédominance de l'affectivité sur la rationalité69(*). En ce sens, la femme se révèle beaucoup plus prompte à agir sur la base de la sensibilité avant même d'envisager les conséquences probables de son acte. Même à travers une relation sexuelle, l'initiative revenait aux hommes. Par exemple dans les sociétés où l'on prône la monogamie comme la nôtre, un homme peut toujours avoir plusieurs partenaires sans que cela pose de trop grands problèmes, mais la femme ne peut pas oser emprunter une telle voie sans attirer maints reproches. D'ailleurs, l'homme qui agit ainsi est qualifié de macho, tandis qu'une femme qui prend une telle direction est traitée en pute. Alors dans de telles conditions, la femme est réduite à l'illusion d'être l'objet du fantasme de l'homme70(*). Malheureusement les femmes se conformaient trop longtemps à de tels principes à connotation machiste. Ceci nous permet de comprendre que la sexualité est plus réprimée pour la femme que pour l'homme71(*).

La féminité et la masculinité se développent en rapport aux valeurs véhiculées par le milieu. Les Allgeier abondent dans le même sens en reconnaissant que le comportement et les caractères comme étant caractéristiques de la masculinité ou de la féminité sont déterminés par le milieu culturel72(*). Pour ce qui nous concerne, notre culture met la femme en présence d'une situation de dominée face à l'homme. Comme l'a si bien relatée Abel Jeannière: « Situation faite à la femme dans les rapports économiques et sociaux, situation qui interdit à la femme toute indépendance, tout mode de vie véritablement individualisée. »73(*)

* 42 Carignan, Pauline, PetitMonde.com, Août 2006.

* 43 Revue du Centre de Recherche en Éducation de l'Université Jean Monnet à Saint-Étienne, n°17, "Éducation et collectivité", sous la responsabilité de Philippe Foray, décembre 1999.

* 44 Fischer, Gustave-Nicolas, La Psychologie sociale, éditions du Seuil, Paris, 1997, page 59 (442 pages)

* 45 Deutsch, Hélène, La Psychologie de la femme, collection Bibliothèque de Psychanalyse, PUF, Paris, 1969, pages 302 et 303.

* 46 Idem.

* 47 Jahoda, Gustave, Psychologie et Anthropologie, Armand Colin, Paris, 1989, page

* 48 Denis, C. et coll.,Individu et société, McGraw-Hill, Montréal, 1991, page

* 49 Cloutier, Richard et Renaud André, Psychologie de l'enfant, Gaëtan Morin, Québec, 1990, page 611.

* 50 CATTELL, R. B., La personnalité, Tome 2 : Le moule culturel, les inadaptations, les étapes de la vie, 1e éd. PUF, Paris, 1956.

* 51 Baumrind, D. cité par Goldhaber, Dale in Psychologie du développement, éditions Etudes Vivantes, Québec, 1988, page173 et 174.

* 52 Cloutier, Richard et Renaud André, Psychologie de l'enfant, Gaëtan Morin, Québec, 1990, page 641.

* 53 Godhalber, Dale, Psychologie du développement, éditions Etudes Vivantes, Québec, 1988, page 238

* 54 Weber, Max, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, collection Recherches en Sciences Humaines, Librairie Plon, Paris, 1964, page 112.

* 55 Jaoda, Gustave, Psychologie et Anthropologie, Armand Colin, Paris, 1989, page (343 pages).

* 56Vergote, Antoine, Psychologie religieuse, Collection Psychologie et Sciences humaines, Charles Dessart, Bruxelles, 1966, page 126.

* 57 Cloutier, Richard et Renaud André, Psychologie de l'enfant, Gaëtan Morin, Québec, 1990, page 438.

* 58 Meyers, David G. Introduction à la Psychologie sociale, Chenelière/Mc Graw-Hill, Québec, 1997 page 263.

* 59 Dodson, Fritzhugh, Tout se joue avant six ans, Robert Laffont, Paris, 1972, page 215. (316 pages)

* 60 Piéron, Henri, Vocabulaire de la Psychologie, Quadrige/PUF, 2e édition, Paris, 1994, page 225.

* 61 Meser, Gabriel in Dictionnaire de Psychologie sous la direction de Doron, Roland et Parot, François, 2e édition, PUF, Paris, 1998, page 376.

* 62 Jung, Carl Gustave, La Guérison psychologique, préface et adaptation du Dr R. Cahen, Paris et Genève, 1953, page 255.

* 63 Houde, René, Les temps de la vie, préface de J. Linguirand, 2e édition, Gaëtan Morin, Québec, 1991, page 26.

* 64 Fischer, G.-N., La psychologie sociale, Seuil, Paris, 1997, page 59.

* 65 Tremblay, Monique, L'Adaptation humaine, Préface du Dr Michel LEMAY, Saint-Martin, 1992, page 188.

* 66 Idem, page 190.

* 67 Idem, page 189.

* 68 Duret, Pascal, les jeunes et l'identité masculine, collection Sociologie d'aujourd'hui, PUF, Paris, 1999, pages 17, 18.

* 69 Apollon, Willy, La différence sexuelle au risque de la parenté : Conférences et écrits, collection Le Savoir analytique, GIFRIC, Québec, octobre 1997.

* 70 Idem, page 29.

* 71 Lévy, Joseph J. et coll., Sexualité, contraception et Sida chez les jeunes adultes, variations éthno-culturelles, collection vision globale, Méridiens, Québec, 1992, page 10.

* 72 Allgeier, A. R./ Allgeier, A. R./, Sexualité humaine: dimensions et interactions, Centre éducatif et culturel inc, Montréal, 1989, page 151.

* 73 Jeannière, Abel, Anthropologie sexuelle, collection Recherches économiques et sociales, Aubier - Montaigne, Mayenne, page 80.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire