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Droit de la condition des étrangers les limites du droit applicable au regroupement familial

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par Dominique Arnaud Christ DINGHAT
Université Bourgogne - Master 2 2010
  

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§ 2 : Une inflexion de la jurisprudence : L'arrêt Sen

En revanche, afin de montrer l'inflexion de la jurisprudence de la Cour européenne, l'on se basera sur son arrêt Sen de 2001. Cet arrêt témoigne d'une inflexion remarquable par rapport à la position de la Cour sur le regroupement familial. Rendu à l'unanimité, il sanctionne le refus du regroupement familial d'un enfant de douze ans venant rejoindre ses parents. Il est intéressant de voir que cet affaire offre nombre de points communs avec la situation examinée dans l'arrêt Ahmut où aucune violation de l'article 8 n'avait été constatée au vu des faits de l'espèce. Dans l'affaire Sen

contre Pays-Bas du 21 décembre 2001, il s'agissait du cas d'un couple de ressortissants turcs, résidant aux Pays-Bas, dont la demande de regroupement pour leur fille avait été rejetée. M. Zeki Sen, ressortissant turc installé aux Pays-Bas s'était marié avec une compatriote en Turquie et avait eu un enfant avec cette dernière. La femme était venue seule rejoindre son mari dans le cadre du regroupement familial, confiant leur fille à sa soeur en Turquie. Comme dans l'affaire Ahmut, la résidence séparée des requérants est le résultat de la décision, prise délibérément par les parents lorsque l'épouse Sen a rejoint son mari aux Pays-bas. Ainsi, les requérants ne se trouvent donc pas empêchés de maintenir le degré de vie familiale qu'ils ont eux-même choisi en 1986. Cette enfant a par ailleurs également vécu toute sa vie dans son pays d'origine et a, en conséquence, des liens solides avec l'environnement linguistique et culturel de son pays où elle possède toujours de la famille. Mais, contrairement à ce qu'elle a considéré dans l'affaire Ahmut, la Cour estime qu'il existe toutefois dans le cas présent un obstacle majeur au retour de la famille Sen en Turquie. En effet, la Cour opte pour un raisonnement pratiquement contraire à celui de l'arrêt Ahmut et de l'arrêt Gûl précité. Elle constate d'une part que les deux parents, l'un titulaire d'un permis d'établissement et l'autre, d'un permis de séjour du fait de son mariage avec une personne autorisée à s'établir aux Pays-Bas « ont établi leur vie de couple aux Pays-Bas, où ils séjournent légalement depuis de nombreuses années »176. D'autre part, et la Cour insiste particulièrement sur ce point, ils ont eu sur le territoire néerlandais deux autres enfants « qui ont toujours vécu aux Pays-Bas, dans l'environnement culturel de ce pays et y sont scolarisés » et qui « n'ont de ce fait peu ou pas de liens autres que la nationalité avec leurs pays d'origine »177. Ces différents éléments et surtout le second, dressent un obstacle à « un transfert de la vie familiale en Turquie »178. En effet indirectement, c'est également l'intérêt supérieur des enfants nés aux Pays-Bas que la Cour prend en compte, puisqu'elle constate qu'il serait difficile d'envisager un retour les concernant179. Elle énonce donc, que dans ces conditions, la venue de l'enfant concernée « aux Pays-Bas constituait le moyen le plus adéquat pour développer une vie familiale avec celle-ci d'autant qu'il existait, vu son jeune âge, une exigence particulière de voir favoriser son intégration dans la cellule familiale de ses parents, aptes et disposés à s'occuper d'elle »180. La Cour rejette donc, alors que cela constituait son raisonnement dans sa jurisprudence antérieure, la position de l'État qui reprenait l'analyse des arrêts précédents au double motif que : l'enfant « n'appartient plus, de facto, au cercle familial de ses

176 V. raisonnement inverse de la Cour notamment dans l'arrêtl précité.

177 V. à ce sujet l'arrêt CourEDH, 26 septembre 1997, Mehemi c. France, Recueil 1997-VI, p. 1971, § 36.

178 V. le raisonnement inverse de la Cour notamment dans l'arrêt Gûl précité.

179 A ce propos l'on peut se demander si la situation aurait été la même si le couple n'avait pas eu d'autres enfants nés sur le territoire néerlandais.

180 V. CourEDH, Sen, précité, § 40

parents » mais à celui de sa tante, les parents ayant volontairement provoqué la séparation, et il n'est pas apparu que « les requérants aient contribué, financièrement ou d'une autre manière, à l'éducation de leur fille » . A cela s'ajoute le fait que différents membres de la famille vivant en Turquie peuvent la prendre en charge et que leur fille n'est donc pas dépendante des soins de ses parents181. La Cour prend le contre pied de son analyse des arrêts précédents. Elle déclare que même si les requérants ont pris l'option de vivre séparée de leur fille, cette circonstance est intervenue dans la prime enfance de cette dernière et « ne saurait toutefois être considérée comme une décision irrévocable de fixer, à tout jamais, son lieu de résidence dans ce pays et de ne garder avec elle que les liens épisodiques et distendus, renonçant définitivement à sa compagnie et abandonnant par là toute idée de réunification de leur famille ». La Cour ajoute qu' « il en va de même de la circonstance que les requérants n'ont pas pu établir avoir participé financièrement à la prise en charge de leur fille »182. En l'espèce, l'État néerlandais avait donc l'obligation positive d'accorder l'autorisation de séjour à la fille de M. et Mme Sen.

En somme, sans aller jusqu'à poser un droit au regroupement familial découlant de l'article 8, et en conséquence analyser le refus d'un titre de séjour comme une ingérence injustifiée, la Cour reconnaît néanmoins l'obligation positive pour les États membres de « ménager un juste équilibre entre les intérêts des requérants, d'une part, et son propre intérêt à contrôler l'immigration, d'autre part » sans placer les étrangers devant le choix de renoncer soit à leur résidence sur le territoire de l'État concerné, soit à leur vie familiale183.

181 CourEDH, ibid., §30.

182 CourEDH, ibid., §41.

183 CourEDH, ibid., §41 : « en ne laissant aux deux premiers requérants que le choix d'abandonner la situation qu'ils avaient acquise aux Pays-Bas ou de renoncer à la compagnie de leur fille aînée, l'État défendeur a omis de ménager un juste équilibre entre les intérêts des requérants, d'une part, et son propre intérêt à contrôler l'immigration, de l'autre »

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