WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Droit de la condition des étrangers les limites du droit applicable au regroupement familial

( Télécharger le fichier original )
par Dominique Arnaud Christ DINGHAT
Université Bourgogne - Master 2 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A- Le droit au regroupement familial du conjoint

L'admission en France au titre du regroupement familial concerne tout d'abord le conjoint. La qualité de conjoint est attachée à la célébration régulière d'un mariage en France ou à l'étranger. Si la qualité d'époux ne posait jusqu'alors pas de problèmes particuliers, l'avènement des mariages de même sexe constitue un nouvel objet de débats. Se pose alors la question de savoir si des étrangers régulièrement mariés selon leur loi personnelle peuvent se prévaloir de leur qualité d'époux dans le cadre de la procédure de regroupement familial. En France, cette possibilité est écartée puisque le regroupement familial est réservé au conjoint au sens du droit interne, c'est-à dire à l'homme et à la femme composant le couple conjugal55.

Le sort du conjoint de même sexe du citoyen européen n'est pas plus favorable. Au sens de l'article 2, paragraphe 2, point a) de la directive, le terme conjoint est réservé aux membres d'un couple marié composé de deux personnes de sexe différent. Au moment de la discussion de la proposition de la directive, le Parlement européen avait préconisé d'adopter une définition du terme conjoint en visant toute personne mariée, quel que soit son sexe56. Cet amendement a été rejeté par le Conseil qui n'a pas souhaité opter pour une définition qui englobe explicitement les personnes de même sexe mariées, dès lors que la majorité des États membres de l'Union ne prévoit pas de dispositions pour les mariages homosexuels57. Il n'est donc pas exclu, à l'avenir, une évolution dans l'appréciation du terme conjoint. Mais, pour l'heure, le terme conjoint vise seulement un rapport fondé sur un mariage entre deux personnes de sexe opposé. Seul le conjoint de sexe différent du citoyen européen a le droit d'entrer et de séjourner sur le territoire de l'État membre58, dès lors que les intéressés ne sont pas divorcés59 alors même qu'ils vivraient séparés60.

55 Sur cette définition du mariage, voir Cass. civ. 1ere, 13 mars 2007, bull. Civ. 2007, I, n°113 pourvoi n°05-16627 Cf. Art. 144 du Code civil tel que modifié par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, JORF, 5 avril 2006 : « l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix ans révolus ».

56 V. Art. 2, paragraphe 2, point a) de la Résolution législative du Parlement européen sur proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, JOCE C 43 E, 19 février 2004, p. 42.

57 Il a été soutenu que le « terme mariage, selon la définition communément admise par les Etats membres, désigne une union entre personnes de sexe différent [...] sauf évolution future » (COM (2003) 199 final, du 15 avril 2003 (proposition modifiée, p.11). Rappr. de : Position commune (CE) n° 6/2004 arrêtée par le Conseil le 5 décembre 2003, JOUE C 54 E, 2 mars 2004, p. 12 (Cf. l'exposé des motifs du conseil, p. 28).

58 V. Art. 2, paragraphe 2, point a) combiné avec l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE.

59 CJCE, 17 avril 1986, aff. 59/85, État néerlandais c. Ann Florence Reed, point 15, Rec. CJCE, p. 1283, concl. C. Otto Lenz.

60 CJCE, 13 février 1985, aff. 267/83, Aissatou Diatta c. Land Berlin, points 18 et 20, Rec CJCE, p.567, concl. M. Darmon.

Afin d'assurer une meilleure intégration et de prévenir des mariages forcés, la directive 2003/8661 permet aux États membres d'exiger que le regroupant ou son conjoint aient atteint un âge minimal qui ne peut être supérieur à vingt-et-un ans, avant que ne puisse être revendiqué le droit au regroupement familial62. Jusqu'à une époque récente, une telle restriction n'était pas introduite en droit interne. L'article 44 de la loi du 24 juillet 2006 modifie cette règle. Désormais, il est prévu que l'étranger régulièrement établi en France « peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans »63. Cette restriction du droit au regroupement familial, réservée au seul conjoint majeur, au sens du droit français, s'inscrit dans la suite du relèvement de 15 à 18 ans de l'âge nubile de l'épouse opérée par la loi du 4 avril 2006 visant à lutter et prévenir les mariages forcés64.

Le droit de vivre en famille n'implique pas le droit pour les étrangers bigames à vivre avec leurs différents conjoints. Le principe de la prohibition du regroupement familial des époux bigames a été consacré par la loi du 24 août 1993 et il n'a jamais été remis en cause65. Un étranger ne saurait se prévaloir de son statut personnel autorisant la bigamie pour faire venir sur le territoire français ses différents conjoints. Le regroupement familial d'un autre conjoint d'un étranger bigame vivant en France avec un premier époux doit être refusé par les autorités françaises66. Le cas des Algériens polygames fut un temps discuté dans la mesure où l'accord franco-algérien ne contenait aucune stipulation expresse en cette matière. Tel que modifié par l'avenant du 11 juillet 200167, l'article 4, alinéa 6 de l'accord franco-algérien, exclut expressément la venue des différentes épouses d'un Algérien : « lorsqu'un ressortissant algérien dont la situation matrimoniale n'est pas conforme à la législation réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé par les autorités françaises à un autre conjoint »68.

Lorsque l'étranger sollicitant le regroupement familial est ressortissant d'un État autorisant la

61 Directive du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial précité.

62 V. Art. 4 § 5 de la directive 2003/86 du 22 septembre 2003.

63 V. Art. L. 411-1 du CESEDA, tel que modifié par l'article 44 de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006.

64 Cf. Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, JORF, 5 avril 2006, p. 5097.

65 V. Art. L. 411-7 du CESEDA.

66 V. Art L. 411-7 al. 1er du CESEDA.

67 Décret n°2002-1500 du 20 décembre 2002 portant publication du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe, signé à Paris le 11 juillet 2001, JORF, 26 décembre 2002, p. 21614.

68 Cette solution coïncide avec l'évolution du droit de la famille algérien qui, quoique ne l'interdisant pas expressément a une approche de plus en plus restrictive de la polygamie, au moins depuis 1984.

bigamie, il doit produire une déclaration sur l'honneur certifiant que le regroupement familial ne crée pas une situation irrégulière de polygamie. Dans l'hypothèse où le demandeur aurait déjà sollicité l'admission d'un premier conjoint au titre du regroupement familial, il lui appartient de prouver que l'union avec le conjoint résident en France a été dissoute antérieurement à la sollicitation du regroupement familial au bénéfice d'un second conjoint, à la suite d'un décès ou d'une procédure de divorce69.

La situation des étrangers qui ont répudié une première épouse pose des problèmes spécifiques. Une répudiation homologuée par une autorité juridictionnelle étrangère produit les mêmes effets qu'un divorce dans le pays où l'homologation judiciaire intervient. L'étranger régulièrement établi en France peut donc arguer de cet acte pour justifier de la dissolution de l'union avec la femme qui vivait avec lui en France et se faire rejoindre par une autre épouse. En pratique, ces cas peuvent s'avérer délicats. Le tribunal administratif de Besançon a été saisi par un marocain qui contestait la décision du préfet du Jura lui refusant le droit au regroupement familial au bénéfice de la femme qu'il avait épousée en seconde noce70. Le préfet considérait que l'intéressé était bigame, estimant que l'acte de répudiation de sa première épouse n'avait pas dissous cette union dans la mesure où il avait été rendu hors de la présence de la femme. Partant du constat que l'intéressé se croyait valablement libéré de sa première union, et en l'absence de toute allégation de fraude, le commissaire du gouvernement invitait le tribunal à constater que le requérant n'était pas bigame. Le tribunal a suivi les conclusions. Après avoir constaté que la répudiation est un mode de dissolution du mariage admis par la loi nationale des deux époux, il a considéré que le requérant avait coupé le lien matrimonial avec sa première épouse et, partant, il ne se trouvait pas dans la situation d'un étranger polygame résidant sur le territoire français avec un premier conjoint. La demande de regroupement familial pouvait donc être accueillie.

En ce domaine, les instructions ministérielles apparaissent plus restrictives, mais en substance, la position adoptée est identique. Se référant aux arrêts de la Cour de cassation du 1er juin 199471 et du 11mars 199772, selon lesquels les répudiations ne produisent effet en France que si la partie défenderesse a été régulièrement citée, présente ou légalement représentée, le ministre de l'Emploi et de la solidarité et le ministre de l'Intérieur, cosignataires de la circulaire du 28 février 2000

69 v. Art. R. 421-5 4° du CESEDA.

70 TA de Besançon, 29 juin 1995, M. Mohamed Ibar c. Préfet du Jura, RFD adm. 1996, pp. 533-534, concl. F. Garde.

71 Cass. Civ. 1Ere, juin 1994, EL Madani, Bull. Civ. I, n°192, pp.141-142 .

72 Cass. Civ. 1Ere, 11 mars 1997, Dame Malki c. Sieur Bahri, D. 1997, jurispr., pp. 400-403, note M.-L. NiboyetHoegy.

relative au regroupement familial, invitent les préfets à vérifier que ces mentions figurent expressément dans l'acte de répudiation. A défaut, les préfets sont fondés à requérir la production de tout document attestant que, lors du prononcé de la décision, la partie défenderesse a été légalement citée ou représentée. Si ces éléments ne peuvent être vérifiés, le demandeur qui sollicite le regroupement familial pour un nouveau conjoint doit être considéré comme polygame. Dès lors, s'il ne peut attester la présence à l'étranger de son précédent conjoint, un refus peut être opposé à sa demande73. Le regroupement familial n'est pas exclu lorsque le demandeur démontre qu'il n'y a plus de communauté de vie avec la première épouse sur le territoire français. C'est donc la communauté de vie en France avec plusieurs épouses qui est prohibée.

A cet égard, la position adoptée par certaines décisions de juridictions du fond peut paraître restrictive. Ainsi, dans un jugement du 21 octobre 2003, le tribunal administratif d'Orléans a considéré qu'un préfet est fondé à rejeter la demande de regroupement familial présentée par un Marocain au profit de sa seconde épouse alors que la première, dont il prétendait être divorcé, résidait toujours en France. Selon la juridiction orléanaise, l'ordre public français en matière internationale s'opposant à la reconnaissance du jugement de divorce rendu au terme d'une procédure non contradictoire, le Préfet pouvait estimer que le lien matrimonial n'avait pas été rompu et, partant, refuser de faire droit à la demande de regroupement familial sollicitée au bénéfice de la seconde épouse74. Dans une décision du 9 février 2006, le tribunal administratif de Dijon a également statué en ce sens. Il a considéré que c'est à bon droit que le préfet avait refusé le bénéfice du regroupement familial à la seconde épouse d'un Marocain qui se trouvait en situation de polygamie dans la mesure où le jugement du tribunal marocain homologuant la répudiation dont avait fait l'objet la première épouse n'était pas opposable en France car elle n'avait pas été appelée en la cause75. Dans un arrêt du 10 avril 1998, la Cour administrative d'appel de Lyon a également adopté cette position76.

Certes, les conditions de la dissolution de lien conjugal sont sujettes à caution, mais, eu égard à la question de l'admission d'un autre conjoint aux fins du regroupement familial, il importe de vérifier, in concreto, l'absence de situation de polygamie, sans se prononcer sur la validité du mode de dissolution du mariage. A défaut, à la lumière de la jurisprudence récente aux effets de

73 V. Circulaire du 28 février 2000 relative au regroupement familial, pp. 15-16, point III-B-1, abrogée et remplacée

74 TA Orléans, 21 octobre 2003, req. n°01-4511, Boudabbouz, Rec. Lebon, T., p. 808.

75 TA Dijon, 9 février 2006, req. n°0500624 et 0500918, M. et Mme Naciri.

76 CAA Lyon, 10 avril 2008, req. n° 06LY02165, M. Mokadim, AJDA 2008, p. 1557.

répudiations sur le territoire français77, selon laquelle les procédures de répudiation sont intrinsèquement contraires à l'ordre public français en matière internationale78, tout étranger qui répudierait l'une de ses épouses et qui solliciterait le regroupement familial au bénéfice d'une autre risque de se voir opposer ce motif. Il importe de privilégier une méthode pragmatique, sans que soit porté un jugement sur la validité de la répudiation en tant que mode de dissolution du lien conjugal. Dès lors, au regard du droit au regroupement familial, seules les situations de bigamie avérée devraient justifier le rejet d'une demande. Dans la circulaire du 17 janvier 2006, le ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement et le ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire ont d'ailleurs adopté cette position. Lorsqu'une union précédente a été dissoute par une décision qui n'est pas opposable en France, telle la répudiation unilatérale du mari, le demandeur peut faire venir un second conjoint sous réserve qu'il apporte la preuve que le précédent conjoint ne se trouve pas sur le territoire français79.

Ajoutons qu'il fut un temps où le juge estimait que « le jugement de répudiation » violait le droit au procès équitable, du fait du caractère unilatéral de la décision de répudiation, de l'absence de citation à comparaitre de l'épouse. Période servant de base à la circulaire du 28 février 2000. Mais depuis 2004, le juge80 estime que ce jugement de répudiation viole le principe d'égalité des époux servant cette fois de base à la circulaire de 2006 susmentionnée, permettant aussi un revirement de la Cour de cassation.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"