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Le processus électoral au Cameroun

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par Mbassi BEDJOKO
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master droit de l'Homme et Action Humanitaire 2004
  

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DEUXIEME PARTIE

LES LIMITES DU PROCESSUS ELECTORAL CAMEROUNAIS

Lorsqu'on parle du processus électoral, on voit immédiatement apparaître deux droits fondamentaux essentiels : le droit de voter et celui de se porter candidat. Ces droits revêtant une importance particulière et font partie des droits dits de la première génération : « droits civils et politiques qui sont apparus à partir du siècle des lumières, comme des droits naturels appartenant à l'homme en tant qu'homme, inaliénables et imprescriptibles ».65(*)

Au regard de l'évolution constitutionnelle, normative et institutionnelle du pays, leur reconnaissance ne fait plus de doute, elle est même consacrée. Mais des réserves ne manquent pas en ce qui concerne leur effectivité, c'est-à-dire leur mise en pratique, tant les obstacles dans ce domaine sont encore nombreux.

Il convient dès lors de distinguer dans cette étude deux grandes catégories d'obstacles selon qu'il sont inhérents à l'Administration ou qui sont imputables aux autres acteurs du processus électoral.

CHAPITRE 3

LES OBSTACLES EMANANT DE L'ADMINISTRATION

Les entraves à l'exercice du droit de vote imputables à l'Administration seront étudiées sur une double approche. Il sera question, premièrement, de déterminer leur nature puis, deuxièmement, d'opérer une profonde analyse sur les problèmes liés aux inscriptions sur les listes et ceux liés la distribution des cartes électorales.

Section 1. LES OBSTACLES A L'EXERCICE DU DROIT DE VOTE INHERENTE A L'ADMINISTRATION

On peut regrouper les obstacles dont il est question, d'une part, dans l'ordre institutionnel et, d'autre part, dans l'ordre conjoncturel.

Paragraphe 1. Les limites institutionnelles

La législation camerounaise a prévu plusieurs organes chargés, soit d'administrer les élections, soit d'en assurer la direction. Cette double tâche est répartie entre l'Administration territoriale et les organismes de contrôle de régularité des élections, notamment les Commissions mixtes électorales et l'Onel.

A - Le rôle prépondérant de l'Administration territoriale.

L'Administration territoriale regroupe l'ensemble des services centraux et extérieurs. Chacun d'eux exécute des missions bien déterminées dans le processus d'une élection qu'il convient d'examiner.

Au niveau des services centraux on peut, sans risque de se tromper, affirmer que l'impulsion électorale est ordonnée par le ministre chargé de l'Administration territoriale. A cet égard, la responsabilité de son personnel à ce niveau de la hiérarchie apparaît très grande car toute mauvaise organisation influe automatiquement sur la bonne tenue du scrutin et dans une large mesure sur l'exercice du droit de vote par les citoyens.

Au Cameroun, l'expérience montre que la responsabilité de l'Administration territoriale dans la limitation de ce droit est indéniable. Il suffit pour s'en convaincre, de noter les retards66(*) dans l'acheminement du matériel électoral auprès des autorités administratives, en particulier les imprimés des listes électorales et des cartes de vote. C'est, en effet, lorsque les élections sont annoncées que des mesures de mise à disposition de ce matériel aux autorités concernées sont souvent prises. Il s'en suit au moment de l'inscription sur les listes de nombreuses erreurs, voire des omissions dues à la pression ainsi qu'au volume élevé du travail. L'Administration territoriale contribue-t-elle ainsi de façon évidente à limiter l'exercice du droit de vote à de nombreux citoyens qui ne peuvent ni s'inscrire sur les listes ni obtenir sereinement leur carte de vote ?

Même comme ce ministère peut justifier son inertie en faisant valoir l'argument selon lequel il n'est pas l'ordonnateur principal du budget électoral, il reste que des élections peuvent intervenir, à tout moment en cas de crise grave67(*) . Il est par conséquent indiqué que chaque année un budget en cette matière soit voté pour lui permettre non seulement d'être prêt à agir, mais aussi d'avoir des moyens nécessaires, de façon permanente, pour faire fonctionner les Commissions mixtes dans leurs tâches d'inscription des électeurs et de distributions des cartes électorales. C'est le moyen le plus sûr qui peut permettre à cet organe d'administrer sereinement le processus électoral et d'éviter que les services extérieurs ne soient directement affectés par l'inorganisation due aux retards dans la mise à disposition du matériel électoral.

Dans les services extérieurs, la préparation du scrutin est en grande partie l'oeuvre des sous-préfets et des chefs de district. Cette lourde responsabilité requiert en conséquence de leur part, une plus grande neutralité vis-à-vis des autres acteurs du jeu politique, notamment des partis politiques. Le problème relatif à leur neutralité et à leur impartialité divise cependant l'opinion publique. Sur ces deux points précisément, des doutes subsistent et placent ces autorités au banc de la communauté nationale. En ce sens, le vice président de l'Undp, Célestin Bedzigui, au lendemain des élections du 30 juin 2002, affirme que : « si on laisse aux sous-préfets la possibilité de continuer à perpétrer les actes de banditisme administratif comme ils le font à l'heure actuelle, on va arriver, tôt ou tard, à la guerre civile »68(*).

A partir de cette menace qui, à l'analyse, enlève aux autorités administratives tout crédit, on est en droit de se demander si les récriminations portées à leur endroit sont des actes volontaires ou si elles sont dictées par d'autres considérations ?

Jacques philibert Nguemegné apporte une réponse à cette question : « le processus électoral est organisé et dirigé en grande partie par les autorités administratives déconcentrées. Déjà, de par le principe hiérarchique, celles-ci doivent obéissance et soumission à leurs supérieurs et à l'autorité hiérarchique suprême qu'est le président de la République. Ce dernier les nomme et les révoque. Il jouit par conséquent d'une très grande influence sur elles »69(*). Et d'ajouter : « depuis 1990, on a vu certaines autorités administratives gérer le processus électoral avec un parti pris flagrant »70(*).

C'est le professeur Eboussi Boulaga qui donne une réponse plus nette sur la question relative au parti pris des autorités administratives : « le Chef de l'Etat, chef du parti majoritaire semble avoir prise sur la machinerie électorale grâce à l'Administration territoriale, avec ses gouverneurs, ses préfets, et ses sous-préfets... » 71(*)  Et d'ajouter : « on comprend pourquoi le pouvoir majoritaire peut procéder, à la veille des élections ou quelque temps avant, à des nominations dans le commandement, des autorités administratives. Celles-ci n'étant que des nominations à des fins électoralistes des « hommes de mains » dans les circonscriptions où la majorité gouvernementale se sent menacer. Ces « chargés de mission » électorale  ont pour but de « faire le résultat » même en faussant les calculs de voix »72(*).

Quoi qu'il en soit, les autorités administratives seront utiles à la société toute entière et garantiront le droit électoral des citoyens en étant plus libre vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques. Dans ces conditions, elles doivent concilier les impératifs d'intérêt général et le respect des autorités détentrices du pouvoir de nomination ; en alliant sagesse et délicatesse pour agir avec fermeté, loyauté, neutralité et impartialité, seules conditions pour ne pas tordre le coup à l'exercice du droit de vote et entraver le fonctionnement régulier des Commissions mixtes au sein desquelles elles siègent.

* 65 B. Boumakani, « Démocratie, Droit de l'homme et Etat de Droit » in Annales FSJP, Université de Dschang, Tome1, Volume 2, 1997, P.11

* 66 Sur cette question de retard, on se souvient que les élections prévues le 23 juin 2002 furent reportées sur décision du Chef de l'Etat camerounais Paul Biya le 30 juin 2002 suivies du limogeage du ministre de l'Administration territoriale Ferdinand Koungou Edima reconnu incompétent.

* 67 Cf. article 6 alinéa 4 qui stipule que : « en cas de vacance de présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement définitif constaté par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu vingt jours au moins et quarante au plus après l'ouverture de la vacance ». Pour les élections législative, cette question est réglée par l'article 15 al. 4 selon lequel : « en cas de crise grave, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil constitutionnel et des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, demander à l `Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat. Dans ce cas l'élection d'une nouvelle Assemblée a lieu quarante jours au moins et soixante jours au plus après l'expiration du délai de prorogation ou d'abrègement du mandat ». En ce qui concerne les élections municipales, l'article 5 qui organise cette élection prévoit que : « les élections partielles ont lieu lorsqu'un Conseil municipal a perdu les deux-cinquième de ses membres. Dans ce cas, les promoteurs de la liste ou des listes élus aux élections communales générales sont seuls habilité à présenter une liste complémentaire aux élections partielles ».

* 68 A. B. Batongué, «Célestin Bedzigui: arrêtons de jouer avec le feu », in Mutations, n°693 du vendredi 5 juillet 2002, p. 4.

* 69 J. P. Nguemegné, « la réflexion sur l'usage et le respect des droits de l'homme au Cameroun : le droit de vote depuis 1990 », in Annales de la FSJP, Université de Dschang, PUA, tome 4, 2000, p. 52.

* 70 Idem, p. 53

* 71 F. Eboussi Boulaga cité par J. P. Nguemegné, ibid.

* 72 J. P. Nguemegné, Ibid.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard