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Essai d'analyse du fonctionnement du secteur informel dans la diminution du chômage au Burundi : cas des activités informelles à  Bujumbura mairie

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par Faustin MULINDAHABI
Université Martin Luther King - Licence en gestion et administration des affaires 2010
  

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CHAPITRE I. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE

Introduction

Cette analyse va se faire en décrivant les définitions des concepts du S.I. (section 1) et le cadre théorique (section 2).

Dans la première section, nous tenterons de clarifier au mieux les concepts-clés de la recherche afin que l'on sache ce dont il est question. Il s'agit de concepts de : secteur informel et ses synonymes, chômage, marché du travail, mains d'oeuvre, pluriactivité, absorption de mains d'oeuvre, pérennité et développement. Tandis que dans la deuxième section, nous allons parler le cadre théorique dans laquelle la manifestation de la crise de modernisation dans les pays en développement, les dynamiques de changement social par rapport à la crise de modernisation, les rapports des individus créent et inventent une régulation en fonction du rôle et de la place qu'occupent ces individus dans la société et dans le jeu social. Karl POLANYI est notre référence dans l'élaboration de notre cadre théorique à travers son ouvrage, "La grande transformation" qui traite des origines politiques et économiques de l'effondrement de la civilisation du 19e siècle, ainsi que le changement qu'il a provoquée.

I.1. Définition des concepts

I.1.1. Secteur Informel

Une très abondante littérature existe, de nos jours, au sujet du secteur informel. Soit dit en passant, la majorité des grandes théories touchant l'informel ont été élaborées en Amérique latine tandis que la plupart des études de terrain ont eu lieu en Afrique. Du radical « forme » et du préfixe « in », le secteur informel peut être traduit mot à mot comme le secteur « dénué de forme». Cette absence de forme pourrait être imputable à une difficulté d'appréhension de ce monde marqué par une grande hétérogénéité tant des acteurs, des activités que des relations avec les différentes institutions.

Les définitions proposées évoluent dans le temps mais aussi varient de théorie en théorie ou d'auteur en auteur. En 1972, le Rapport du Kenya (BIT, 1972) proposait sept critères que sont : « facilité d'accès à l'activité ; utilisation de ressources locales ; propriété familiale de l'entreprise ; échelle d'activité réduite ; usage de techniques qui privilégient le recours à la main-d'oeuvre ; qualifications acquises hors du système officiel de formation ; marchés concurrentiels et sans réglementation (Bruno LAUTIER, 1994, p.13)».

Le secteur informel est une représentation d'activités économiques difficile à définir. Il se définit davantage par ses manifestations et ses causes que par un concept précis donc dans ce contexte.

Ainsi, le secteur informel au Burundi selon l'ISTEEBU (ISTEEBU, op. Cit, p.36), se définit par opposition au secteur formel. Il rassemble toutes les activités économiques de production et/ou de vente qui ne sont pas officielles. Certaines peuvent nécessiter un local (garage, restaurant, salon de coiffure, etc.) mais d'autres peuvent se dérouler sur la voie publique (vente des cartes téléphoniques, des beignets, etc.)

Pour définir si une activité économique est informelle, différents critères peuvent être utilisés : - y a- t-il un enregistrement dans les registres administratives ? - une comptabilité est-elle tenue ? - des impôts sont-ils payés ? - les salariés sont- ils déclarés ?

L'enquête réalisée au Burundi sur le secteur informel « appelée enquête 123 » (ISTEEBU, op. Cit, p.4) retient uniquement les deux premiers critères pour définir ce secteur.

Du point de vue de la branche de l'activité, on distingue entre les activités de production et les activités de service. A ce niveau, plusieurs classifications des activités informelles ont été fournies par différents auteurs.

Ainsi, par exemple, Anne de Lattre distingue trois catégories principales: les artisans ruraux, les artisans urbains, et les prestataires de services de toute nature (Anne de LATTRE, 1990, p.31-35). Marc Penouil parle quant à lui d' « informel de subsistance » correspondant à l'ensemble des petits métiers n'impliquant pas ou peu de capital, d' « artisanat traditionnel rural » où les volumes de production sont faibles et la technologie peu capitalistique et enfin d' « informel concurrentiel » offrant des biens ou des services se voulant concurrents de ceux produits par le secteur moderne (Marc PENOUIL,1990, pp.1-6 et 24).

Il nous parait important de souligner qu'aucune définition n'a rencontré l'unanimité des auteurs sur l'informalité de ces activités économiques hétérogènes. De même, eu égard à la multiplicité des caractéristiques de ce secteur informel, il est peu probable qu'une activité les collectionne toutes à la fois.

Quant au degré d'officialité de l'activité, il existe des activités pratiquées au grand jour (le secteur informel localisé selon J. CHARMES comme par ex : garage, ateliers, bistrots, etc.) et les activités clandestines ou nuisibles (le secteur informel non localisé : prostitution, vente des produits interdits, comme par ex : kanyanga, urumogi, etc.).

Dans la littérature : le « secteur informel », est aussi identifié sous plusieurs appellations ou synonymes soit de «l'économie informelle», « activités informelles» ou « secteur non structuré » selon les différents auteurs, et ces différents concepts représentent sensiblement la même réalité. Malgré ces synonymes, dans le but de faciliter l'écriture, nous avons utilisé les termes « économie informelle » et « secteur informel ».

Le terme « économie informelle » est le plus imposé (LAUTIER B., 1995, p.26) parmi les diverses appellations utilisées notamment par MacGaffey, économie non formelle, souterraine, secteur informel, secteur marginal, économie informelle, secteur non réglé de l'économie, économie au noir, économie occulte, invisible,... ( MACGAFFEY J., 1993, p.144).

D'autres auteurs, H. Jospin, Lubell et J. Mouly l'appellent secteur non structuré; A.N. Bose, K. Hart1(*), D. Mazumbar et S.V. Sethuraman préfèrent parler de secteur informel. M. Penouil par contre propose l'appellation de secteur en transition (MILANDU M., 1990, p.94).

Pour J.P. Peemans, l'économie informelle en Afrique, c'est l'économie populaire séculaire qui appartient à un tissu de production existant avant la colonisation, mais qui a été à la fois marginalisée et diversifiée par cette dernière et pendant une bonne partie de la post colonie (J.P. PEEMANS, 1997, p.109).

I.1.2. Chômage 

Le chômage est la situation d'une personne qui, souhaitant travailler et ayant la capacité de le faire (âge notamment), se trouve sans emploi malgré ses recherches. L'absence d'emploi peut résulter d'une entrée dans la vie active, du désir de retrouver un emploi après une période d'inactivité, d'un licenciement, d'une démission volontaire ou d'un désir de changer d'activité2(*).

Le chômage et le sous emploi consistent en l'utilisation d'un facteur de production en dessous de sa pleine capacité. Généralement, le terme sous emploi est utilisé au sens de chômage.

Le chômeur au sens du BIT «actifs inoccupés» comprennent toutes les personnes ayant atteint l'âge de 15 ans, qui au cours de la période de référence étaient à la fois :

· « sans travail », c'est-à-dire, n'étaient pourvues ni d'un emploi salarié ni d'un emploi non-salarié,

· « disponibles pour travailler » dans un emploi salarié ou non salarié durant la période de référence ;

· « à la recherche d'un emploi », c'est-à-dire, qui avaient pris des dispositions spécifiques au cours d'une période récente spécifiée pour chercher un emploi salarié ou un emploi non salarié, tandis que

Le taux de chômage est le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active. Quant à la résorption du chômage, elle est la disparition progressive, totale ou partielle d'une anomalie « chômage » (Petit Larousse, 1995, p.882).

Le concept de chômage se présente sous diverses formes au regard de ses facteurs producteurs, nous citerons :

§ Le chômage naturel (ou frictionnel) :Selon Paul Antony Samuelson définit le chômage frictionnel comme celui qui résulte des mouvements incessants des personnes entre les régions et les emplois passant souvent d'un emploi à un autre, soit pour trouver mieux soit après avoir obtenu un diplôme, soit encore pour avoir changer de ville (SAMUELSON P.A., 1987, p.11).

Ce chômage est lié au délai d'ajustement de la main d'oeuvre d'un emploi à un autre. Ce type de chômage est considéré comme le chômage involontaire, a dit monsieur DITEND YAV (DITEND, Y., 2001, p.38).

§ Le chômage conjoncturel : Certains auteurs l'appellent chômage cyclique ou encore Keynésien. Il correspond à un ralentissement de l'activité économique provoquant une réduction temporaire des besoins de main d'oeuvre dans l'économie.

§ Le chômage structurel : C'est le chômage qui est lié aux déséquilibres des changements de structures économiques dans un pays, provoquant une inadéquation qualitative entre l'offre et la demande de travail. L'évolution des qualifications dues aux évolutions techniques conduit à rendre inemployable une partie de la population active qui ne trouve plus d'emplois correspondant à ses qualifications3(*).

§ I.1.3. Le marché du travail

Le marché du travail est différemment défini selon les courants économiques. Selon l'économie néoclassique, le marché du travail est le cadre (ou plutôt une série de cadres spécifiques) où les offreurs de travail (les actifs) se confrontent à des demandeurs (entreprises, administrations,...) qui leur proposent un salaire en contrepartie de leur travail, cette confrontation déterminera un niveau de salaire à l'équilibre4(*).

I.1.4.La main-d'oeuvre

La main-d'oeuvre désigne la part du travail dans le prix de revient d'un objet fabriqué.

Par extension, ce mot composé désigne l'ensemble des ouvriers et travailleurs qui fabriquent et construisent dans le cadre d'une usine, d'une entreprise ou d'une région donnée (voir population active)5(*).

L'Absorption de mains d'oeuvre signifie le fait de donner du travail à une multitude de personnes sans emploi (diplômés, chômeurs, laissés-pour-compte).

I.1.5. Pluriactivité

La pluriactivité désigne la combinaison, par une même personne, de plusieurs activités professionnelles sur l'année. Cette définition est très large. Elle couvre en fait toutes les situations dans lesquelles une personne sort du schéma classique d'un emploi ou d'un statut professionnel unique, sur la durée6(*).

La pluriactivité peut être traduite par le mot de « magendo », une sorte d'économie plurielle qui comporte généralement une part prédominante d'échange social informel et qui s'exprime en termes de structure de l'allocation de temps en fonction des besoins réels des individus ou des familles, non nécessairement pauvres (NDAYEGAMIYE Adrien, 2007, p.10).

Les activités cumulées peuvent être exercées  soit alternativement ou simultanément (par exemple lorsqu'une personne cumule plusieurs emplois à temps partiel).

I.1.6. Supplément du revenu 

Il correspond aux revenus complémentaires en provenance des activités diverses du secteur informel :

- pour satisfaire les besoins fondamentaux et

- joindre les deux bouts du mois pour ceux qui travaillent dans l'informel.

I.1.7. Pérennité 

Elle désigne un caractère de ce qui dure toujours ou très longtemps (Petit Larousse, 1995, p.765).

I.1.8. Développement

Le développement est l'acte de faire croître, de progresser, de donner de l'ampleur, de se complexifier au cours du temps. Le développement économique désigne les évolutions positives dans les changements structurels d'une zone géographique et d'une population : démographiques, techniques, industriels, sanitaires, culturels, sociaux,... De tels changements engendrent l'enrichissement de la population et l'amélioration des conditions de vie. C'est la raison pour laquelle le développement économique est associé au progrès7(*).

I.2. Cadre théorique

Dans cette section, nous empruntons à la pensée polanyienne, les analyses faites sur l'accumulation capitaliste et les processus de développement. Nous nous attelons à présenter les changements de rapport capital/travail ainsi que les mouvements de résistance des acteurs populaires.

Cette section comprend 3 points :

- le dynamisme du changement social par rapport aux changements structurels en cours qui accorde un primat aux relations des choses par rapport aux relations entre les hommes;

- le débrouillardisme et les réseaux sociaux dans l'exercice des activités au sein du secteur informel ;

- La résistance des acteurs populaires face au processus insécurisant du modèle de modernisation-accumulation.

I.2.1. Dynamiques du changement social vues sous l'angle du processus de

désencastrement de K. Polanyi

Cette section, nous permet d'élaborer notre grille de lecture avec l'analyse de l'évolution des dynamiques de changement social par rapport aux modes d'exploitation capitaliste. Pour cette fin, nous allons nous servir des réflexions de Karl POLANYI à travers ses lectures des pratiques populaires à partir d'une perspective dynamique par rapport aux changements structurels en cours.

Polanyi défendait la thèse selon laquelle jusqu'à la révolution industrielle l'économie était encastrée dans la sphère sociale, et qu'elle s'en serait par la suite largement détachée pour constituer un champ beaucoup plus autonome. C'est dans cette perspective que se situent les réflexions sur la nouvelle économie sociale, le tiers ou troisième secteur ou l'économie solidaire.

Le terme «  Nouvelle sociologie économique » est apparu dans les années 1980 pour qualifier un nombre important de travaux, majoritairement américains, participant à un renouveau des recherches sociologiques sur les activités économiques. Depuis, la Nouvelle sociologie économique a pu être assimilée à des ensembles plus ou moins homogènes et plus ou moins vastes. Pour autant, une convention demeure quant à ce qu'il est convenu de rassembler derrière ce terme. Historiquement, elle renvoie à des dynamiques de champs disciplinaires, impliquant pour les partisans de la Nouvelle sociologie économique de gagner en visibilité et de se distinguer d'autres courants comme la Socio-économie.

A partir de 1970, certains changements profonds affectent la vie économique dans les pays industrialisés. On définit les sociétés contemporaines comme post-fordistes ou post-modernes. De plus en plus, les gens ne veulent plus entendre parler ni de la bureaucratie, ni des interventions de l'État dans l'économie, ni des grandes organisations hiérarchiques. On parle aujourd'hui de globalisation et de flexibilité, des perspectives offertes par les comportements ouvertement utilitaires dans des contextes où la régulation, libérée du poids de l'État-providence, est censée produire innovation et efficacité.

Selon cette perspective, nous passons en ce moment d'un capitalisme « providentialiste » à un capitalisme global. Il s'agit d'un système moins structuré, dominé par les flux financiers et les flux d'informations où le travail des gens, la vie des familles sont instables et où la capacité de contrôle des États-nations sur leurs économies est faible.

Selon Polanyi « si l'existence de formes d'organisation repose sur des principes de coopération, le concept pur d'interaction du marché construit sur l'idée de compétition utilitariste atomisée ne correspond pas à des formes d'organisation, mais au contraire présuppose l'absence d'organisation (Karl POLANYI, op.cit, p.22).

I.2.1.1. Accumulation et fragilisation des masses populaires

Au début des années 1970, le capitalisme va réagir face au ralentissement de la productivité en substituant le travail par la robotisation et en délocalisant la production. Au courant de cette même décennie, on observe en plus l'éclatement de ce compromis capital-travail. Face à cette montée des conflits, le capital va tenter de se libérer des contraintes sociales. Dans les années 1980, on voit apparaitre un "régime d'accumulation flexible", régime d'accumulation qui tient de temps en temps compte de la critique du système dans la progression de l'accumulation. Devant la montée de la vulnérabilité des masses liée à la mondialisation, les rapports de force capital/travail seront affectés. C'est pendant cette décennie qu'il y aura une nouvelle réflexion sur la reconnaissance de la nouvelle pauvreté comme résultat de la restructuration globale du capitalisme. Le débat sur l'exclusion sociale se développe vers les années 1990 et derrière ce concept, il y a la question sociale qui s'était déjà posée en terme de paupérisation au 19ème siècle, dans la période pure du capitalisme sauvage et qui ressurgit au début des années 1980.

De ce fait, le développement conçu dans la logique des processus d'accumulation peut se lire en termes de rapports de force, en termes de conflits puisque les dynamiques complexes se construisent et se déconstruisent autour d'acteurs et d'enjeux de pouvoir et de domination.

Pour J.P. PEEMANS, "l'accumulation apparait comme ce type de logique que certains acteurs viennent surimposer à la logique de l'économie populaire et à la logique du marché, soit en essayant de les marginaliser, soit la plupart du temps en essayant de les soumettre ou de les utiliser."(J.P. PEEMANS, 0p.Cit, p 430).

Un grand enjeu de la pensée sur le développement, souligne Peemans, c'est de savoir renverser la perspective traditionnelle sur le rapport entre l'économie populaire et l'accumulation de type capitaliste.

Permettre au mécanisme du marché de diriger seul le sort des êtres humains et de leur milieu naturel, reconnait Polanyi, cela aurait pour résultat de détruire la société. Nous retrouvons à travers cette réflexion de Polanyi l'analyse de Wallerstein concernant la marchandisation des processus sociaux (WALLERSTEIN I., 2002, p. 16.). L'économie devenant désencastrée du reste de la société, le mobile de gain et de productivité dicte l'organisation de la société.

Le pouvoir capitaliste va développer le marché intérieur (autorégulateur) autour de la politique mercantiliste ayant pour objectif la mobilisation des ressources. Comme stratégie pour faire aboutir ce projet d'accumulation, les marchands vont se liguer avec les Etats. Comme le fait aussi remarquer M. Beaud, "l'histoire montre que, lorsque le capitalisme prend racine dans un pays, il est fragile; il a besoin de l'Etat et de couches actives et entreprenantes de la société [...] Mais, au fur et à mesure qu'il prend force et ampleur, il fait preuve d'autonomie; il s'intéresse à d'autres marchés, recherche d'autres alliances, parfois d'autres soutiens; sa reproduction tend à s'autonomiser par rapport à celle de la société où il s'est formé." (BEAUD M., 2000, p.54)

I.2.1.2. Désencastrement de l'économie dans les analyses de K. Polanyi

Le désencastrement dont parle Polanyi dans « La Grande Transformation », insiste longuement sur les changements institutionnels (mouvement des enclosures, fin des poor laws, développement de machines spécialisées...) qui ont permis l'établissement de l'économie libérale du XIXe siècle. C'est alors le marché qui détermine comment la société doit fonctionner, et non plus l'inverse, quand l'économie était encore « encastrée » dans les relations sociales. Livrée à la seule loi de l'offre et de la demande, la société est alors menée à l'autodestruction. Le marché, dès lors, a imposé sa logique à l'économie et, progressivement, à toute la société.

A partir du 19ème siècle, on observe des formes de misère, des formes de pauvreté liées à la concentration du prolétariat dans les villes. C'est une forme de paradoxe par rapport à l'idéologie du libéralisme qui prônait l'amélioration des conditions d'existence à travers la croissance économique. Déjà à cette époque, les nouveaux pauvres sont au coeur même du système. "Les capitalistes ont cherché à marchandiser, dans leur recherche d'une accumulation toujours plus grande, des processus sociaux de plus en plus nombreux, dans toutes les sphères de la vie économique." (WALLERSTEIN I., 2002, p. 16.). Polanyi va essayer de déconstruire le paradigme dominant. Il soutient, pour justifier sa position, que l'essentiel pour ces sociétés "traditionnelles", c'est le maintien des liens sociaux et communautaires essentiels. Bien que la société humaine soit naturellement conditionnée par des facteurs économiques, les mobiles des individus ne sont qu'exceptionnellement déterminés par la nécessité de satisfaire aux besoins matériels. Pour la survie de l'organisation dans ces sociétés, les membres de la communauté se doivent d'assurer les obligations de réciprocité qui permettent de consolider les liens sociaux à travers les principes de don et contre-don, de redistribution et de subsistance (Éric Bidet, 2001). A ce propos, M. Davis arrive, pour sa part, à affirmer dans son analyse sur l'histoire du 19ème siècle que "la marchandisation de l'agriculture élimine la réciprocité villageoise traditionnelle qui permettait aux pauvres de subsister en temps de crise" (DAVIS Mike, 2003, p.38).

L'analyse critique du libéralisme économique faite par K. Polanyi montre le risque de cette idéologie du libéralisme qui pèse sur la société toute entière. Le projet de cette idéologie, c'est de désencastrer la sphère économique du reste de la société et d'en faire un sous-système principal qui va subordonner tous les autres et accorder un primat aux relations des choses par rapport aux relations entre les hommes. Pour Polanyi, l'économie de marché est un système commandé et réglé par le seul marché.

La thèse de Polanyi, c'est que l'idée d'un marché s'ajustant lui-même ne pouvait exister de façon suivie sans anéantir la substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l'homme et sans transformer son milieu en désert (POLANYI, op. Cit, p.22.). Au lieu que l'économie soit encastrée dans les relations sociales, c'est plutôt ces dernières qui deviennent encastrées au système des marchés à travers le mobile du gain, le mobile de productivité, et le mobile de profit (Idem, p.88)

Le marché autorégulateur a permis le « désencastrement » de l'économie et de la technique, leur séparation d'avec la société : les sphères de la production et de la distribution des biens ne sont plus sous le contrôle de la population, ni sous un contrôle politique et social comme dans les sociétés traditionnelles, mais apparaissent aux mains d'intérêts privés en concurrence pour le gain maximum.

Le désencastrement de l'économie fait au « marché autorégulateur» dans les analyses de Karl POLANYI, ne vise alors pas à présenter une économie fonctionnant dans un vide social (RONAN Le Velly, 2006, p.6). L'apport anthropologique de Polanyi, est d'avoir affirmé le rôle social de l'homme dans les processus de développement des sociétés. Dans sa tentative d'explications de l'effondrement de la civilisation du 19ème siècle, Polanyi n'a pas cherché une séquence convaincante d'événements saillants, mais une explication de leur tendance en fonction des institutions humaines. Pour la consolidation de la durabilité de ces sociétés détruites par le marché, il faudrait que l'économie soit englobée dans le social. Le problème de développement surgit dans la société dès que l'économie devient désencastrée de la sphère sociale. Là encore, c'est tout le contraire, puisque pour lui, le marché autorégulateur est une institution culturelle qui a nourri le projet politique de la libéralisation économique.

I.2.2. Le débrouillardisme et les réseaux informels.

En comparant cette économie populaire aux autres systèmes économiques, Polanyi (1983) signale d'abord le poids exceptionnel qu'y prennent les échanges marchands dans la satisfaction des besoins humains. Une économie de marché est alors une économie où se généralise la recherche du gain individuel et « une économie gouvernée par les prix du marché et par eux seuls » (POLANYI, op.cit, p.71). Polanyi décrit ensuite les conséquences dramatiques de ce mouvement : pollution, désorganisation sociale, vice, perversion sont des mots qu'il lui associe. Enfin, souligne Polanyi, l'Etat et sa politique ne doivent rien permettre qui empêche la formation et l'organisation de ces marchés (régulé et autorégulé).

Pourtant, argumente-t-il, le principe de la société pré-moderne est fondé sur l'accumulation pour la subsistance. Les différents acteurs vendent le surplus au marché dans lequel ils interviennent de manière complémentaire, sans détruire le système de base. Le marché autorégulateur constitue un renversement du système de ces sociétés, c'est une chose nouvelle.

L'encastrement social de l'économie fait fonctionner certaines organisations micro-économiques. Ce n'est pas seulement la recherche du profit ou la performance économique; mais aussi et surtout l'entretien permanent d'un réseau de relations sociales capables d'assurer la "sécurité sociale" des individus membres, particulièrement en temps de crise. Et plus on est connecté à ce réseau, plus les conditions minimales de survie sont garanties par le mécanisme de redistribution non formelle.

En plus des formes de redistribution socioéconomique inspirées de la macroéconomie keynésienne8(*), K. Polanyi fait remarquer qu'il existe une autre forme "cachée" d'échanges, marchands et non, qu'il nomme "mécanismes de redistribution par réciprocité", faits de dons et de contre-dons (ex: les tontines, crédits de confiance, arrangements mutuels); qui permettent aux membres de la société de survivre ou de progresser sans nécessairement compter sur la redistribution de l'Etat.

La manifestation du dynamisme et ingéniosité dans l'exploitation des petites unités de productions est fréquente, surtout dans les activités commerciales au sein du S.I encastrées dans des réseaux sociaux (liens de parenté, de voisinage, camaraderies, relations professionnelles, affinités religieuses, etc.). Il permet de répondre aux besoins des populations urbaines, d'abord les plus pauvres, à travers la petite production marchande, le commerce de micro-détail ou des services de proximité.

La raison d'être de ces réseaux dans ces activités est de satisfaire de façon durable les besoins fondamentaux des personnes à charge (social) et non pas tellement faire des profits ou investir. Le financement de ces initiatives reste par ailleurs souvent très lié au réseau familial, et de ce fait, assez durable.

Parmi les facteurs d'émergences de l'économie informelle, figure notamment la recherche d'un complément de revenu au travers d'activités parallèles menées par les catégories socioprofessionnelles du secteur tant public que privé. L'exploitation de ces petites unités de productions conduit ainsi à l'économie informelle. La meilleure façon d'améliorer ses revenus face aux difficultés d'améliorer sa productivité, c'est la pratique des activités informelles, soit en tant que source d'obtention des revenus complémentaires.

Signalons enfin que pour Polanyi, si la "Révolution industrielle" a apporté une amélioration "presque miraculeuse" des instruments de production, elle a par contre induit un bouleversement social et technique, accompagné d'une "dislocation catastrophique" de la vie du peuple. Pendant un siècle, la dynamique de la société moderne a été gouvernée par un double mouvement: le marché s'est continuellement étendu, mais ce mouvement a rencontré un "contremouvement" contrôlant cette expansion dans des directions déterminées. Ainsi donc, le "contremouvement" consista à contrôler l'action du marché en ce qui concerne les facteurs de production que sont le travail et la terre.

Au dix-neuvième siècle, l'extension du marché a entraîné des réactions de la part de la société, parmi lesquelles la constitution d'associations, puis la construction d'un État social protecteur. C'est ce processus historique que Salamon a rappelé en soulignant que les associations étaient effectivement « la première ligne de défense »( SALAMON L.M., 1990, p.41). Les activités d'économie populaire vont de la survie à une reconstruction des liens sociaux à travers les réseaux.

Ces acteurs populaires s'inscrivent dans des stratégies innovantes tant dans les initiatives individuelles que dans des organisations d'économie populaire de type associatif et aussi de type coopératif.

Vers la fin des années 1960, les mouvements contestataires sont apparus, lorsque la « face noire » du développement commençait à se manifester, mettant ainsi en cause non seulement la pensée unique, mais aussi le modèle d'accumulation et de consommation (de masse) occidentale pour leur impact négatif sur la qualité de vie des individus (NDAYEGAMIYE A., op.cit, p.34).

I.2.3. Mouvements de résistance des acteurs populaires

Le renouveau de la sociologie économique s'est produit en réponse a une double crise dans le domaine des savoirs sur l'économie et la société (crise des paradigmes néoclassique, keynésien et marxiste) et dans le monde réel de l'économie (crise du fordisme et de l'Etat providence et émergence de la mondialisation).

Confrontées à une pareille déchirure du tissu social, la société réagit en protégeant ses membres, ce qui entre en contradiction avec les exigences du marché autorégulé. Les populations ont été poussées à s'organiser en petits groupes plus ou moins institutionnalisés. Elles se sont davantage associées pour s'apporter mutuellement secours. Ce sont des mouvements critiques qui constituent des réponses à la crise d'accumulation et de régulation.

La préoccupation de Peemans notamment à travers ses analyses sur le développement réel des peuples, c'est de savoir comment les acteurs redéveloppent des stratégies séculaires d'organisation sociale face à la dégradation de leurs conditions de vie et à l'insécurisation de leur avenir.

Les populations ne sont pas restées passives durant la période de la crise de modernisation. Dans leur ouvrage « L'empire », Negri et Hardt présentent les modes de résistance mis en place par la société face à la modernisation néo-libérale (Michael HARDT et Antonio NEGRI, 2000, pp. 319-328.). Pour eux, il s'est établi un nouvel ordre mondial sous la dénomination de « L'empire » à travers lequel, des logiques et de structures nouvelles du pouvoir au niveau des élites globales sont liées à une nouvelle forme de souveraineté.

Contre ce nouvel ordre mondial, s'érigent des résistances des populations. Ils font certes allusion dans leurs analyses à des résistances observables à travers des mouvements antimondialisations de la dernière décennie. Faisons toutefois observer avec Peemans, que la résistance des peuples et des gens à l'imposition de l' « ordre des choses » est une très longue histoire. Malheureusement, l'approche de l'histoire du développement en termes de modernisation-rattrapage a complètement négligé l'histoire persistante des myriades de petits producteurs, ruraux et urbains, dont les prouesses quotidiennes pour survivre et se maintenir, n'ont guère pesé lourd en termes d'économie de la puissance et en termes de comptabilité de la croissance (J.P. PEEMANS, 2002, p.429). Cette exclusion sociale a créé les mouvements de résistance des acteurs populaires de tout le temps, les peuples ont toujours résisté soit sous forme d'une poussée collective allant au-delà d'une simple agitation momentanée, soit sous forme des mouvements ouvriers ou de mouvements nationalistes. C'est autant dire que ces mouvements de résistance des masses populaires sont séculaires. Ils ont été quelques fois étouffés, mais ont toujours survécu sous plusieurs formes.

De ce fait, le développement conçu dans la logique des processus d'accumulation peut se lire en termes de rapports de force, en termes de conflits puisque les dynamiques complexes se construisent et se déconstruisent autour d'acteurs et d'enjeux de pouvoir et de domination. Pour J.P. Peemans, "l'accumulation apparait comme ce type de logique que certains acteurs viennent surimposer à la logique de l'économie populaire et à la logique du marché, soit en essayant de les marginaliser, soit la plupart du temps en essayant de les soumettre ou de les utiliser."(J.P. PEEMANS, 2002, P.430). Un grand enjeu de la pensée sur le développement, souligne Peemans, c'est de savoir renverser la perspective traditionnelle sur le rapport entre l'économie populaire et l'accumulation de type capitaliste.

La lecture de l'histoire nous rappelle certes qu'au XIXème siècle au Nord, la détérioration des conditions de vie des classes populaires a bien été endogène à une poussée de la sphère de l'accumulation et à une modification des rapports de force entre secteurs capitalistes et secteurs d'économie populaire. Mais il permet aussi de montrer que cette évolution a pu être contrée lorsque des mécanismes de sécurisation et de résistance collective ont pu être mis en place dans des contextes locaux particuliers. Il y a toujours eu des formes de gouvernance locale et domestique, attestées par des pratiques populaires séculaires, mais celles-ci se trouvent de plus en plus marginalisées. Dans les pays en développement, les masses populaires ont dû incorporer de nouvelles règles de comportement socio-économique sous l'influence de la modernisation. Elles ont su en même temps, conserver des formes de solidarité et d'organisation communautaire, dans la logique de réciprocité et de redistribution (K. POLANYI, op.cit, pp. 77-79; J.P. PEEMANS, op.cit, pp. 439-442 et p. 459). Cette gouvernance historique des masses populaires rejoint la réflexion de Braudel concernant la dynamique des acteurs de premier niveau dans l'organisation des structures de leurs quotidiens (BRAUDEL F. 1985, p.38). Polanyi l'a désignée par "Gouvernement populaire". Dans son entendement, le "Gouvernement populaire" constitue les corps populaires qui répondirent à l'échec du système international pendant les années 1920.

Dans le Sud, il s'agit des groupements associatifs et des réseaux d'association parallèlement aux instances instituées par l'Etat et les autres organes de pouvoir (Partis politiques et/ou syndicats). Ces réseaux d'acteurs sociaux représentent une réalité locale, moitié souterraine, moitié officielle, assurant la reproduction sociale à la satisfaction d'innombrables individus ou catégories d'individus.

Les réseaux d'acteurs sociaux se mobilisent à l'échelle locale ou communautaire pour répondre aux multiples formes de demandes des populations concernées (NDAYEGAMIYE A., op.cit, p11). Au niveau micro, ce sont plutôt les familles, les clans, les voisins, les alliés, les camaraderies, les amicales, etc., qui s'engagent. Au niveau méso, ce sont les mesures de concertation et de coordination des groupements associatifs qui, de par leur pluralité, leur spécificité et la multidimensionnalité de leurs apports potentiels (de ressources), qui permettent la reconstruction du lien social d'ensemble. (Idem, p 15).

Il apparait donc que la spécificité de la résistance des masses populaires est qu'elle se situe dans l'action et légitime, au regard de la désarticulation du processus d'accumulation et de régulation, l'économie populaire comme une démarche de reproduction sociétale. La résistance exprime le fait des réponses des masses populaires au processus insécurisant du modèle de modernisation-accumulation. L'économie populaire est donc actuellement au cours du processus de développement des pays en développement.

Pour notre part, nous convenons avec Penouil pour adopter la considération suivante: « Les activités informelles sont avant tout une forme particulière de la dynamique sociale dans les sociétés en développement. Elles sont une réponse de la société aux besoins nouveaux, aux mutations structurelles, aux contraintes sociales résultant de l'influence du développement transféré sur toutes les catégories sociales. » (M. PENOUIL, 1992, p.74).

Les fonctions que nous attribuons au secteur informel sont celles sociale et économique. En remplissant ces fonctions, il peut ainsi contribuer à la résorption du chômage au Burundi.

Donc, il joue des rôles divers allant de la réduction du chômage à la contribution du revenu en passant par la création de richesses et le pourvoi de biens et de services aux populations ,en créant aussi des conditions de sécularisations de la population à bas revenus.

* 1. Il est le premier à prononcer le terme secteur informel en 1971 avant que celui-ci ne soit vulgarisé par le rapport du BIT sur le Kenya en 1972. Cf. TURNHAM D., SALOME B., SCHWARZ A., Nouvelles approches du secteur informel, OCDE, Paris, 1990, p.13.

* 2. Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre consulté le 21/8/2009

* 3. Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre consulté le 3/9/2009

* 4. http://www.jobintree.com/dictionnaire/definition de marché du travail consulté le8/2/2010

* 5 http://www.jobintree.com/dictionnaire/definitionmain-oeuvre-277.html consulté le8/2/2010

* 6 http://www.pluriactivite.org/spip.php?article391-23k consulté le11/09/2009

* 7 http:// www.toupie.org/Dictionnaire/Developpement.htm consulté le17/09/2010

* 8 Politiques des grands chantiers pour résorber le chômage: "creuser les trous pour les reboucher", pourvu qu'il y ait redistribution du revenu aux ménages et aux individus.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault