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Les recours individuels dans le système inter-africain de contrôle: la coexistence de la cour africaine et des juridictions des communautés économiques régionales

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par Christian BAHATI BAHALAOKWIBUYE
Université Catholique de Bukavu - Licence 2011
  

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Section III : La juridiction de la Cour africaine au cas par cas

La Cour n'a pas prévu une telle faculté que ce soit dans son règlement intérieur intériméraire de juin 2008 ou son Règlement intérieur final du 07 septembre 2010 en ce qui concerne sa saisine par un individu ou une organisation non gouvernementale, rendant ainsi possible un éventuel forum prorogatum.

La convention américaine à son article 62.3, ainsi que la convention européenne à son article 48 avant qu'elle ne soit amendée, prévoyaient pareille possibilité.

Le consentement de l'Etat est la seule condition de la Cour en matière des requêtes individuelles. Ce consentement peut être exprimé préalablement à l'introduction d'une requête dirigée contre lui, par le dépôt de la déclaration visée au §6 de l'article 36. Il peut se manifester postérieurement, soit de manière formelle par le dépôt d'une telle déclaration, soit de manière informelle ou implicite par la voie du forum prorogatum. Cette dernière n'est pas aussi étrangère à la Cour (b) mais elle peut bien l'appliquer en se référant à la doctrine du forum prorogatum et à la pratique qui en est faite par les autres juridictions internationales principalement la CIJ (a).

§1. Le forum prorogatum en droit international

A. Doctrine du forum prorogatum

Forum prorgatum c'est une formule latine habituellement traduite par l'expression « juridiction prorogée ». Il s'agit du fait pour l'Etat d'accepter la compétence d'une juridiction internationale institutionnalisée, telle la CIJ, postérieurement à la saisine, soit par une déclaration expresse à cet effet, soit par des actes concluants impliquant une acceptation tacite. Ces actes concluants peuvent consister en la participation effective à l'instance, en plaidant sur le fond, ou par des conclusions au fond ou tout autre acte impliquant absence d'objection contre une future décision au fond. Un tel comportement vaut, selon l'opinion de la Cour, acceptation tacite de sa compétence, qui ne peut plus être révoquée ensuite, en vertu du principe de la bonne foi ou de l'estoppel115(*).

En effet, le concept original de forum prorogatum, qui nous vient du droit romain, correspond strictement parlant à une « prorogation de compétence » : c'est-à-dire l'extension de la compétence d'un tribunal, qui lui permet de statuer sur un litige qui n'aurait pas dû être porté devant lui. En droit international, l'acceptation postérieure de la compétence de la CIJ par un État a pour effet stricto sensu de créer, d'établir, la compétence de la Cour116(*).

M. Lauterpacht, juge ad hoc dans l'affaire du Génocide, a fourni dans son opinion individuelle du 13 septembre 1993, une définition particulièrement claire du forum prorogatum devant la CIJ en ces termes : « si un État, 1'État A, introduit une instance contre un autre État, 1'État B, sur une base de compétence inexistante ou défectueuse, le forum prorogatum consiste en la possibilité pour 1'État B d'y remédier en adoptant un comportement valant acceptation de la compétence de la Cour »117(*).

C'est à la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), l'ancêtre de la CIJ, qu'il revient d'attribuer la paternité de la transposition du forum prorogatum en droit international. À l'occasion de la révision, en 1934, de l'article 35 du règlement de la CPJI relatif aux mentions que devrait contenir une requête introductive d'instance, plusieurs juges avaient insisté sur le fait que l'institution du forum prorogatum était dans l'intérêt de la justice internationale, dans la mesure où elle permettait une certaine souplesse quant aux conditions à remplir par un État qui voudrait s'adresser à la Cour pour régler un différend118(*). C'est ainsi que dans la CPJI a déclaré : « il ne semble point douteux que la volonté d'un État de soumettre un différend à la Cour puisse résulter, non seulement d'une déclaration expresse, mais aussi d'actes concluants. Il paraît difficile de nier que le fait de plaider le fond, sans faire de réserve sur la compétence, ne doive être regardé comme une manifestation non équivoque de la volonté de l'État d'obtenir une décision sur le fond de l'affaire » (Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires)).

B. Le forum prorogatum devant la Cour internationale de Justice

La compétence du juge international repose uniquement sur le consentement des États. Pour autant, la déclaration d'acceptation de la compétence obligatoire de la Cour, en vertu de l'article 36, paragraphe 2 de son statut, n'est qu'un moyen parmi d'autres d'expression du consentement d'un État à la compétence de la CIJ. Mais de toutes ces formes de consentement, l'institution du forum prorogatum est de loin la plus souple119(*).

Sous l'empire de l'ancien Règlement de la CIJ (antérieurement au 1er juillet 1978), lorsqu'une instance était introduite contre un Etat n'ayant pas au préalable accepté la compétence de la Cour au moyen de la déclaration facultative et que cet Etat n'acceptait pas la juridiction de la cour aux fins de ladite instance après y avoir été invité par le demandeur, il était mis fin à celle-ci par la voie d'une ordonnance succinte. C'est ce qui été fait pour les affaires du traitement en Hongrie d'un avion des Etats-Unis d'Amérique et incident aérien du 7 octobre 1952120(*).

L'article 38.5 du nouveau Règlement de la CIJ a apporté un vin nouveau dans les vieilles outres. En effet, cet article prévoit : « Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l'Etat contre lequel la requête est formée, la requête est transmise à cet Etat. Toutefois, elle n'est pas inscrite au rôle général de la Cour et aucun acte de procédure n'est effectué tant que l'Etat contre lequel la requête est formée n'a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l'affaire ».

La CIJ ne tardera pas, dès 1948 avec l'affaire du Détroit de Corfou entre le Royaume-Uni et l'Albanie, à reprendre à son compte cette institution pratique, dans des formes tout à fait identiques à la jurisprudence de la CPJI. De 1948 à 1952, une série d'arrêts vient ainsi confirmer les caractéristiques principales du forum prorogatum devant la CIJ :

- D'abord, l'expression du consentement des parties n'est soumise à aucune condition de forme. Dans l'affaire du Détroit de Corfou, la CIJ a déduit le consentement de l'Albanie à sa compétence d'une simple lettre adressée à la Cour121(*).

- Plus encore, ce consentement peut être exprès ou implicite. Il peut notamment être déduit de l'attitude des Parties. Dans l'affaire Haya de la Torre, par exemple, la Cour avait estimé que plaider sur le fond valait acceptation tacite de sa compétence122(*).

- A contrario, le simple fait de participer à l'instance ne saurait constituer une « manifestation non équivoque », a fortiori lorsque l'objet même de la participation à la procédure est de contester la compétence. L'une des contreparties à la souplesse de l'expression du consentement est bien que ce consentement ne saurait être équivoque. C'est ce qu'on peut dans l'arrêt sur les exceptions préliminaires in re Anglo-Iranian Oil Co.123(*).

- Enfin, une fois le consentement des Parties donné à la Cour, il ne saurait lui être retiré de manière unilatérale. L'affaire du Détroit de Corfou est très significative à cet égard et reprend les termes de l'arrêt de la CPJI dans l'affaire des Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires)124(*).

Pour la première fois depuis longtemps, la CIJ a donc eu l'occasion de réaffirmer, avec l'affaire Djibouti c. France, les modalités d'application de la doctrine du forum prorogatum. Dans l'arrêt du 4 juin, les juges de la CIJ ont donc notamment rappelé que « la compétence de la Cour peut être fondée sur le forum prorogatum selon des modalités diverses »125(*) à cela près que l'attitude de l'État défendeur doit « pouvoir être regardée comme une «manifestation non équivoque» de la volonté de cet État d'accepter de manière «volontaire, indiscutable» la compétence de la Cour »126(*). Dans la présente affaire, le consentement de la France avait été donné en des termes pour le moins explicites, par une lettre en date du 25 juillet 2006 et adressée au greffe de la CIJ : « la République française accepte la compétence de la Cour pour connaître de la requête »127(*).

a. Le forum prorogatum devant la cour africaine

Il s'agit ici de répondre à la deuxième question soulevée par le paragraphe 6 de l' article 34 qui est celle de savoir si le dépôt de la déclaration facultative par les Etats parties est le seul moyen par lequel ceux-ci peuvent exprimer leur consentement à la compétence de la Cour pour connaitre d'une requête individuelle dirigée directement contre eux.

Une courant doctrinal auquel fait partie MUTOY Mubiala soutient que l'interprétation exacte de l'article 5.3 exclut l'autorisation au cas par cas128(*).

Cette disposition ne prévoit la compétence de la cour mais n'en règle pas les modalités telles que prévues à l'article 34.6. Pour savoir si la cour admet une telle possibilité il convient de faire une lecture combinée de ces deux dispositions et non une lecture exclusive de l'une ou de l'autre.

Rappelons tout d'abord que l'article 34.6, n'exige pas que le dépôt de la déclaration facultative soit « préalable » au dépôt de la requête ; il prévoit simplement que la déclaration peut être faite à tout moment à partir de la ratification ». Rien n'empêche ainsi un Etat partie de faire cette déclaration « après » qu'une requête ait été introduite contre lui. En application du §4 de l'article 34 du Protocole, la déclaration, à l'instar des actes de ratification ou d'adhésion, entre en vigueur au moment de son dépôt et déploie ses effets à cette date.

Si un Etat partie peut consentir à la compétence de la Cour en déposant « à tout moment » une déclaration facultative, rien dans le protocole ne s'oppose non plus à ce qu'il puisse, après le dépôt de la requête, exprimer son consentement d'une autre manière que par le biais de la déclaration facultative129(*).

Dans son tout premier arrêt la Cour a éclairé l'opinion sur la question.

Le 15 décembre 2009, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a rendu son premier arrêt, en l'affaire Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal. La Cour se déclare incompétente pour statuer sur la requête, le Sénégal n'ayant pas fait la déclaration acceptant sa compétence à connaître des requêtes directement portées devant elle par les individus.

Parlant de cet affaire, le Sénégal ayant formellement déposé des exceptions préliminaires dans son « mémoire en réponse » du 9 avril 2009, la Cour a estimé devoir se conformer aux prescriptions de l'article 52.7 de son Règlement qui prévoit que « la Cour statue sur l'exception préliminaire par un arrêt motivé ».

L'examen par la Cour des exceptions préliminaires du Sénégal, dans un arrêt, commandait cependant qu'elle traite la question de sa compétence de manière plus complète en consacrant notamment des développements à l'éventualité d'un forum prorogatum. Cette éventualité est tout au plus évoquée au paragraphe 37 de l'arrêt où la Cour, partant du constat que le Sénégal n'a pas fait la déclaration facultative, conclut que cet Etat « n'a pas accepté la compétence de la Cour pour connaitre sur cette base de requêtes dirigées contre lui et émanant directement d'individus ou d'ONG », suggérant ainsi que le Sénégal aurait pu accepter sa compétence sur une autre base.

C'est pourtant cette prospective d'un forum prorogatum, si mince soit-elle, qui explique pourquoi la requête de Monsieur Yogogmbaye n'a pas été rejetée au lendemain du 10 février 2009 et c'est le dépôt d'exceptions préliminaires par le Sénégal qui explique pourquoi la Cour n'a pas mis fin à l'instance par le biais moins solennel d'une ordonnance ou d'une simple lettre du Greffe130(*).

* 115 Jean SALMON (Ed.), Dictionnaire du droit international, Bruylant/AUF, Bruxelles, 2001, P. 518 cité par F. OUGUERGOUZ, Op. Cit., P. 7

* 116 V. POULIOT, Op. Cit., P. 35 ; voir notamment : Bohdan Winiarski, « Quelques réflexions sur le soi-disant forum prorogatum en droit international », Mélanges Spiropoulos, 1947.

* 117 www.haguejusticeportal.net/leforumprorogatumdevantlacourinterantionaledejustice/vincentpouliot se reférant à la Cour internationale de Justice, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Ordonnance du 13 septembre 1993 (Nouvelles demandes en indication de mesures conservatoires), Opinion individuelle de M. Lauterpacht, juge ad hoc, p. 416, para. 24.

* 118 Pour la jurisprudence de la CPJI sur ce point, voir Concessions Mavrommatis à Jérusalem, Série A, n° 5, Arrêt, 26 mars 1925, p. 27 et Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires), Série A, n° 15, Arrêt n°12, 26 avril 1928, p. 23.

* 119 Mohammed Bedjaoui, F. OUGUERGOUZ, « Le forum prorogatum devant la Cour internationale de Justice : les ressources d'une institution ou la face cachée du consensualisme », in annuaire africain de droit international, 1998, Volume 5, Pp. 91-114.

* 120 F. OUGUERGOUZ, Op. Cit., §35, P. 16

* 121 V. POULIOT, Op. Cit.,P.35 qui cite Détroit de Corfou, Arrêt sur l'exception préliminaire, 25 mars 1948, C. I. J. Recueil 1947-1948, p. 27.

* 122 Idem, P. 36 citant (colombie C. Pérou) Arrêt du 13 juin 1951 : C. I. J. Recueil 1951, p. 78, disponible sur : http://www.icj-cij.org/docket/files/14/1936.pdf

* 123 Ibidem cite et explique Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), Exception préliminaire, Arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 114 : « le principe du forum prorogatum devrait être fondé sur quelque acte ou déclaration du Gouvernement de l'Iran impliquant un élément de consentement à l'égard de la compétence de la Cour. Mais ce Gouvernement n'a pas cessé de contester la compétence de la Cour. [...] Aucun- élément de consentement

ne saurait être déduit de l'attitude adoptée par l'Iran. [...] La Cour en vient donc à la conclusion qu'elle n'est

pas compétente pour connaître de l'instance introduite par le Royaume-Uni », disponible sur : http://www.icj-

cij.org/docket/files/16/1996.pdf. Cet arrêt est le premier dans lequel la CIJ utilise le terme même de « forum prorogatum », consacrant ainsi son usage.

* 124 Ibidem

* 125 V. POULIOT, Op. Cit., P.37 citant Cour internationale de Justice, Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), 2003, voir documents sur : http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/6/188.TD1GUg.html

* 126 Ibidem, citant Cour internationale de Justice, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 18.

* 127Ibidem,citant Lettre du 25 juillet 2006

* 128 M. MUBIALA, Op. Cit., P. 107

* 129 F. OUGUERGOUZ, Op. Cit., §29, P. 6

* 130 F. OUGUERGOUZ, Op. Cit., P. 8, § 36-39

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci