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La loi de la force en politique: l'art de gouverner dans Le Prince de Machiavel

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par Alex BATUHOLA MUNKANU
Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius/Kimwenza, RDC - Bachelier en Philosophie 2008
  

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CHAP. III : APPROCHE CRITIQUE DE LA PENSEE

POLITIQUE DE MACHIAVEL

Comme nous venons de le mentionner dans le chapitre précédent, la pensée de Machiavel se fonde sur l'aspect purement pratique. Ce qui le conduit à la séparation de la politique de l'Ethique. En effet, pour nous, la politique doit être fondée sur la morale. Etant donné que l'Etat ayant pour finalité le bonheur de tous les citoyens, il serait inacceptable, ou mieux contradictoire, qu'un gouvernement ait recours à des moyens immoraux pour conquérir, exercer et se maintenir au pouvoir. Dès lors, tout en nous situant dans la perspective de Machiavel, à savoir la recherche de l'unité de l'Italie, nous ne pouvons pas souscrire à une telle théorie politique. La conquête et le maintien du pouvoir peuvent emprunter d'autres voies respectueuses de l'homme et de la quête de sa perfection. Ainsi, la pensée de Machiavel peut être dangereuse. En tant que telle, elle doit être critiquée. Notre critique consistera à confronter la pensée de Machiavel avec celles de certains auteurs (Paul Ricoeur, Hobbes, etc.)

Ce chapitre comprend quatre points. Dans le premier point, nous tenterons de concilier la politique et l'éthique. Dans le second, nous ferons une critique de différentes voies d'accès au pouvoir que Machiavel nous a proposé et que nous avons développé dans le premier chapitre de ce travail. Pour montrer que ces modes d'accès au pouvoir ne sont pas viables, nous y ajouterons le mode démocratique où seul le peuple peut conférer le pouvoir à quelqu'un d'une manière non violente. Dans le troisième et le quatrième point, nous démontrerons respectivement comment l'exercice du pouvoir renvoie au service et à la responsabilité.

III. 1. Rapport entre éthique et politique

Dans un article intitulé « éthique et politique », publié dans la revue Esprit, Paul Ricoeur réfléchissait sur le rapport entre éthique et politique. Pour lui, on ne saurait parler de rapport entre éthique et politique ; on devrait parler « en termes d'intersection plutôt que de subordination du rapport de l'éthique à la politique ».82(*) En effet, l'intersection se définit comme un ensemble d'éléments communs à deux ensembles. Dans ce sens, parler d'intersection, c'est d'abord exclure tout rapport d'inclusion et d'égalité entre deux ensembles. C'est également reconnaître que chaque ensemble possède des éléments qui lui appartiennent en propre.

En ce qui nous concerne, notre problématique s'inscrit dans la même perspective que celle qui privilégie l'intersection plutôt que le dualisme entre ces deux pôles de l'action humaine. En d'autres termes, gardant son autonomie, la politique entretient une relation étroite avec l'éthique. Ainsi, nous essayerons d'établir un rapport entre la politique et l'éthique.

a) La recherche du bonheur collectif et l'autonomie de la politique

Les grecs développaient une pensée politique qui était essentiellement fondée sur le modèle éthique. La politique est présentée comme une « doctrine enseignant la vie selon le bien et la justice ».83(*) Et, c'est en cela que la politique continuait l'éthique.

Déjà au Vème siècle avant Jésus Christ, naquit le concept grec « eudaimonia », c'est-à-dire le bonheur des hommes, le but suprême d'un Etat. Partant de cette expression, il était impensable pour les Grecs que la politique soit séparée de la recherche de la vie bonne, c'est-à-dire conforme à la loi assurant un équilibre où se reflète étroitement l'ordre de l'univers et le cosmos. La cité grecque, la polis, devait être formée par un ensemble de citoyens égaux entre eux. C'est ainsi que dans la République et dans les lois, Platon dresse un tableau de la cité idéale, telle qu'il la conçoit. Son oeuvre servira de référence à toutes les utopies qui, au cours de l'histoire, ont tenté de formuler les conditions d'une société idéale.

Ce sont les modernes qui ont établi une nette différence entre la politique et la morale dans la mesure où la finalité, la visée ultime de la politique n'était plus la réalisation de la vertu civique, mais l'organisation d'un cadre de vie qui donne à chacun la possibilité de vaquer à ses occupations dans la paix sociale. On pourrait faire remonter à Machiavel un tel détachement de la politique par rapport à l'éthique. L'ancien fondement de l'éthique est alors remplacé par la catégorie moderne de l'intérêt.

Par cette autonomie de la politique par rapport à la morale, Machiavel marque définitivement la naissance de la philosophie politique moderne et par conséquent de l'Etat par rapport au pouvoir de l'Eglise.

Par ailleurs, devenue autonome, la sphère politique est confrontée à de nouvelles interrogations ou défis. En effet, «  par son caractère autonome, la politique développe des maux spécifiques, qui sont précisément des maux politiques, maux du pouvoir politique ; ces maux ne sont pas réductibles à d'autres, en particulier à l'aliénation économique ».84(*) La sphère politique prend un double sens, à savoir « la rationalité spécifique et le mal spécifique ». C'est cela qui fait son originalité, sa spécificité. Ainsi, la tâche de la philosophie politique sera d'expliciter ce paradoxe qui est caractéristique de la politique ; parce que « le mal politique ne peut pousser que sur la rationalité spécifique du politique ».85(*

En effet, la politique n'a de sens que dans la mesure où son action concourt au bien et au bonheur du peuple. C'est dans ce sens que, dans La Politique, Aristote considère que 

 Toute cité est une sorte de communauté, et que toute communauté est constituée en vue d'un certain bien (car c'est en vue d'obtenir ce qui leur apparaît comme un bien que tous les hommes accomplissent toujours leurs actes) : il en résulte clairement que si toutes communautés visent un bien déterminé, celle qui est la plus haute de toutes et englobe toutes autres vise aussi, plus que les autres, un bien qui est le plus haut de tous. Cette communauté est celle qui est appelée cité, c'est la communauté politique.86(*)

Dès lors, l'homme ne peut atteindre son bien qu'à travers la cité, c'est-à-dire il ne devient plus humain que dans cette totale ouverture à « l'universalité des citoyens », renonçant ainsi à l'individualisme. Car, « le seuil de l'humanité, c'est le seuil de la citoyenneté, et le citoyen n'est citoyen que par la cité ».87(*) Dans cette optique, celui qui enfermerait la politique dans son seul aspect de force ou de violence aboutirait à des conclusions machiavéliques.

Ainsi, comme nous pouvons le percevoir à travers les doctrines du contrat social (Thomas Hobbes et John Locke), le pouvoir vient d'un « contrat», qui lie non pas une personne à une autre, mais une personne à tous par un consentement libre de chacun des membres qui contractent ce lien.88(*) Voilà pourquoi celui qui devient prince par la force n'est qu'un usurpateur du pouvoir et ne dure que pour autant que sa force l'emporte sur celle de ceux qui lui obéissent. 

Par contre, le pouvoir qui vient du contrat ou du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime et utile à la société ; avantageux à la République. Dès lors, il est évident que le pouvoir, même quand il appartient en propre à un chef ne peut servir à n'importe quelle fin. Sous peine de nier son autorité, le prince doit viser l'intérêt général de l'Etat.

Le chef tient de ses sujets l'autorité ; mais une autorité qui est circonscrite par des lois de la nature et de l'Etat. C'est seulement sous ces conditions que ses sujets sont soumis, ou sont censés se soumettre à son gouvernement. L'une des contraintes est que n'ayant de pouvoir et d'autorité sur eux que par leur choix et par leur consentement, il ne peut jamais employer cette autorité pour casser l'acte ou le contrat par lequel elle lui a été conféré.

Aussi, il ne pourrait agir contre lui-même parce que son autorité ne peut subsister que par le titre qui l'a établie. Aux sujets, la raison impose de respecter eux-mêmes les conditions du contrat qu'ils ont signé, de ne jamais perdre de vue la nature de leur gouvernement ; et rien ne les dispensera de l'obéissance au chef. C'est sur ce fond que les peuples et ceux qui les gouvernent ont établi leur bonheur réciproque.

En outre, la politique, dans son extension, est « l'ensemble des activités qui ont pour objet l'exercice du pouvoir, la conquête et la conservation du pouvoir ; de proche en proche, sera politique toute activité qui aura pour but ou même simplement pour effet d'influencer la répartition du pouvoir ».89(*) La politique aussi définie en lien avec le pouvoir pose le problème du « mal politique ». Et, c'est ce mal politique que reconnaissait Machiavel dans Le Prince. C'est pourquoi Ricoeur affirme qu'on a dit beaucoup de mal de Machiavel; pourtant si on prend au sérieux Le Prince de Machiavel, on se rend compte qu'on « n'élude pas aisément son problème qui est proprement l'instauration d'un nouveau pouvoir, d'un nouvel Etat ».90(*) Le prince est pour nous la logique d'une action politique efficace. Machiavel est donc celui qui nous a dévoilé la relation de la politique et de la force ; c'est là « sa probité, sa véracité ».

* 82 P. Ricoeur, « Ethique et politique », p.1

* 83 J. M. Ferry, « histoire politique », p.5

* 84 P. Ricoeur, « paradoxe politique », Op.cit., p.722

* 85 Ibid., p.723

* 86 Aristote, La Politique, 1252a1-7

* 87 P. Ricoeur, « Paradoxe politique », p.723

* 88 Thomas Hobbes, Le Léviathan, p.177

* 89 Paul Ricoeur, « Le paradoxe politique », p.730

* 90 Paul Ricoeur, « Le paradoxe politique », p.732

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand