WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Haà¯ti, un panorama socio économique désastreux. Tentatives d'analyses et d'explications(1970-2005)

( Télécharger le fichier original )
par Jean Luc FENELUS
Institut national d'administration, de gestion et des hautes études internationales( INAGHEI) - Licence en adminsitration 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

TROISIEME PARTIE 

ABSENCE DU DEVELOPPEMENT

CHAPITRE 3 HAITI, REFUS DU DEVELOPPEMENT ET SES CONSEQUENCES

SECTION 5. Les conséquences du refus en milieu rural et urbain.

Plusieurs tentatives ont été entreprises en vue de promouvoir le développement économique et social du pays, plus particulièrement en milieu rural. Malgré les plans quinquennaux de développement, les programmes et projets qui ont été initiés, le mal développement persiste. Et, face à l'impossibilité de résoudre les problèmes les plus élémentaires de la population, l'Etat a perdu sa vocation en tant qu'incitateur et régulateur de l'économie dans la société.

Deux siècles d'indépendance, un bilan s'impose. En effet, nos dirigeants doivent s'y résoudre en dressant un constat sans complaisance pour mieux se situer sur l'échiquier international.

Aujourd'hui, rien n'est plus choquant que la manière dont Haïti et les Haïtiens sont perçus par les autres peuples qui nous considèrent comme un peuple qui n'arrive pas à assurer son autonomie sur le plan économique, politique et social. Il est bien dommage que sur les trois plans cités le développement n'a pas suivi ce qu'Haïti a réussi sur le plan culturel.40(*)

En vérité, pour Haïti, nous le savons maintenant, le vrai problème est celui de l'extraversion et de la réalité de son développement. Les différentes politiques mises en oeuvre par les acteurs politiques ont été inappropriées. Elles appellent donc des réformes que réclament les haïtiens lucides et conscients du problème. Ces politiques se situent bien évidemment à différents niveaux :

Ø au niveau du système de la planification on dénonce souvent l'absence de véritable structure de planification et des cadres bien formés disposant de réels moyens de fonctionnement.

Ø au niveau de la politique industrielle, des erreurs notoires ont été commises. A cela s'ajoutent la mauvaise gestion administrative et l'interférence politique constante dans des affaires purement économiques, ainsi que nous l'avons montré plus haut ;

Ø au niveau des services de base, on dénonce la mauvaise qualité de la carte sociale du pays, notamment, en matière de services offerts en zones urbaines et en zones rurales dans différents domaines tels que  celui de la santé, de la communication ainsi que dans celui des infrastructures.

En effet l'absence de services de base en milieu rural et la baisse de revenu du paysan ont exacerbé l'exode rural et le plus souvent vers les grandes villes et tout particulièrement vers Port-au-Prince. Il s'en est résulté une crise urbaine qui secoue Port-au-Prince depuis 25 ans. Les conséquences de ce manque de développement en milieu rural nous les connaissons et nous les avons identifiés. Elles sont nombreuses. Elles concernent aussi bien le monde rural que le monde urbain.

Au niveau du monde rural, le départ des jeunes en quête d'hypothétiques meilleures conditions de vie dans les villes a pour conséquence l'augmentation de l'âge moyen de la population dans les zones rurales. Ce vieillissement de la population réduit les activités et donc le revenu dans zones rurales, accentuant la pauvreté et la misère.

Au niveau des zones urbaines, nous l'avons souligné plus haut, c'est la grande pression démographique, la ruralisation de la vie urbaine, la prolifération des bidonvilles entraînant des conséquences du point de vue sanitaire et hygiénique et le développement du secteur informel. Tous ces facteurs inhibent le développement harmonieux des villes. Puisque ces populations venues des campagnes n'arrivent pas à améliorer leurs conditions de vie dans les villes, elles s'orientent dans la petite et même dans la grande délinquance pour se constituer des revenus substantiels créant l'insécurité dans nos villes plus particulièrement à Port- au- Prince

5.1. Pauvreté du Monde Rural et Ses Conséquences.

Comme nous l'avons mentionné dans la première partie de notre travail la République d'Haïti, d'une superficie de 27750 kilomètres carrés, occupe le tiers occidental de l'île, qu'elle partage avec la République Dominicaine. Le paysage est montagneux, bordé de plaines côtières. Le relief est constitué à 54,7% de mornes non cultivables ou arides. Ces terres sont néanmoins intensément cultivées. Plus de 70% de la population est constitué de ruraux. La population est inégalement répartie avec de forte densité sur les terres utiles à l'agriculture (880 hab./kilomètre carré) et des zones de faible densité sur les terres pauvres. L'agriculture constitue la principale activité du monde rural. Mais depuis quelques années cette agriculture est en situation de déclin. Les facteurs qui ont entraîné l'agriculture dans cet état sont nombreux et portent sur :

Ø l'absence de politique agricole avec des objectifs clairement définis ;

Ø l'absence de mesures d'incitation et d'encouragement au bénéfice du paysan ;

Ø le problème foncier ;

Ø l'absence ou l'insuffisance d'infrastructures rurales et des moyens de production.

Il convient de noter également que, l'insuffisance de service de base explique aisément les taux élevés de morbidité et de mortalité. Les taux de couverture vaccinale est très faible, le personnel sanitaire est insuffisant et peu qualifié et l'inaccessibilité aux médicaments essentiels aggravant cet état de fait.

Dans le domaine de la nutrition et de l'alimentation la situation est préoccupante. Nombreuses sont les familles qui ne peuvent plus s'assurer un repas équilibré par jour. Dans le domaine de l'éducation, nombreuses sont également les familles qui sont dans l'impossibilité de faire face aux frais de scolarisation de leurs enfants. L'approvisionnement en eau des paysans se fait dans des conditions difficiles. La mauvaise qualité de l'eau explique la forte proportion des gens qui sont touchés par des maladies d'origine hydrique. De plus, la dégradation accélérée du revenu du paysan le pousse à désarticuler son environnement par la coupe excessive de bois pour la production et la vente du charbon. C'est là une situation très préoccupante et sombre qui mérite l'attention de nos acteurs politiques.

5.2. La paupérisation du monde rural

Il est certain que les facteurs de répulsion hors des champs et des villages sont puissants. D'abord, les possibilités de gagner un revenu suffisant dans les zones rurales restent très limitées et même accusent une tendance marquée à la baisse. La détérioration du revenu agricole a entraîné inexorablement une paupérisation accrue d'une partie de plus en plus importante de la population rurale. Si en 1976, 48% des ménages avaient un revenu inférieur au seuil de la pauvreté cette proportion avait atteint 75% en 982. Et, en 1983 le revenu annuel par tête d'habitant était estimé à 318 dollars en moyenne nationale contre 125 dollars pour les zones rurales pour la même période41(*). Déjà, la contribution du secteur agricole dans le PIB réel était passée de 25,1% en 19995 à 24,3% en 1996 enregistrant ainsi une baisse de ses activités de production199642(*) . Aujourd'hui, cette situation est beaucoup plus alarmante.

5.3. L'exode rural et ses conséquences

Le problème de l'exode rural en Haïti est d'une extrême gravité. Bien que les études consacrées à ce phénomène soient peu nombreuses, elles nous confirment que l'exode rural revêt en Haïti une ampleur extraordinaire. En effet, un nombre important de migrants quitte quotidiennement les campagnes pour venir s'installer dans les villes et particulièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Dans les années 70 ces arrivées massives de migrants avaient mis une main-d'oeuvre importante à la disposition de l'industrie naissante, notamment celles des usines d'assemblage et de sous-traitance. Mais, au cours de ces dernières années ces migrations se font à un rythme tel qu'elles dépassent largement les capacités d'accueil des principales villes du pays. Et cela d'autant plus que ces usines d'assemblage et de sous-traitance ont été fermées à cause de l'insécurité qui règne dans le milieu urbain.

La plupart des nouveaux arrivants ne font que grossir le sous-prolétariat urbain, avec tout ce que cela implique au niveau du fait urbain (urbanisation accélérée, pauvreté urbaine, pression sur les services sociaux, etc..). Ces phénomènes d'exode rural auquel nous assistons ces derniers temps ont réduit le dynamisme des zones rurales, car ce sont surtout les personnes jeunes, en quête d'un lendemain meilleur qui émigrent comme traité plus haut.

Un sondage auprès d'un échantillon de familles a révélé que la majorité des individus constituant cette famille est arrivé à Port-au-Prince, avant l'âge de 10 ans43(*). On peut donc imaginer que ces enfants sont en général accompagnés de leurs parents qui sont relativement jeunes. Ces mouvements de population, qui ne montrent encore aucun signe de ralentissement, ne vont pas s'arrêter d'eux-mêmes, car, pour la majorité des migrants, c'est la vie rurale elle-même qui, à divers points de vue, s'avère insupportable.

Comme nous l'avons déjà souligné, plusieurs facteurs sont à l'origine de la migration ruralo-urbaine en Haïti. Ils couvrent à peu près tous les aspects de la vie économique et sociale. Ce sont essentiellement les difficultés de la vie paysanne qui se traduisent par une faiblesse de revenus, l'insuffisance et l'inadéquation des services offerts en milieu rural et parallèlement l'attrait de la ville.

Nous l'avons déjà mentionné les campagnes haïtiennes sont caractérisées par une carence extrême de services essentiels comme par exemple dans le domaine de l'éducation où l'on constate une absence totale d'écoles secondaires. Quant aux écoles primaires, elles sont réellement insuffisantes et, compte tenu de la distance à parcourir par des écoliers, elles sont quasiment inaccessibles à la plupart des enfants vivant dans les zones rurales. Il en résulte une scolarisation très faible en milieu rural. Les statistiques disponibles montrent que, 5 enfants sur 10 seulement sont scolarisés en 1982. Aujourd'hui le taux de scolarisation est encore beaucoup plus faible. Une étude du PNUD sur les conditions de vie en Haïti démontre qu'en 2003, un taux très faible d'enfants de moins de six ans ont fréquenté l'école. Et, l'une des raisons avancées par l'étude est le coût élevé des frais scolaires. Voici le résultat par département géographique, ainsi que le démontre le tableau ci-après.

Tableau 14 : Taux de scolarisation des enfants de moins de 6 ans par département

Département

Taux

Ouest

20.3%

Sud'Est

23.3%

Nord

18.1%

Nord'Est

21.2%

Artibonite

25.5%

Centre

17.2%

Grand'Anse

19.0%

Nord'Ouest

19.5%

Sud

20.0%

Sources : PNUD, Enquêtes sur les conditions de vie en Haïti, 2005, p.116.

En effet, il n'est pas rare de rencontrer dans les zones rurales des écoles à «maître unique» ainsi que des établissements scolaires où plusieurs classes se réunissent dans une seule salle. Dans de telles écoles, on peut imaginer facilement le niveau d'encombrement et l'intensité des bruits qui ne peuvent que nuire à la transmission du savoir. Tout ceci s'est traduit par un taux élevé de déperdition scolaire et constitue autant de motifs de déplacement humains en quête d'une meilleure éducation. Dans ces conditions, la migration est presque toujours définitive, vu que le milieu d'origine n'offre pas à la population une structure d'accueil local adéquate.

Pour ce qui est de la santé, la situation est similaire. Le mauvais état de la situation sanitaire est encore flagrant dans le monde rural haïtien. On dénombre aujourd'hui 1,6 médecins pour 10000 habitants, nombre nettement insignifiant pour une population qui fait face à des problèmes de santé de plus en plus croissants. Les dispensaires sans lits représentent dans les zones rurales les seuls établissements publics de santé qui dispensent des soins à la population. Ces établissements sont en quantité insuffisante et ont généralement à leur tête une aide infirmière dont les limitations, en fait de connaissances médicales, sont assez connues. D'où l'impossibilité de traiter sur place certaines maladies pourtant bénignes. La clinique mobile qui se pratiquait un peu partout à travers les campagnes du pays a déjà produit certains effets bénéfiques, mais ses actions sont loin de résoudre les différents problèmes de santé. D'ailleurs, en fait de matériel médical, le monde rural est généralement sous-équipé. Au cours d'une enquête réalisé en juin 1986 par le Ministère du Plan, on a pu constater même dans les villes de province, qui sont supposées approvisionner les zones rurales ou suppléer à leur carence, sont parfois privées des équipements les plus élémentaires. Par exemple beaucoup d'établissements de santé ne disposent pas d'un cathéter et d'un réfrigérateur pour la conservation des vaccins. La situation est donc grave dans les zones rurales où les problèmes sont réellement plus aigus.

Toutes ces carences ont eu pour effet de favoriser le développement de la médecine traditionnelle qui a encore la faveur d'une fraction importante de la population. Sans vouloir nier ses mérites, il convient de reconnaître que cette médecine est incapable de faire face à la complexité de certains cas de maladies qui requièrent des connaissances et des techniques plus appropriées. Ainsi bon nombre de décès sont souvent dus aux mauvaises manoeuvres des «médecins feuilles" ou charlatan qui, pourtant, sont tolérés dans le milieu et continuent même à donner des soins.

Cette situation a certainement découragé certains ruraux qui se voient obligés d'envisager la migration vers des centres urbains mieux équipés. L'approvisionnement en eau potable pose également de sérieux problèmes dans le monde rural haïtien.

Malgré les progrès du SNEP (Service national d'eau potable), l'eau des rivières est encore très utilisée pour tout usage dans plusieurs localités. Les raccordements domiciliés sont inexistants, tandis que les fontaines publiques sont loin d'être suffisantes. La consommation de cette eau est souvent la cause de plusieurs cas de maladies d'origine hydrique comme la typhoïde, la diarrhée, le choléra, etc.

Beaucoup d'autres services manquants peuvent être cités, tels que: l'électricité et le téléphone dont les campagnes haïtiennes sont privées et qui pourtant font partie de la vie moderne.

De ce qui précède, il en ressort que les conditions de vie de la population sont vraiment déplorables en milieu rural et expliquent dans une large mesure la migration des paysans vers les villes.

En effet, la ville représente pour le migrant le lieu où pourraient se concrétiser ses rêves. Elle est avant tout pour lui le centre d'emplois rémunérateurs par excellence et, partant, l'endroit où ses perspectives de gains seraient meilleures. C'est aussi dans les villes que se concentrent les principaux services dont le monde rural a certainement besoin. Tout ceci explique l'attrait de la ville pour le paysan où pourtant, les conditions de vie ne cessent de se dégrader.

En Haïti, les principaux flux migratoires sont accaparés par Port-au-Prince qui est la ville la mieux dotée du pays en terme de services de base fournis. Les villes de province, à cause de l'inadéquation de leurs structures d'accueil et de la faiblesse de leurs activités économiques attirent moins les aspirants `à la migration. En effet, on estime que 85% des migrants passent directement de leurs villages d'origine à la capitale sans séjourner dans les villes de province que mêmes les classes aisées ont abandonnées pour les mêmes raisons.

Plus précisément, le choix de Port-au-Prince par les migrants comme principal lieu de destination s'explique par les énormes disparités entre la zone métropolitaine et les autres villes du pays. A ce sujet, il convient de se rappeler qu'en 1976, Port-au-Prince accaparait 76% des entreprises industrielles et 92.5% de la main-d'oeuvre industrielle du pays44(*).Ce qui sous-entend que la probabilité de décrocher un emploi et d`obtenir des gains substantiels parait plus grande à la capitale qu'en province.

Port-au-Prince est particulièrement le siège des activités d'Import-Export, ce qui explique en partie le dépérissement des principales villes de province. C'est aussi à Port-au-Prince que se concentrent les principaux services essentiels qui sont en général de meilleure qualité. Il faut noter également que Port -au Prince détient le seul aéroport international du pays, ce qui justifie une préférence en plus de la majorité des migrants pour cette ville.

Les mouvements migratoires vers la capitale ne s'atténueront pas dans l'immédiat, car, avant tout, ils constituent une réaction logique de la population face aux inégalités socio-économiques entre la capitale et le reste du pays45(*).

SECTION 6. Conséquences sur le plan urbain

D'après les donnés publiées par l'IHSI en 1980, en 1960, l'urbanisation se faisait à un rythme très réduit en Haïti. Alors que, en 1970 le taux d'urbanisation du pays n'était que de 20%, le phénomène est devenu de plus en plus préoccupant à partir de 1980 avec la multiplication par 5, la population urbaine. Il faut aussi souligner que dans le cas d'Haïti, l'urbanisation s'est accompagnée d'une centralisation spatiale excessive d'hommes et d'activités dans l'Aire de la capitale de sorte qu'on parle de nos jours de la République de Port-au-Prince. De 1990 à nos jours la population urbaine a connu des taux de croissance de 28 à 32 %. Alors que la population totale haïtienne a connu un taux moyen de croissance annuelle de plus de 2 %. Taux très faible comparativement à l'ensemble des pays les moins avancés du monde en 1995. Les conséquences de cette croissance accélérée sont graves et doivent retenir l'attention des autorités haïtiennes. En réalité la ville de Port-au-Prince traverse depuis une décennie une crise urbaine. Le fait le plus marquant est que nous assistons depuis quelques années à une ruralisation de la vie urbaine avec les survivances des habitudes de la campagne. Par contre, au niveau des villes de province le processus d'urbanisation est bloqué faute d'une bonne politique d'aménagement du territoire.

6.1. Le chômage en milieu urbain et le développement du secteur informel

La lenteur du processus d'industrialisation et le faible dynamisme du secteur tertiaire ajoutés à d'autres problèmes crées par la crise socio-économique de ces 15 dernières années a diminué considérablement la capacité d'absorption des centres urbains et les possibilités d'emploi pour les nouveaux arrivants. Il en résulte une situation de sous-emploi et de chômage ouvert ou déguisé. Et, devant l'incapacité du secteur moderne de satisfaire les besoins de ce nombre croissant de migrants, la plupart se voient obligés de créer leur propre gagne-pain (le secteur informel).46(*) Les caractéristiques des travailleurs de ce secteur sont les suivants:

Ø travailleurs à revenu variable ayant un travail régulier à l'intérieur du secteur ;

Ø travailleurs occasionnels reliant n'importe quel travail pour arriver à survivre et se débattant continuellement entre le chômage et des activés instables ;

Ø personnes avec un niveau d'instruction très bas,

Ø les migrants ruraux récemment arrivés dans les villes sans qualifications et opportunités d'emploi dans le secteur formel urbain.

Dans une analyse de l'évolution de l'emploi entre 1971 et 1980 effectuée par le Projet : Planification des ressources humaines et de l'emploi (PRHE), on estimait que le secteur informel de l'économie regroupait plus de deux tiers de l'emploi du pays en 1980, soit environ 79,7%. La quasi inexistence d'informations relatives aux activités exercées dans le secteur informel ne permet pas de connaître le chiffre exact des revenus générés par ce secteur. Les informations concernant les activités du secteur informel sont très rares. Signalons cependant que les enquêtes effectuées dans le quartier de St Martin par l'IHSI en 1980 et en 1986 au niveau de quelques marchés de la capitale et de quelques quartiers populeux par Lavalin International en juillet 1988, au niveau de plusieurs échantillons de tissus urbains par le Ministère des Affaires sociales en 1988, au niveau de trois quartiers populeux, constituent les études connues qui apportent des données importantes sur les activées de l'emploi, des salaires et des dépenses de cette catégorie de la population.

Aujourd'hui, la situation est devenue beaucoup plus préoccupante si on considère les chiffres publiés par le PNUD dans son rapport de Coopération au développement-1996.

Ces derniers indiquent une population totale de plus de 7,3 millions à composante 33,17% urbaine et accompagnant d'un taux moyen de croissance avoisinant 4% l'an47(*). Par ailleurs, l'analyse des données publiées parle MSPP/ l'OMS/OPS en 1997 fait état d'un taux de chômage très élevé. Soit 65% pour l'ensemble de la population, accompagnant d'un taux d'inflation de plus de 15,6%48(*). Une situation qui tend à se dégrader si les mesures correctives ne sont prises par nos décideurs dans l'immédiat.

Bref, le secteur informel qui représente une sorte de refuge pour de nombreux migrants ruraux, n'est pas toujours en mesure de répondre aux attentes de ces derniers. Dans bien des cas on peut conclure qu'il s'agit d'un simple transfert de la misère des campagnes vers les villes.

6.2. Le développement de l'habitat spontané

Tout d'abord, il est important de faire remarquer que l'urbanisation accélérée a engendré une dualité de l'habitat au niveau de l'espace urbain. D'un coté, il y a l'habitat planifié et de l'autre l'habitat non planifié appelé aussi l'habitat spontané ou bidonville.

La distinction est que, contrairement au premier, l'habitat non planifié est principalement dû à l'initiative de ses habitants et s'est implanté sans aucune forme d'aménagement préalable. Les différentes formes d'habitats spontanés ne résultent pas d'un véritable investissement. Ce sont les habitants qui, avec des matériaux de fortune (morceaux de tôles, de carton, de bois, etc..), édifient des abris. De plus, alors que la croissance urbaine «normale» implique la mise en place de voirie et de réseaux divers (adduction d'eau, électricité, égouts etc..) qui nécessitent d'importants investissements, la croissance urbaine spontanée s'accomplit sans que soient effectués ces travaux, qui sont pourtant nécessaires à cause surtout de la densité.

Enfin le caractère de spontanéité de ces formes d'habitats se traduit dans les particularités du statut juridique de l'occupation du sol. Il s'agit, dans un très grand nombre de cas, d'une occupation qui n'est garantie par aucun acte juridique, soit qu'à l'origine les habitants s'établissent clandestinement sur des terres qui ne sont pas étroitement surveillés par leurs propriétaires, soit qu'il s'agisse de terrains ou bâtiments dont l'occupation est tolérée, moyennant le paiement de loyers ou non. Ajoutons également que l'habitat spontané ou bidonville peut se retrouver sur des sites dangereux, (ravines, pentes escarpées, terrains marécageux etc..) qui paraissent peu intéressants pour les personnes à revenu élevé.

Les bidonvilles, tels qu'ils viennent d'être décrits, se retrouvent à travers tout l'espace urbain haïtien. Toutes les villes ont leurs bidonvilles. A titre d'exemple on peut citer: La saline, St Martin, Bréa Tokyo, Pont Rouge, Fort Mercredi, cite l'Éternel, cite de Dieu, cité plus, etc, pour Port-au-Prince. La Fossette et Ste Philomène pour Cap-Haïtien. Grande Savane et Nan Palan pour Port de Paix. La Savane pour les Cayes. Raboteau et Ka soley pour Gonaïves. Ste Hélène, Mackandale et Platon pour Jérémie. A noter que Pétion- ville et Delmas en comptent plusieurs dont certains se localisent dans des ravines et ne sont donc pas à l'abri des inondations.

Selon une enquête49(*) réalisée en 1986 par l'institut haïtien de statistiques et d'informatique (IHSI), le processus de bidonvilisation de l'aire métropolitaine est confirmé à partir des résultats obtenus pour les quartiers précités. En effet, on y relève cinq personnes en moyenne par logement généralement d'une ou deux pièces, ce qui sous-entend un taux élevé de promiscuité. Un pourcentage de 65% des ménages sont locataires ou fermiers avec seulement 28% de propriétaires.

De plus, les ménages achetant de l'eau pour leur usage domestique accusent un pourcentage de 72% tandis que ceux qui s'approvisionnent aux fontaines publiques ne représentent que 16 %. Les ménages qui ont accès qu'à des latrines ordinaires dans leurs cours ou ailleurs atteignent 92%, alors que ceux disposant d'un W.C ne dépassent pas 1%. A noter que ces latrines ordinaires constituent une source de contamination pour les nappes d'eau souterraines.

Cependant on remarque que 80% de ces ménages utilisent le courant électrique et que seulement 18% font l'usage de l'éclairage au kérosène. Ce taux élevé d'utilisation du courant électrique est un peu surprenant. Il semblerait qu'un bon nombre de ces ménages bénéficient des connexions pirates, comme c'est souvent le cas dans les quartiers populeux.

Dans les trois autres villes d'importance comme Cap-Haïtien, Gonaïves et les Cayes, les contraintes du site et rareté des terrains urbanisables ont conduit les populations pauvres à s'entasser sur des terrains marécageux ou à fortes pentes tel que constaté au Cap dans les quartiers de la Fossette, Lòt bò Pont, Nan Bannan-n, Bel-air, la Borie, Ti Guinen, aux Cayes, à La Savane et aux Gonaïves, à Raboteaux.

L'ensemble de ces quartiers, tout comme ceux cités à Port-au-Prince, se caractérisent par l'absence d'infrastructures (Drainage, eau, électricité, etc..). Au Cap-Haïtien, 43% des logements de ces quartiers ne disposent pas de latrines, 75% sont privés d'électricité, 3% seulement ont des raccordements domiciliés domiciliaires d'eau potable et le reste de la population s'approvisionne aux fontaines publiques50(*). Les logements sont généralement faits de matériaux de récupération ou ressemblant à l'habitat rural (clissage avec toit de tôle ou de chaume). Ils se caractérisent également par leur exiguïté et un taux d'occupation très élevé (12m2 pour 5 personnes en moyenne).

En conclusion, on peut dire que le secteur logement a connu une lenteur dans son développement, notamment dans les principales villes du pays, en raison du fait qu'aucun programme d'envergure n'a été élaboré pour les différentes couches de la population. Les populations à moyen et à faible revenus devant faire face au prix élevé des terrains, de la construction des logements, à une absence de mécanisme de crédit à la construction et à une augmentation du prix des matériaux de construction se voient obligés soit de s'entasser dans les zones déjà urbanisées ou tout simplement dans des zones marginales, soit de s'installer dans les zones nouvellement aménagées mais privées des infrastructures nécessaires.

Sans doute, plusieurs interventions étatiques ont été faites pour remédier à cette situation. Qu'on se rappelle la construction des cités de Belladère, Vincent, St Martin, Lento 2, Cabaret, ainsi que l'identification et l'exécution de nombreux projets de construction de logements au bénéfice des familles défavorisées. Mais, vu l'ampleur du problème, les résultats atteints sont insignifiants. De plus, les vraies causes de ce mal viennent du monde rural qui ne cesse de déverser les migrants sur les centres urbains. Les entreprises publiques de promotion et de logements sociaux (EPPLS) qui est un organisme chargé d'apporter des améliorations nécessaires dans ce domaine, est impuissant à le faire. Ses actions se limitent seulement au niveau des villes et encore, avec des résultats insatisfaisants.

6.3. La Ruralisation de la vie urbaine

L'exode rural constitue un facteur important en ce qui a trait au phénomène de la ruralisation de la vie urbaine. La population rurale qui représentait en 1982, 77% de la population totale, ne répond plus aujourd'hui à cette statistique. Car avec l'exode rural il s'est produit un transfert systématique des gens de la campagne vers la ville. On a eu au cours de cette même période une croissance démographique de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince de l'ordre de 46%. Ce qui veut dire que tous les ans environs 20 000 personnes supplémentaires viennent gonfler la population Port-au-Prince.

En effet, ces déplacements ne sont pas sans incidences sur l'environnement urbain et les activités journalières. Les gens arrivent avec toutes leurs habitudes entravant de ce fait le fonctionnement normal de vie urbaine. Édouard Francisque, dans son livre "La structure économique et sociale d'Haïti" remet en question la notion de ville en Haïti. Il avance ce qui suit: "Beaucoup d'agglomérations appelées villes restent en fait de grandes localités rurales par les coutumes, les moeurs, les activités, le mode de vie. Aucune agglomération haïtienne ne mérite à proprement parler le nom de ville au sens moderne du terme étant donné l'inexistence de plan d'urbanisation et d'équipements (adduction d'eau, égouts, télécommunication, transport, asphaltage des rues, et..). Bien au contraire il conviendrait de parler sans exagération d'un processus de ruralisation de ce que les gens appellent, Ville en Haïti51(*)".

Il n'est pas rare, même à la capitale que les automobilistes soient contraints d'arrêter leurs voitures sur les voies principales et les lieux de promenade pour laisser passer une vache indolente, obéir aux caprices d'un porc ou d'un âne récalcitrant.

Aujourd'hui le problème d'immondices qui bat son plein dans la capitale trouve son origine aussi dans le comportement des migrants. Les personnes ne se soucient plus d'utiliser les poubelles, en petit nombre mises à leur disposition. Ils vont à même le sol pour faire leurs besoins physiologiques négligeant toutes les disciplines sanitaires. Tout ceci constitue des défis à relever par nos décideurs politiques avec le concours bien entendu de la population52(*).

* 40 Marc Eddy Joachin : Causes et Conséquences du déclin de l'agriculture. Essai d'identification des problèmes. Tentatives d'analyses et recommandations, Mémoire INAGHEI, 1998.

* 41Ministère de l'économie et des finances, Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique, Étude sur les relations entre l'exode Rural et la planification urbaine, Février 1989 p.34

* 42Banque de la République d'Haïti, Rapport Annuel 1996 p.18.

* 43 Les cahiers du CHISS, Revue haïtienne des Sciences sociales, Le processus d'urbanisation à P-au-P, no spécial Décembre 1971.

* 44 Banque Mondiale, situation économique actuelle et perspectives d'avenir vol. I, 1982

* 45Ministère de l'économie et des Finances, Institut Haïtien de Statistiques et d'informatique: Etude sur les relations entre l'exode rural et La planification urbaine en Haïti, Février 1989, P-au-P.

* 46 MTPTC/PNUD / Centre des Nations Unies pour les établissements Humains, Plan Directeur d'urbanisation de P-au-P (Projet Hai/85/009-Phase-1) p.86.

* 47 PNUD, Rapport de Coopération au développement-1996, p.12.

* 48 MSPP/OMS/OPS,Analyse de la situation Sanitaire d'Haiti-1997

* 49 IHSI, Enquête socio-économique dans les quartiers populeux P-au-P, Juillet 1988.

* 50CPNAP, Diagnostic du secteur Développement urbain et logement, DPSAT, janvier1988.

* 51 Edouard Francisque : La structure économique et sociale d'Haïti, 1986, p.51.

* 52 IHSI (Résultats préliminaires du recensement général, P-au-P , 1982, p.4.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King