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Le décrochage scolaire: du contrôle social aux logiques de solidarité entre les différents intervenants

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par Antonio Rizzo
Université catholique de Louvain - Master en sciences de l'éducation 2010
  

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3 Le décrochage scolaire : sujet de contrôle et d'insécurité

« Le niveau de diplôme requis pour occuper un emploi s'est aujourd'hui élevé, et les perspectives socioprofessionnelles des élèves qui quittent le système scolaire sans diplôme se sont considérablement réduites. Par ailleurs, la déscolarisation est considérée quasiment comme un problème relevant de l'ordre, sinon de la sécurité publique : sans encadrement, que deviennent les jeunes hors école ? Sont-ils en risque de délinquance, exposés à des trafics divers, errant dans la rue sans protection ? Et leurs parents seraient-ils complices et donc punissables de l'inassiduité ou du retrait scolaire de leurs enfants ? Ainsi la scène de la déscolarisation se déplace de l'école vers la cité, les jeunes absentéistes et déscolarisés faisant partie des «classes dangereuses», appelant un contrôle accru19

Carla Nagels (Criminologue) et Andrea Rea (Sociologue) ont soulevé, dans leur ouvrage «Jeunes à perpètes»20, un phénomène qu'on pourrait qualifier d'inquiétant. En effet, autrefois étiquetée de «groupe ayant du potentiel dans lequel il faut investir», la jeunesse d'aujourd'hui, est selon les auteurs, désignée comme un «groupe à problèmes».

Dans leur recherche et dans un premier temps, les auteurs considèrent la jeunesse comme un groupe social dans ses rapports avec les autres groupes sociaux et s'intéressent aux institutions dans lesquelles la jeunesse évolue : l'école et les institutions de protection de la jeunesse. Dans un second temps, ils démontrent l'existence des différences de classes au sein de ce groupe social. On trouve en grande partie dans l'ouvrage, le discours politique autour de cette jeunesse. En outre, celui-ci tourne autour de binômes comme intégration et exclusion, droits et devoirs ou encore prévention et répression. À partir des années 90, « la jeunesse n'est plus perçue comme un groupe social à part entière. Elle devient un ensemble d'individus qui sont porteurs de droits et devoirs. Mais surtout, les jeunes sont sujets à risques (risque de non-intégration, de décrochage scolaire, de chômage, de délinquance) et font donc l'objet de politiques publiques de plus en plus ciblées21i « Le travail social s'inscrit aujourd'hui dans un cadre balisé par des politiques qui s'inspirent des diverses logiques dont le point de convergence est de déplacer la précarité sous surveillance, en faisant remplir aux intervenants sociaux un rôle de contrôle de moins en moins déguisés, et en multipliant les

19Esterle, M. (septembre 2004). La déscolarisation, une nouvelle forme de déviance juvénile ? Questions Pénales, Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales, CNRS, bulletin d'information, XVII.4.

20Nagels, C. & Rea, A. (2007). Jeunes à perpète. Génération à problèmes ou problème de génération ? Bruxelles : Ed. Académia Bruyland.

21Nagels, C. (2003). Op cit., p. 6.

confusions de genres - entre approches répressive et préventive22.» Ces politiques publiques en matière de jeunesse reposent sur l'égalité des chances (décret 91) qui prend en considération la problématique du bénéficiaire de manière personnalisée. L'idée est de donner une chance aux enfants socialement moins avantagés et moins bien dotés afin qu'ils bénéficient des mêmes opportunités que les enfants avantagés et cela justifie qu'on leur consacre davantage de moyens. « L'image de la jeunesse délinquante et violente, qu'il faut responsabiliser davantage, cohabite ainsi avec l'image d'une jeunesse victimisée, qu'il s'agit de protéger23.» Ainsi, le décret de 1991 relatif à l'Aide à la jeunesse constitue une extension du contrôle social vers un glissement de la notion de mineurs dangereux à celle de mineurs en danger. On constate également que la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse développe des mesures protectionnelles à l'égard du mineur délinquant plutôt que des mesures répressives. La loi se traduit par la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et, d'autre part, la réparation du dommage causé par ce fait.

Aussi, Carla Nagels & Andrea Rea (2007) abordent l'émergence d'un nouveau contrat socialsécuritaire où notre société reste empreinte de l'État Social orienté vers le sécuritaire. Le thème fait partie du programme politique et permet une visibilité maximale. Les auteurs décrivent que les politiques publiques liées à ces matières sont critiquées et se résument, dans les faits, à «des fabriques de l'immobilité». « En 1993, le ministère de l'Intérieur, en collaboration avec les régions Wallonne et Bruxelloise, a superposé à ce réseau existant un système de «prévention» sociale de la délinquance dont la gestion et le contrôle sont dévolus aux autorités politiques locales (les communes liées par contrat/financement à ces deux instances). Les communes développent donc sur leur territoire des actions dites sociales impliquant dans leur volonté de centralisation, une unicité de points de vue et de logique au sein de chaque entité. Ce phénomène entraîne, à l'échelle locale, un véritable déficit de pluralisme. Les grandes finalités avancées pour les Contrats de Sécurité sont de garantir la sécurité des citoyens (par rapport à des groupes désignés potentiellement dangereux) et de rétablir la confiance de la population (la masse des électeurs) dans les autorités. Même si les travailleurs de terrain aménagent ces finalités en fonction de leurs intentions éducatives, ils sont cependant tenus de se cantonner dans les limites autorisées par l'employeur communal omnipotent. Tant en fonction de leurs finalités que de leur rattachement structurel, les CS apparaissent plus comme un facteur de contrôle et de normativité sociale que de

22Agence Alter (mai 2004). Lutte contre le sentiment d'insécurité à la lutte du sentiment d'impunité (p. 19). Alter Echos, Alter Educ.

23Ibid.

démocratisation de la société et d'épanouissement de l'individu24i En effet, les dispositifs des CS s'inscrivent dans une logique contractuelle et de financement par projet à durée déterminée. Les opérateurs doivent répondre aux exigences du Service Public Fédéral de l'Intérieur en fonction du plan stratégique qui définit une dizaine de phénomènes. Les travailleurs sociaux doivent pour ce faire construire de manière empirique leurs actions tout en respectant le « réseau » de partenaires sociaux. Les projets et leurs actions peuvent changer du jour au lendemain et ce, en fonction des desideratas du sommet stratégique. Chaque changement nécessite une période d'adaptation, de restructuration. Ce dernier modifie ainsi, les objectifs et les priorités demandées au travail social25. Si on additionne à ce constat un turnover important du personnel (contrats précaires : plan Rosetta, contractuelle..), alors, que doit-on penser de l'efficacité sur le terrain d'un point de vue préventif ? Quelle crédibilité le dispositif du Contrat de Sécurité a-t-il aux yeux des partenaires sociaux et des bénéficiaires ? Tant d'efforts et d'investissements financiers et personnels pour, in fine, se réorienter en fonction des intérêts à la fois du ministère de l'Intérieur et du gestionnaire local (le bourgmestre de la ville). H.O. Hubert (1999)26, soulève que : « sans doute l'enjeu actuel est-il d'imaginer des formes d'action publique proches du citoyen et adaptées aux réalités locales, mais pas au détriment d'une stabilité offerte et garantie aux travailleurs sociaux. Soutenir les précaires lorsque soi-même, on se heurte à la fois à la précarité du public, à sa propre précarité, ainsi qu'une précarité institutionnelle, cela ne ressemble-t-il plus à de l'acrobatie sans filet qu'à du travail social ? » De plus, Y. Cartuyvels (1994) relève l'inquiétude des travailleurs de l'Aide à la jeunesse relative à l'émergence d'une autre politique de la jeunesse concernée par les Contrats de Sécurité dont la philosophie est axée sur le court terme et le spectaculaire, la technique et le « management », l'intégration du social-judiciaire-policier. Selon l'auteur, « la mutation actuelle de l'État social se traduit par une redistribution horizontale des compétences de l'État social vers une politique axée sur le partenariat local entre acteurs privés et publics27Dans ce contexte, il faut être attentif à ne pas tomber dans des discours pro- sécuritaires en stigmatisant les jeunes en décrochage scolaire comme des délinquants et, de ce fait, les désigner comme dangereux.

241res Assises de l'Aide à la jeunesse. Vous avez dit : « Aider la jeunesse » : Propositions perspectives (p. 92). Communauté française de Belgique, ministère de la Culture et des Affaires sociales de la C.F Direction d'administration de l'Aide à la jeunesse. Bruxelles.

25Hubert, H.-O. (1999). L'Etat face à l'insécurité : Dérives politiques des années 90 (p. 170). Bruxelles : Labor. 26Ibid.

27Cartuyvels, Y. (1994). Convention portant sur la réalisation d'un projet pilote : Evaluation d'un contrat de sécurité dans une commune type ( Scharbeeck) avec examen sur l'impact sur le secteur de l'Aide à la jeunesse, Rapport d'activité, Facultés Universitaires Saint-Louis, p. 8.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore