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Le décrochage scolaire: du contrôle social aux logiques de solidarité entre les différents intervenants

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par Antonio Rizzo
Université catholique de Louvain - Master en sciences de l'éducation 2010
  

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4 Critique sur le décrochage scolaire

Nous avons tenté de comprendre l'émergence de la problématique du décrochage scolaire ou la construction d'une solution comme problème public. Si nous considérons la mise en oeuvre d'une politique publique comme la construction d'un cadre normatif et cognitif, au sens où les institutions construisent des représentations et orientent les pratiques des travailleurs sociaux, il est important de relativiser le décrochage scolaire. En effet, dans la façon dont le problème est posé, le jeune est pointé du doigt comme responsable tout en étant contraint d'avoir un projet personnel dans un contexte où le choix de ses perspectives est réduit. En effet, « plus on a des difficultés scolaires et moins on a de choix de filières et plus on est contraint d'énoncer un projet personnel. Les études risquent alors très fortement de se vider de sens. Certes, on ne peut pas réduire l'orientation seulement à une forme de sélection sournoise à travers l'intériorisation et l'acceptation progressive de l'échec scolaire, bien que les taux d'accès aux différentes filières continuent de s'ordonner selon la hiérarchie de l'origine sociale28i Dans le cadre d'un colloque international sur la construction du décrochage scolaire comme problème public, P.-Y. Bernard (2007) mobilise dans son analyse deux critiques s'inspirant de plusieurs auteurs traitant le sujet. La première, selon Geay et Meunier (2003) : d'une part, le décrochage scolaire permet de délimiter la sphère d'action des champs professionnels en compétition dans le domaine éducatif ; d'autre part, le décrochage scolaire est une construction administrative justifiant un travail de contrôle de populations considérées comme dangereuses. La seconde critique, selon Millet et Thin (2005) : « le décrochage scolaire est considéré comme un avatar de la question de l'échec scolaire. Le décrochage scolaire réduirait la problématique de l'échec scolaire aux situations d'abandons scolaires et occulterait les conditions sociales de cet échec scolaire (précarité, pauvreté), dédouanerait le système éducatif de sa responsabilité dans la production de cet échec scolaire et stigmatiserait une catégorie d'individus au fond peu différents de ceux qui, quoique assidus dans les établissements scolaires, sont en grande difficulté d'apprentissagei

Pour résumer les critiques relatives au décrochage scolaire, (1) les auteurs mettent en évidence la gestion locale du décrochage scolaire en balisant les professionnels qui traitent la problématique. (2) Celle-ci est une construction administrative qui a pour objectif le contrôle des décrocheurs considérés comme une population à risque. (3) Le décrochage scolaire met en évidence les « lacunes » de l'individu et non la responsabilité du système éducatif lui-même

28Dubet, F., & Martuccelli D., (1996). À l'Ecole. Sociologie de l'expérience scolaire (p. 281). Paris : Ed du Seuil.

« producteur » d'abandon scolaire. (4) L'échec scolaire renvoie davantage à la question des apprentissages, tandis que le décrochage scolaire pose la question plus large du rapport de l'individu à l'institution scolaire et de ses conséquences en dehors du monde scolaire.

Francis Godart (2003) soulève une analyse intéressante en ce qui concerne la jeunesse et la scolarité : « pour toute une partie de la société, le noyau central, la socialisation s'organise autour de l'axe vertical : « haut / bas». Pour ce noyau, l'enjeu de la socialisation se structure autour du diplôme : il faut aller plus haut et plus vite que les autres. Pour l'autre partie, la socialisation s'organise autour de l'axe ; « dedans / dehors. Il s'agit de rester dans l'école, dans les dispositifs d'insertion, dans la loi29i Pour cet axe, l'exclu (le jeune stigmatisé) se retrouve devant des alternatives « socialisatrices » qui émanent des différents dispositifs de l'accrochage scolaire et tout ça, afin de pas être « hors-la-loi ». Dans ce contexte, le «décrocheur» se retrouvent face à deux choix : être ou ne pas être hors-la-loi face à l'obligation scolaire ? Dans les faits, dans quelle mesure l'ESA ne se déresponsabilise-t-il pas en «stigmatisant» les «décrocheurs» sous la coupole de la méritocratie, de l'échec et de l'exclusion ? Il faut mériter son diplôme et s'adapter aux règles du jeu des écoles qui (1) favorisent certains élèves et (2) se régulent dans l'acceptation de produire l'échec et l'exclusion ; comme si l'orientation par l'échec et la réussite était une exigence pour intégrer des postes bien spécifiques dans le marché du travail. « A quelles conditions l'école peut-être à la fois efficace et plus équitable ?... l'école est méritocratique, et, même si la compétition est parfois faussée, cette attente scolaire devient vite destructrice pour ceux qui échouent et n'ont d'autres possibilités que de s'identifier aux catégories de leur échec. C'est sans doute là une des façons les plus cruelles d'entrer dans la vie, car non seulement les élèves n'obtiennent rien de bien tangible, mais ils perdent l'estime de soi. Cette épreuve est d'autant plus vive que le système scolaire ne s'accroche pas à un véritable projet éducatif, « moral » aurait-on dit autrefois, visant l'expression et la formation de qualités personnelles. Tout ce qui n'est pas strictement scolaire y reste résiduel, militant, alors même, que chacun déplore la perte d'utilité des diplômes et la faiblesse éducative de masse. Aucun de ces travers n'appartient strictement à l'école, elle ne les engendre pas directement mais elle les cristallise dans son organisation même. Doit-elle les subir comme une fatalité, ou peut-elle résister efficacement, c'est-à-dire se modifier elle-même, plutôt que de prolonger un cycle infernal fait d'appel aux principes «sacrés», de remédiations indéfinies et d'adaptation discontinues30 ? »

29Godart, F. (1992). La famille affaire de génération (p. 203). Paris : Ed. puf.

30Dubet, F. & Martuccelli, D. (1996). A l'Ecole. Sociologie de l'expérience scolaire (p. 338-339). Paris : Ed du Seuil.

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