WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'intervention de l'état constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente ?

( Télécharger le fichier original )
par François VOIRON
Paris II Panthéon Assas - Master II Droit européen des affaires 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Partie II: La justification d'ententes anticoncurrentielles par une
intervention de l'État

Outre la question de l'applicabilité du droit de la concurrence aux activités étatiques, un problème connexe se pose en ce qui concerne les conséquences, du point de vue des entreprises, de l'intervention de l'État en faveur d'une entente anticoncurrentielle.

En effet, l'État, lorsqu'il adopte des actes normatifs, est susceptible de donner naissance à des ententes anticoncurrentielles , de favoriser leur conclusion ou de renforcer leur efficacité. Ces ententes sont-elles toujours prohibées? La norme anticoncurrentielle constitue-t-elle un motif de justification pour les entreprises participant à ces ententes?

Suivant le point de vue que l'on adopte, les perspectives sur ces questions sont différentes. Il convient donc d'observer en premier lieu la situation d'un point de vue interne (Section 1) oü l'influence du droit communautaire se fait cependant sentir, avant d'envisager la spécificité que revêt cette question du point de vue du droit communautaire (Section 2).

Section 1: L'admission de la justification en droit national

L'intervention de l'État est susceptible de constituer une justification de l'entente anticoncurrentielle selon deux fondements dont les critères et les objectifs divergent.

En premier lieu, l'État peut reconna»tre par décret qu'un accord anticoncurrentiel ne doit pas être soumis à la prohibition de l'article L.420-1 du Code de Commerce en raison de sa contribution au progrès économique, et prendre, pour assurer sa viabilité et sa licéité, un décret d'exemption individuel ou collectif en vertu de l'article L.420-4 II du Code de Commerce ( 1).

En second lieu, l'intervention de l'État par le biais d'un acte législatif est susceptible de constituer une exemption des pratiques anticoncurrentielles si elle satisfait aux conditions textuelles et jurisprudentielles permettant de caractériser un ordre de la loi ( 2).

§1 : L'article L.420-4 II du Code de Commerce : l'exemption
préalable par décret

La justification d'un accord anticoncurrentiel peut intervenir en raison de sa contribution au progrès économique. Cette contribution, reconnue également en droit communautaire (article 101§3 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne), est soumise à des conditions définies à l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce : l'accord doit assurer un progrès économique, réserver une partie équitable du profit dégagé aux utilisateurs, ne pas donner aux intéressés la possibilité de supprimer la concurrence pour une partie substantielle du marché concerné et les restrictions engendrées doivent être indispensables à la réalisation des objectifs de l'accord.

La reconnaissance de cette contribution au progrès économique peut se faire ex ante ou ex post. Dans la majeure partie des cas, les entreprises parties à un accord présentant des aspects anticoncurrentiels sont invitées à apprécier par elles-mêmes la satisfaction des conditions ci-dessus énumérées, d'autant plus depuis que la Commission Européenne n'accorde plus d'exemption individuelle après contrTMle de l'accord59. La confirmation de la satisfaction à ces conditions intervient dans la majeure partie des cas, ex post, lors de l'examen de l'accord en cause par le juge national ou par l'Autorité de la Concurrence, dans le cadre d'une procédure contentieuse.

Il existe en droit francais une possibilité de délivrer par décret une exemption a priori de la conclusion d'un accord contenant des dispositions anticoncurrentielles puisque l'article L.420-4 II du Code de Commerce dispose que « Certaines categories d'accords ou certains accords, notamment lorsqu Õils ont pour objet dÕaméliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites, peuvent etre reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris apres avis conforme de lÕAutorité de la Concurrence ».

Cette faculté d'exemption peut se faire, ainsi que le texte l'indique, de deux manières : collectivement, pour un ensemble d'accords (A) ou individuellement, pour un accord en particulier (B).

59 Cette faculté a néanmoins été transmise aux autorités nationales de concurrence depuis le règlement (CE) n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, qui leur permet d'examiner la satisfaction d'un accord aux conditions de l'article 101§3 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

A. L'exemption collective

Depuis 'ordonnance de 1986 60

l , les dispositions du droit francais permettent au Ministre de l'Économie de légitimer, par le biais d'un décret, une catégorie d'accords restrictifs de concurrence mais présentant néanmoins une contribution au progrès économique au sens de l'article L.420-I 2° du Code de Commerce.

Cette faculté possède son pendant en droit communautaire puisque la Commission Européenne peut, par le biais de règlements d'exemption, définir précisément les conditions dans lesquelles une catégorie d'accords peut bénéficier de l'exemption pour contribution au progrès économique.

Les mécanismes aussi bien national que communautaire ont pour but de préserver la sécurité juridique des entreprises en substituant à la généralité des conditions d'exemption du Code de Commerce ou du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, des critères précis et adaptés à la catégorie d'accords visée par le décret ou le règlement. Du fait de ces interventions, les entreprises souhaitant mettre en place ce type d'accords disposent d'une grille de lecture précise permettant de s'assurer que leur comportement ne sera pas considéré par la suite comme prohibé et sanctionné dans le cadre d'une procédure contentieuse.

Une procédure spécifique à ce type de décrets est prévue par les dispositions du Code Commerce 61

réglementaires de . Un projet de décret est tout d'abord réalisé par les

services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Il doit obligatoirement être publié au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au moins un mois avant sa transmission à l'Autorité de la Concurrence. Cette publication permet aux personnes intéressées (organismes professionnels, associations de concurrence...) de formuler leurs observations pour transmission à l'Autorité.

La saisine de l'Autorité de la Concurrence pour avis n'est absolument pas formelle puisqu'un avis conforme de sa part est nécessaire pour que le décret puisse être effectivement adopté . Cette exigence de validation par une autorité administrative indépendante est nécessaire puisqu'elle permet de se préserver d'exemptions pour des motifs politiques, au détriment du respect de la préservation d 'une concurrence effective.

60 er

Article 10§2 de l'ordonnance n°86 -1243 1

du décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la

concurrence.

61 Article R.420-2 du Code de Commerce.

Alors que cette procédure existe depuis vingt cinq ans, il est nécessaire de constater qu'il n'en a été fait qu'un usage fort parcimonieux. En effet, seuls deux décrets ont vu le jour à la faveur de cette procédure. Témoignant de l'attention particulière apportée au

62

milieu agricole , les deux textes de 1996 concernent des accords intéressant l'agriculture.

Le premier décret concerne les accords de développement de productions de qualité63. Il prévoit une exemption des ententes entre producteurs agricoles ou avec des entreprises bénéficiant d'une même appellation d'origine ou d'un même label s'ils sont notifiés au Ministre de l'Économie et qu'ils visent à adapter l'offre à la demande. L'exemption est néanmoins soumise à plusieurs exigences. Les accords ne doivent tout d'abord pas être conclus pour une durée supérieure à trois ans. D'autre part, ils ne peuvent contenir que les cinq cas de restrictions de concurrence prévues par le décret (programmation de la production, limitation des capacités de production...). Enfin, ils ne peuvent être conclus par des entreprises en situation de position dominante sur un marché. Sous réserve de la satisfaction à ces conditions, ces accords sont réputés exemptés à compter de leur notification au Ministre de l'Économie.

64

Le second décret concerne les accords de crise, toujours dans le domaine agricole . Il envisage les accords de crise passés entre producteurs agricoles (non vinicoles), ou avec des entreprises d'approvisionnement ou de transformation pour prendre des mesures d'adaptation aux situations de crise, c'est-à-dire aux situations d'inadaptation de l'offre à la demande constituant une perturbation grave du marché. Des conditions précises sont également prévues puisque ces accords, d'une durée maximale d'un an, peuvent seulement limiter les capacités

de production ou augmenter les exigences de qualité pour retrouver un équilibre entre l'offre et la demande. Enfin, ils ne peuvent comporter de dispositions concernant les prix.

Le champ d'application de ces décrets est donc limité et leurs conditions d'application strictement définies, à l'inverse des règlements d'exemption de la Commission Européenne qui s'appliquent à des domaines beaucoup plus vastes.

62 Comme l'indique l'insertion à l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce la loi n°96-588 du 1 er

par juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales d'une mention spécifique destinée aux accords sur des produits agricoles ou d'origine agricole.

63 Décret n°96-499 du 7 juin 1996 relatif aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de qualité dans le domaine agricole.

64 Décret n°96-500 du 7 juin 1996 relatif aux accords entre producteurs agricoles ou entre producteurs agricoles et entreprises concernant des mesures d'adaptation à des situations de crise.

Pour surmonter cette lacune, les juridictions nationales font application, dans leur appréciation des ententes anticoncurrentielles au regard du droit national, des critères développés par les règlements d'exemption communautaire. Ainsi, l'Autorité de la Concurrence65 consent volontiers à appliquer les critères d'exemption des accords verticaux développés par le règlement d'exemption communautaire66, notamment la zone de sécurité existante en deçà d'une part de marché de 30% du fournisseur.

Néanmoins, pour les accords n'entrant pas dans le champ d'application des décrets de 1996 et dont les parties prenantes souhaitent s'assurer de la légalité au regard du droit de la concurrence, une exemption individuelle est toujours envisageable.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote