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Les enfants en situation de rue du Sénégal. L'identité et la socialisation dans le processus de sortie de la rue

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par Corentin SIROU
Université Lumière Lyon 2 (ISPEF) - Master 1 sciences de l'éducation 2011
  

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3.3. Dans la rue : conditions de vie, activités et sociabilités

Nous ne manquons pas d'informations sur les conditions de vie des enfants en situation de rue au Sénégal. En effet, de nombreux rapports d'ONG, dénonçant la précarité de ces enfants et traitant des talibés mendiants sont disponibles. Ces études mettent largement l'accent sur les mauvaises conditions de vie et de traitement de ces enfants. Cette subjectivité militante ne manque pas d'intérêt, mais reste toutefois limitée à un certain point de vue, car servant à servir une cause particulière, à défendre des financements ou encore à interpeller la population et les décideurs politiques. Ces études n'en sont pas moins éclairantes dans les faits qu'elles relatent, une fois cette précaution d'usage énoncée. Nous essayerons donc ici de mettre en lumière les principaux aspects de ces conditions de vies, de présenter les activités pratiquées par ces enfants, et enfin le rôle (centrale) de la sociabilité dans la rue.

Comme dans beaucoup de situation à travers le monde, la rue n'est pas forcement un lieu où il fait bon vivre, et les nombreux rapports d'associations sont là pour le confirmer. Ces enfants sont en effet exposés à de multiples dangers : la circulation, les violences des autres enfants et adultes, à l'exploitation, à la prostitution, la drogue, etc. Les lieux pour passer la nuit sont assez variés. Certains se regroupent, par sécurité, pendant que d'autre ne font confiance qu'à eux-même ou cherche à bénéficier de la générosité des habitants. Certains leurs offres en effet, en fonction des possibilités, une place sur une natte, temporairement à l'habit du dehors. Dans ces conditions précaires, certains vont trouver la mort, dans un accident de voiture, des suites d'une maladie non soignée, sous les coups, etc. Même si le regard social s'est habitué à leurs présences, ces enfants soufrent de stigmatisation. « Le fait qu'ils soient vus ou étiquetés par le reste de la population comme des enfants déviants, errants dans la rue au lieu d'être dans leur famille, consommant de la drogue et vivant de vols, trouble leurs rapports avec le reste de la société. Selon les récits des enfants ils font l'objet de méfiance ou d'indifférence, et de violence de la part de ceux avec qui ils

84 HRW, « Sur le dos des enfants ». Mendicité forcée et autres mauvais traitements à l'encontre des talibés au Sénégal, New York, Human Rights Watch, 2010, p. 30

entrent en relation »85.

La pratique de la mendicité par les talibés varie selon les exigences des marabouts. Certains ne demandent rien, mais ne s'occupe pas de ses talibés en dehors des leçons coraniques, et les talibés doivent mendier pour vivre, et d'autres réclament une somme d'argent journalière à leurs apprentis. Il arrive que l'activité de la mendicité prennent le pas sur les cours, et deviennent l'activité principale des talibés. C'est ce que l'on observe dans les cas extrêmes où les daaras sont transformés par les marabouts en « véritables entreprises »86. Toutefois, le temps passé à mendier (de l'argent, de la nourriture, des vêtements, etc) serait en moyenne supérieur chez les enfants non-talibés que chez les talibés eux-mêmes87. Ces deux pratiques de la mendicité (par les talibés d'un côté, et par les autres enfants en situation de rue d'un autre côté) sont donc légèrement différentes. Chez les uns, elle est une obligatoire, car imposée par un autre (le marabout), et chez les autres, elle est stratégie de survie, d'adaptation88. La pratique même de la mendicité implique la maîtrise d'un certain savoir (les lieux riches en opportunités, les personnes susceptibles de donner, etc) et de techniques (modes opératoires variés, compétences requises différentes) nécessitant un apprentissage.

Le vol est également monnaie courante dans la rue, et de part la diversité des opportunités et des modes d'actions, il implique également une nécessité de connaissance et d'apprentissage. En effet, « les exigences de la rue les [les enfants] amènent à franchir le pas entre des activités sûres mais peu profitables, et des activités plus risquées mais aussi plus bénéfiques »89. Cette activité est rarement l'oeuvre d'un enfant seul. Il s'effectue en groupe dans les lieux porteurs d'opportunités, comme peuvent l'être des foules, des bousculades, dans les transports en communs aux heures de pointes, où dans des lieux plus isolés comme des parkings, où des maisons. Il faut cependant aborder le vol en prenant en compte les conditions de recours à ce dernier : la nécessité de survie. Et, s'il arrive que le viol devienne « un mode de vie, où le but visé est le prestige et la valorisation de soi »90, cette activité reste exercée sous la contrainte, n'étant à l'origine qu'une stratégie de survie parmi d'autres.

Au côté de ces deux activités, les enfants en situation de rue sont également amenés à exercer des petits boulots. C'est ainsi que l'on va les retrouver dans les marchés, à proposer leurs aides pour porter les sacs, les denrées des gens. Ils sont également porteurs de commissions. Il est fréquent que des gens les envoient chercher quelque chose (faire une course, aller donner un objet à quelqu'un,

85 Fatou Dramé, Nàndité . Enquête sur les enfants des rues à Dakar , Samusocial Sénégal - UNICEF Sénégal ,Dakar , 2010, p. 93

86 Voir Human Rights Watch, op cit, pp. 34-36

87 Unicef, Banque Mondiale et BIT, op cit, p. 41

88 Fatou Dramé, op cit, p. 154

89 Fatou Dramé, op cit, p. 157

90 Fatou Dramé, op cit, p. 164

rendre la monnaie à un autre, etc), et leurs donnent en retour une petite somme d'argent. Les talibés vivent aussi du travail de porteur dans les gares routières, où les gens arrivent et partent avec leurs bagages. Les moments de chargement et de déchargement sont alors des opportunités pour proposer leurs services. Les plus grands se retrouveraient plus dans les petits commerces ambulants, dans la restauration rapide ou encore dans la vente de drogues, laissant les autres activités pour les plus jeunes et les nouveaux arrivant dans la rue. Le commerce de rue n'est pas aisé pour ces enfants, car ils se heurtent au manque de ressource et de sécurité.

Dans les rues de Dakar, le groupe va être une des formes qui va aider à l'enfant de s'adapter aux conditions de vie. Les modes de formation de ces groupes sont variés, et dépendent beaucoup de l'attirance des enfants les uns envers les autres. En effet, la tendance est de s'associer avec qui se ressemble. Cette ressemblance se jauge notamment aux activités pratiquées et aux lieux fréquentés, et donc, de manière générale, c'est donc le comportement qui va être l'indicateur du potentiel. Dans l'agencement au sein du groupe sont déterminé principalement en fonction de l'age et l'expérience dans la rue. La solidarité est omniprésente l'intérieur, mais aussi à l'extérieur du groupe. C'est pourquoi le groupe est un refuge. Ce sont en effet les impératifs de survie qu'implique la vie dans la rue qui poussent les enfants à se regrouper. Mais cette nécessité n'empêche toutefois pas les relations qui existent entre les membres d'un groupe d'être électives. On voit alors se former des dyades ou des petits sous-groupes par affinité.

Nous n'avons que peu d'éléments sur la sortie de la rue des enfants au Sénégal. Cet aspect n'est pourtant pas dénué d'intérêt. En effet, la compréhension du parcours de sortie de la rue d'un enfant s'avère utile dès lors que l'on travaille auprès de ces enfants, et que l'on espère les sortir de leurs situations.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand