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Les enfants en situation de rue du Sénégal. L'identité et la socialisation dans le processus de sortie de la rue

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par Corentin SIROU
Université Lumière Lyon 2 (ISPEF) - Master 1 sciences de l'éducation 2011
  

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1.2. Méthodes d'enquête

Pour mener à bien notre recherche, deux méthodes d'enquêtes complémentaires se sont rapidement imposées. Ayant opté pour une approche qualitative, nous avons procédé à des entretiens auprès des enfants, complétés par l'étude des dossiers individuels de certains enfants que conserve le centre.

L'approche qualitative s'est en effet imposée comme étant la plus à même de nous aider à répondre à notre problématique. En effet l'étude de la carrière des enfants requiert un examen assez fin du parcours des enfants, qui ne peut pas transparaître à l'aide de simples questionnaires, études statistiques ou sondages. Il nous fallait recueillir le propos des enfants, les entendre nous dire leurs histoires personnelles, au delà de la simple mesure de quelques critères, qui, comme le souligne Jean-Claude Kaufmann, « fixent le cadre mais n'explique pas, alors que l'histoire de l'individu explique »110.

L'entretien est donc la principale méthode d'enquête. L'analyse de ces entretiens sera complétée par l'étude des dossiers de certains enfants du centre. Il nous a été possible de réaliser dix entretiens, dont neuf auprès des enfants du centre. En effet, l'entretien n°5 (page 93) ne concerne pas un enfant du centre, mais un jeune de Saint-Louis qui a bien voulu participer à mon enquête et répondre à mes questions sur son passé de talibé. Ces entretiens ont duré entre 15 et 25 minutes par enfant. Les enfants interrogés ont été choisis en lien et en accord avec l'équipe éducative. Cette équipe m'a dans un premier temps conseillé de m'adresser aux plus âgés parlant suffisamment bien le français. Ce sont les entretiens n°1 (page 86) et n°2 (page 88). Par la suite, nous avons choisi parmi les enfants, ceux étant susceptibles de raconter facilement leurs vécus, et en même temps, ceux ayant un parcours comme enfant en situation de rue. Enfin, la diversité des parcours était aussi un critère - moindre, mais un critère tout de même - pour choisir les enfants. Ces entretiens, au nombre de 7, ont nécessité l'aide d'un traducteur. L'entretien n°8 (page 98) n'a pas été enregistré. Malgré ma demande, l'enfant a insisté pour qu'aucun enregistrement ne soit fait de notre échange. Les temps de traduction pendant l'entretien ont permis une prise de note assez fidèle des propos exprimés.

Lors de l'entretien, après avoir fait une présentation de l'étude (voir début du guide d'entretien), il est d'abord demandé à l'enfant de raconter son parcours dans la rue. Par la suite, nous sommes revenus en détails sur les différents thèmes du guide d'entretien (disponible en page 85). Il y a d'abord les éléments touchant aux étapes de la carrières de l'enfant (« Contexte avant l'arrivée », « Arrivée dans la rue », « Trajectoire », « Sortie de la rue »). Ces thèmes et les questions qui en découlent sont posés afin d'essayer de mettre à jour le déroulement de la carrière de l'enfant, et de pouvoir ainsi saisir les éléments intervenant dans l'évolution de cette dernière. Nous souhaitons

110 Jean-Claude Kaufmann, L'entretien compréhensif (2ème édition), Paris, Armand Colin, 2007, p. 41

aussi mettre en lumière, de manière plus particulière, les différents contacts que l'enfant a pu avoir dans la rue, que se soit avec ses pairs ou des adultes. Nous l'avons vu, le groupe de pairs est un élément central dans le parcours des enfants en situation de rue, et ce du point de vue de la socialisation et de la dynamique identitaire notamment. Les relations avec les adultes sont également porteuses d'influences potentielles sur les carrières de ces enfants. Il était donc important de les questionner sur ce point. Ensuite, il était important de connaître les activités de l'enfant, et la place qui leur est accordée dans la journée , ainsi que le sens que ce dernier peut éventuellement leur donner. Enfin, nous terminons l'entretien par une temps de parole libre (voir le guide d'entretien), ayant selon nous plusieurs intérêts : si la plupart des jeunes se livrent avec plus ou moins de difficultés sur leur passé, cette question laisse néanmoins à l'enfant la liberté, s'il le souhaite, de parler d'une chose de son choix sur son passage dans la rue. Peut-être que cette question va permettre de faire remonter des points importants, aux yeux de l'enfant ; elle lui laisse aussi l'occasion de compléter son propos s'il pense ne pas avoir pu aller au bout d'une idée lors des échanges précédents ; aussi, cela lui permet de reprendre une idée, s'il juge que cette dernière a été mal comprise ou mal interprétée de notre part.

Lors de nos entretiens, nous avons été confrontés à plusieurs difficultés. D'abord, les conditions des entretiens n'étaient pas toujours faciles. En effet, si ceux avec les grands ont pu se faire dans un lieu extérieur au centre et au calme, la présence d'un traducteur, membre de l'équipe éducative, lors des autres entretiens imposait que ces derniers aient lieu au centre même. C'est d'abord les conditions sonores qui ont été gênantes. En effet, les enregistrements sont parfois émaillés de cris, de claquements de portes, etc. Par la suite, nous avons essayé de remédier à ce problème en plaçant le lieu de l'entretien (toujours autour d'une table comprenant l'enfant, l'éducateur et nous-mêmes) dans un coin, et en limitant autant que faire ce peut le passage d'autres personnes pendant l'entretien. La seconde difficulté est la difficulté de certains enfants à parler de leurs vécus. Certains ont un passé difficile, et il ne leur est pas forcément facile d'y revenir, de s'en remémorer certains détails douloureux. En ce sens, il nous a semblé que parfois, la présence d'un éducateur pour la traduction, a permis une certaine mise en confiance des enfants. Nous ajoutons aussi que l'équipe éducative avait prévenu depuis quelques temps les enfants de la raison de notre présence au centre. Avant de commencer à faire notre enquête, nous nous rendions régulièrement sur place, de manière à ce que les enfants s'habituent à notre présence. Nous avons pris quelques repas avec l'ensemble du centre, participé à quelques activités informelles, et avons aussi proposé des activités de soutiens scolaires à certains d'entre eux, et une journée d'animation pour tout le centre. Selon nous, cette implication volontaire, ce temps passé auprès d'eux à certains moments de la vie du centre, a permis une

certaine libération de la parole de certains enfants, auprès desquels nous avions tenté des discussions informelles sur leur passé sans grands succès. Ces préalables n'ont toutefois pas empêché la retenue (largement compréhensible) de certains des enfants. Enfin, la dernière difficulté a été la langue. Notre maîtrise trop limitée du wolof ne nous a pas permis de poser des questions et de comprendre les réponses apportées par les enfants dans cette langue. Pour les entretiens avec traduction, la procédure était des plus basique : 1) nous posions notre question, ou série de questions en français ; 2) L'éducateur la(les) répétait en wolof à l'enfant ; 3) Celui ci répondait en wolof ; 4) l'éducateur me traduisait sa réponse ; et ainsi de suite. De ce fait, lors d'un entretien, le temps passé à traduire a conduit approximativement à doubler la durée totale. Cela laisse donc moins de temps « efficace » dans cet échange, d'autant que le traducteur se fatiguait rapidement. Avant les entretiens, nous avons expliqué notre démarche, ce qui est recherché, les intérêts des thèmes abordés et des questions posées, ainsi que leurs rôles aux traducteurs. Cependant, il est arrivé lors des entretiens que le traducteur sorte de son rôle et pose directement d'autres questions « hors guide d'entretien » aux enfants. Aussi, il nous semble évident que l'intervention d'un traducteur a eu une influence sur la manière dont l'enfant a reçu mes questions, (a-t-il suffisamment confiance en l'éducateur ? en nous? Sa réponse va-t-elle avoir une influence sur sa vie au centre ?...), et aussi dans la manière dont leurs propos m'ont été rapportés en français. Il est cependant difficile de quantifier cette influence.

N°

Durée

Détails sur l'entretien

Infos sur les
enfants/adolescents

1

21 min

Lieu : extérieur du centre

Ahmed, 18 ans

a passé 6 mois dans la rue

2

13 min

Lieu : extérieur du centre

Cheikh, 16 ans

a passé 1 mois dans la rue

3

26 min

Lieu : au centre Avec traduction

Hassan, 15 ans

4

17 min

Lieu : au centre Avec traduction

Djiby, 13 ans

5

20 min

N'est pas du centre

Lieu : extérieur du centre

Tarik, 20 ans

talibé pendant 10 ans

6

17 min

Lieu : au centre Avec traduction

Mohamed, 10 ans confié à des Baay Fall

7

18 min

Lieu : au centre Avec traduction

Papis, 10 ans

8

20 min

Lieu : au centre Avec traduction Pas d'enregistrement

Aly, 14 ans

9

23 min

Lieu : au centre Avec traduction

Mame, 13 ans

10

28 min

Lieu : au centre Avec traduction

Mamadou, 10 ans

Tableau 2: Aperçu des entretiens réalisés

Nous avons cherché à compléter notre enquête par l'intermédiaire d'une autre source : les dossiers individuels des enfants. Ces dossiers sont ouverts et conservés au centre. Leur contenu est assez aléatoire. Ils contiennent de manière systématique une fiche signalétique sur l'enfant : identité, parenté, résumé (parfois très cours) du parcours de l'enfant. Ces fiches sont principalement basées sur des entretiens individuels effectués avec les enfants par l'équipe éducative. S'y trouve également d'autres documents émanant d'institutions dans lesquelles se trouve ou s'est trouvé l'enfant : bulletins scolaires, rapports de l'AEMO ou du Samu Social, documents d'origine judiciaire, etc. Des rapports de psychologues venus en stage dans la structure sont également présents dans certains des dossiers. Nous n'avons pas été en mesure d'étudier tous les dossiers disponibles, car ils étaient trop nombreux (il y a tous les enfants depuis que le centre existe.) Aussi, nous n'avons pas trouvé suffisamment d'informations dans les dossiers de ceux que nous avons vu en entretien. Nous avons donc lu et pris des notes sur 19 dossiers. Cinq d'entre eux concernaient des enfants que nous avons interrogé.

Nous étayerons notre analyse des résultats par des témoignages issus d'observations et de discussions informelles, que nous avons eu l'occasion de mener lors nos différents passages au centre, ou lors de visites informelles d'autres daaras, ou de discussion avec des personnes travaillant auprès de ces enfants. Ces observations ou ces discussions, étant informelles, n'ont donc pas fait l'objet d'une méthode spécifique, car elles sont soit le fruit du hasard, soit le résultat de notre présence régulière au centre et dans certains lieux que fréquentent les enfants en situation de rue.

L'analyse des entretiens, en cherchant à comprendre les carrières de ces enfants, complétée par les informations fournies dans certains dossiers, ainsi que les quelques éléments plus informels récoltés devraient nous permettre d'esquisser une réponse aux questions qui guident notre recherche.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote