II-2-3- Estimation et test de causalité par
pays
On teste maintenant la causalité entre l'investissement
intérieur, l'épargne intérieure et le crédit
domestique à partir de l'estimation d'un modèle VAR non
structurel car dans la plupart des pays les résultats montrent une
absence de cointegration.
L'hypothèse nulle est l'absence de causalité. Le
test de significativité conjointe des retards de chaque variable est
effectué par la statistique ÷2 (test de Wald). Les
résultats des tests sont présentés dans le Tableau 8. Le
nombre de retard a été déterminé par les
critères d'Akaike et Schwartz. Le retard d'ordre 1 a été
retenu pour toutes les variables et dans tous les pays. Ensuite, afin de
valider les résultats, les différents tests de diagnostic (Test
de normalité, d'hétéroscédasticité et
d'autocorrélation des erreurs) ont été effectués.
Les probabilités de ces
26 Comme le remarque bien Jansen et al.
(1996), l'une des prédictions majeures des modèles
d'équilibre général intertemporel en économie
ouverte est que le solde courant converge vers l'état stationnaire vers
une constante. Ainsi, quoique à court terme, des chocs affectant une
économie puissant faire diverger l'épargne et l'investissement de
leur relation stationnaire, les deux variables la retrouvent certainement
à long terme.
tests sont condensées dans le tableau 9. Il ressort que
les différents modèles utilisés sont biens définis
car les différentes probabilités sont supérieures à
5%. Cependant, si on considère le seuil de 10%, au Mali les
hypothèses d'absence de corrélation sérielle de
Breusch-Godfrey et d'homoscédasticité des erreurs n'ont pas
été rejetées. Ainsi, à 10% le modèle au Mali
n'est pas bien spécifié.
Tableau 8 : Résultats du test de
causalité de Granger basé sur des VAR.
Pays
|
Variable causale
|
|
Variable causée
|
|
I
|
S
|
CR
|
|
I
|
-
|
7,583* (0,005)
|
1,611 (0,204)
|
Bénin
|
S
|
21,388* (0,000)
|
|
0,454 (0,503)
|
|
CR
|
0,010 (0,919)
|
0,211 (0,645)
|
-
|
|
I
|
-
|
0,122 (0,726)
|
4,232*(0,039)
|
Burkina Faso
|
S
|
0,000 (0,991)
|
|
8,032*(0,004)
|
|
CR
|
1,407 (0,235)
|
0,785 (0,375)
|
-
|
|
I
|
-
|
0,315 (0,574)
|
2,259 (0,132)
|
Côte d'Ivoire
|
S
|
0,219 (0,639)
|
|
0,151 (0,697)
|
|
CR
|
2,472 (0,115)
|
0,728 (0,393)
|
-
|
|
I
|
-
|
2,330 (0,126)
|
0,049(0,823)
|
Mali
|
S
|
0,343 (0,558)
|
|
0,112 (0,737)
|
|
CR
|
15,943* (0,000)
|
1,565 (0,210)
|
-
|
|
I
|
-
|
2,559 (0,109 )
|
0,010 (0,917)
|
Niger
|
S
|
0,016 (0,897)
|
|
0,160 (0,689)
|
|
CR
|
2,153 (0,142)
|
0,075 (0,783)
|
-
|
|
I
|
-
|
1,348 (0,245)
|
0,146 (0,702)
|
Sénégal
|
S
|
5,847* (0,015)
|
|
0,892 (0,344)
|
|
CR
|
3,158 (0,075)
|
4,845* (0,027)
|
-
|
|
I
|
-
|
0,071 (0,789
|
0,441 (0,506)
|
Togo
|
S
|
0,732 (0,392)
|
|
0,326 (0,567)
|
|
CR
|
5,001* (0,025)
|
2,487 (0,114)
|
-
|
Note : Les statistiques reportées sont les Chi-2. Les
valeurs entre parenthèses sont les p-values.
(*), Indique le rejet de l'hypothèse nulle de
non-causalité au sens de Granger au seuil de significativité de
5%.
Source : Calculs de l'auteur
Tableau 9 : Résultats des tests de
diagnostic des modèles utilisés.
Pays
|
Test de normalitéde
Jarque-Bera (probabilité)
|
Test d'Homoscédasticitédes erreurs de
White (probabilité)
|
Test de corrélation des erreurs de
Breusch-Godfrey (probabilité)
|
Bénin
Burkina Faso Côte d'Ivoire Mali
Niger
Sénégal
Togo
|
0,519 0,690 0,707 0,270 0,699 0,141
0,802
|
0,171 0,725 0,316 0,079 0,0628 0,278
0,682
|
0,330 0,330 0,235 0,054 0,255 0,527
0,2315
|
Source : Calculs de l'auteur
Les résultats laissent apparaitre qu'il n'existe pas de
relation de causalité entre l'épargne, l'investissement et le
crédit intérieurs en Côte d'Ivoire et au Niger. Au Benin,
il y a une causalité bidirectionnelle entre épargne et
investissement mais aucune relation n'existe entre ces variables et le
crédit intérieur. L'épargne et l'investissement
intérieurs causent le crédit intérieur au Burkina Faso
mais pas de relation entre l'épargne et l'investissement. Dans ce cas,
c'est le volume d'investissement qui stimule la participation des agents sur le
marché du crédit, ce qui facilite la création et
l'expansion des institutions bancaires. Le crédit domestique est source
d'investissement au Mali et au Togo. Quant au Sénégal, la
causalité va dans le sens
crédit-épargne-investissement.
En résumé, dans la plupart des pays de l'UEMOA
(sauf au Bénin et au Sénégal) l'épargne n'est pas
vertueuse car ne précède pas l'investissement. Le cas de la
Côte d'Ivoire, où on a absence de relation linéaire entre
crédit, l'investissement et l'épargne aurait du être
attribuée à la crise politique mais cela a été pris
en compte par l'introduction de la variable muette qui se révèle
non significative. Les résultats viennent confirmer ceux trouvés
aussi par Esso et Keho (2010)27 qui, ont montré que dans la
zone UEMOA le capital est mobile ; ce qui rend l'investissement
indépendant de l'épargne dans la plupart des pays (sauf au Benin,
en Côte d'Ivoire et au Niger). En effet, le capital n'étant pas
mobile en Côte d'Ivoire (Keho, 2010), ce qui fait que les autres pays
n'ont pas profité de l'épargne venant de ce pays malgré sa
situation d'instabilité.
Plusieurs éléments peuvent être
avancés pour expliquer cette incohérence empirique.
Tout d'abord, la faiblesse du taux d'épargne
intérieure dans les pays de l'UEMOA explique peut-être que
celle-ci ne puisse pas être le moteur de l'investissement. Par ailleurs,
la faiblesse des revenus ne permet pas aux populations d'épargner le
surplus de revenus dégagé de la croissance provenant d'une hausse
du niveau d'investissement ; ce surplus servant davantage à satisfaire
les besoins élémentaires.
Ensuite, la non significativité de l'offre de
crédit dans les équations d'investissement et d'épargne
dans la zone pourrait s'expliquer par une insuffisance méme du
crédit, résultant d'un rationnement du crédit tendant
à rendre l'offre inférieure à la demande. En effet, en
présence d'un rationnement du crédit (caractéristique du
marché bancaire de l'UEMOA), il n'est pas possible de valider les
prédictions des modèles théoriques. Cependant,
l'hypothèse
27 Ils ont utilisé la méthode de bound
test de Pesaran et al (2001) et le test de causalité proposé par
Toda et Yamamoto (1995).
d'un rationnement du crédit est difficile à
vérifier car il n'existe pas de statistiques disponibles permettant de
mesurer l'écart entre le crédit demandé et le
crédit accordé.
Enfin, d'autres raisons telles que le faible
développement du système financier, le risque important
lié à l'activité d'investissement font que
l'épargne, méme si elle existe, est plutôt
thésaurisée qu'investie. De plus, comme dans une économie
ouverte, l'investissement intérieur est financé à la fois
par l'épargne domestique et l'épargne étrangère:
l'épargne des agents résidents peut aussi être investie
à l'étranger. Cela est vrai, en particulier dans le cadre d'une
mobilité parfaite du capital. Par conséquent, les
résultats illustrent bien que les pays de l'UEMOA (sauf le Benin et le
Sénégal) sont extravertis et caractérisés par un
degré de mobilité élevé, par ce que
l'investissement domestique n'est pas financé par l'épargne
domestique mais plutôt par l'épargne étrangère.
Par suite, il est important de souligner aussi que la notion
de causalité au sens de Granger, définie habituellement dans le
cadre de la modélisation VAR, repose sur une estimation linéaire
des relations de causalité entre les variables économiques. Par
construction, cette approche ne modélise que des relations
linéaires et par conséquent ne permet pas d'appréhender le
caractère asymétrique et discontinu des relations entre des
variables macroéconomiques. Or, l'absence de causalité pourrait
s'expliquer par l'existence d'effets seuil associé à un
équilibre multiple en liaison avec le développement du secteur
financier. Ces effets seuil introduisent des discontinuités qui ne sont
pas appréhendées par les modèles linéaires. Dans ce
cas, deux équilibres stables sont envisageables : un «
équilibre bas » avec des performances faibles en matière
d'investissement et de mobilisation de l'épargne intérieure et un
« équilibre haut » avec fort taux d'investissement et
d'épargne intérieurs. Entre les deux, il y a un équilibre
instable auquel on associe l'effet de seuil du taux d'épargne sur le
taux d'investissement. En présence d'effets de seuil, il n'est pas
possible également d'exprimer la contribution de l'épargne et du
crédit intérieurs à l'investissement par un modèle
linéaire qui volontairement ignore cette discontinuité.
Pour terminer, notre seconde hypothèse selon laquelle
les sens de causalité entre épargne et investissement sont
identiques en zone UEMOA a été rejetée dans le cadre d'un
modèle linéaire. Cependant peut-on mettre en évidence
l'impact du niveau de développement financier sur la causalité
épargne-investissement ?
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