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Relations entre OPJ et APJ (Officier de Police judiciaire et Agent de Police Judiciaire ): analyse criminologique de la pratique de l' OPJ debout

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par Albert MUTOMBO NGOY BANZE
Université de Lubumbashi école de criminologie - Diplôme d'études approfondies en criminologie 0000
  

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CHAPITRE 3 

ANALYSE CRIMINOLOGIQUE DE LA PRATIQUE

DE L'« OPJ DEBOUT »

Ce chapitre, sans toutefois minimiser les précédents, il se veut essentiel puisqu'il présente les résultats des analyses et interprétations des données réalisées lors de nos investigations empiriques. Il décortique tour à tour l' « OPJ debout » comme un modèle non réglementaire de régulation sociale policière (1), les différentes substitutions de l' « OPJ debout »(2), les oppositions binaires (3), les manoeuvres et les « boules » (stratégies) mobilisées par l' « OPJ debout et OPJ assis ou assermentés »(4), la nature de leur relation (5), le sens qu'ils donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés dans le cadre de leur travail judiciaire : les logiques et les représentations selon les sens de leurs propres expériences (6) et les perspectives de transférabilité de la recherche.(7)

I. L' « OPJ DEBOUT » : UN MODELE PRATIQUE NON PRESCRIT DE REGULATION SOCIALE POLICIERE

Il sera question ici de dégager l'essentiel de la pratique de l' « OPJ debout » qui répond à la finalité de la « justice » ou de la régulation sociale qui consiste à rechercher l'harmonie entre les deux parties en situation problème. C'est l'intérêt de cette recherche qui vise à creuser dans la pratique informelle, ce qui est positif pour le valoriser dans une perspective d'innovation contextuelle.

A ce propos, POULET Isabelle indique ce qui suit :

« Les « secteurs informels » oscillent entre valorisation et disqualification. On valorise l'informel au nom de ses vertus supposées d'expression spontanée d'une forme de créativité, d'innovation ou de résistance au pouvoir contraignant et rigide de l'Etat. L'informel s'explique par un trop de réglementation, un trop d'Etat (...), il ne manque pas des voix pour dénoncer les effets néfastes d'un manque de droit et de contrôle par l'Etat des valeurs d'équité, d'égalité, des droits sociaux qui caractérisent l'Etat. C'est le retrait de l'Etat que l'on dénonce. » (1999 : 153-154)

Par ailleurs, tout ce qui parait non prescrit, alimente l'organisation pour son fonctionnement. C'est dans ce contexte que nous nous sommes intéressé à la pratique de l' « OPJ debout » dans le cadre de régulation sociale. A ce sujet, le même auteur indiqué :

« L'informel s'est étendu avec « la crise » de l'Etat- providence, identifiée dans tous les domaines comme à l'origine de la constitution des « secteurs informels ». C'est là où l'Etat est mis en cause pour l'inefficacité de ses institutions et la faillite de ses modes de régulation que l'on découvre le plus d'informel » (1999 : 155)

Ainsi, le formel ne peut-il se concevoir sans l'informel et ne peuvent pas être opposés, mais complémentaires puisque c'est l'ensemble qu'ils constituent les règles du jeu et se soutiennent mutuellement. Sur terrain, il a été constaté que les pratiques informelles ou non prescrites n'émergent pas du vide, mais tirent leur fondement dans les pratiques prescrites. Et à l'inverse, celles-ci sont soutenues par celles-là pour le fonctionnement de l'organisation. Le même auteur précise :

« Le formel et l'informel ne sont pas si séparés, qu'ils sont au contraire et dans tous ces domaines fortement imbriqués, qu'ils peuvent être complémentaires. » (1999 : 154)

La pratique de l' « OPJ debout » est une médaille qui a ses revers ; c'est-à-dire, ses intérêts et ses pesants. L'on ne peut pas étudier une médaille en tenant compte de la pile sans la face. C'est dans cette perspective que cette recherche embrasse les intérêts et les pesants de la pratique pour des raisons à la fois méthodologique et pédagogique. Toutefois, il ne s'agit pas d'émettre un jugement des valeurs, mais de comprendre la pratique dans toutes ses formes en situant les acteurs dans leur contexte en vue de mieux saisir la réalité selon le sens et les logiques de policiers expérimentant la pratique.

Il sied de remarquer qu'il est aberrant de distinguer la bonne et la mauvaise pratique, tout comme la bonne ou la mauvaise police, le bon ou le mauvais policier puisque c'est le même policier qui pose les actes « louables » comme le secours ou ceux de tension social comme le « Disappro » (s'approprier les biens d'un-quatre par force).

1.1. « BISO TOSALISAKA BANGO NA KUNDELPAIN MPO BAYOKANA »(8(*))

L' « OPJ debout » c'est la pratique de « Kundelpain » (en cachette), puisqu'elle s'opère dans l'ombre « butubutu » (nuitamment) ou pendant la journée à l'insu de l' « OPJ assermenté ». Souvent, elle prend appui sur les règles prescrites comme l'exécution de mandats de justice. Nous en parlerons un peu plus loin. Ici, nous trouvons opportun de présenter les occasions de la pratique et sa description dans toutes ses facettes.

1.1.1. « Le Piquet »

A titre de rappel, le piquet constitue une équipe des policiers en réserve et prête pour l'intervention à toute éventualité. A l'absence de tous les cadres, les éléments de piquet, sous le commandement du chef d'équipe, au lieu de respecter les consignes et la procédure, ils reçoivent les plaintes, perçoivent le « ya makolo » (pour les jambes), frais de plainte et de déplacement. Une fois les formalités remplies, ils vont opérer le « mukwao » c'est-à-dire l'arrestation de l'impliqué ou des personnes impliquées.

Selon les données des entretiens et des observations, plusieurs opportunités se présentent lors de l'exécution de « mukwao ». A titre d'information, en voici les possibilités saillantes :

- Si les éléments du piquet ne sont pas accompagnés de la partie plaignante, ils se sentent à l'aise. Au lieu d'arrêter l'impliqué, ils se transforment en OPJ pour l'auditionner verbalement et se rendre compte de la teneur du problème. Ils négocient avec l'impliqué en lui présentant les inconvénients d'être arrêté à la police. Ils argumentent pour le convaincre de coopérer avec eux afin qu'il reste arranger à l'amiable avec le plaignant en cherchant un intermédiaire parmi les connaissances ou les membres de la famille du plaignant. C'est de cette manière que l'impliqué est persuadé, donne l'argent aux policiers. Parfois, l'initiative vient de la population présente. « Vieux, muishane naye, utalala mu cachot na autatokamo bule » (Mon vieux, autant terminer avec eux, au lieu d'être arrêté, vous n'allez pas sortir du cachot sans avoir payé l'amende).

Surtout si c'est le samedi, les policiers persuadent l'impliqué en ces termes : « aujuwe ya kwamba leo ni samedi, tuishane, kama tunenda naweye, abata kusambisha, plaignant alimupa commandant Franga, billet d'écrou iko na ku chunga ». (Vous oubliez que nous sommes samedi, arrangeons le problème sur place, si nous vous acheminons à la police, vous serez arrêté sans être entendu, le plaignant a donné l'argent au commandant pour vous malmener, votre billet d'écrou est déjà préparé). Ils emportent le « 10 - 25 » (l'argent) et donnent le faux rapport au commandant.

A titre de rappel nous avons parlé du policier « avocat » de l'impliqué. Sur le lieu d'arrestation ou au domicile de la personne à arrêter, les éléments de police peuvent lui demander de l'argent pour qu'ils jouent le rôle d'avocat auprès de l'OPJ qui les a mandatés. Lorsqu'ils rentrent donner le rapport, ils rassurent l'OPJ que le concerné n'est pas là, ou soit il passera demain ou soit encore il y a eu résistance.

- Quelles sont les manoeuvres que les APJ font lorsqu'ils sont accompagnés de la partie plaignante pour opérer le « mukwao » ?

Trois possibilités se présentent dans le cas de la pratique de l' « OPJ debout »

* Pendant le trajet, le chef d'équipe donne les consignes à la partie plaignante. « Il ne faut pas que l'impliqué nous perçoit avec vous, il risque de s'enfuir et nous échapper, votre devoir est de nous indiquer la maison et la personne à distance en vue de faciliter l'opération d'arrestation. Le plaignant reste à un endroit indiqué et attend la suite ».

Lorsque l'équipe arrive au domicile de l'impliqué, le chef d'équipe l'informe que la police est saisie de son problème avec tel et qu'il est venu l'arrêter pour l'acheminer à l'office. Toutefois, il a déjà causé avec le concerné pour que le problème soit arrangé sur place. Il lui demande s'il reconnaît le fait et si il est prêt à négocier pour le résoudre sur place. S'il est d'accord, le chef d'équipe envoie un agent appelé le plaignant et la solution une fois trouvée, les deux parties versent la quote-part aux policiers médiateurs.

A titre d'illustration, ce cas tombe à point :

« MASHIMANGO, menuisier de formation et de métier, a perçu la somme de 300 $ de mains de Mr. MUNGO pour la fabrication d'un salon au plus tard dans deux semaines. Il se passe que Mr. MASHIMANGO n'a pas pu s'exécuter après deux mois depuis leur convention. La police étant saisie par Mr. MUNGO, les piquets se rendent à l'atelier du menuiser. En cours de route, le chef d'équipe demande au plaignant de l'attendre quelque part en vue de faciliter son opération. Sur le lieu, il demande à MASHIMANGO, s'il reconnaît le fait et s'il dispose du montant en question ou d'un bien qu'il peut mettre à la disposition du plaignant pour qu'il lui donne un délai court afin de parachever son salon. MASHIMANGO étant d'accord de remettre son poste téléviseur en couleur plus la magneto, le groupe électrogène et un buffet à titre de gage à MUNGO en attendant qu'il termine son salon. C'est ainsi que le chef d'équipe envoya un de ses coéquipiers appeler le plaignant et l'arrangement fit un succès et les policiers eurent leur part de deux parties. De retour à l'office, le chef d'équipe fait le rapport à l'OPJ que le concerné est absent et le plaignant a trouvé inutile de revenir à l'office. »

C'est un exemple empirique qui illustre une des manières par lesquelles les policiers de piquet en exécutant le mandat de justice, s'instituent en OPJ que nous appelons dans le langage policier « OPJ debout ».

* La deuxième possibilité est celle où le plaignant refuse de rester à distance et accompagne les policiers au domicile de l'impliqué. Sur le lieu, seuls les policiers entrent dans la maison et s'arrangent avec l'impliqué. Celui-ci leur donne leur part et rentrent au bureau présenter le faux rapport à l'OPJ qu'il y a eu résistance. C'est à ce moment que le plaignant profite de l'occasion pour dire à l'OPJ : « Tunamukuta, banabakata milomo, banamwacha » (Nous l'avons trouvé, il les a corrompus et l'on laissé). C'est à de telles occasions que l'OPJ sollicite le mandat au Parquet puisque le bulletin de service n'est pas un mandat de justice, il est informellement utilisé pour cette fin. Chaque fois que l'OPJ envoie les agents avec un bulletin de service, il leur donne cette consigne : « en cas de résistance ou de trouble, il faut replier, utilisez la sagesse et non la violence ». C'est une occasion pour les policiers de « treizer » et de se transformer en « OPJ debout ». Une fois l'arrangement réussi, ils rentrent donner un faux rapport : « il y a eu résistance. »

L'informel et le formel se tiennent et se complètent. Le bulletin de service étant non prescrit, en cas d'échec, l'OPJ recourt au mandat d'amener sollicité au Parquet en vue d'opérer le « mukwao ».

* Une troisième possibilité est celle où dans la maison de l'impliqué, les policiers accompagnés du plaignant, au lieu de procéder à l'arrestation, préfèrent jouer le rôle de médiateur. « Kama munenda ku bureau, we plaignant batakubeba 10%, batakufunga nawemweyewe dju bakule Franga, mwishane tu hapa » (Si nous allons à l'office, même vous plaignant vous allez payer 10%, et vous serez arrêté pour que vous payiez l'argent ».

Sur terrain, le cas suivant issu d'un des entretiens nous a beaucoup intéressé.

« KILUFYA, un commissionnaire des poissons salés à Njanja, sollicite 5 sacs de poissons à Mme KITOMPA d'une valeur de 250 $ à lui verser après la vente. il se passe que Mr. KILUFYA après avoir vendu les poissons, dissipe 100 $ et verse à la responsable 150 $. Mécontente, cette dernière se rend à la police. Après les formalités d'usage, les éléments de Piquet, sous la conduite du chef d'équipe, se rendent au domicile de l'impliqué pour son arrestation, en compagnie de la concernée. Sur le lieu, au lieu de l'arrêter, le chef d'équipe KISULA préfère jouer à la médiation. Il informe la plaignante qu'il est très avantageux de terminer le problème sur place qu'à la police puisqu'elle risque aussi d'être arrêtée et de gaspiller son argent en versant 10% du montant perçu comme frais proportionnel de justice. Il demande à KILUFYA si il peut disposer de la moitié et d'un bien à mettre en gage pour garantir la concernée. C'est ainsi qu'il accepta et désintéressa KITOMPA avec 50 $ en Francs congolais et lui confia sa radio cassette « Simba » d'une valeur de 100 $ à récupérer après épuration. Une décharge fut établie et l'affaire clôturée. Et les deux parties donnèrent aux policiers leur quote part et les deux parties sont satisfaites. »

C'est aussi une autre manière de la pratique de l' « OPJ debout » par la médiation policière. Le rôle du policier ici est d'amener les deux parties à trouver un terrain d'entente pour un arrangement à l'amiable. La visée du policier est la « treizalité normale » conditionnée par l'arrangement à l'amiable. A ce sujet, il ressort du terrain ce qui suit : « Soki batindi biso kokanga moto, tosalaka makasi po bayokana, tosalisaka bango » (Si nous sommes envoyés arrêter une personne, nous nous impliquons pour que les deux parties s'entendent, nous les aidons).

* 8 Nous les aidons dans l'ombre pour qu'ils s'entendent ». Ceci traduit la finalité de la Justice policière qui s'opère dans l'ombre

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote