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Crimes sexuels sur enfants en Indre-et-Loire à  la fin du XIXème siècle

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par Timothée Papin
Université François-Rabelais (Tours) - Master 2 Histoire contemporaine 2011
  

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Conclusion

Dresser le tableau de la répression judiciaire des crimes sexuels sur enfants au XIXème siècle s'avère complexe en raison des mouvements contraires qui l'agitent. Naturellement, toutes les parties - juristes, médecins, magistrats - s'entendent sur le fond, c'est-à-dire la nécessité de défendre un être faible aussi bien physiquement que psychologiquement. Néanmoins, seule la première semble offrir une protection, ou tout au moins une série de sanctions, qui vont toujours dans le sens d'une plus grande reconnaissance de la gravité d'un tel crime perpétré sur une victime aussi dépourvue. Somme toute, il est cohérent que le code pénal serve de fil conducteur à cette répression, car il en constitue le socle indispensable. En premier lieu, il démarque l'enfant de l'adulte, et n'a de cesse d'élargir le champ d'action des magistrats tout en délimitant avec toujours plus de précision les contours de cet être, que ce soit son âge ou sa place au sein de la famille.

Nous sommes typiquement devant un cas de construction sociale par le biais d'une influence supra sociétale. Ce n'est pas un mouvement de fond, porté par une large frange de la population, mais le fait d'un petit groupe de philosophes, politiques, juristes, animés de pensées progressistes. Cela donne l'impression d'une intégration forcée de la société, de ses pratiques et de ses moeurs, dans un moule toujours plus détaillé visant a organiser les relations entre les adultes et les enfants. Car qui dit redéfinition de cette dernière composante dit nouvelles connexions avec celles qui l'entourent. C'est là la seconde fonction du code pénal, qui intervient également par le biais de la répression de faits. Et

les textes agissent à deux niveaux : au premier, ils répriment des faits commis sur un enfant qui ne l'auraient pas été s'ils avaient été perpétrés sur un adulte - ce sont les attentats à la pudeur sans violence. Second point, ils placent le crime sur enfant en haut de l'échelle de la gravité, en punissant plus sévèrement un acte pourtant identique - ce sont les circonstances aggravantes.

Mais on doit considérer qu'en dernier lieu, ces affaires restent jugées à partir de textes, mais bien par des êtres humains aux idées bien moins arrêtées que celles énoncées dans le code pénal. Afin de mieux contrôler leurs jugements, la magistrature se doit d'en resserrer les possibilités par la découverte de preuves scientifiques, qui doivent être estimées indépendamment des préjugés éventuels sur la victime et l'accusé. Ainsi, le juge d'instruction pense pouvoir manipuler le jury et en dicter les décisions en lui apportant sur un plateau une preuve irréfutable. Malheureusement l'expertise médicale se heurte a une multitude de difficultés et de limites qui entachent sa crédibilité auprès des magistrats mais surtout des jurés populaires. La valeur a priori considérable et décisive de l'examen contraste avec la place qui lui est faite lors du procès, et on ne s'étonne pas qu'elle soit si peu suivie.

D'autant plus qu'on offre au jury de larges possibilités pour exprimer son avis, lui qui semble bien souvent décider indépendamment des démonstrations probantes qui lui sont faites. On touche ici les limites de la justice d'État de droit, qui engendre non pas des erreurs a répétition, inhérentes a l'institution, mais bien des décisions qui bien que prises consciemment s'avèrent être contraires a tout esprit d'éthique. La réponse ressemble à une fuite en avant de la part d'une administration judiciaire prête aux plus grandes concessions pourvu que soit stoppée la vague d'acquittements scandaleux qui secoue le pays. Une formule empruntée au garde des Sceaux de 1880 illustre bien cette appréhension, lui qui dit que la justice doit être accomplie « avec une fermeté prudente »335. Fondamentalement, le contrat est rempli, les relaxes sont en baisse, donc le taux de répression augmente et fait office de message d'avertissement a une population dont les moeurs tardent a se mettre en adéquation avec la vision bourgeoise

335Compte général, année 1860 (1862), p. III.

de l'ordre moral. En 1901, le garde des Sceaux ne considère-t-il pas encore les viols et attentats à la pudeur comme des « crimes contre la morale »336 ?

Car c'est bien d'harmonie des moeurs qu'il s'agit avant tout. Sans cesse on le constate, la victime n'est que le prisme par lequel la société entière est outragée. Rarement dans les textes du code pénal et dans ceux du Compte général on trouve une trace de compassion a l'égard de l'enfant agressé. Bien sûr, il n'est pas exclu de toute considération, mais elles sont froides et distantes, comme lorsqu'on a affaire a un être dont on ne connaît pas grand-chose. Peut-être est-ce dû en partie a l'absence de femmes dans un contingent de médecins qui examinent la plupart du temps des victimes de sexe féminin. Et si considération il y a, force est de constater qu'elle a trait aux seuls corollaires physiques des attentats, par le biais des examens médicaux, et non aux conséquences sur le psychisme. On s'intéresse pourtant, de manière mesurée, aux désordres de ce dernier, mais seulement en tant que cause de l'agression - par l'intermédiaire de l'examen mental de l'accusé -, et non comme son résultat. Il faut attendre le début du XXème siècle pour voir l'expertise s'intéresser a la violence morale337.

A présent nous allons effectuer un retour en arrière dans la chronologie des faits, puisqu'après en avoir évoqué leur aboutissement a travers l'instruction et le procès, il nous faut remonter à leur dénonciation.

336 AMBROISE-RENDU, Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2009, n°4, p. 183.

337 CHAUVAUD (2000), p. 109.

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